« Fatima, c’est la manifestation du Cœur Immaculé de Marie au monde actuel. Je répète ce que j’ai dit souvent : Fatima sera pour le culte du Cœur Immaculé de Marie ce que fut Paray-le-Monial pour le culte du Cœur de Jésus » – Cardinal Cerejeira.
« Je veux que vous veniez ici le 13 du mois prochain, que vous disiez le chapelet tous les jours et que vous appreniez à lire. Ensuite, je vous dirai ce que je veux ».
(Lucie demanda la guérison d’un malade) « S’il se convertit, il sera guéri cette année ».
« J’emmènerai bientôt Jacinthe et François au Ciel ; mais toi, Lucie, tu resteras ici pendant un certain temps[1]. Jésus veut se servir de toi afin de me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. A qui embrassera cette dévotion, je promets le salut, ces âmes seront chéries de Dieu, comme des fleurs placées par Moi pour orner son trône ».
(Lucie demanda avec tristesse si elle allait rester ici toute seule). « Non, ma fille. Tu souffres beaucoup ? Ne te décourage pas, je ne t’abandonnerai jamais ! Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira à Dieu. » (Et Notre-Dame leur montra son Cœur Immaculé, entouré d’épines).
Le Cœur Immaculé de Marie, entouré d’épines
Le Cardinal Cerejeira, ancien patriarche de Lisbonne, affirma le 30 mai 1947 : je crois qu’on peut résumer le message de Fatima en ces termes : c’est la manifestation du Cœur Immaculé de Marie au monde actuel. Je répète ce que j’ai dit souvent : Fatima sera pour le culte du Cœur Immaculé de Marie ce que fut Paray-le-Monial pour le culte du Cœur de Jésus.
En effet, lors de sa seconde apparition, le 13 juin 1917, Notre Dame révéla aux pastoureaux son Cœur Immaculé, entouré d’épines. Puis Elle prononça ces paroles : « pour sauver les âmes, Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. Aux âmes qui embrasseront cette dévotion, je promets le salut, et elles seront chéries de Dieu comme des fleurs que je placerai pour orner son Trône ».
« Dieu veut ». Et pas seulement la Sainte Vierge ou Sœur Lucie. « Mon Cœur Immaculé sera le chemin qui te conduira à Dieu », dit Notre Dame à Lucie. Cette dévotion glorifie Dieu et contribue à s’unir à Lui, dans le temps et l’éternité, comme le confirme ce qui arriva aux pastoureaux en ce 13 juin : comme lors de la première apparition, la Très Sainte Vierge, en prononçant ces derniers mots, écarta les mains et fit jaillir sur les enfants cette lumière immense dans laquelle ils se voyaient comme plongés en Dieu. Il leur sembla que François et Jacinthe se trouvaient placés dans un faisceau de lumière qui s’élevait vers le Ciel, et Lucie dans un autre qui se déversait sur la terre. Devant la main droite de l’Apparition, ils voyaient un cœur entouré d’épines dont certaines s’y enfonçaient profondément. Les enfants comprirent que c’était le Cœur Immaculé de Marie, affligé par tant de péchés du monde, et qu’il demandait réparation[2].
Jacinthe, en particulier, sera transformée par cette apparition, comme en témoigna Sœur Lucie. Elle puisera dans la dévotion au Cœur Immaculé de Marie une générosité hors du commun pour le consoler et sauver les pauvres pécheurs.
Touchante de simplicité, Jacinthe ne cessait de répéter l’invocation que lui avait apprise un saint prêtre jésuite, le Padre Cruz, l’un des tout premiers à avoir cru en l’authenticité des apparitions de Fatima : doce Coração de María, sede a minha salvação, DOUX CŒUR DE MARIE, SOYEZ MON SALUT.
« J’aime tant le Cœur Immaculé de Marie ! C’est le Cœur de notre Maman du ciel », disait la petite voyante qui comprenait de toute son âme que « le Cœur de Marie est si tendre pour nous que les cœurs de toutes les mères réunis en un seul ne formeraient qu’un morceau de glace auprès du sien » (saint Curé d’Ars).
Le cœur est le siège de l’amour, pas un amour galvaudé, un attachement désordonné à soi-même, un maquillage égoïste, une peur inavouée de se vaincre. « Courage » vient de « cœur ». Le sentiment, changeant, est une preuve insuffisante d’amour, le courage en est le témoignage authentique : ce jeune officier rempli de fierté lorsqu’il défile avec son glorieux régiment affrontera-t-il résolument l’ennemi en pleine bataille pour l’amour de sa patrie ? Ce fiancé, « fou » de sa promise, lui sera-t-il un époux attentionné et fidèle quand l’âge et la maladie feront ternir la beauté de son épouse et que la tentation l’assaillira ? Ce servant de messe, droit comme un « i » et recueilli comme un ange lors de la grand’Messe, répondra-t-il généreusement si Dieu l’appelle au sacerdoce ou à la vie religieuse ? Ce catholique critique et beau parleur est-il fidèle aux promesses de son baptême et à l’injonction de Notre-Seigneur : « Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il se renonce lui-même, prenne sa croix et me suive ? »[3].
Personne, ici-bas, n’aura autant aimé et souffert que Notre Dame, si ce n’est son divin Fils.
Sur le Calvaire, deux autels étaient dressés : la Croix et le Cœur Immaculé de Marie[4]. Par sa cruelle Com-passion, Elle a souffert dans son Cœur tout ce que Jésus a souffert pendant sa Passion. « La douleur éprouvée par cette tendre Mère dans la Passion de son Fils fut si grande, qu’elle seule put compatir dignement à la mort d’un Dieu fait homme pour l’amour des hommes[5] ». « Le Cœur de Marie devint, par la Compassion qu’elle portait à son Fils, une espèce de miroir de Ses douleurs, dans lequel on voyait représentés tous les supplices et tous les outrages que Jésus-Christ souffrait[6] ». Elle a ainsi mérité le titre de Co-rédemptrice en s’associant à l’œuvre de la Rédemption. Et « comme nulle créature n’a aimé Dieu autant que Marie, il n’y a jamais eu de douleur égale à celle de Marie[7] ».
- « Seriez-vous insensibles, vous tous qui passez par le chemin ? Regardez et voyez s’il y a une douleur comme la mienne[8] ».
- « Sa souffrance est grande comme la mer[9] ».
- « La douleur de Marie fut telle que, si on la partageait entre tous les hommes, elle suffirait pour les faire mourir tous à l’instant » (saint Bernardin de Sienne).
- « Les martyrs ont souffert en sacrifiant leur propre vie, au lieu que Marie souffrit en sacrifiant à Dieu la vie de son Fils, qu’elle aimait beaucoup plus que sa propre vie » (saint Antonin).
Une des causes principales de la Passion de Notre-Seigneur fut l’inutilité de son Sang pour beaucoup d’âmes, lesquelles se retourneront même contre lui. Marie a souffert dans son Cœur un semblable tourment, révélé à Lucie, François et Jacinthe en ce 13 juin 1917.
La douleur du Cœur de Marie est à la mesure de son immense amour pour Dieu et pour nos âmes, qu’elle a enfantées à la grâce au pied de la Croix : « Fils, voici ta Mère[10] ». Contemplons, quelques instants, la charité incomparable de notre Mère, telle que les saints l’ont comprise :
- « Il eût été en quelque sorte peu digne de Dieu d’imposer un précepte que personne n’aurait accompli parfaitement ; le grand précepte de la charité a donc dû être pleinement observé par quelqu’un, et il n’a pu l’être que par la Très Sainte Vierge Marie » (saint Albert-le-Grand).
- « Elle est la Reine de l’amour » (saint François de Sales).
- « Notre Dame surpasse en charité tous les anges et tous les hommes » (saint Bernardin).
- « Les séraphins eux-mêmes auraient pu descendre du Ciel pour apprendre à l’école du Cœur de Marie comment aimer Dieu » (Richard de Saint-Victor, grand théologien).
- « Dans le Cœur de Marie, deux amours se trouvaient réunis en un seul : elle aimait Jésus d’un amour naturel comme son fils, et d’amour surnaturel comme son Dieu » (bienheureux Amédée).
- « Elle est le feu portant le feu » (saint Alphonse de Liguori).
- « Comme les mouches s’éloignent d’un grand feu, ainsi les démons étaient repoussés loin de ce Cœur tout flamboyant de charité, et n’osaient même pas s’en approcher » (saint Bernardin de Sienne).
- « Marie enflamme et rend semblable à Elle-même tous ceux qui L’aiment et qui L’approchent » (saint Bonaventure).
- « L’amour divin blessa, transperça le Cœur de Marie jusqu’à sa dernière fibre. Aussi accomplit-Elle le premier commandement dans toute son étendue et sans la moindre imperfection » (saint Bernard).
- « La Vierge Marie a aimé les hommes au point de sacrifier pour eux son Fils unique ; et maintenant qu’Elle règne dans le Ciel, sa Charité n’est point diminuée mais augmentée de beaucoup parce qu’Elle connaît mieux nos misères » (saint Thomas d’Aquin).
Ne peut-on pas affirmer que tous les titres, toutes les prérogatives de Notre Dame prennent leur source dans la charité de son Cœur très Pur ? Refuge des pécheurs, santé des malades, Vierge clémente, Notre Dame du Perpétuel Secours, Mère de la Miséricorde, Celle dont on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à sa Protection ait été abandonné possède un Cœur qu’aucune misère ne peut laisser indifférent.
Aussi la liturgie nous invite-t-elle à une immense confiance en son Cœur Immaculé : Approchons-nous avec assurance du Trône de la grâce afin d’obtenir miséricorde et de trouver la faveur d’un secours opportun[11]. C’est à la mesure de notre confiance, de notre certitude que le Cœur de la Mère de Dieu, Médiatrice de toutes grâces, nous attend, se penche vers nous maternellement pour nous aider, que nous serons exaucés au-delà même de notre espérance.
Quel est l’enfant qui n’a pas confiance en sa mère ? Marie n’est-Elle pas, selon le mot de Saint Bernard, la toute-puissance suppliante, comme l’illustre le fait suivant. Saint Alphonse de Liguori rapporte qu’un curé de paroisse vit un jour entrer dans son église une femme portant un nouveau-né dans ses bras ; celle-ci se dirigea vers l’autel de la Sainte Vierge et y déposa l’enfant ; il était difforme. La femme, qui n’avait pas vu le prêtre, pria ainsi, à voix haute, le visage baigné de larmes : « Très Sainte Vierge Marie, Vous êtes ma Mère et celle de mon enfant, Vous allez le guérir, n’est-ce pas ? Vous pouvez tout obtenir de Dieu, dont Vous êtes la Mère, je sais que votre cœur aura pitié de moi et surtout de mon enfant et que je ne partirai pas sans que Vous l’ayez guéri ». Et elle se mit à réciter son chapelet. Le prêtre vit alors l’enfant remuer ; sa mère le prit dans ses bras, regarda avec amour la statue de Notre Dame qui dominait l’autel et sortit de l’église, serrant sur son cœur son nouveau-né guéri.
Les misères des âmes ne toucheront-elles pas plus encore le Cœur de Marie dont les bienfaits s’étendent aux paroisses et aux nations ? L’abbé Charles Desgenettes, curé de Notre-Dame des Victoires, à Paris, n’avait que trente-cinq femmes à la messe dominicale, sur une paroisse de 18000 habitants. Aucun homme n’accomplissait le précepte de la communion pascale. Craignant que ses péchés fussent la cause de ce triste état de choses, il décida de demander sa démission. C’est alors qu’il entendit, au cours de la sainte Messe, une voix forte et distincte : « Consacre ta paroisse au Très Saint et Immaculé Cœur de Marie ! ». Lors de son action de grâces, la même voix lui répéta cette demande, sur un ton plus insistant encore.
Après avoir écrit les statuts d’une Confrérie en l’honneur du Cœur Immaculé de Marie, le brave curé alla trouver son évêque pour lui faire part de son projet. Celui-ci lui dit immédiatement : « Cher Monsieur l’abbé, non seulement j’approuve cette Confrérie, mais j’ordonne que vous l’établissiez et ce, dès dimanche prochain ! ». L’abbé obéit, annonçant à son petit auditoire habituel qu’aura lieu l’après-midi la première réunion de la Confrérie du Très Saint Cœur de Marie pour la conversion des pécheurs.
Le moment venu, quelle ne fut pas alors sa stupeur de voir son église presque remplie, avec plus d’un tiers d’hommes et de jeunes gens ! Après avoir lu les statuts de la Confrérie, le curé entonna les litanies de la Très Sainte Vierge. A l’invocation Refuge des pécheurs, priez pour nous, sans aucun mot d’ordre, la foule tomba à genoux et répéta par trois fois, avec ferveur, cette si douce demande : refuge des pécheurs, priez pour nous ! La Confrérie était fondée. Depuis ce jour, la paroisse se transforma.
Le 13 mai 1931, les évêques du Portugal se réunirent pour la première fois à Fatima après l’approbation officielle des apparitions et consacrèrent leur pays au Cœur Immaculé de Marie. Ce fut cet acte, renouvelé en 1938, qui obtint au Portugal la grâce d’être épargné par la Seconde Guerre mondiale, ainsi que le révéla Sœur Lucie au Pape Pie XII : « Très Saint Père, Notre-Seigneur promet, eu égard à la consécration que les Prélats portugais firent de la nation au Cœur Immaculé de Marie, une protection spéciale sur notre Patrie pendant cette guerre ; et cette protection sera la preuve qu’Il concéderait ses grâces aux autres nations si, comme le Portugal, elles eussent été consacrées au Cœur de sa Très Sainte Mère[12] ». En action de grâces, fut construit devant Lisbonne le magnifique monument dédié au Christ Roi.
On comprend que, quelque temps avant de mourir, Jacinthe fît ses adieux à Lucie en ces termes presque solennels : « Dis à tout le monde que Dieu nous concède ses grâces par le moyen du Cœur Immaculé de Marie ; le Cœur de Jésus veut que soit vénéré à son côté le Cœur Immaculé de Marie[13]. C’est au Cœur Immaculé de Marie qu’il faut demander la paix, car c’est à lui que Dieu l’a confiée ».
Les apparitions des 13 juin et 13 juillet de la Sainte Vierge à Fatima mettent en évidence l’urgente nécessité qu’a le monde du Cœur Immaculé de Marie. Efforçons-nous de compenser le mépris qui lui est témoigné :
- Si ce n’est déjà fait, souvenons-nous, lors des premiers samedis de cinq mois consécutifs, de ce Cœur Très Pur et outragé. Il n’est bien sûr pas interdit de renouveler cette dévotion (déjà approuvée par Saint Pie X le 13 juin 1912) autant de fois qu’on le désirera.
- Pourquoi ne pas rajouter lors de notre prière du matin et du soir l’invocation : « Cœur Immaculé et Douloureux de Marie, priez pour nous qui avons recours à Vous » et redire la petite prière si chère à Jacinthe : « Doux Cœur de Marie, soyez notre salut » ?
- Rappelons-nous aussi, quand nous faisons un sacrifice, cette exhortation de Notre Dame le 13 juillet 1917 : « O Jésus, c’est pour votre amour, pour la conversion des pécheurs et en réparation des péchés commis contre le Cœur Immaculé de Marie ».
« O Marie, que toutes les nations glorifient, que toute la terre invoque et bénisse Votre Cœur Immaculé » ! Le saint Curé d’Ars récitait chaque jour cette prière. Puisse son ardent désir être aussi le nôtre, afin que, par Marie, s’étende le Règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
- Lucie mourra le 13 février 2005… quatre-vingt-huit ans après.[↩]
- Quatrième Mémoire, II, 4.[↩]
- Mat. 16, 24.[↩]
- Sœur Lucie contemplera ce mystère à Tuy, en juin 1929.[↩]
- R.P. Pinamonti, cité par saint Alphonse de Liguori.[↩]
- Saint Laurent Justinien.[↩]
- Richard de Saint-Victor.[↩]
- Lamentations 1, 12.[↩]
- Lamentations, 2, 13.[↩]
- Jean 19, 27. L’apôtre bien-aimé nous représentait au pied de la Croix quand il entendit ces paroles de Notre-Seigneur crucifié.[↩]
- Introït de la Messe du Cœur Immaculé de Marie, au 22 août, instituée par Pie XII en 1942. Le 2 décembre 1940, Sœur Lucie lui écrivait : Très Saint Père, permettez-moi de vous faire encore une demande. C’est là seulement un désir ardent de mon pauvre cœur : que la fête en l’honneur du Cœur Immaculé de Marie soit instituée au monde entier comme l’une des principales fêtes de la sainte Église.[↩]
- Lettre du 24 octobre 1940.[↩]
- C’est ainsi qu’ils se trouvent représentés, par exemple, sur la médaille miraculeuse.[↩]