Méditation de l’abbé Quilliard à la Grotte de Lourdes

La Croix, instrument de notre victoire

« Voulez-​vous me faire la grâce de venir ici pen­dant quinze jour ? dit la belle Dame à Bernadette. La Reine du ciel aurait pu inti­mer un ordre. Elle l’eût peut-​être fait à l’égard d’une fille de roi. Mais elle s’adresse à une fille de meu­nier, elle donne à son com­man­de­ment la forme et l’accent de la prière.

Les minutes de vision que Bernadette pas­sait à la Grotte et qui, à ses yeux valaient un siècle de féli­ci­té, allaient se renou­ve­ler quinze fois. Néanmoins, la Dame sol­li­cite un consen­te­ment. Alors qu’elle comble sa voyante, elle a l’air de lui deman­der un service.

Et parce que l’enfant a pro­mis de venir, si ses parents le lui per­mettent, voi­ci tout aus­si­tôt la récom­pense pro­mise : Je ne vous pro­met pas de vous rendre heu­reuse dans ce monde, mais dans l’autre. » (Michel Gasnier. DS 08 p 25)

En ce monde, Sainte Bernadette connaî­tra toutes les dou­leurs de la Croix. Mais la Croix sera l’instrument de sa vic­toire, de sa sain­te­té, de son bon­heur dans l’autre monde, de sa féli­ci­té au ciel.

Mgr Lefebvre nous le rap­pelle : « La notion de sacri­fice est une notion pro­fon­dé­ment chré­tienne, pro­fon­dé­ment catho­lique. Notre vie ne peut se pas­ser du sacri­fice dès lors que Notre-​Seigneur, Dieu lui-​même, a vou­lu prendre un corps comme le nôtre et nous dire : Prenez votre croix et suivez-​moi si vous vou­lez être sau­vé et qu’Il a don­né l’exemple de la mort sur la Croix, qu’il a répan­du son Sang. Voilà tout le mys­tère de la civi­li­sa­tion chrétienne.

La com­pré­hen­sion du sacri­fice dans la vie quo­ti­dienne, ne plus consi­dé­rer la souf­france comme un mal, comme une dou­leur insup­por­table, mais par­ta­ger ses souf­frances et sa mala­die avec les souf­frances de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, en regar­dant la Croix, en assis­tant à la Sainte Messe qui est la conti­nua­tion de la Passion de Notre-​Seigneur sur le Calvaire. » (Mgr Lefebvre 23 sept. 1979 – DS 08 p 74)

Si nous vou­lons suivre Notre-​Seigneur Jésus-​Christ dans la vic­toire de sa Résurrection et de son Ascension glo­rieuse, il nous faut le suivre ici-​bas sur le che­min de la Croix, en unis­sant nos sacri­fices, nos épreuves, à son sacri­fice de la Croix, au Saint Sacrifice de la Messe.

Appliquons-​nous, au début de la médi­ta­tion de ce cha­pe­let, à bien faire notre signe de la croix. Le pre­mier geste que fit la Très Sainte Vierge Marie, en se pré­sen­tant à Bernadette le 11 février, fut de se signer.

Elle vou­lut s’en réser­ver l’initiative, puisqu’elle para­ly­sa le bras de Bernadette qui vou­lait la pré­ve­nir. Comme si Elle disait : Regardez com­ment je fais et faites comme moi. – Je le fai­sais trop vite - dit Bernadette – j’a été obli­gée de ralen­tir pour suivre le mou­ve­ment de la Dame. Au nom du Père, – et du Fils, – et du Saint-​Esprit. Ainsi-soit-il.

1er Mystère Glorieux, la Résurrection – Fruit du mystère : la Foi.

« De quoi vous entretenez-​vous ain­si en mar­chant ? deman­dait Jésus aux pèle­rins d’Emmaüs. Et ils s’ar­rê­tèrent tout tristes. Tu es bien le seul qui, de pas­sage à Jérusalem, ne sache pas ce qui s’y est pas­sé ces jours-​ci – Ô hommes sans intel­li­gence et dont le cœur est lent à croire… Ne fallait-​il pas que le Christ souf­frît ces choses et qu’il entrât ain­si dans sa gloire ? » (Lc 24, 25)

« Si nous avions la foi, disait Sainte Bernadette, nous ver­rions le Bon Dieu en tout. » (DS 08 p 145)

La mala­die, le deuil même sont per­mis par Dieu pour notre bien. Il nous faut apprendre à y recon­naître le doigt de Dieu.
Quand on annonce à Jésus la mort de Lazarre, son­geant à la résur­rec­tion pro­chaine de cet ami, par son minis­tère, Jésus dit : Je me réjouis à cause de vous, de ce que vous n’étiez pas là, afin que vous croyiez ».

C’est pour sus­ci­ter en nous l’acte de foi que Jésus fait des miracles. Le fait de Lourdes est un preuve apo­lo­gé­tique don­née spé­cia­le­ment à notre temps de la véri­té du catholicisme.

Ô Notre Dame, apprenez-​nous à recon­naître et à aimer l’action de Dieu et de sa Providence en tout ce qui nous arrive.

2e Mystère Glorieux, l’Ascension – Fruit du mystère : le désir du ciel.

« Pendant qu’il les bénis­sait, il se sépa­ra d’eux et il fut enle­vé au Ciel. » (Lc 24, 51) Sainte Bernadette don­nait ce conseil : Aimez bien le Bon Dieu pen­dant votre vie, c’est le plus grand bon­heur que vous puis­siez avoir sur cette terre, et le seul qui nous ren­dra éter­nel­le­ment heu­reux au Ciel.

On deman­dait à Dieu, par l’intercession de la Sainte Vierge, de don­ner la vue à Marie Heurtin, née aveugle, sourde et muette.

Non, je veux res­ter ain­si. Je ne veux pas voir ici-​bas, pour voir d’autant plus de clar­té là-​haut. Je suis contente d’avoir offert à ma bonne Mère du ciel les fatigues de mon voyage et les pri­va­tions de voir les beau­tés de la nature et de la grotte. Par obéis­sance je lui ai deman­dé la vue pour sa gloire ; mais elle ne me l’a pas obte­nu, je reste aveugle, je ne suis pas triste, je suis aus­si bien contente de faire la volon­té du bon Dieu et de la Sainte Vierge avec l’espérance que je ver­rai mieux dans le ciel les splen­deurs éter­nelles du bon Dieu et de la Sainte Vierge.

Quand le Saint-​Sacrement pas­sait devant moi, je sen­tais que le bon Jésus me don­nait des grâces de cou­rage et de rési­gna­tion pour sup­por­ter ma triple infir­mi­té. J’ai quit­té la grotte de Lourdes en pleu­rant et en disant à Marie que je la ver­rai bien­tôt dans le ciel. (DS 08 p 86)

Ô Notre Dame, apprenez-​nous à vivre sur cette terre dans l’espérance et l’attente de la vie éternelle.

3e Mystère Glorieux, la Pentecôte – Fruit du mystère : la docilité à l’action du Saint Esprit dans nos âmes.

« L’amour de Dieu est répan­du dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous est don­né. » (Rm 5, 5)

Je ne vivrai pas un ins­tant que je ne le passe en aimant, pro­met Sainte Bernadette. Celui qui aime fait tout sans peine, ou bien sa peine, il l’aime.

La prin­cesse Alessandra Borghese rap­porte son expé­rience d’assistance aux malades de Lourdes :

Je crois que le mot-​clé du pèle­ri­nage est humi­li­té. Humilité des malades, obli­gés d’exposer leurs maux, leurs dif­for­mi­tés sou­vent. Humilité de notre part, vis-​à-​vis d’eux et entre nous. Nous sommes là pour les malades. Il faut être atten­tif et vigi­lant pour cap­ter les sen­ti­ments des malades, pour répondre à leurs besoins, pour les récon­for­ter, les ouvrir à la foi et à l’espérance.
Quelquefois on m’affecte à la pis­cine. En tant que membres du per­son­nel de ser­vice, avant de com­men­cer notre tra­vail d’assistance, nous réci­tons le rosaire en expri­mant à haute voix nos intentions.

Puis, nous nous concen­trons sur notre devoir, en priant conti­nuel­le­ment avec le cœur pour ceux qui sont venus s’immerger. C’est une huma­ni­té souf­frante qui défile devant nous, des dif­for­mi­tés par­fois telles qu’elles rendent dif­fi­cile le simple fait d’enlever les vête­ments. La misère humaine fait peur à tout le monde. La seule vraie manière de l’accepter est de voir Jésus dans ces corps tor­tu­rés, humi­liés par la mala­die. Ils per­pé­tuent par leur souf­france le Mystère de la Croix.

A la fin du ser­vice, nous aus­si, si nous vou­lons, nous pou­vons nous bai­gner dans cette eau où nous avons aidé toutes sortes de malades à s’immerger. C’est encore un geste d’abandon et de foi.

Lourdes m’apporte tou­jours énor­mé­ment. Je sens que ma foi se renou­velle, ma cha­ri­té se ren­force, mon cœur s’ouvre aux autres et à Dieu. (DS 08 p 77)

Ô Notre Dame, obtenez-​nous de nous lais­ser enflam­mer par le feu ardent de l’Esprit d’amour. Désormais nous ne comp­te­rons plus nos peines.

4e Mystère Glorieux, l’Assomption de la Très Sainte Vierge – Fruit du mystère : la grâce d’une bonne mort.

« La Vierge Marie est éle­vée aux demeures célestes où le Roi des rois trône au-​dessus des étoiles. » (Ant. Vêpres 15 août)
La pen­sée du ciel occu­pait Ste Bernadette sans cesse : Je ferai tout pour le ciel, c’est là ma patrie, là je trou­ve­rai ma Mère dans l’éclat de sa gloire.

Un prêtre écri­vait à une malade : « Notre-​Seigneur n’était-Il pas trou­blé, angois­sé jusqu’à la mort et esseu­lé en sa Passion ? N’est-Il pas allé jusqu’à s’exclamer : quare me dere­li­quis­ti ? – Père, pour­quoi m’avez-vous aban­don­né ? Et c’est pour­tant là l’acte suprême de son amour. Ne recher­chez rien d’autre que cela : conti­nuez à vous offrir comme vous le faites déjà.

Quant à l’instant suprême, où Dieu nous appel­le­ra pour l’ultime ren­contre, il est évident qu’il n’est nul­le­ment entre nos mains. Je ne crois pas qu’il dépende plei­ne­ment de nous d’être alors au som­met de l’amour. Cet ins­tant, ne l’avons-nous pas confié maintes et maintes fois à Notre-​Dame : nunc et in hora mor­tis nos­trae main­te­nant et à l’heure de notre mort… Nous l’avons confié. Laissons-​le Lui, et ne nous occu­pons que du pré­sent, per­sua­dé que l’arbre tombe du côté où il penche, et que ce qui fait l’inclinaison de nos âmes n’est rien d’autre que l’Amour. » (DS 08 p 84)

Ô Notre Dame, donnez-​nous de vous aimer d’un véri­table amour filial, de tout faire pour vous plaire et pour vous trou­ver un jour dans la patrie céleste.

5e Mystère Glorieux, le Couronnement de Notre-​Dame – Fruit du mystère : une grande dévotion à Marie.

« Nous n’avons qu’une chose à faire, c’est de beau­coup prier la Sainte Vierge, afin qu’elle veuille bien inter­cé­der pour nous auprès de son Fils. » Ainsi Bernadette résu­mait la vie chrétienne.

Le Cardinal Pie disait : « L’espérance chré­tienne, cette attente du ciel est cette ferme confiance que nous y arri­ve­rons avec le secours d’en-haut. C’est encore Marie qui est le plus puis­sant sou­tien de cette ver­tu, c’est elle qui nous la rend douce et facile. L’Église la nomme à juste titre la mère de la sainte Espérance : Ego mater sanc­tae spei. (Eccli. 24, 24)

Il semble qu’il n’y a rien de plus facile, parce qu’il n’y a rien de plus doux, que d’espérer. Cependant nous sommes tou­jours sur la pente du décou­ra­ge­ment et du désespoir.

Que de fois entre le déses­poir et notre âme il n’y a que l’intervalle d’un Souvenez-​vous, ô très douce Vierge Marie ! La der­nière forme que puisse prendre l’acte d’espérance, c’est le Memorare, O piis­si­ma Virgo.

Cela est vrai dans une infi­ni­té de cir­cons­tances ; cela est vrai sur­tout dans ces ter­ribles anxié­tés que nous conce­vons par­fois concer­nant la grande affaire de notre salut, de notre pré­des­ti­na­tion. Qui peut dire : Je suis du nombre des élus ?

Toute la Tradition des Pères et des doc­teurs nous répond : celui qui aime Marie. La tendre dévo­tion à Marie est la marque la plus cer­taine de salut. Toux ceux qui appar­tiennent à Marie, appar­tiennent à Jésus.

Oui, vrai­ment, ô Marie, c’est par vous que nous avons l’espoir, que nous avons la confiance d’arriver à pos­sé­der votre Fils. De tous les habi­tants de la gloire on peut dire : Ils trou­vèrent l’enfant avec Marie sa Mère.

Travaillez donc, chré­tiens, cela ne tient qu’à vous, tra­vaillez en aimant beau­coup Marie, en ser­vant fidè­le­ment Marie, à rendre votre pré­des­ti­na­tion cer­taine. » (DS 08 p 84)

« Très noble Reine du monde, Marie tou­jours vierge, obtenez-​nous la paix et le salut, vous qui êtes la mère du Christ Seigneur, le Sauveur de tous les hommes. » (Communion de la Messe de Marie Reine)

Mot de conclusion : résolution de fidélité à la récitation du chapelet

Le Père Maximilien Kolbe expli­quait le secret de son apostolat :

En ce qui concerne la conver­sion des âmes, il n’y a que par Marie et pas autre­ment que nous pour­rons y par­ve­nir. Dieu, dans sa bon­té infi­nie, a consti­tué sa Mère très sainte tré­so­rière de toutes les grâces, et c’est seule­ment par elle qu’elles se déversent sur le monde. Il est nor­mal de deman­der ces grâces à Dieu, cepen­dant il faut le faire par l’intermédiaire de l’Immaculée. (DS 04 p 139)

Le 26 décembre 1957, Sœur Lucie disait au Père Fuentes : La très Sainte Vierge, en ces der­niers temps que nous vivons, a don­né une effi­ca­ci­té nou­velle à la réci­ta­tion du Rosaire. De telle sorte qu’il n’y a aucun pro­blème, si dif­fi­cile soit-​il, tem­po­rel et sur­tout spi­ri­tuel, se réfé­rant à la vie de cha­cun de nous, de nos familles, des familles du monde ou des com­mu­nau­tés reli­gieuses ou bien à la vie des peuples ou des nations, il n’y a aucun pro­blème, dis-​je, que nous ne puis­sions résoudre par la prière du saint Rosaire.

Avec le saint Rosaire, nous nous sau­ve­rons, nous nous sanc­ti­fie­rons, nous conso­le­rons Notre-​Seigneur et obtien­drons le salut de beau­coup d’âmes.

Prenons donc, en ce mois d’octobre, à l’occasion de ce pèle­ri­nage à Lourdes, la réso­lu­tion de réci­ter chaque jour notre cha­pe­let, et si nous en avons déjà la bonne habi­tude, le rosaire tout entier. Ce fai­sant, nous répon­drons aux demandes répé­tées du ciel, et nous espé­rons hâter l’heure du triomphe du Cœur Immaculé de Marie.

Abbé Jean-​Baptiste Quilliard

D.S. 08 = Dossier Spirituel du Pèlerinage de Pentecôte 2008
D.S. 04 = Dossier Spirituel du Pèlerinage de Pentecôte 2004