Lettre n° 31 de l’abbé Franz Schmidberger aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX de septembre 1986

Chers Amis et Bienfaiteurs,

a tra­di­tion de l’Eglise et le vrai sacri­fice de la messe sont sau­vés ! La prière inces­sante et le sacri­fice ardent d’âmes innom­brables, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, la fidé­li­té inébran­lable de prêtres amis et la cou­ra­geuse fer­me­té de reli­gieux et reli­gieuses du monde entier, l’ordination, pour la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X et les com­mu­nau­tés amies, de 280 nou­veaux prêtres depuis 1971, ont opé­ré ce miracle. De nou­velles sanc­tions viendraient-​elles nous frap­per, de la part de l’occupation étran­gère de Rome, ou des Evêques, le moder­nisme des­truc­teur ou la théo­lo­gie mar­xiste de la libé­ra­tion viendraient-​ils encore pour­suivre à l’intérieur de l’Eglise leur tra­vail de démo­li­tion, l’Eglise, elle, vit ! On ne peut plus éteindre la tradition !

Bien plus, il n’a fal­lu que la petite étin­celle de prêtres et de reli­gieux épar­pillés, de quelques jeunes-​gens ras­sem­blés autour d’un évêque, pour allu­mer un vaste incen­die qui se pro­page de jour en jour : les béné­dic­tins du Barroux et les béné­dic­tines d’Uzès sont bénis de voca­tions abon­dantes. – Les capu­cins de Morgon, fon­dés par le Père Eugène, comptent 5 reli­gieux prêtres et sont en train d’édifier soli­de­ment leur Société. – Les domi­ni­cains d’Avrillé comptent 12 membres ; selon la tra­di­tion de leur Ordre, ils prêchent publi­que­ment dans les rues et sur les places des villes. – L’évêque de Bourges vou­lait de nou­veau cette année chas­ser des églises parois­siales de son dio­cèse les Pères de la Fraternité de la Transfiguration de l’abbé Lecareux ; il n’y a pas réus­si, grâce à la résis­tance réso­lue de la popu­la­tion catho­lique. – Les domi­ni­caines de Fanjeaux et de Brignoles ouvrent une école après l’autre ; leurs anciennes élèves four­nissent une large part de leurs nom­breuses recrues. – Les petites Sœurs de Saint-​François d’Assise viennent de vendre leur mai­son mère de Flavigny à la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, pour s’installer en Bretagne. – Les car­mé­lites, qui avaient com­men­cé à deux en 1978 leur recons­truc­tion à Quiévrain, comptent aujourd’hui 70 Sœurs répar­ties en 4 car­mels, et un cin­quième s’ouvre le 6 octobre à Bas-​en-​Basset (France). – Les Sœurs du Précieux Sang de Schellenberg (Liechtenstein), reve­nues à la messe de tou­jours en 1977, voient depuis leur couvent refleu­rir. – Les Sœurs Expiatrices du Saint Esprit de Mayence, deve­nues de véri­tables mar­tyres en Tchécoslovaquie purent par­tir en Allemagne en 1966 ; leur bien­fai­sance et géné­ro­si­té auprès des malades, des vieillards et des pauvres est connue dans toute la ville. – La branche des Sœurs de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, enfan­tée en 1973 par Sœur Marie-​Gabriel, propre sœur de Monseigneur Lefebvre, compte aujourd’hui trois novi­ciats et sept petites com­mu­nau­tés auprès de nos Prieurés.

La Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, de son côté, compte en cette nou­velle année aca­dé­mique 178 prêtres, 260 sémi­na­ristes, 25 Frères et 25 Oblates ; et à la fin 86 elle comp­te­ra ses 190 prêtres. Avec ses sémi­naires, écoles, mai­sons de retraites et prieu­rés, la voi­là à pré­sent en action dans 22 pays des cinq conti­nents : les der­nières fon­da­tions ont eu lieu en juillet à Santiago du Chili, en août en Nouvelle Zélande et aux Antilles fran­çaises, et en sep­tembre en Inde. L’ouverture d’un Prieuré en Rhodésie est en pré­pa­ra­tion. A cela s’ajoutent des voyages mis­sion­naires au Liban, au Sri Lanka, en Nouvelle Guinée, aux Philippines et au Japon, éga­le­ment dans divers pays d’Afrique et d’Amérique du Sud ain­si qu’en Scandinavie.

Plus nom­breux que jamais, retraites, récol­lec­tions et camps de jeunes ont été assu­rés cet été par nos prêtres.
Cependant le plus impor­tant est et demeure pour nous la for­ma­tion de prêtres. Ainsi ouvrons-​nous en France, le 5 octobre, le sémi­naire International Saint-​Curé d’Ars auquel se sont actuel­le­ment ins­crits 35 jeunes gens du monde entier. Ainsi com­mence en même temps, dans notre mis­sion de Libreville au Gabon, le sémi­naire Saint-​Joseph où sont ins­crits 4 can­di­dats d’Afrique noire. Ainsi pensons-​nous à l’érection d’un Séminaire en Australie l’année pro­chaine. – A notre grande joie, Mgr de Castro Mayer vien­dra, cette année encore, assis­ter aux ordi­na­tions de La Reja (Argentine) le 30 novembre, et joindre pour sa part à nos dix ordi­nands deux can­di­dats for­més dans son sémi­naire de Campos. – Seul le Christ non fal­si­fié, tou­jours vivant et tou­jours en action, trans­mis tel quel à tra­vers les siècles par son Eglise – c’est cela la tra­di­tion – est l’auteur de toute fécon­di­té spi­ri­tuelle et sain­te­té véritable.

Sans doute l’année 1987 verra-​t-​elle peu de nou­veaux prieu­rés, nous vou­lons en effet ache­ver les fon­da­tions exis­tantes, en faire effec­ti­ve­ment, selon nos sta­tuts, des mai­sons de vie com­mune, et lais­ser le moins pos­sible de confrères iso­lés ; sinon l’extension exté­rieure ris­que­rait de pro­vo­quer à la longue un relâ­che­ment inté­rieur ou même une exté­nua­tion com­plète, ce qui ne ser­vi­rait à per­sonne, ni à l’Eglise, ni aux fidèles. Nous devons à tout prix sau­ve­gar­der chez nos prêtres la fraî­cheur de l’élan mis­sion­naire et la joie de l’engagement apos­to­lique. Avant tout, notre but à long terme doit être la for­ma­tion d’une jeune géné­ra­tion de prêtres bien for­més, zélés et rem­plis d’esprit de sacrifice.

Chers amis et bien­fai­teurs, laissez-​moi, en cinq points, confier à votre cœur ce qui me paraît spé­cia­le­ment impor­tant pour vous aujourd’hui :

1. Soyez fermes dans la foi, inébran­lables dans votre confes­sion du mys­tère et de la loi de Jésus-​Christ. Céder sur les prin­cipes c’est affai­blir chaque fois notre résis­tance et nuire au tra­vail si néces­saire de la recons­truc­tion. Avant tout, avec toute votre famille, n’assistez qu’à la messe de tou­jours ; elle seule est la garan­tie du main­tien de la foi catho­lique, elle seule est la vraie pro­fes­sion de Notre Seigneur cru­ci­fié et ressuscité.

2. En ce temps de confu­sion, pra­ti­quez bien le dis­cer­ne­ment des esprits. Saint Ignace de Loyola en a don­né les règles exactes dans son livre des Exercices spi­ri­tuels. Glorifiez chaque jour le Saint-​Esprit et demandez-​lui sa lumière, afin que vous ne soyez pas trom­pés par de faux pro­phètes qui, en défi­ni­tive, ne tra­vaillent qu’à la révo­lu­tion mon­diale ou tout au moins à leur propre gloire au lieu de tra­vailler pour la gloire de Dieu. Le diable est malin et trompe les âmes.

3. Soutenez en paroles et en actes la tra­di­tion vivante de l’Eglise. Toutes les ins­ti­tu­tions que je vous ai énu­mé­rées vivent uni­que­ment de la force de la foi du peuple catho­lique. « Si tu as beau­coup, donne beau­coup ; si tu as peu, tâche de don­ner de ce peu avec joie », dit Tobie en exhor­tant son fils, dans les Livres saints. L’établissement dans les pays du Tiers Monde, sur­tout, exige de vous un témoi­gnage éner­gique de cha­ri­té chré­tienne. Et laissez-​moi vous remer­cier ici de tout cœur du sou­tien géné­reux que vous nous appor­tez jusqu’ici. Dieu vous en récom­pense ! Lui seul connaît tous vos bien­faits cachés, ils seront ins­crits au livre de vie.

4. C’est seule­ment en menant une vie inté­rieure, vous adon­nant tout au moins à une petite médi­ta­tion quo­ti­dienne, en priant le cha­pe­let régu­liè­re­ment dans votre famille, en rece­vant sou­vent les saints sacre­ments et en accom­plis­sant la loi du Christ de tout cœur, spé­cia­le­ment la loi de la cha­ri­té, que vous tra­ver­se­rez sans dom­mage cette sombre époque. « Celui qui prie se sauve, celui qui ne prie pas se damne » nous dit saint Alphonse de Liguori.

Une vie chré­tienne exige de vous de prendre soin du caté­chisme à don­ner à vos enfants, de leur trou­ver des écoles catho­liques, de vous dévouer auprès des vieillards, des malades et des pauvres de votre entou­rage, de mettre en vigueur les com­man­de­ments de Dieu dans votre lieu de tra­vail, et de péné­trer de l’esprit sur­na­tu­rel tout l’ordre temporel.

5. C’est à la croix qu’on recon­naît le vrai chré­tien, à la croix dont il a été signé au front à son bap­tême et à sa confir­ma­tion. Plus l’apostasie, le ter­ro­risme et l’anarchie se répandent, plus nous devons être prêts, rési­gnés et aimants, à mon­ter au cal­vaire avec le Seigneur souffrant.
A une famille cou­ra­geuse qui met­tait la main à la pâte avec un grand dévoue­ment dans les pré­pa­ra­tifs d’un nou­veau prieu­ré, j’avais recom­man­dé avant tout la prière et le sacri­fice comme base spi­ri­tuelle de cette nou­velle fon­da­tion. Or peu avant l’arrivée de nos prêtres, le père, qui était dans la force de l’âge, fut rap­pe­lé à Dieu par un infarc­tus. En réponse à ma lettre de condo­léances, je reçus de la veuve le mot sui­vant : « Oui, les voies de la Providence divine sont sou­vent très mys­té­rieuses. Mais il y a des moments dans la vie où l’on recon­naît clai­re­ment Ses des­seins. Et tan­dis que nous nous tenons frap­pés de crainte devant les voies de sa toute-​puissance et que nous allons, char­gés du poids de la Croix, nous res­sen­tons en même temps une cer­taine joie à nous sou­mettre à Sa Sainte Volonté, et un sen­ti­ment de sécu­ri­té à savoir toutes choses par­fai­te­ment entre Ses mains. Rappelez-​vous, M. l’abbé, que vous nous avez deman­dé de pré­pa­rer la voie par la prière et le sacri­fice. Nous avons prié et nous prions beau­coup. C’est Dieu lui-​même qui a déci­dé du sacri­fice. Nous avons com­pris cela, mon fils et moi, auprès du lit de mort, au moment de sa mort. Nous connais­sons la pro­fon­deur du sacri­fice et sommes plei­ne­ment confiants que le prieu­ré et la Fraternité dans notre pays seront abon­dam­ment bénis ».

Ce ne sont pas la réus­site exté­rieure et l’expansion mon­diale qui sont la preuve de notre authen­ti­ci­té, mais le fait de por­ter quo­ti­dien­ne­ment la croix rédemp­trice du Christ dans la foi, l’espérance et la cha­ri­té, en tant qu’enfants de cette Mère qui sait trans­for­mer l’amertume en conso­la­tion et la souf­france en joie.

En la fête de Saint Michel Archange, le 29 sep­tembre 1986

Abbé Franz Schmidberger

Supérieur Général

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