Entretien avec l’abbé Troadec

Le 4 octobre, 17 sémi­na­ristes et 4 frères sont entrés au sémi­naire de Flavigny. A cette occa­sion, Monsieur l’Abbé Troadec a bien vou­lu répondre aux ques­tions de La Porte Latine.

La Porte Latine : Monsieur l’ab­bé, vous diri­gez le sémi­naire de Flavigny depuis 1996. Voyez-​vous une évo­lu­tion dans le nombre des voca­tions depuis cette date ?

Abbé Troadec : Le nombre de sémi­na­ristes varie chaque année entre 12 et 22. En remon­tant les sta­tis­tiques sur 20 ans, on obtient une moyenne de 14 sémi­na­ristes fran­çais par an. Or, c’est pré­ci­sé­ment ce même nombre qu’on retrouve depuis 1996 jus­qu’à aujourd’hui.

La Porte Latine : Vous notez donc une sta­bi­li­té dans le nombre des voca­tions. Y a‑t-​il une simi­li­tude quant au pro­fil des candidats ?

Abbé Troadec : On constate un chan­ge­ment de pro­fil à par­tir de 1996. En effet, depuis 1996, le nombre de sémi­na­ristes pas­sé ou for­mé dans nos écoles a plus que dou­blé. On voit donc mani­fes­te­ment les fruits de nos écoles. Les deux tiers des sémi­na­ristes fran­çais ont béné­fi­cié d’un ensei­gne­ment plei­ne­ment catho­lique pen­dant une grande par­tie de leur sco­la­ri­té. Ils viennent de famille nom­breuse, la moyenne étant de 5, 4 enfants par famille. Ceci est très encou­ra­geant pour la sta­bi­li­té de notre ouvre. Par contre, le nombre de ceux qui ne sont pas pas­sés dans nos écoles a bais­sé. Ceci s’ex­plique essen­tiel­le­ment par la déca­dence du monde ambiant. L’atmosphère athée et immo­rale du monde actuel ne favo­rise pas l’é­pa­nouis­se­ment de nature équi­li­brée. Or, la grâce de Dieu ne peut pro­duire tout son fruit dans des natures endom­ma­gées. Beaucoup de jeunes placent leur idéal ailleurs qu’en Dieu et d’autres sont trop pro­fon­dé­ment bles­sés au moment de frap­per à la porte du sémi­naire si bien que je ne peux les admettre.

La Porte Latine : Dans les autres sémi­naires en France, le nombre de voca­tions est-​il éga­le­ment sta­tion­naire aujourd’hui ?

Abbé Troadec : Si entre 1975 et 1995, le nombre de voca­tions a été stable, depuis 1996 une baisse s’est amor­cée à tel point que l’an der­nier, il n’y avait plus que 120 sémi­na­ristes pour toute la France au lieu de 236 en moyenne entre 1975 et 1995. On enre­gistre donc une chute de 50% en 7 ans.

La Porte Latine : Comment expli­quer cette chute des voca­tions dans les dio­cèses de France ?

Abbé Troadec : Le Père Jacques Anelli, res­pon­sable du Service National des voca­tions expose la cause de cette chute des voca­tions dans la docu­men­ta­tion catho­lique du mois d’août der­nier (Nº 2297). Il s’ar­rête uni­que­ment aux causes socio­lo­giques. Sans négli­ger ce fac­teur, la perte du sens de Dieu, du sacré, du bien et du mal expliquent cer­tai­ne­ment en grande par­tie la déser­tion des églises et par voie de consé­quence la dimi­nu­tion du nombre des vocations.

La Porte Latine : Quels sont à Flavigny vos cri­tères de sélection ?

Abbé Troadec : L’Eglise au cours des siècles a pré­ci­sé la nature de la voca­tion et don­né des cri­tères de sélec­tion pour les can­di­dats au sacer­doce. Pour être admis au sémi­naire, il faut être moti­vé, avoir une san­té suf­fi­sante, un bon juge­ment, cer­taines capa­ci­tés intel­lec­tuelles et des qua­li­tés morales et spi­ri­tuelles. La Fraternité Saint Pie X a ajou­té la limite d’âge de 35 ans. La moyenne d’âge de nos sémi­na­ristes est de 22 ans lors­qu’ils entrent au séminaire.

La Porte Latine : Vous avez cer­tai­ne­ment des sémi­na­ristes qui ont reçu des for­ma­tions très diverses ?

Abbé Troadec : En effet, cer­tains ont juste le bac tan­dis que d’autres on fait de longues études. Nous avons accueilli ces der­nières années des offi­ciers, des ingé­nieurs, des doc­teurs, un den­tiste, un avocat.

La Porte Latine : Quels sont les pays représentés ?

Abbé Troadec : Cette année, nous atten­dons en dehors des fran­çais un Indien, un Polonais, un Italien et un Belge.

La Porte Latine : Que font les sémi­na­ristes au cours de la pre­mière année ?

Abbé Troadec : Ils s’i­ni­tient à la vie d’u­nion à Dieu par le silence et la prière. Ils ont éga­le­ment des cours de spi­ri­tua­li­té, actes du Magistère, patro­lo­gie, Ecriture Sainte, litur­gie et latin. Les deux années sui­vantes sont sur­tout consa­crées à la phi­lo­so­phie et les trois der­nières années à la théologie.

La Porte Latine : Vous vous occu­pez éga­le­ment de for­mer les Frères de la Fraternité. Qui sont les Frères ?

Abbé Troadec : Ce sont des reli­gieux qui consacrent leur vie à Dieu tout en aidant les prêtres dans leur apos­to­lat. Nous avons au sémi­naire 13 frères : 5 ont déjà pro­non­cé leurs voux, 4 sont novices et 4 sont postulants.

La Porte Latine : Une der­nière ques­tion : une fois qu’ils ont fait leurs vœux, les frères doivent-​ils être poly­va­lents ou leur confie-​t-​on une tâche bien spécifique ?

Abbé Troadec : Certains frères ont des talents divers qui leur per­mettent cette poly­va­lence mais c’est loin d’être le cas de tous. Aussi, n’hésite-​t-​on pas à leur confier une charge bien déli­mi­tée. Ainsi, à Flavigny, un frère est pro­fes­seur de latin, un autre tailleur, un autre se spé­cia­lise dans la res­tau­ra­tion et un autre dans le secré­ta­riat. Aujourd’hui un frère sur deux a le bac. Plusieurs par­mi eux sont atti­rés par la mis­sion d’é­du­ca­teurs dans nos écoles. Espérons que d’autres les sui­vront dans leur belle vocation.