« Dignare me laudare te Virgo sacrata ; Da mihi virtutem contra hostes tuos. »
« Laissez-moi vous louer, Vierge sainte, Donnez-moi force et courage contre vos ennemis. »
Chers Amis et Bienfaiteurs,
’événement qui a dominé ces derniers mois la vie de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X a été sa consécration à la Très Sainte Vierge. Cet acte doit, dès maintenant, devenir chaque jour une réalité vécue : chanter sans cesse Sa louange, s’élancer sous Son étendard dans les combats contre les ennemis de Dieu, écraser la tête du laïcisme et du libéralisme diaboliques, accomplir Son œuvre de renouveau de l’Eglise à Son image originelle et la reconstruction d’une civilisation chrétienne : voilà notre mission, à cela vont nos désirs, en cela consiste notre honneur.
Dans quel but avons-nous mené le combat pendant ces quinze ans d’existence de la Fraternité ? Une préoccupation toute spirituelle nous a fait résister, appuyés sur l’aide de la grâce de Dieu, à un monde entier d’ennemis : le libéralisme avec son père et son fils, à savoir le protestantisme et le socialisme ; nous avons dû faire front aux puissants de la terre et aux responsables même de l’Eglise ; ceci non par caprice ou exaltation orgueilleuse de nous-mêmes, mais en vertu d’un devoir sacré envers Dieu. Ce ne sont ni des divergences concernant des formes extérieures, ni des malentendus humains, ni des maladresses diplomatiques qui ont conduit à notre apparente condamnation ; seul le maintien infléchissable de notre attachement aux droits royaux de la vérité, seule notre défense de la foi catholique et de ses trésors les plus sublimes, le Saint Sacrifice de la Messe et le Sacerdoce de Jésus-Christ, seuls nos efforts pour transmettre et entretenir la vie de Dieu dans les âmes ont provoqué la colère de nos adversaires.
Et par conséquent, l’abolition du scandale répandu dans l’Eglise n’est pas une question d’habileté politique, ni le problème de trouver une formule équivoque qui satisfasse tout le monde ; seuls la cessation de l’occupation étrangère, la condamnation des principes libéraux destructeurs, le retour sans condition à la tradition sont le chemin voulu par Dieu et correspondant à la dignité de l’Eglise. Il ne s’agit pas en premier lieu de notre œuvre, relativement modeste, il s’agit du Corps mystique du Christ lui-même ; et c’est ainsi que nous voulons, comme hommes d’Eglise, mener le bon combat, conserver la foi et ainsi, avec le plus possible d’âmes, obtenir la couronne de la vie éternelle.
Une solution pratique, qui consisterait en la reconnaissance du droit pontifical à la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, avec le statut de prélature personnelle, suppose donc qu’une solution des questions primordiales qui se posent à l’intérieur de l’Eglise aille de pair. Or il semble que nous en soyons encore bien loin ; on est loin de constater chez les responsables de Rome une intervention énergique à la manière d’un saint Pie X :
– Le Cardinal Ratzinger, dans son exposé sur la soit-disant théologie de la libération, en date du 6 août 1984, met en évidence la perversité et la tendance révolutionnaire de tout ce système ; mais aujourd’hui on commence déjà à parler aussi des aspects positifs de la théologie de la libération, et les théologiens Boff et Gutierrez vont continuer à semer dans toute l’Amérique latine la semence de la lutte des classes.
– Le 3 octobre, la Congrégation romaine pour le Culte divin redonne la liberté de célébrer la Sainte Messe traditionnelle, mais en adjoignant à cette permission des conditions inacceptables pour tout catholique fidèle.
– Dans l’interview qu’il donne à la revue italienne « Jésus », le Cardinal Ratzinger montre ouvertement les plaies de l’Eglise : négation de la divinité de Notre Seigneur à l’Ouest, immoralité en Amérique du Nord, théologie marxiste de la libération en Amérique du Sud, enfin en Afrique et en Asie l’inculturation ramenant au paganisme ; mais en même temps, il se prononce avec des louanges sur les fruits de deux cents ans de libéralisme : purifiés, l’Eglise les aurait assimilés dans les années soixante.
Quelle différence avec le jugement de Pie IX dans l’Encyclique Quanta Cura : « …Et de fait, vous le savez fort bien, Vénérables Frères, il s’en trouve beaucoup aujourd’hui pour appliquer à la société civile le principe impie et absurde du naturalisme, comme on l’appelle, et pour oser enseigner que « le meilleur régime politique et le progrès de la vie civile exigent absolument que la société humaine soit constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la religion que si elle n’existait pas, ou du moins sans faire aucune différence entre la vraie et les fausses religions… » A partir de cette idée tout à fait fausse du gouvernement des sociétés, ils ne craignent pas de soutenir cette opinion erronée, funeste au maximum pour l’Eglise catholique et le salut des âmes, que Notre prédécesseur Grégoire XVI, d’heureuse mémoire, qualifiait de « délire », savoir que « la liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme ; qu’il doit être proclamé et garanti par la loi dans toute société bien organisée ; et que les citoyens ont droit à l’entière liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions quelles qu’elles soient, par les moyens de la parole, de l’imprimé ou tout autre méthode, sans que l’autorité civile ni ecclésiastique puisse lui imposer une limite »… Au milieu donc d’une telle perversité d’opinions corrompues, Nous souvenant de Notre charge apostolique, dans Notre plus vive sollicitude pour notre très sainte religion, pour la saine doctrine et pour le salut des âmes à Nous confiées par Dieu, et pour le bien de la société humaine elle-même, Nous avons jugé bon d’élever à nouveau Notre voix apostolique. En conséquence toutes et chacune des opinions déréglées et les doctrines rappelées en détail dans ces lettres, Nous les réprouvons, proscrivons et condamnons de Notre autorité apostolique ; et Nous voulons et ordonnons que tous les fils de l’Eglise catholique les tiennent absolument pour réprouvées, proscrites et condamnées. »
A quel point l’esprit mauvais dénoncé par le Pape Pie IX a parrainé la réforme liturgique, cela se manifeste avec évidence dans une publication du Service de presse de la Conférence épiscopale allemande du 19 octobre 1984. On y lit : « La différence principale entre l’Ordo Missae préconciliaire et celui qui a été renouvelé peut être mise en évidence le plus simplement peut-être par les premiers mots par lesquels commencent ces deux Ordo. L’Ordo de la messe tridentine commence par les mots « sacerdos paratus », c’est-à-dire « quand le prêtre a revêtu les ornements » ; l’Ordo Missae renouvelé commence par les mots : « populo congregato », c’est-à-dire « quand la communauté s’est rassemblée ». Par là, il est clair que l’ancien rite de la messe mettait l’accent exclusivement sur l’action du célébrant, tandis que l’Ordo Missae renouvelé met en avant l’action commune du peuple de Dieu, au sein de laquelle le célébrant exerce une fonction essentielle et intouchable. De cette différence intérieure découlent la plupart des différences extérieures des deux Ordo. »
Et c’est justement pour cette raison-là que le nouveau Droit Canon, avec son hospitalité eucharistique, avec sa notion protestantisante du « peuple de Dieu » et l’affirmation que l’Eglise de Dieu « subsiste dans » l’Eglise catholique, est pour nous inacceptable, sauf dans le domaine purement disciplinaire.
A quel point le travail de sape par les forces anti-catholiques a déjà progressé, un dignitaire haut placé du Vatican le faisait comprendre il y a quelques semaines à Mgr Lefebvre dans un entretien. Il l’informait, avec des détails qui vont assez loin, sur tout le réseau de la conjuration, dans lequel sont inclus non seulement des membres de la Curie, mais encore des nonciatures, et qui touche même des gouvernements de certains pays de l’Ouest.
Peut-être à cause de nos péchés n’avons-nous pas mérité jusqu’à présent une amélioration de la situation… C’est donc la pure miséricorde de Jésus crucifié si nous pouvons voir depuis maintenant quinze ans le miracle permanent de la fondation de monastères et de couvents, spécialement en France, la cristallisation de groupes de prières et d’organisations de jeunes gens, l’extension de notre Fraternité Sacerdotale, implantée dans dix-huit pays sur quatre continents. Deux exemples font voir la faim et la soif d’un peuple fidèle après les vérités et les biens du salut. A Santiago du Chili, Mgr Lefebvre a donné le sacrement de confirmation, en une seule cérémonie, à 1200 enfants il y a trois mois. Aux Etats-Unis, selon un sondage de l’Institut Gallup en novembre 1984, 53% des catholiques assisteraient à la Sainte Messe traditionnelle dans des conditions favorables de lieu et de temps !
C’est seulement grâce à votre soutien généreux que de nouvelles fondations au Mexique, en Colombie, en Afrique du Sud, au Portugal et en Hollande ont été possibles l’automne dernier. Depuis lors, elles portent des fruits abondants. Ainsi, six jeunes gens de Colombie candidats au sacerdoce vont-ils entrer au mois de mars au Séminaire d’Argentine. Et quel besoin l’Eglise a‑t-elle aujourd’hui de prêtres forts dans la foi, généreux dans le sacrifice, priant de toute leur âme ! Déjà aujourd’hui une messe est célébrée à chaque heure sur la terre par les prêtres de la Fraternité (sans compter les autres prêtres fidèles des diocèses et des monastères) selon l’antique et vénérable rite, porteur de grâces et de bénédictions. Cela vous aide certainement à mieux porter votre croix en union avec l’Homme-Dieu sacrifié sur nos autels. Et c’est encore cette année que de nos quatre séminaires, pour la première fois, trente jeunes hommes vont monter à l’autel de leur ordination. Mais d’autre part, combien d’appels à l’aide nous parviennent chaque jour, non seulement d’Europe, mais aussi d’Afrique, d’Amérique du Sud, des Indes, du Japon, de Nouvelle Zélande. Sans optimisme exagéré, nous pouvons compter sur un doublement des membres et des implantations de la Fraternité dans les cinq ans à venir. Mais pour cela, nous avons besoin de la bénédiction du Ciel : en sont une, et non des moindres, vos dons cléments, tant spirituels que matériels !
Permettez-moi en ceci de reprendre l’appel de Saint-Pie X, alors évêque de Mantoue, en faveur de son séminaire : vous l’appliquerez à nos séminaires, à nos écoles, à nos maisons de retraites et à nos prieurés !
« Si l’Eglise ne peut exister sans sacerdoce qui est une de ses parties intégrantes, et si le sacerdoce ne peut continuer sans la formation de clercs, ne devons-nous pas déployer toutes nos forces pour aider le séminaire, l’institut pour la formation sacerdotale, afin qu’il atteigne de nouveau un état florissant ? Je ne vous demande rien d’impossible, mais seulement ce que vous possédez : du cœur et de la charité. Je sais que vous avez peu d’argent ; mais je sais aussi que vous êtes nombreux : beaucoup de grains donnent un tas, et beaucoup de gouttes font la pluie…
« N’y a‑t-il pas des églises désertes, des autels abandonnés, des chaires muettes, des confessionnaux vides, parce qu’il manque de prêtres qui pourraient accomplir ce service sublime ? N’y a‑t-il pas des jeunes gens qui grandissent sans connaître ce qui est nécessaire pour le salut éternel ; des affligés qui attendent en vain un consolateur ; des mourants qui doivent commencer le long voyage sans assistance sacerdotale ? Sion est déserte, parce qu’il n’y a personne pour appeler les fidèles aux fêtes du Seigneur. Ne croyez pas que je veuille vous faire des prescriptions ou vous imposer de durs sacrifices. Si je vous demande une aumône, je le fais avec l’humilité d’un mendiant. Je n’ai qu’une demande : aimez le séminaire ! Cela seul suffira déjà pour que votre évêque puisse accomplir des miracles.
« Aimez le séminaire ! Alors le désir de votre évêque sera pour vous un ordre. Que personne ne donne comme prétexte la pénurie de ses biens, la pauvreté de la paroisse, l’esprit impie de son environnement ; car il n’y a personne qui ne puisse donner un centime, un peu de légumes ou un fruit pour le séminaire. Rien n’est impossible à celui qui veut et pour celui qui aime.
« Aimez le séminaire ! Dans le diocèse de Mantoue il n’y a pas d’œuvre plus importante. Et le peu que vous sacrifiez pour de pauvres candidats au sacerdoce vous obtiendra une répétition du miracle par lequel la veuve de Sarepta reçut des grâces : elle se priva de la dernière bouchée de nourriture qui lui restait pour elle et son enfant, afin d’offrir au Prophète de quoi refaire ses forces, et comme récompense la farine ne fit jamais défaut dans le pot et l’huile ne diminua pas dans la cruche. »
Que ce Carême vous conduise à contempler au matin de Pâques, avec un cœur purifié et fortifié, les plaies glorieuses du Sauveur ressuscité. Que Jésus, Marie et Joseph vous bénissent ainsi que votre maison et vous rendent au centuple votre charité.
Rickenbach, le mercredi des Cendres, 20 février 1985
Abbé Franz Schmidberger
Supérieur Général
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