Saint Vincent serait né à Saragosse en Espagne, selon Prudence, le plus ancien [1] auteur dont nous conservons une narration poétique sur saint Vincent.
Sous l’empereur Dioclétien et Publius Dacianus, gouverneur de la Bétique, Valère, évêque de Saragosse, ordonne Vincent diacre et lui prescrit le ministère de la prédication.
Avant les édits de persécution de 303 et 304, Dacien fit arrêter Valère et Vincent, et les fit marcher chargés de fer jusqu’à une prison de Valence, espérant les décourager. Dacien les cita à comparaître devant lui : Valère, trop infirme, demanda à Vincent de confesser leur Foi en la Sainte Trinité devant le gouverneur. Tandis que Dacien exile Valère [2], Vincent passe à l’épreuve de la torture. Saint Augustin dira que les souffrances de saint Vincent furent telles que la nature humaine n’aurait pas été capable de les supporter sans une vertu surnaturelle.
Saint Vincent est lié à un chevalet, les pieds et les mains étirés par des cordes. Le corps fut écorché par des ongles de fer. Vincent eut l’audace de reprocher aux bourreaux leur manque de force, ce qui finit par ranimer leur inhumanité au point qu’on apercevait les os et les entrailles du supplicié. Une joie surnaturelle transparaissait sur le visage de Vincent, ce qui surprit Dacien, lequel, voyant l’état pitoyable du martyr, fit cesser la torture, et tenta de le raisonner : « Ayez pitié de vous-même, sacrifiez aux dieux, ou au moins livrez-moi les écritures des chrétiens, conformément aux derniers édits qui ordonnent de les brûler. » Vincent répondit craindre plus une fausse compassion que les tourments.
Dacien reprit sa rage et soumit Vincent à la question du feu : attaché, allongé sur un lit de barres de fer ciselées en forme de scie, au-dessus d’un brasier. Les bourreaux lacéraient le côté non-exposé aux flammes et jetaient du sel sur le corps, mais devaient avouer à Dacien : « on dirait que les tourments ne font qu’accroître sa constance. » Vincent se contentait de lever les yeux au ciel et de s’entretenir intérieurement avec Dieu par une prière continuelle. Déconfit, Dacien ordonne de renvoyer en prison Vincent, couché sur des pots cassés, les pieds écartés par des ceps.
Des Anges vinrent consoler Vincent et chanter avec lui les louanges de Dieu. Le geôlier regarda par la fente de la porte, et vit une lumière vive et constata cette scène sublime. Il l’annonça à Dacien qui en pleura de rage, tandis que le geôlier et les gardes se convertirent et reçurent le baptême. Dacien laissa Vincent mourir de ses blessures et permit encore aux fidèles de le visiter.
Les chrétiens qui le visitèrent pleuraient et baisaient ses plaies, et recueillaient son sang dans des linges qu’ils emportaient comme un préservatif contre tous les maux.
Le 22 janvier 304 ou 305, Dacien fit mettre le martyr dans un lieu caché sur un lit fort mou, mais à peine y fut-il déposé qu’il expira. Prudence rapporte que son corps mort fut livré aux bêtes sauvages dans une forêt, mais fut défendu par un habile corbeau. Prudence et saint Augustin rapportent qu’ensuite Dacien fait porter le corps de Vincent sur une barque, et jeter le corps en mer par le soldat Eumorphius, une meule attachée au cou. Le corps flottait prodigieusement et échoua sur un rivage où il fut recueilli et enseveli hors des murs de Valence par une foule de fidèles, selon Prudence, ou quelques-uns selon d’autres auteurs. Sa sépulture devint le lieu de nombreux miracles. Les fidèles récupèrent aussi les instruments de torture du martyr.
En 542, au siège de Sarragosse, Childebert obtient de l’évêque de Saragosse des reliques du martyr en échange de la levée du siège. Childebert donne le chef du saint à saint Domnole, évêque du Mans, mais ce crâne disparaît à la Révolution. Vers 864, Audalde, cénobite de Conques, aurait transféré les reliques de saint Vincent de Valence à l’abbaye bénédictine St-Benoît de Castres pour les protéger du sacrilège des Maures. Une partie fut donnée à l’abbaye Saint-Germain-des-Prés de Paris. En 876, Charles le Chauve donne deux vertèbres du saint à Thierry, évêque de Besançon. Les protestants brûlèrent les reliques de Castres. Le cœur du saint fut brûlé par les protestants en 1562 à Dun-le-Roi. L’avant-bras est conservé à Vitry-le-François, l’étole du saint sera conservée dans la basilique parisienne de St-Vincent qui deviendra l’abbaye St-Germain-des-Prés.
Mais selon des Portugais, les reliques auraient été transférées de Valence à Lisbonne au XIIème siècle [3] …
Au XIIème, un évêque de Valence aurait apporté un bras en Italie. En 1966, l’Institut de chirurgie plastique de Padoue attribue ce bras à un individu du IVème siècle, âgé de 25 à 30 ans, mesurant 1,72 m., n’exerçant pas de travaux manuels, et ayant des traces de sévices infligés dans les 10 jours avant la mort.
Tandis que saint Goar (-575) et saint Roch (-1327) étaient choisis comme patrons par les vignerons rhénans, saint Killian (-689) par ceux de Franconie, saint Omer (-670) et saint Gualtier (-abbé de Pontoise-) par certains de France, l’impératrice sainte Hélène par ceux de Champagne, saint Morand (1050/75–3.6.1115) par ceux d’Alsace, le Bx Benoît Carretani (-1215) par ceux de Toscane et du Bade, le Bx Thomas de Costacciaro (1262-une fois, il changea de l’eau en vin-1337 son corps est resté intact) par ceux de l’Ombrie, cependant dès le XVIème siècle, saint Vincent est honoré comme patron des viticulteurs [4],
En Provence, terre viticole, saint Vincent est le titulaire de l’église de Vins-sur-Caramy, et le patron du village. Une chapelle St-Vincent se trouve entre Artignosc-sur-Verdon et Montmeyran, une entre Vins-sur-Caramy et Carcès, et une autre à Trans.
Abbé Laurent Serres-Ponthieu
- (348–405/410). Divers auteurs moins anciens font naître saint Vincent à Huesca, ou à Valence, et être le fils d’Euticius (fils du consul Agressus) et d’Enola, laquelle serait la sœur de saint Laurent…[↩]
- St Valère était présent au concile d’Elvire vers l’an 300 où fut traité le célibat des clercs. Son exil survivra au temps des persécutions, Valère reviendra à Saragosse où il décède le 28 janvier 315.[↩]
- Le pape Sixte V approuva la fête de la translation du 13 septembre fêtée au Portugal depuis 1137.[↩]
- Il faut dire par exemple que l’abbaye parisienne de St-Germain-des-Prés, qui avait déjà reçu des reliques (présumées) de saint Vincent, produisait 50 000 litres de vin par an au IXème siècle…[↩]