Le grand miracle

Le 13 octobre 1917 se dérou­la à Fatima « une répé­ti­tion de la fin des temps » (R.P. Calmel). De même que Notre-​Seigneur accom­plit des miracles pour confir­mer la véri­té de sa doc­trine, ain­si Dieu a per­mis le grand miracle du soleil pour appuyer les demandes de Notre Dame de Fatima. Prenons-​les au sérieux, notam­ment celle du cha­pe­let quotidien !

En juillet et en août, la Sainte Vierge pro­mit qu’elle ferait « un miracle pour que tout le monde croie ». En sep­tembre, elle renou­ve­la sa pro­messe en pré­ci­sant que ce serait en octobre [1].

Nous sommes le same­di 13 octobre 1917. Il avait plu durant toute la nuit ; les routes et les che­mins étaient deve­nus des fon­drières bour­beuses. Et voi­là qu’à dix heures, le ciel se couvre de nuages et la pluie se met de nou­veau à tom­ber. Pourtant, les pèle­rins n’ont ces­sé d’affluer en direc­tion du lieu où l’on dit que la Vierge est appa­rue. Environ 70 000 per­sonnes sont pré­sentes, dont une majo­ri­té de pay­sans mais aus­si des notables, des gens de la ville, arri­vés en voi­ture. La plu­part sont venus dans l’espoir de voir le miracle. Mais se trouvent aus­si beau­coup de curieux et d’incrédules, dont des catho­liques pra­ti­quants comme un cer­tain Dr Almeida Garrett. D’autres se réjouissent à l’idée que ce sera l’occasion d’en finir avec cette super­che­rie de Fatima. Parmi ces der­niers, on recon­naît Avelino de Almeida, le rédac­teur en chef du grand quo­ti­dien anti­clé­ri­cal et maçon­nique de Lisbonne, O Seculo.

Les familles des voyants sont inquiètes : « Et s’il ne se pas­sait rien, quelle serait la réac­tion de ceux qui sont venus de loin pour voir le miracle » ? João Marto, âgé de onze ans, frère de Francisco et Jacinta, a pré­fé­ré se cacher sous son lit pour échap­per à une éven­tuelle colère popu­laire. Il ne ver­ra rien de l’incroyable évé­ne­ment qui approche ! Ce n’est pas qu’il dou­tait vrai­ment des appa­ri­tions de la Vierge, mais enfin, un grand miracle, tant de monde, tout cela est bien impres­sion­nant, et puis on ne sait jamais !… La mère de Lucie, Maria Rosa, crai­gnant que ce jour fût le der­nier de la vie de sa fille, le cœur déchi­ré par l’incertitude de ce qui allait arri­ver, vou­lut l’accompagner ; elle disait avec Antonio, son époux : « Si notre fille doit mou­rir, nous vou­lons mou­rir à ses côtés [2]». Mais Lucie est bien tran­quille : « Ce que la Dame a pro­mis s’accomplira ».

La foule est très dense. Jacinthe a peur et ne peut s’empêcher de pleu­rer, conso­lée par Lucie. A l’approche des trois enfants, les gens s’efforcent de leur ouvrir un pas­sage. De la Cova da Iria, des mil­liers de voix s’unissent dans la réci­ta­tion du cha­pe­let ou le chant de can­tiques. Les trois enfants sont devant le petit chêne-​vert, déjà bien muti­lé par la dévo­tion popu­laire, orné de fleurs et de rubans de soie.

À midi, heure solaire, Lucie tres­saille et s’écrie : « Un éclair ! » Et regar­dant vers le ciel : « La voi­ci… La voi­ci ! » …

Son visage devient de plus en plus beau [3]; ravie en extase, Lucie demande :

- « Qui êtes-​vous, Madame, et que voulez-​vous de moi » ?

- « Je suis Notre Dame du Rosaire et je veux en ce lieu une cha­pelle en mon honneur ».

Après avoir, pour la sixième fois, recom­man­dé de conti­nuer à réci­ter le cha­pe­let tous les jours, la Vision pro­met d’exaucer quelques inten­tions de prière, d’autres non :

- « Il faut que les hommes se cor­rigent, qu’ils demandent par­don de leurs péchés ».

Et pre­nant un air plus triste, avec une voix suppliante :

- « Qu’ils n’offensent plus Notre-​Seigneur, qui est déjà trop offen­sé ! »

C’est alors que Notre Dame ouvrit les mains et les fit se reflé­ter sur le soleil, deve­nu tout à coup visible. Et alors qu’Elle s’é­le­vait vers le ciel, le reflet de Sa propre lumière conti­nuait à se pro­je­ter sur le soleil [4] A ce moment pré­cis, Lucie cria à la foule :

- « OLHEM PARA O SOL ! », « REGARDEZ LE SOLEIL » !

Le soleil prit sou­dain la forme d’un immense disque d’argent.

Il brillait avec inten­si­té, mais n’a­veu­glait pas. « Il était pos­sible de le fixer sans la moindre gêne », écri­ra Avelino de Almeid [5]. « Les gens pou­vaient regar­der le soleil comme on regarde la lune »[6]. Soudain, l’astre se mit à trem­bler, à « bai­lar », à dan­ser [7], à se secouer avec des mou­ve­ments brusques, pour fina­le­ment tour­ner sur lui-​même à une vitesse ver­ti­gi­neuse, « comme une roue de feu, en pre­nant toutes les cou­leurs de l’arc-​en-​ciel » (Maria do Carmo).

« Une lumière, dont la cou­leur variait d’un ins­tant à l’autre, se reflé­ta sur les per­sonnes et sur les choses », obser­va le Dr Pereira Gens. « On enten­dit sou­dain une cla­meur, raconte le Dr Almeida Garrett, comme un cri d’an­goisse de toute cette foule. Le soleil, en effet, conser­vant son mou­ve­ment rapide de rota­tion, sem­bla se déta­cher du fir­ma­ment et, rouge sang, s’a­van­cer vers la terre en mena­çant de nous écra­ser de sa masse ignée. Ce furent quelques secondes ter­ri­fiantes ! » « Il parut se déta­cher du fir­ma­ment et se pré­ci­pi­ter sur nous [8]». « Un homme sans reli­gion, témoigne l’abbé Inacio Lourenço, était comme para­ly­sé, figé, les yeux fixés sur le soleil. Puis je le vis trem­bler de la tête aux pieds, lever les mains au ciel, et tom­ber à genoux dans la boue, en criant : “Notre Dame ! Notre Dame !

Pendant ce temps, les gens conti­nuaient à crier et à pleu­rer, et à deman­der par­don à Dieu de leurs péchés … Puis nous cou­rûmes vers les deux cha­pelles du vil­lage qui se rem­plirent en quelques ins­tants [9] ! »

« Au bout de dix minutes, le soleil reprit sa place … Quand tout le monde se fut per­sua­dé que le dan­ger était pas­sé, il y eut une explo­sion de joie. Tous écla­taient en cris d’ac­tion de grâces : miracle ! Miracle ! Bénie soit Notre Dame ! ». L’académicien, Marques da Cruz, nota, en outre, le fait sui­vant : « Cette foule immense se trou­vait toute trem­pée, car la pluie n’a­vait pas ces­sé depuis l’aube. Mais, quoique ce fait puisse paraître incroyable, après le grand miracle, cha­cun avait ses habits com­plè­te­ment secs, ce qui fit l’ob­jet de l’é­ton­ne­ment géné­ral …».

J’ai pu per­son­nel­le­ment par­ler, en août 1990, avec un couple bien âgé puisque, 73 ans aupa­ra­vant, ils furent témoins du miracle du soleil ; leur regard, et leur récit, simple, sans « fio­ri­tures », l’é­mo­tion qui les habi­tait encore, en disaient long sur ce qu’ils vécurent alors : « Il y avait tant de monde, tant de monde … et puis une peur immense, … la prière … toda a gente reza­va, tous priaient …» !

De pas­sage un jour dans la mai­son natale de Jacinthe et François, je fus témoin d’une conver­sa­tion entre une guide offi­cielle du Sanctuaire et un pèle­rin. Le sujet était des plus inté­res­sants : le miracle solaire du 13 octobre 1917 [10].

- « Mais com­ment ce phé­no­mène a‑t-​il pu se pro­duire, étant don­né qu’ailleurs le soleil était immo­bile ? », deman­da le pèlerin.

- « Oh, c’é­tait comme un jeu de reflets de plu­sieurs cou­leurs, un peu comme l’ef­fet des rayons du soleil tra­ver­sant un vitrail … », répon­dit la guide.

Bref, la des­crip­tion faite par la guide évo­quait plu­tôt les feux d’un grand miroir aux alouettes ou d’un kaléi­do­scope amé­lio­ré, et se résu­mait à cela ! Il fal­lut rec­ti­fier et pré­ci­ser ces dires, sous l’œil appro­ba­teur de João Marto, qui se trou­vait là.

Les Mémoires de Sœur Lucie et les nom­breux témoi­gnages de ceux qui assis­tèrent au miracle du soleil sont très clairs : ce fut une scène d’a­po­ca­lypse, une sorte de « répé­ti­tion de la fin des temps » (P. Calmel). Fait unique dans l’his­toire des appa­ri­tions de Notre Dame : plu­sieurs dizaines de mil­liers de per­sonnes, sans comp­ter celles qui se trou­vaient dans un rayon de 40 km, connurent alors la plus grande angoisse de leur vie : la « Vierge puis­sante » com­man­da au soleil, qui mena­ça de s’écraser sur elles [11].

« Hallucination col­lec­tive !», pré­tendent les scep­tiques, aux­quels répon­dit magis­tra­le­ment Mgr José Alves Correia da Silva, dans sa Lettre Pastorale rela­tive aux appa­ri­tions : « Ce phé­no­mène, qu’au­cun obser­va­toire astro­no­mique n’enregistra, et qui par consé­quent ne fut pas natu­rel, s’est pro­duit en pré­sence de toutes les caté­go­ries et classes sociales, croyants et incroyants, de jour­na­listes des prin­ci­paux quo­ti­diens por­tu­gais et même de per­sonnes se trou­vant à des kilo­mètres de dis­tance, ce qui détruit toute espèce d’ex­pli­ca­tion d’illu­sion col­lec­tive ».

De même que Notre-​Seigneur accom­plit des miracles pour confir­mer la véri­té de sa doc­trine, ain­si Dieu a per­mis ce grand miracle du 13 octobre pour appuyer les demandes de Notre Dame de Fatima. Prenons-​les au sérieux, notam­ment celle du cha­pe­let quotidien !

2021… Sous le soleil de Fatima, déam­bulent des mil­liers de visi­teurs, pèle­rins en géné­ral insou­ciants ou simples tou­ristes. Ses rayons se taisent ; le ter­rible aver­tis­se­ment du 13 octobre 1917 semble appar­te­nir au pas­sé, comme une grâce qui ne revient plus, ou un châ­ti­ment qui approche…

Notes de bas de page
  1. Les lignes qui suivent sont ins­pi­rées en grande par­tie par les Mémoires de Sœur Lucie, l’ouvrage du Chanoine Barthas, Fatima, Merveille inouïe et celui du Frère François de Marie des Anges.[]
  2. D’après le deuxième Mémoire de Sœur Lucie, p. 84.[]
  3. Selon la dépo­si­tion d’un témoin ocu­laire le 13 novembre 1917.[]
  4. Quatrième Mémoire de Lucie.[]
  5. Article du jour­nal anti­clé­ri­cal « O Seculo », du 15 octobre 1917.[]
  6. Témoignage de Maria do Carmo.[]
  7. Article du jour­nal anti­clé­ri­cal « O Seculo », du 15 octobre 1917.[]
  8. Alfredo da Silva Santos.[]
  9. Le témoin, l’ab­bé Inacio Lourenço, qui avait à l’é­poque 9 ans, habi­tait alors le vil­lage d’Alburitel, situé à 18 km de Fatima. Tous les vil­la­geois confir­mèrent en tous points son récit.[]
  10. Il se répé­te­ra pour Pie XII, en 1950, à l’occasion de la pro­cla­ma­tion du dogme de l’Assomption – Voir à la fin de ce livre, en « Documents annexes », n° 1.[]
  11. Le film récent, « Le 13e jour », est bien fait, notam­ment la scène du miracle du soleil. Lire une inté­res­sante recen­sion dans la revue Fideliter de juillet-​août 2016, n° 232.[]