Les encensements à la messe

Crédit : Philippe Lissac / Godong

Pourquoi, pré­ci­sé­ment, l’Église fait-​elle brû­ler de l’encens devant Dieu ?

Quand nous étions au sémi­naire, nous sommes allés, un dimanche du Bon Pasteur, quê­ter à Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet. Nous nous trou­vions à l’extérieur de l’église, sur un côté de l’édifice, devant une porte laté­rale. Un couple de tou­ristes pas­sait par là. Quand le mon­sieur s’est trou­vé devant la porte entr’ouverte, il n’a pas résis­té : il a pas­sé rapi­de­ment la tête par la porte, pour voir l’intérieur de l’église. Et tout aus­si­tôt, il a dit à la femme qui l’accompagnait : « Oh, que ça sent bon l’encens ! » À peine quelques secondes auront suf­fi pour qu’il jette ce cri du cœur. Effectivement, quelques ins­tants suf­fisent pour être tou­ché par la litur­gie, laquelle parle aux cinq sens et peut, comme chez cet homme, réveiller de bons souvenirs…

Nous conti­nuons donc nos expli­ca­tions sur le saint sacri­fice de la messe, en évo­quant ce mois-​ci les encen­se­ments au cours de la messe chan­tée. L’encens est cette résine qui découle de cer­tains arbres d’orient et qui, en brû­lant, répand une odeur aro­ma­tique. L’encens est donc un par­fum pré­cieux que l’on brûle en l’honneur de Dieu. Mais pour­quoi, pré­ci­sé­ment, l’Eglise fait-​elle brû­ler de l’encens devant Dieu ? D’abord elle le fait pour signi­fier l’adoration, par laquelle la créa­ture s’anéantit devant son Créateur, comme l’encens se consume devant Dieu. Il s’agit soit d’un hom­mage d’adoration directe, comme l’encensement du Saint Sacrement, soit un hom­mage d’adoration indi­recte, diri­gé vers des objets qui repré­sentent Notre Seigneur (comme l’autel, la croix, l’évangéliaire). L’Église pro­cède ensuite à des encen­se­ments pour signi­fier la prière, qui s’élève devant Dieu comme la fumée de l’encens. Enfin, l’encensement signi­fie aus­si la grâce que Dieu répand dans les âmes, comme la bonne odeur qu’exhale l’encens dans l’église.

L’encens est éga­le­ment uti­li­sé pour pro­duire des effets. Par les béné­dic­tions qui accom­pagnent son uti­li­sa­tion, il est en effet éle­vé à la digni­té de sacra­men­tal. Un sacra­men­tal est un rite sacré ins­ti­tué par l’Église, pour obte­nir, par son inter­ces­sion, des effets d’ordre sur­tout spi­ri­tuel. Les effets de l’encens béni sont de mettre en fuite les démons, de neu­tra­li­ser leur influence sur les per­sonnes et les choses, de consa­crer et conser­ver des per­sonnes et des objets. C’est la rai­son pour laquelle on encense les cendres, les rameaux, les cierges de la Chandeleur. Après les béné­dic­tions et les encen­se­ments, les objets sont consa­crés et por­teurs de grâces.

Pendant le saint sacri­fice de la messe, il y a quatre encen­se­ments : sitôt après les prières au bas de l’autel ; à l’évangile ; à l’offertoire (c’est le plus solen­nel car le sacri­fice est désor­mais com­men­cé) ; enfin à la consé­cra­tion. Ces encen­se­ments ont pour but de rendre le mys­tère plus expres­sif. A l’offertoire, l’encensement exprime bien la prière qui vient d’être faite en offrant le calice : « (que ce calice du salut) s’élève en par­fum agréable devant votre divine majes­té, pour notre salut et celui du monde entier. »

Expliquons cet encen­se­ment qui a lieu à l’offertoire. Le thu­ri­fé­raire (le ser­vant de messe qui tient l’encensoir) se pré­sente devant le prêtre, au signal du céré­mo­niaire. Il a mis un char­bon allu­mé dans l’encensoir. Se pré­sente éga­le­ment le porte-​navette. Ce der­nier mot vient de « navi­cu­la », « petit navire », lequel contient les grains d’encens. Le prêtre met l’encens en trois fois, par réfé­rence à la Sainte Trinité, et parce que Dieu s’est révé­lé au monde pro­gres­si­ve­ment, en trois grandes étapes : aux temps des Patriarches, puis de Moïse, et enfin de Notre Seigneur qui a révé­lé plei­ne­ment le mys­tère. La for­mule de béné­dic­tion qu’emploie le prêtre est beau­coup plus longue que lors des pré­cé­dents encen­se­ments : « Par l’intercession de l’archange saint Michel qui se tient à la droite de l’autel de l’encens, et par l’intercession de tous les élus, que le Seigneur daigne bénir cet encens et le rece­voir comme un par­fum agréable. Par le Christ notre Seigneur. Amen ». On y fait réfé­rence à saint Michel et aux élus : le minis­tère des anges consiste entre autres à pré­sen­ter à Dieu les prières des hommes. Les saints sont aus­si nos intercesseurs.

Avec l’encensoir fumant, le célé­brant fait au-​dessus du calice et de l’hostie trois encen­se­ments en forme de croix et trois autres en forme de cercle, lequel peut évo­quer la cou­ronne d’épines. Mais, dans l’iconographie chré­tienne, le cercle est aus­si le sym­bole de l’éternité : il n’a pas de début ni de fin. Les trois cercles sont for­més en l’honneur des trois Personnes de la sainte Trinité. Les deux pre­miers cercles sont effec­tués dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, en l’honneur du Père et du Saint-​Esprit. Le troi­sième cercle se fait dans l’autre sens, en l’honneur du Fils, seule Personne qui s’est incar­née. Quand le prêtre trace ce troi­sième cercle, il doit être, dans la réci­ta­tion de la prière, au pas­sage : « et que votre misé­ri­corde des­cende sur nous. » On com­prend, au pas­sage, que la litur­gie oblige à une cer­taine rigueur.

Il y a ensuite l’encensement de la croix, de l’autel, du célé­brant qui, tous, repré­sentent Notre Seigneur. Ces encen­se­ments se font en réci­tant trois ver­set du psaume 140 : « Seigneur, que ma prière s’élève comme l’encens devant votre face ; que mes mains levées soient comme l’offrande du soir. Placez, Seigneur, une garde à ma bouche et une bar­rière tout autour de mes lèvres. Que mon cœur ne se porte pas à des paroles mau­vaises qui servent de pré­texte au péché. » On insiste ici notam­ment sur la pure­té des paroles car le prêtre, dans quelques ins­tants, pro­non­ce­ra celles de la consé­cra­tion. Quand le prêtre rend l’encensoir au céré­mo­niaire, il ter­mine en disant : « Que le Seigneur allume en nous le feu de son amour et la flamme de l’éternelle cha­ri­té. Amen. »

Enfin, les fidèles sont encen­sés. Ils ne l’ont pas été au début de la messe car, à l’origine, les caté­chu­mènes étaient encore pré­sents. Les fidèles sont encen­sés car, membres de Jésus-​Christ, ils sont des offrandes vivantes, et doivent aus­si répandre la bonne odeur du Christ.

Une belle image reste à évo­quer : l’encensoir figure le cœur humain. Car il est ouvert vers le haut et fer­mé vers le bas : le cœur doit être ouvert vers les choses du Ciel et fer­mé aux choses de la terre. Il doit aus­si conte­nir du feu : c’est l’image de la cha­ri­té. Je suis venu appor­ter le feu sur la terre, dit Notre Seigneur, et que désiré-​je, sinon qu’il brûle ? (Lc 12, 49). Enfin, il contient évi­dem­ment de l’encens, qui est le sym­bole de la dévo­tion et de la prière.

Une parole de Mgr Lefebvre fait com­prendre que la litur­gie, en ses encen­se­ments, est une école de savoir-​vivre. « La litur­gie est une école de res­pect. On encense les autres, on encense les âmes qui sont les temples du Saint-​Esprit. C’est là une marque de res­pect qui devrait être une atti­tude habi­tuelle. Ce n’est pas seule­ment quand on encense les autres qu’on doit pen­ser qu’ils ont une âme faite à l’image de Dieu et qui est le temple du Saint-​Esprit. Cela devrait trans­pa­raître dans nos atti­tudes et nos rela­tions habi­tuelles avec les autres. Il ne faut pas que ce soit seule­ment dans la litur­gie que nous ayons le res­pect des autres. Tout cela doit péné­trer notre vie et nous conduire à avoir ce res­pect et cette humi­li­té vis-​à-​vis des autres. »

Que Notre Dame nous aide à mieux connaître la messe et ses céré­mo­nies, pour mieux vivre ce grand mys­tère de notre foi.

Source : Lou Pescadou n° 238