Nous relirons avec piété l’évangile de la parabole de l’enfant prodigue : « Mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ».
(Lc 15, 24)
Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : Mon père, donnez-moi la part de bien qui doit me revenir. Et le père leur partagea son bien.
Tu le vois, le patrimoine divin est donné à qui le demande. Ne crois pas que le père ait eu tort de donner à quelqu’un de trop jeune sa part de fortune. Aucun âge n’est inapte au Royaume de Dieu et la foi ne souffre pas du poids des années.
À coup sûr, celui qui demande sa part s’est estimé capable de la gérer. Ah ! qu’il eût bien fait de ne pas s’éloigner de son père ! Il n’aurait pas connu de détriment du fait de son âge. Mais, parti pour un pays lointain, sorti de la maison paternelle, il tombe dans l’indigence. En vérité, il dissipe son patrimoine, celui qui s’éloigne de l’Église.
Ce jeune homme a consumé dans une vie de débauche tout le charme dont il était pourvu. Toi, qui as reçu l’empreinte de l’image de Dieu, qui portes sa ressemblance, veille donc à ne pas la réduire à néant par une vie honteuse, indigne de ta raison. Tu es l’œuvre de Dieu.
Il partit pour un pays lointain.
Est-il pire éloignement que de se quitter soi-même, d’accepter la distance que crée, non l’espace, mais la conduite, de s’isoler par les désirs du cœur et non par des étendues de terre, d’être séparé des saints comme par une zone brûlante de luxure terrestre ? Car quiconque se sépare du Christ, s’exile de la patrie et choisit le monde pour cité.
Mais nous, « nous ne sommes plus des étrangers ni des gens de passage. Nous sommes concitoyens des saints, nous sommes la maison de Dieu. » (Ep 2, 19) « Nous qui jadis étions loin, nous sommes devenus proches grâce au sang du Christ. » (Ep 2, 13)
Gardons-nous donc d’être malveillants envers ceux qui reviennent d’un pays éloigné, car nous aussi, nous avons vécu dans une région lointaine, comme l’enseigne Isaïe : « Sur ceux qui gisent dans l’ombre de la mort une lumière a resplendi ». (Is 9, 1 ; Mt 4, 16) Ainsi, le pays lointain, c’est l’ombre de la mort, le seuil de l’enfer. Mais il est temps d’en revenir en suivant la lumière du Christ.
Comme il était encore loin, son père le vit, et fut ému de compassion ; et accourant, il se jeta à son cou, et le baisa.
Il vous voit de loin, celui qui vous entend converser dans le secret de votre âme. Il accourt à vous pour que nul ne vous retarde, il vous prévient de sa grâce. Son embrassement, c’est sa clémence et les démonstrations de son amour. Le Christ se jette à votre cou, lorsqu’il dit : « Venez à moi, vous qui peinez, et je vous réconforterai ; prenez mon joug sur vous. » (Mt 11, 28–29)
Apportez la plus belle robe, et revêtez‑l’en.
Il faut revêtir la robe nuptiale pour participer au banquet sacré (Mt22, 11–14). La communion eucharistique ici-bas et le festin céleste requièrent l’état de grâce.
Dès lors le fils est fait aussi apôtre et témoin de la foi et des tendresses divines. Le Père fait apporter robe, anneau, chaussures. La robe est le vêtement de la sagesse : les apôtres reçoivent la robe pour revêtir la faiblesse de leurs corps de la force de la sagesse spirituelle. L’anneau est le sceau d’une foi sincère et l’empreinte de la vérité. Quant à la chaussure, c’est la prédication de l’Évangile. (Ep 6, 15)
Amenez le veau gras, et tuez-le ; et mangeons, et faisons bonne chère.
Nul ne peut, s’il ne craint Dieu, s’il n’a gardé ou recouvré le sceau de l’esprit, et s’il n’a confessé, de bouche et d’œuvre,le Seigneur, prendre part aux mystères sacrés.
Car pour nous, le Christ Seigneur est le souffle de notre vie ; nous vivons à l’ombre du Christ. Aussi l’Église dit-elle : « À son ombre désirée, je me suis assise » (Cant 2, 3).
D’après saint Ambroise, Commentaire sur Saint Luc, ch.15 Bréviaire, samedi de la 2e semaine de carême, Leçons des Matines.
Source : Le Petit Echo de Notre-Dame n°87