La messe et le Sinaï

A l’of­fer­toire, le prêtre, nou­veau Moïse, monte sur la redou­table mon­tagne pour s’y entre­te­nir avec Dieu et lui pré­sen­ter son offrande, en union avec les fidèles.

À par­tir du lave­ment des mains, le rite de la messe entre dans une phase solen­nelle, mar­quée par un cer­tain silence de paroles et de gestes dont nous allons faire la chro­no­lo­gie. Incliné au milieu de l’autel, les mains jointes, le prêtre dit tout bas une grande prière qui résume tout ce qu’il accom­plit : « Recevez, Trinité Sainte, cette obla­tion que nous vous offrons… » Saint Pie V a fait choix de cette prière comme étant la meilleure par­mi toutes les for­mules très sem­blables uti­li­sées dans les dif­fé­rentes églises pour renou­ve­ler le recueille­ment du célé­brant. En men­tion­nant aus­si les saints, dont les reliques sont incrus­tées dans l’autel, le prêtre les baise, puis se retour­nant vers les fidèles, dit « Orate fratres ».

Mgr Gaume com­mente : « Le prêtre va quit­ter les fidèles pour s’enfoncer dans le secret du sanc­tuaire ; nou­veau Moïse, il va mon­ter sur la redou­table mon­tagne pour s’y entre­te­nir avec Dieu. Mais il n’oublie pas, avant de faire cette grande démarche, qu’il y porte les fai­blesses insé­pa­rables de l’humanité et qu’il a besoin, dans cette occa­sion redou­table, d’être aidé par les prières du peuple, et il dit : ‘Priez, mes frères’ ». Cette expres­sion remonte sûre­ment aux apôtres eux-​mêmes. Le rite char­treux dit : « Priez pour moi, pauvre pécheur ». Le reste de la for­mule, tan­dis que le prêtre s’est tour­né vers l’autel, fut rajou­té ensuite : « mon sacri­fice qui est aus­si le vôtre… ». Les fidèles répondent : « Que le Seigneur reçoive par vos mains le sacri­fice… ». Le prêtre, comme ras­su­ré et sou­la­gé, répond en silence : Amen, c’est-à-dire : « qu’il en soit ainsi » !

L’isolement du prêtre est signi­fié par le fait qu’il reste le dos tour­né au peuple. Dans l’antiquité latine et en Orient, le sanc­tuaire était fer­mé et le prêtre dis­pa­rais­sait au regard des fidèles. S’enchaîne alors la litur­gie très sacrée com­po­sée de la secrète, de la pré­face, et du canon. L’oraison et le canon sont appe­lés secre­ta : les choses sépa­rées et très saintes. Ils sont dits à voix basse. La pré­face est éga­le­ment secre­ta, mais non pas silen­cieuse. Par contraste, elle éclate solen­nel­le­ment, de même que sur le mont Sinaï la majes­té divine se mani­fes­ta en une litur­gie de gloire et de sain­te­té : Sanctus, Sanctus Sanctus.

Source : Apostol n° 171