le 22 janvier 304 ou 305

Saint Vincent

Saint Vincent serait né à Saragosse en Espagne, selon Prudence, le plus ancien [1] auteur dont nous conser­vons une nar­ra­tion poé­tique sur saint Vincent.

Sous l’empereur Dioclétien et Publius Dacianus, gou­ver­neur de la Bétique, Valère, évêque de Saragosse, ordonne Vincent diacre et lui pres­crit le minis­tère de la prédication.

Avant les édits de per­sé­cu­tion de 303 et 304, Dacien fit arrê­ter Valère et Vincent, et les fit mar­cher char­gés de fer jusqu’à une pri­son de Valence, espé­rant les décou­ra­ger. Dacien les cita à com­pa­raître devant lui : Valère, trop infirme, deman­da à Vincent de confes­ser leur Foi en la Sainte Trinité devant le gou­ver­neur. Tandis que Dacien exile Valère [2], Vincent passe à l’épreuve de la tor­ture. Saint Augustin dira que les souf­frances de saint Vincent furent telles que la nature humaine n’aurait pas été capable de les sup­por­ter sans une ver­tu surnaturelle.

Saint Vincent est lié à un che­va­let, les pieds et les mains éti­rés par des cordes. Le corps fut écor­ché par des ongles de fer. Vincent eut l’audace de repro­cher aux bour­reaux leur manque de force, ce qui finit par rani­mer leur inhu­ma­ni­té au point qu’on aper­ce­vait les os et les entrailles du sup­pli­cié. Une joie sur­na­tu­relle trans­pa­rais­sait sur le visage de Vincent, ce qui sur­prit Dacien, lequel, voyant l’état pitoyable du mar­tyr, fit ces­ser la tor­ture, et ten­ta de le rai­son­ner : « Ayez pitié de vous-​même, sacri­fiez aux dieux, ou au moins livrez-​moi les écri­tures des chré­tiens, confor­mé­ment aux der­niers édits qui ordonnent de les brû­ler. » Vincent répon­dit craindre plus une fausse com­pas­sion que les tourments.

Dacien reprit sa rage et sou­mit Vincent à la ques­tion du feu : atta­ché, allon­gé sur un lit de barres de fer cise­lées en forme de scie, au-​dessus d’un bra­sier. Les bour­reaux lacé­raient le côté non-​exposé aux flammes et jetaient du sel sur le corps, mais devaient avouer à Dacien : « on dirait que les tour­ments ne font qu’accroître sa constance. » Vincent se conten­tait de lever les yeux au ciel et de s’entretenir inté­rieu­re­ment avec Dieu par une prière conti­nuelle. Déconfit, Dacien ordonne de ren­voyer en pri­son Vincent, cou­ché sur des pots cas­sés, les pieds écar­tés par des ceps.

Des Anges vinrent conso­ler Vincent et chan­ter avec lui les louanges de Dieu. Le geô­lier regar­da par la fente de la porte, et vit une lumière vive et consta­ta cette scène sublime. Il l’annonça à Dacien qui en pleu­ra de rage, tan­dis que le geô­lier et les gardes se conver­tirent et reçurent le bap­tême. Dacien lais­sa Vincent mou­rir de ses bles­sures et per­mit encore aux fidèles de le visiter.

Les chré­tiens qui le visi­tèrent pleu­raient et bai­saient ses plaies, et recueillaient son sang dans des linges qu’ils empor­taient comme un pré­ser­va­tif contre tous les maux.

Le 22 jan­vier 304 ou 305, Dacien fit mettre le mar­tyr dans un lieu caché sur un lit fort mou, mais à peine y fut-​il dépo­sé qu’il expi­ra. Prudence rap­porte que son corps mort fut livré aux bêtes sau­vages dans une forêt, mais fut défen­du par un habile cor­beau. Prudence et saint Augustin rap­portent qu’ensuite Dacien fait por­ter le corps de Vincent sur une barque, et jeter le corps en mer par le sol­dat Eumorphius, une meule atta­chée au cou. Le corps flot­tait pro­di­gieu­se­ment et échoua sur un rivage où il fut recueilli et ense­ve­li hors des murs de Valence par une foule de fidèles, selon Prudence, ou quelques-​uns selon d’autres auteurs. Sa sépul­ture devint le lieu de nom­breux miracles. Les fidèles récu­pèrent aus­si les ins­tru­ments de tor­ture du martyr.

En 542, au siège de Sarragosse, Childebert obtient de l’évêque de Saragosse des reliques du mar­tyr en échange de la levée du siège. Childebert donne le chef du saint à saint Domnole, évêque du Mans, mais ce crâne dis­pa­raît à la Révolution. Vers 864, Audalde, céno­bite de Conques, aurait trans­fé­ré les reliques de saint Vincent de Valence à l’abbaye béné­dic­tine St-​Benoît de Castres pour les pro­té­ger du sacri­lège des Maures. Une par­tie fut don­née à l’abbaye Saint-​Germain-​des-​Prés de Paris. En 876, Charles le Chauve donne deux ver­tèbres du saint à Thierry, évêque de Besançon. Les pro­tes­tants brû­lèrent les reliques de Castres. Le cœur du saint fut brû­lé par les pro­tes­tants en 1562 à Dun-​le-​Roi. L’avant-bras est conser­vé à Vitry-​le-​François, l’étole du saint sera conser­vée dans la basi­lique pari­sienne de St-​Vincent qui devien­dra l’abbaye St-Germain-des-Prés.

Mais selon des Portugais, les reliques auraient été trans­fé­rées de Valence à Lisbonne au XIIème siècle [3]

Au XIIème, un évêque de Valence aurait appor­té un bras en Italie. En 1966, l’Institut de chi­rur­gie plas­tique de Padoue attri­bue ce bras à un indi­vi­du du IVème siècle, âgé de 25 à 30 ans, mesu­rant 1,72 m., n’exerçant pas de tra­vaux manuels, et ayant des traces de sévices infli­gés dans les 10 jours avant la mort.

Tandis que saint Goar (-575) et saint Roch (-1327) étaient choi­sis comme patrons par les vigne­rons rhé­nans, saint Killian (-689) par ceux de Franconie, saint Omer (-670) et saint Gualtier (-abbé de Pontoise-) par cer­tains de France, l’impératrice sainte Hélène par ceux de Champagne, saint Morand (1050/75–3.6.1115) par ceux d’Alsace, le Bx Benoît Carretani (-1215) par ceux de Toscane et du Bade, le Bx Thomas de Costacciaro (1262-​une fois, il chan­gea de l’eau en vin-​1337 son corps est res­té intact) par ceux de l’Ombrie, cepen­dant dès le XVIème siècle, saint Vincent est hono­ré comme patron des viti­cul­teurs [4],

En Provence, terre viti­cole, saint Vincent est le titu­laire de l’église de Vins-​sur-​Caramy, et le patron du vil­lage. Une cha­pelle St-​Vincent se trouve entre Artignosc-​sur-​Verdon et Montmeyran, une entre Vins-​sur-​Caramy et Carcès, et une autre à Trans.

Abbé Laurent Serres-Ponthieu

Notes de bas de page
  1. (348–405/410). Divers auteurs moins anciens font naître saint Vincent à Huesca, ou à Valence, et être le fils d’Euticius (fils du consul Agressus) et d’Enola, laquelle serait la sœur de saint Laurent…[]
  2. St Valère était pré­sent au concile d’Elvire vers l’an 300 où fut trai­té le céli­bat des clercs. Son exil sur­vi­vra au temps des per­sé­cu­tions, Valère revien­dra à Saragosse où il décède le 28 jan­vier 315.[]
  3. Le pape Sixte V approu­va la fête de la trans­la­tion du 13 sep­tembre fêtée au Portugal depuis 1137.[]
  4. Il faut dire par exemple que l’abbaye pari­sienne de St-​Germain-​des-​Prés, qui avait déjà reçu des reliques (pré­su­mées) de saint Vincent, pro­dui­sait 50 000 litres de vin par an au IXème siècle…[]