Il existe une attitude fréquente parmi nous, et pourtant profondément absurde : c’est lors que nous avons honte d’être chrétiens. On appelle cela le respect humain.
Car qui a honte d’être en bonne santé ? Qui a honte d’avoir un métier intéressant et bien payé ? d’avoir une famille aimante ? Personne, évidemment. Au contraire, nous sommes fiers de nos richesses naturelles (la santé, la vie professionnelle, la famille), et nous avons même tendance à les exhiber.
Par quelle bizarrerie de l’esprit humain, alors, se fait-il que des richesses surnaturelles qui sont les nôtres, la foi catholique, la grâce divine, nous puissions avoir honte ? nous puissions rougir ? C’est incompréhensible, et pourtant c’est un mal trop répandu parmi les chrétiens.
Le défaut, le vice qui devrait nous menacer, logiquement, ce ne devrait pas être la honte, mais plutôt la vantardise, l’orgueil. Si je suis l’ami intime d’un roi, d’un homme politique, d’une star du cinéma ou de la chanson, d’un sportif célèbre, j’ai envie de le proclamer sur tous les toits : pourquoi, alors que je suis l’ami de Jésus-Christ, Fils de Dieu, Roi des rois et Seigneur des seigneurs, ai-je plutôt tendance à m’en cacher ? Le respect humain est en soi la chose la plus bête et la plus inconvenante : et cependant, il nous paralyse chaque jour.
Que craignons-nous ? Un sourire en coin, une plaisanterie un peu piquante, une remarque acide ? Cela n’a jamais tué personne. Dans nos pays occidentaux, le fait de se manifester comme chrétien n’expose que bien rarement à des conséquences plus graves. Les chrétiens d’Orient, eux, qui vivent sous le joug de l’islam, sont exposés à des humiliations, à des arrestations, voire à des assassinats. Mais voyez comme ils réagissent : ils se manifestent publiquement comme chrétiens, par leurs vêtements, par des croix et des médailles ostensibles, voire par des tatouages du Christ ou de la Vierge.
Le plus ridicule en somme, c’est que nous espérons n’être pas reconnus comme chrétiens, alors que nos relations, nos collègues de bureau savent en réalité très bien qui nous sommes. Ils ont senti, à certaines attitudes ou paroles qui nous ont échappé, que quelque chose de spécial nous habitait, et n’ont pas tardé à faire le lien avec notre appartenance religieuse.
Et même, ces collègues de bureau, dont nous craignons qu’ils se moquent de nous (cela arrive quelquefois, mais ce n’est pas un bien grand martyre), attendent de nous, au moins pour certains, que nous les éclairions, que nous répondions à leurs questions, explicites ou implicites. Ils sont déçus, et ont raison de l’être, si lâchement nous nous taisons dans une conversation où, à l’évidence, un chrétien comme nous aurait dû intervenir.
Il n’y a donc qu’une seule solution pour l’honneur de Notre-Seigneur, pour notre propre salut, pour le bien des âmes que nous côtoyons : inverser la vapeur et retrouver, avec la grâce de Dieu, la tranquille et humble fierté d’être catholique. Exprimons notre foi en chaque circonstance où cela est utile, sans crainte infondée, sans fausse pudeur, sans circonvolution. Le monde a besoin de la lumière de Jésus-Christ, et nous n’avons pas le droit de la cacher sous le boisseau.
Nos pères le firent, et c’est ainsi qu’ils édifièrent la chrétienté, ces villes et ses villages où l’église trônait au centre, élevant son clocher bien au-dessus de toutes les maisons pour appeler les hommes à la prière ; où des cathédrales somptueuses éblouissaient le passant, lui chantant la gloire du Dieu trèshaut ; où des calvaires parsemaient les chemins et les carrefours pour honorer la passion du Christ ; où tant de prêtres portant la soutane comme un étendard, tant de religieux et de religieuses en habit emplissaient les rues et faisaient souvenir à chacun de sa destinée éternelle.
Ne cachons pas honteusement notre foi, n’ayons pas peur de la manifester, pour ne pas mériter la condamnation du Christ : « Si quelqu’un rougit de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme rougira de lui lorsqu’il viendra dans sa gloire » (Lc 9, 26). Retrouvons ce débordement de joie d’être sauvés par la grâce du Christ, et de l’exprimer tout simplement et à propos. Comme le dit saint Ignace, si le soldat parle spontanément de la guerre, si le marchand parle de son commerce, et l’amoureux de celle qu’il aime, il serait normal que le chrétien parle facilement de son ami, de son bienfaiteur, de son rédempteur, de son Dieu, de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Plus la lumière luit, plus les ténèbres reculent ; plus la vie catholique rayonnera publiquement, plus les ombres de l’apostasie disparaîtront. Faisons donc revivre en nous cette fierté simple d’être catholiques : « Je suis chrétien, voilà ma gloire, mon espérance et mon salut ; mon chant d’amour et de victoire, je suis chrétien, je suis chrétien. »
Abbé Christian Bouchacourt †, Supérieur du District de France de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : Fideliter n° 331 de mai-juin 2016