La forme du Rosaire telle que nous la connaissons aujourd’hui ne s’est fixée qu’au XVIème siècle.
La prière du Rosaire, encouragée par les Papes et enrichie d’indulgences, est véritablement une dévotion, c’est-à-dire qu’elle est davantage qu’une simple prière vocale. Elle a une âme. En effet, la dévotion n’est rien d’autre qu’une volonté de se livrer promptement à ce qui concerne le service de Dieu et, ici en l’occurrence, par l’intermédiaire de Notre-Dame. Nous retrouvons dans la prière du Rosaire les deux éléments qui sont liés à la dévotion : la contemplation et la joie. C’est d’abord la contemplation des mystères de la vie de Jésus qui produit dans notre âme la dévotion, cette disposition de l’âme qui se porte vers Dieu, comme nous disons de la prière qu’elle est une élévation de l’âme vers Dieu. Et ensuite, la dévotion produit la joie, cette allégresse de l’âme qui est unie à Dieu. Nous retrouvons dans l’histoire de la formation du Rosaire ces deux éléments de la dévotion.
La forme du Rosaire telle que nous la connaissons aujourd’hui ne s’est fixée qu’au XVIème siècle :
Les prières répétitives remontent aux premiers siècles de l’Église surtout en Orient où les liturgies conservent encore de nombreux signes de croix, génuflexions et litanies.
Le Moyen-Âge développe la piété mariale autour du symbole de la rose qui est le symbole de la joie, et la récitation des Ave forme une couronne ou un chapelet de roses offert à Notre-Dame. Cette récitation des Ave n’était pas une simple prière répétitive, mais elle était comme rendue vivante par l’association au culte des joies où le but est de parvenir à l’intimité béatifiante qui unit Notre-Dame à son Fils. Ces Ave Maria ne comprenaient que la première partie du « Je vous salue Marie », renouvelant la salutation de l’ange Gabriel à Marie. Ces joies, dont le culte fait son apparition dès la fin du Xlème siècle mais surtout aux Xllème siècle, se retrouvent dans les antiennes mariales ; on compta ainsi jusqu’à cinq joies de la Vierge : Annonciation, Noël, Pâques, Ascension, Assomption.
Le « Dominus Tecum » de l’Ave Maria exprimant un élément essentiel de cette joie, il était donc naturel de la célébrer par la prière de l’Ave Maria. Avec le temps, les joies se multiplient de façon à englober tous les événements notables de la vie du Christ auxquels fut unie Marie, y compris la Passion, en tant que joie de la Rédemption du monde.
Saint Dominique ne reçut pas de la Sainte Vierge le Rosaire tel qu’on le connait, mais bien la pratique d’unir la récitation de l’Ave aux prédications. Ces prières joyeuses deviennent peu à peu liées à la méditation des mystères de la vie de Jésus. Les Prêcheurs furent les champions et les propagateurs de cette dévotion. Au Xlllème siècle, les formes de ces récitations étaient alors nombreuses et variées, soit par rapport au nombre d’Ave, soit par rapport aux différents mystères joyeux. Par exemple, un abbé cistercien donnait des méditations où apparaissaient quinze joies de Notre-Dame.
C’est le prieur de la chartreuse de Trêves, Adolphe d’Essen, qui, influencé par les dominicains, met en avant une nouvelle forme de prière méditative. Il répand cette prière de réciter des Ave Maria en méditant la vie de Jésus et de sa Mère. C’est donc une forme de contemplation qui dans sa simplicité est accessible à tous, et en premier lieu aux fidèles. Dominique de Prusse (1384–1460) éprouvant des difficultés à contempler les scènes du Rosaire par la méditation, trouve donc cinquante formules en fin de chaque invocation. Dans le même temps, Jacques Sprenger, prieur du couvent dominicain de Cologne répartit les quinze méditations sur trois séries et établi l’usage de réciter la première cinquantaine en honneur et en action de grâces de l’incarnation et de l’enfance du Sauveur ; la seconde de sa Passion ; et la troisième de sa glorification.
Le dominicain Alain de La Roche (1428–1475) donna un nouvel élan en liant le Rosaire à une confrérie, favorisant ainsi une diffusion pratiquement universelle.
Ces Confréries du Rosaire auront un développement immense et seront l’apanage de l’ordre des frères Prêcheurs.
Au cours du XVIème siècle, le monopole de l’ordre des Prêcheurs sur les confréries du Rosaire s’affirment progressivement. Les papes sollicités octroient des bulles et des indulgences. Avec saint Pie V, la forme dominicaine est comme reconnue officiellement par la bulle du 17 septembre 1569 où le pape réserve explicitement au seul Maître de l’ordre le pouvoir d’autoriser la fondation d’une confrérie du Rosaire. À partir de cette date, on peut considérer la prière du Rosaire comme étant établie dans sa forme définitive et elle ne va pas cesser de se répandre.
Plus tard, dans les premières années du XVIIIème siècle, saint Louis-Marie Grignion de Montfort fut le grand propagateur, l’apôtre de la dévotion au saint Rosaire. Il n’y a pas eu d’homme plus zélé que ce grand missionnaire pour l’établissement de la confrérie du Rosaire : il l’érigeait dans tous les lieux où elle ne l’était pas ; c’est le moyen qu’il jugeait le plus puissant pour établir le règne de Dieu dans les âmes.
L’histoire de la formation du Rosaire fait ainsi apparaitre les deux éléments de la vraie dévotion : la contemplation des mystères de Notre-Seigneur et la joie d’être uni à Dieu par la prière. Notre prière du Chapelet en deviendra plus profonde et plus agréable à notre Mère du Ciel.
Source : Notre-Dame d’Aquitaine – Automne 2024