L’horreur du vide : la charia progresse toutes les fois que l’Église recule

Un prin­cipe de la phy­sique médié­vale, venu d’Aristote, affir­mait : « La nature a hor­reur du vide. » Si ce pos­tu­lat a été ren­du caduc dans l’ordre phy­sique par le pro­grès des sciences, il prend en revanche toute sa signi­fi­ca­tion dans l’ordre moral et psychologique.

L’homme est fait pour connaître le vrai, aimer le bien, et agir selon ce vrai et ce bien. Mais comme sa nature a « hor­reur du vide », si on ne lui enseigne pas le vrai, si on ne lui pro­pose pas le bien, il risque de s’at­ta­cher à l’er­reur et de dési­rer le mal.

Or les nations chré­tiennes se sont détour­nées de leur iden­ti­té propre pour s’a­ban­don­ner à toutes les aber­ra­tions. Il faut alors com­bler le vide que laisse la décrue de la pré­sence chré­tienne. En cer­tains pays, comme ceux de l’Amérique du Sud que je connais bien, c’est l’a­van­cée des sectes. En France, mal­heu­reu­se­ment, c’est plu­tôt l’is­lam qui en profite.

L’expérience le démontre : la cha­ria pro­gresse toutes les fois que l’Église recule. Il y a quelque temps, un publi­ciste a lan­cé l’i­dée que des églises parois­siales soient trans­for­mées en mos­quée. Cette ini­tia­tive a sus­ci­té un juste tol­lé. Pourtant, il faut avouer qu’il n’y avait dans cette pro­po­si­tion pro­vo­cante qu’un signe avant-​coureur d’une tra­gique réa­li­té à venir. Car si les églises sont vides tan­dis que les mos­quées de for­tune sont pleines, par un obli­ga­toire effet de vases com­mu­ni­cants les églises fini­ront par deve­nir des mosquées.

Le pape François, pour sa part, estime que ce sont « les reli­gions » qui seraient sus­cep­tibles de recons­truire une civi­li­sa­tion. Cependant, ajou­ter l’er­reur reli­gieuse à d’autres erreurs ne fera jamais une véri­té. Une nour­ri­ture appa­rente, chi­mé­rique, fic­tive, un « ersatz », n’a jamais nour­ri per­sonne. La « reli­gion » musul­mane va-​t- elle donc recons­truire la civi­li­sa­tion euro­péenne ? Sûrement pas !

La solu­tion est claire. Notre-​Seigneur Jésus-​Christ nous l’a don­née : « Je suis la Voie, la Vérité, la Vie » (Jn 14, 6). Il n’y a donc pas d’autre nom sous le ciel pour être sau­vé que le nom de Jésus (cf. Ac 4, 12). Ceci concerne aus­si bien les indi­vi­dus que les socié­tés, y com­pris les socié­tés poli­tiques. Seule la foi catho­lique, la vraie foi catho­lique, dans toute sa véri­té et sa cha­ri­té, est le remède à la crise que tra­verse la civilisation.

Un réel retour à la foi et à la vie catho­liques sau­ve­rait les âmes des hommes, mais elle sau­ve­rait éga­le­ment l’âme de leurs pays. Elle contri­bue­rait puis­sam­ment, en effet, à la pré­ser­va­tion du patri­moine humain, natu­rel, cultu­rel, qui fait la gran­deur d’une civi­li­sa­tion humaine, comme la civi­li­sa­tion fran­çaise. Et toute autre voie est une impasse.

Le pape François nous objecte, cepen­dant, dans son récent livre Politique et socié­té, que « la poli­tique au XVIe siècle était trop catho­lique ; [mais] le « trop » nous fait du mal » (p. 135). Le vrai et le bien, cepen­dant, ne peuvent être « trop vrai » et « trop bien » : on peut seule­ment dire que, quel­que­fois, les hommes ne tiennent pas suf­fi­sam­ment compte des condi­tions et des cir­cons­tances pour que ce vrai soit pro­cla­mé adé­qua­te­ment, pour que ce bien soit recher­ché comme il convient.

Il est absurde d’af­fir­mer que la poli­tique, au XVIe siècle comme à n’im­porte quel siècle, aurait été « trop catho­lique » (en véri­té, elle ne l’est jamais assez, comme aucun de nous n’est jamais assez chré­tien). Mais il est juste de recon­naître, ce qui n’est pas la même chose, que dans telle cir­cons­tance pré­cise, la poli­tique, même menée avec de bonnes inten­tions, a pu ne pas être adé­quate pour ce moment pré­cis, ne pas tenir assez compte de l’é­tat des choses et des hommes, et que cette poli­tique a donc pu abou­tir à l’ef­fet inverse de celui recherché.

Mais aujourd’­hui, disons-​le tout de go, la prio­ri­té n’est cer­tai­ne­ment pas de frei­ner le zèle d’hommes poli­tiques sus­cep­tibles d’ap­pli­quer de façon un peu trop rigide, au vu des cir­cons­tances, une poli­tique ins­pi­rée de l’Évangile. Elle est, au contraire, de défendre, d’illus­trer et de pro­mou­voir l’i­dée d’une poli­tique fran­che­ment catho­lique, pour le salut des indi­vi­dus et des socié­tés : en un mot, cou­ron­ner à nou­veau Notre-​Seigneur, et le remettre au centre de tout.

Abbé Christian Bouchacourt †, Supérieur du District de France de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Sources : Fideliter n° 239 de septembre-​octobre 2017

FSSPX Second assistant général

Né en 1959 à Strasbourg, M. l’ab­bé Bouchacourt a exer­cé son minis­tère comme curé de Saint Nicolas du Chardonnet puis supé­rieur du District d’Amérique du Sud (où il a connu le car­di­nal Bergoglio, futur pape François) et supé­rieur du District de France. Il a enfin été nom­mé Second Assistant Général lors du cha­pitre élec­tif de 2018.

Fideliter

Revue bimestrielle du District de France de la Fraternité Saint-Pie X.