M. l’abbé Loïc Duverger, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X,
Second Assistant du District de France
Marie est la Médiatrice de toutes les grâces que nous reçevons
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi-soit-il.
Monsieur le supérieur, mes chers frères,
Nous voici encore rassemblés nombreux aux pieds de Notre-Dame, à Lourdes. Ce lieu est un endroit privilégié pour réchauffer, renouveler notre amour pour notre Bonne Mère du Ciel. Comme dans tous les sanctuaires dédiés à Marie, mais ici peut-être plus qu’ailleurs, nous y trouvons le lieu idéal pour déposer nos peines, nos chagrins, pour implorer la grâce divine de nous venir en aide pour fortifier nos âmes dans le combat quotidien à mener pour gagner le Ciel. La paix et la charité règnent en ce petit coin de France, et donnent un véritable aperçu de l’esprit chrétien, qui devrait triompher dans nos âmes, dans nos familles, et dans nos sociétés. Et avec le cardinal Pie, nous pouvons en toute vérité nous écrier : « Il fait bon d’être ici. » Et l’on voudrait pouvoir y fixer sa tente avec celles de tous les siens. On y respire un goût, un air, un bien-être, un calme, une suavité qui est un avant-goût du Ciel. Par sa visite à sainte Bernadette, Notre-Dame fait de ce lieu un sanctuaire où finalement toute vie chrétienne paraît plus facile. Il y est plus aisé de prier.
La contemplation des mystères divins, particulièrement ceux de notre éternité glorieuse, n’y est pas obscurcie par les soucis matériels et les attraits du monde. Ici aussi la conversion y est plus facile. La Vierge Marie toute-puissante attire les pécheurs, guérit les âmes, et même quelquefois les corps. Aux pauvres samaritains que nous sommes, gisant trop souvent « à l’ombre de la mort », elle soigne les blessures et rend la vie. Profitez, chers pèlerins, profitez à plein de cette profusion de grâces et de bénédictions que Notre-Dame de Lourdes veut répandre ici dans vos cœurs. Parcourez ce sanctuaire, puisez chaque pas dans le cœur de Marie, ouvrez grand votre âme, purifiez-la par une bonne et sainte confession. Il est des grâces qui ne sont données qu’ici, qu’à Lourdes. La Vierge Marie y désire notre conversion, notre sanctification. Elle a permis que vous veniez ici pour vous rendre plus forts dans le combat, plus courageux face aux épreuves, aux croix, aux difficultés, plus ardents dans le désir de ne vivre que pour son Divin Fils et de Le faire régner en vous et autour de vous. Ce sanctuaire de Lourdes où la Vierge, Mère de Dieu, a daigné paraître, manifeste d’une façon éclatante l’attention, la délicate prévenance, l’amour incessant de la Vierge Marie pour ses pauvres enfants, pauvres fils d’Eve, qui marchent dans « cette vallée de larmes ». Notre pays a été privilégié dans le nombre de ses grandes apparitions, lieux bénis du Ciel, qui attirent des foules du monde entier : Chartres, le Puy, plus récemment la rue du Bac, Lourdes, et Pontmain. Ce ne sont que quelques-uns de ces sanctuaires où la Vierge Marie déverse sans limites et sans fin ses bénédictions et ses consolations. Grâces incomparables accordées à notre nation qui doit se montrer digne d’une telle prévenance, et devrait y répondre par une fidélité absolue à son Divin Fils, notre Divin Sauveur.
Toutes ces apparitions ont un point commun, elles sont la manifestation de l’un des privilèges les plus éclatants de notre Bonne Mère du Ciel. Elles démontrent d’une façon très pratique une grande vérité théologique. En ces beaux sanctuaires, nous nous plaisons à honorer, à magnifier, à proclamer à la face du monde la Médiation universelle de Marie. Vérité si certaine qu’il n’y a que les ennemis de l’Eglise, de la Vierge Marie, de son Divin Fils, pour l’ignorer, pour la combattre. Vérité si certaine que la secte protestante refuse de l’admettre, montrant par là même la fausseté de sa doctrine et son origine diabolique. Marie est la Médiatrice de toutes les grâces que nous reçevons. La grâce infinie que Notre-Seigneur a obtenue sur le bois de la Croix, passe par les mains de Marie pour se déverser dans nos âmes. Marie est le canal par lequel la grâce coule dans nos cœurs pour les irriguer. Par son intermédiaire, par son intercession, descendent dans les âmes toutes les grâces et les miséricordes divines. Cette grande vérité est affirmée depuis les origines de l’Eglise par tous les dévots de la Vierge Marie, confirmée par tous les saints dans leurs écrits, mais vécue habituellement, ordinairement par tous les catholiques dans leur dévotion si fidèle au chapelet, à la Vierge Marie. La Vierge Marie est Médiatrice de toutes les grâces, parce qu’elle est la mère de l’Auteur de toutes les grâces. Par son « fiat », au jour de l’Incarnation, la Vierge Marie devient la mère de Notre-Seigneur-Jésus-Christ, notre Divin Sauveur. Il se fait homme dans le sein de la Vierge Marie. Il est le Rédempteur ; par sa mort sur la Croix, il obtient le pardon du péché, l’ouverture des portes du Ciel. La vie divine qui fait de nous des enfants de Dieu, des frères de Jésus-Christ, des héritiers du Ciel, toutes les grâces actuelles qui viennent fortifier notre âme viennent de Notre-Seigneur-Jésus-Christ, Dieu fait homme. Or Jésus est homme par la maternité de la Vierge Marie. Sans cette humanité que le Fils de Dieu a reçu de sa Très Sainte Mère, la vie divine, la grâce sanctifiante, le Ciel dont nous bénéficierons, n’auraient pu se déverser sur nos âmes.
La Vierge Marie est aussi Médiatrice de toutes grâces parce qu’elle est immaculée en sa conception. Elle n’a pas connu la tache du péché originel. Son âme est restée pure, vierge de toute faute. Sans tache, elle est immaculée. Ce grand privilège voulu par Dieu pour celle qui est la mère de son Fils, rend la Vierge Marie parfaitement agréable à Dieu, qui ne peut alors rien lui refuser. La Vierge Marie ne peut rien demander à Dieu qui ne lui soit agréable, et qui serait contraire à sa volonté. Tout ce que demande la Mère de Dieu à son Divin Fils est nécessairement pour la plus grande gloire de la Sainte Trinité et pour le grand bien de nos âmes. Lorsque Notre-Dame apparaissant à Bernadette lui déclare son nom : « Je suis l’Immaculée Conception », elle confirme alors, d’une façon certaine, son titre de médiatrice de toutes grâces.
Enfin la Vierge Marie est Médiatrice de toutes grâces par la plénitude dont Dieu l’a comblée. Cette plénitude de grâce qui rend Marie si proche de Dieu, qui la rend si sainte, que nulle créature ne pourra l’égaler, unit Marie à Notre-Seigneur d’une façon parfaite et profonde. Cette proximité, cette intimité, cette charité parfaite, la rend toute-puissante sur le cœur de Dieu, et Dieu dans sa miséricorde, dans sa bonté infinie, se plaît à faire passer par ses mains toutes grâces et bénédictions, quand Il comble dans sa miséricorde les hommes. Cette médiation de la Très Sainte Vierge est bien visible dans l’Evangile. D’abord, nous l’avons dit, par son Incarnation ; sans ce « fiat », l’Incarnation, l’humanité de Notre-Seigneur, Notre-Seigneur n’aurait pu recevoir son humanité. Mais cela se voit aussi aux noces de Cana, où la Très Sainte Vierge demande aux serviteurs de faire « tout ce qu’Il leur dira ». On voit comment la Très Sainte Vierge descend alors dans un domaine très prosaïque, pour obtenir de Dieu un miracle. Mais cette médiation est encore confirmée au soir du Vendredi Saint, au pied de la Croix, lorsque Notre-Seigneur nous donne Marie pour mère : « Voici ta mère. » La mère ne donne-t-elle pas la vie à son enfant ? Ne protège-t-elle pas cette vie ? Ne cherche-t-elle pas à la développer ? Comment une vérité si évidente dans l’ordre naturel, ne le serait-elle pas dans l’ordre surnaturel, dans l’ordre de la grâce ? Elle nous obtient toutes les grâces en général : celles de la conversion, celles de la fidélité, celles de la sanctification, grâces de pérsévérance, de force dans les combats, grâces qui gardent et qui conduisent sur le chemin de la sainteté. Mais notre Bonne Mère ne s’arrête pas là. Elle nous écoute, et elle est prête à obtenir pour nous toutes les grâces particulières que chacun désire secrètement en son cœur, et peut-être n’ose même pas demander. Grâces pour retrouver la santé du corps, pour supporter les infirmités, la souffrance, la maladie, grâces de la conversion d’un tiers.
Qui n’a pas dans sa famille quelqu’un qui aurait besoin de revenir à Dieu ? Grâces pour être soulagé dans les épreuves matérielles, spirituelles ; grâces si particulières, si importantes, si nombreuses, tant désirées. Soyez assurés, mes chers frères, que la Vierge Marie connaît toutes vos intentions, tous vos souhaits, toutes vos espérances. Elle les demande déjà pour vous, elle intércède déjà auprès du Divin Sauveur à toutes vos intentions. Alors avec ardeur, enthousiasme, dans la simplicité de votre cœur, demandez à la Vierge Marie. Sa réponse, ses bénédictions, dépasseront toutes vos espérances.
Et pour s’associer à cette intercession de la Très Sainte Vierge Marie, la Vierge Mère, Notre-Dame de Lourdes ne nous demande pas de prières bien particulières ; elle demande celle qui plaît le plus à son cœur très saint, immaculé, qui honore le plus la Très Sainte Trinité, elle sollicite la simple prière du Je vous salue Marie. Bernadette, durant ses visions, récite presque constamment le chapelet, et la Sainte Vierge l’y encourage en égrenant en même temps celui qu’elle porte. Bernadette ne savait dire à cette époque que son chapelet, et cette simple prière, cette simple récitation quotidienne lui ouvrit les portes du Ciel. Alors faisons de même, mes frères, égrenons le chapelet, récitons Je vous salue Marie après Je vous salue Marie, Ave Maria après Ave Maria. C’est l’assurance de prier comme le veut la Vierge Marie, comme il lui plaît, et par conséquent, c’est l’assurance, la certitude, la foi sûre et ferme d’honorer comme il faut, comme il se doit, la Trinité Sainte. L’Ave Maria ouvre les sources de la grâce, il fait tomber sur les âmes les bénédictions célestes, réchauffe les cœurs, console les affligés, fait patienter dans les épreuves, et par-dessus toutes choses, il donne la joie, il donne la paix au milieu des plus grandes désolations. Ah chers pèlerins, s’il est une résolution que vous pouvez prendre aujourd’hui, c’est de ne jamais abandonner cette prière. Mettez-la sur les lèvres des enfants dès qu’ils commencent à balbutier quelques mots, éduquez vos enfants au rythme de ces Je vous salue Marie récités en famille. C’est la plus certaine façon d’obtenir la bénédiction de vocations sacerdotales et religieuses. Afin qu’au soir de cette vie, de notre vie, cette prière soit sur nos lèvres : « et priez pour nous maintenant et à l’heure de notre mort. »
Mais à cette prière incessante de la Très Sainte Vierge, il faut ajouter une demande particulière de l’Immaculée Conception. A la huitième apparition, le 24 février 1858, sainte Bernadette, après avoir contemplé l’Immaculée Conception, se retourne vers l’immense foule qui est déjà là, et elle leur dit trois mots : « Pénitence, pénitence, pénitence ! » Bernadette, à l’école de la Vierge Marie, apprendra ce qu’est la pénitence, ce qu’est la souffrance, ce qu’est la participation à la Passion de Notre-Seigneur-Jésus-Christ ; elle apprendra que cette souffrance est le chemin qui mène à Dieu, qu’il n’y a de prière vraie, efficace sans la souffrance, sans la pénitence, qu’il n’y a de vraie prière, de prière puissante sur le cœur de Dieu sans la proximité de la pénitence. Cette vie de souffrance que Bernadette nous laisse comme exemple après en avoir été averti par la Très Sainte Vierge Marie : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre. » Ah mes frères, ce mot de pénitence répété par trois fois par Bernadette, n’est-il pas trop dur à nos oreilles ? Ne sommes-nous pas comme les Juifs, qui après avoir entendu Notre-Seigneur promettre la Sainte Eucharistie, s’éloignent de lui en disant : « Ce discours est trop dur. »
Tiendrons-nous, mes frères, ces mêmes paroles à la Très Sainte Vierge Marie ? Après avoir reçu tant de grâces, tant de bénédictions, oserons-nous nous retirer en disant : « Ah ! Ce discours sur la pénitence est trop dur, trop difficile à entendre » ? Nous supplions au quotidien, ici plus qu’ailleurs, nous implorons la Vierge Marie, mais nous refuserions de répondre avec générosité à l’invitation de Notre-Dame, invitation à la pénitence pour les pécheurs que nous sommes, et pour tous ceux qui nous entourent, pour obtenir leur conversion ? La Vierge Marie n’est Médiatrice de toutes grâces que parce qu’au jour de l’Incarnation, elle accepta en pleine connaissance de cause de suivre son Fils juqu’au sommet du Calvaire, d’être là debout au pied de la Croix au jour du Vendredi Saint.
Pour nous aussi, mes frères, il n’est pas d’autre issue. Si nous voulons qu’elle nous exauce, si nous voulons avoir une place dans son cœur, si nous voulons être chéris d’elle, il nous faut absolument, nécessairement passer par le bois de la Croix. La pénitence que nous demande l’Immaculée est toute simple ; il n’y a là rien d’extraordinaire. Comme on insistait, qu’on semblait s’étonner de ce que la Sainte Vierge ne lui est pas révélé de moyen extraordinaire pour gagner la vie éternelle, sainte Bernadette répondit : « Cela n’est pas nécessaire. Nous savons bien quel est notre devoir. » Oui, mes frères, c’est dans le devoir quotidien, accompli parfaitement, que nous trouverons la source et l’origine de toutes les grâces, de toutes les pénitences que Dieu veut que nous portions. Toutes ces croix, nous les trouverons dans notre devoir habituel, dans notre devoir d’état. N’allons pas chercher des pénitences extraordinaires, elles sont là à notre portée dans le devoir quotidien à accomplir. Et c’est dans ces multiples petits sacrifices, ces milliers de pénitences que nous pourrions accomplir, que nous puiserons, que nous serons capables de puiser alors aux sources de la grâces toutes les bénédictions que la Très Sainte Vierge veut nous donner.
Chers pèlerins, en ces belles journées que Dieu en sa miséricorde nous octroie, que de grâces, que de bénédictions vont se déverser sur nos âmes, sur les âmes de nos proches pour lesquelles nous sommes venus prier, sur nos familles, sur notre pauvre pays si éloigné de Dieu à l’heure actuelle, pour ceux que nous voudrions voir à nos côtés et qui n’y sont pas, sur nos malades, sur nos infirmes qui témoignent à tout instant de la Croix de Notre-Seigneur ! Demandons à la Très Sainte Vierge d’ouvrir tout notre cœur. Et pour l’ouvrir, eh bien, soyons pleins d’action de grâces, ne soyons pas ingrats de tant de bienfaits. L’ingratitude, vice si caractéristique de notre siècle, ne peut exister dans un cœur chrétien. En ces belles journées, vous touchez du doigt combien le Bon Dieur vous aime, combien la Très Sainte Vierge vous protège.
Eh bien, que notre action de grâces résonne, éclate dans nos cœurs ! Que tous nos chants, que toutes ces belles processions, ces belles cérémonies auxquelles nous participons, soient autant d’hymnes d’action de grâces, de louanges à la Vierge Marie ! Que nos lèvres chantent sans cesse, sans fin la gloire de Notre-Dame de Lourdes, Médiatrice de toutes grâces ! Que ces chants qui nous unissent aujourd’hui soient comme l’avant-goût de la louange éternelle que nous chanterons à la Vierge Marie : « Ave Maria, ave Maria ! Vous êtes belle, ô Marie, et la tache originelle n’est point en vous. Vous êtes la gloire, vous êtes l’honneur de votre peuple ! »
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi-soit-il.
Abbé Loïc Duverger
Pour conserver à ce sermon son caractère propre, le style oral a été maintenu.
Source : Transcription d’I.G. pour La Porte Latine