Contrairement à ce qui peut se dire ici ou là, nous ne sommes pas des gens du passé. Nous ne vivons pas dans le passé, même si nous vivons de ce que le passé nous a transmis.
Notre Seigneur Jésus-Christ a passé son existence terrestre il y a deux mille ans en Palestine. Mais nous ne vivons pas dans le souvenir historique, dans la nostalgie de ces événements anciens. Car Notre-Seigneur est aujourd’hui bien vivant. Il vit et règne dans les cieux, à la droite du Père, où il intercède à chaque instant pour nous.
Et nous vivons auprès de lui et pour lui dans son Église, notamment à travers les sacrements qu’il nous a laissés afin que nous les célébrions « en mémoire de lui ». « Pierre te baptise, c’est le Christ qui te baptise ; Paul te baptise, c’est le Christ qui te baptise ; Judas te baptise, c’est encore le Christ qui te baptise », nous rappelle saint Augustin en s’appuyant sur le puissant réalisme de l’Incarnation toujours actuellement rédemptrice.
C’est évidemment dans le sacrifice de la messe que nous vivons spécialement avec Jésus présent et offrant actuellement son sacrifice. Comme le disait avec une foi magnifique saint Louis, que l’on pressait de courir voir une apparition : « A quoi bon, car j’ai Jésus toujours près de moi dans l’Eucharistie !»
Notre ville sainte est donc Rome, où depuis deux mille ans bat le cour de l’Église. C’est la ville du présent et de l’avenir, car c’est la ville du salut actuel. Est-ce à dire que nous puissions négliger, voire mépriser les lieux historiques où le Sauveur du monde est né, où il a vécu, où il a souffert, où il est mort, où il est ressuscité, d’où il est monté aux cieux ? Ce serait bien grande impiété. Le mariage est une réalité humaine et surnaturelle qui se vit chaque jour, par la pratique humble et concrète du devoir d’état, irrigué des grâces actuelles du sacrement.
Est-ce à dire que les conjoints devraient mépriser ou oublier les lieux, les moments où cet amour a commencé, où il s’est déclaré, où il s’est affermi ? A Dieu ne plaise ! Les lieux sanctifiés par la présence du Seigneur Christ, Bethléem, Nazareth, le Jourdain, Béthanie, et bien sûr Jérusalem, sont précieux aux yeux de tous les chrétiens, parce qu’ils nous rappellent l’amour immense de Dieu pour nous.
En parcourant ces lieux, nous ne pouvons que redire après saint Paul, dans l’élan de notre reconnaissance : « Il m’a aimé et s’est livré pour moi. » Nos pères dans la foi, qui vivaient si intensément de la présence du Christ dans l’Eucharistie, dans l’Église, dans l’âme de chaque baptisé en état de grâce, n’ont pas hésité à abandonner femme, maison, richesse, confort, santé, pour aller souffrir et mourir au loin. Ils le firent uniquement pour délivrer le Tombeau du Christ des mains des barbaresques, et avoir le loisir de venir paisiblement et amoureusement en pèlerinage suivre les traces de Jésus.
Il est donc plus que légitime, il est normal, il est presque obligatoire pour un catholique de connaître et d’aimer la Terre sainte. Si Rome est aujourd’hui sa patrie spirituelle, Jérusalem est le lieu où le salut s’est historiquement réalisé. Ce dernier mot, « historiquement », est une raison supplémentaire de s’intéresser à la Palestine actuelle. Notre foi repose sur des faits historiques concrets, solidement attestés.
Nos ennemis le savent bien, qui profitent de la vogue de l’archéologie, ainsi que de la domination des non-chrétiens sur la Terre sainte, pour essayer de miner ces fondements de notre foi, ou du moins de semer le doute dans les esprits. Nous avons une pleine confiance dans les résultats d’une science authentique (car « le vrai ne peut être le contraire du vrai », nous dit saint Thomas).
Mais nous devons nous mettre en garde contre les falsificateurs de l’histoire. C’est donc à une découverte amoureuse des reliques du Christ, des lieux mêmes où il a vécu, que ce dossier sur la Terre sainte nous invite.
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France
Source : Fideliter n° 180