En examinant ma collection incomplète de Fideliter, je suis tombé sur l’éditorial signé par monsieur l’abbé Aulagnier dans le numéro 96. Il y parle de Dom Gérard : je vous livre ici quelques extraits de cet éditorial mais je vous invite à le relire entièrement (NDLR : C.F. infra). C’est instructif ! Précisons que ce numéro est celui de novembre-décembre 1993 et qu’à cette époque, le père-abbé du Barroux n’a pas encore concélébré.
Après avoir décrit l’évolution subie par la mouvance Ecclesia Dei en direction d’un ralliement rapide, monsieur l’abbé Aulagnier désigne un responsable :
« Celui qui, aussi solidement armé, a entraîné hors du droit chemin des prêtres qui n‘avaient ni sa formation, ni la protection de sa clôture monastique, celui-là est le véritable, le premier, le principal responsable de leurs chutes misérables et nous devons lui demander des comptes. Oui, c’est bien vous, Dom Gérard, que j’interpelle aujourd’hui : qu’avez-vous fait de ces prêtres que Monseigneur Lefebvre a formés pour la Tradition, pour la messe de toujours, pour la foi catholique ?… Qu’avez-vous fait de ces prêtres, et de tous les autres, dont certains sont déjà au cœur du modernisme, dont les autres s’en rapprochent à grande vitesse ? Ne les voyez-vous pas, sous vos yeux, en train de lâcher sur un point, puis sur un autre, en voie de se transformer lentement pour finir par dire la messe de Luther, cette nouvelle messe abominable qui « s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe ? »
Le style est vigoureux, notre ancien supérieur du District, à juste titre, ne mâchait pas ses mots pour dénoncer les déviances déjà nettement visibles de la mouvance « Ecclesia Dei » et de ses ténors. Il avait raison car le moine bénédictin qui, en 1988, avait proclamé son acceptation d’un accord, « nulle contrepartie doctrinale ou liturgique n’étant exigée », concélébra avec le pape en 1995 tandis que son père Basile devenait le plus valeureux défenseur de la liberté religieuse.
Je n’ai pas recherché les textes que monsieur l’abbé Aulagnier a sans doute écrits pour stigmatiser la concélébration du jeudi 27 avril 1995. Mais j’imagine que Dom Gérard, s’il avait été déjà ainsi étrillé en 1993, a dû être « laissé pour mort » après sa concélébration dans les écrits de notre ancien supérieur.
Cette même référence à l’éditorial de 1993, me permet également de penser que monsieur l’abbé Aulagnier a dû être saisi d’une indignation terrible en apprenant que monseigneur Rifan, à son tour, à l’occasion du centenaire du couronnement de Nossa Senhora Aparecida. Mais cette réaction-là ne s’est pas produite. Je vous communique tout simplement celle qu’il vient d’avoir et je vous avoue qu’elle me bouleverse car, à l’évidence, il ne s’agit plus du même homme :
« Las ! Las ! sur un site « officiel » de la FSSPX, on nous montre Mgr Rifan, aube et mitre en mains, au milieu d’autres évêques. On nous le dit « concélébrant » dans le rite nouveau. On crie au scandale, à la trahison. La Maison Générale de la FSSPX, sans plus attendre, donne de la voix sur le site de La Porte Latine . « Il était là », il est vrai, les circonstances expliquaient sa présence : le renouvellement de la consécration du Brésil à Notre-Dame. Mais un jour aussi Mgr Lefebvre, pour des circonstances particulières, dut assister à la nouvelle messe. Ses « disciples d’aujourd’hui », si sûrs d’eux-mêmes, seraient bien capables de condamner sa présence. Crieraient-ils le même « il a trahi » ? Allons donc. Tout cela n’est pas sérieux. Figurez-vous que comme Mgr Lefebvre, ce jour-là, lui aussi avait déjà dit la messe. Et puis la nouvelle messe, contrairement à ce que dit M. l’abbé de Jorna n’est pas intrinsèquement perverse . Serait-ce un péché d’y assister occasionnellement et pour des raisons exceptionnelles ? Le Père Vinson le soutenait. Jamais Mgr Lefebvre. Serait-on devenu, dans la FSSPX, disciple du Père Vinson ? Moi ! Non ! »
Alors ? Je suis, quant à moi, plus navré encore de la réaction de monsieur l’abbé Aulagnier à la concélébration de Monseigneur Rifan que de la concélébration elle-même.
Quel chemin parcouru en 11 ans pour l’amener à se placer désormais aux côtés de ceux qu’il accusait naguère avec tant d’énergie ! Puisse monsieur l’abbé Aulagnier de 2004 relire son éditorial du numéro 96 de Fideliter et prouver ensuite, s’il le peut, que ses belles convictions d’alors n’ont pas été ébranlées….
Est-ce à moi de lui exprimer la confusion lamentable, générée par sa réaction, entre une participation active (a fortiori une concélébration !) et une présence passive à la nouvelle messe ? De lui dire que l’expression de l’abbé de Jorna pour désigner la nouvelle messe vaut bien celle de « messe de Luther » qu’il employait allègrement naguère ?
Puisse-t-il enfin, à l’aune du signe décisif de ralliement donné par l’évêque brésilien, reconnaître, pour le plus grand bien de la Tradition, que la voie dans laquelle il s’est engagé était bel et bien une impasse !
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France
(1)Editorial de l’abbé Aulagnier – Fideliter n°96 – Novembre/décembre 1993
La grande illusion des ralliés
« Celui qui m’a livré à toi est coupable d’un plus grand péché »
Etat d’esprit des ralliés et leur avenir prochain. (*)
Chaque jour qui passe apporte son lot de récits, de déclarations, d’interviews qui nous informent sur les soubresauts agitant actuellement le milieu des « catholiques Ecclesia Dei ». Par ces écrits, nous sommes désormais clairement renseignés sur la Rome conciliaire, sur l’état d’esprit des ralliés et sur leur avenir prochain.
Ces documents montrent d’abord au grand jour l’incroyable duplicité de la Rome actuelle, qui a trompé et continue de tromper les âmes au profit d’une manœuvre de pure politique ecclésiastique. On est stupéfait et horrifié de voir avec quelle désinvolture sont traitées les réalités les plus saintes de la foi, de la messe, de la Tradition.
Ces documents prouvent ensuite la naïveté des « catholiques Ecclesia Dei » ou leur aveuglement en face de la réalité la plus avérée. Les autorités de Rome, les évêques, répètent sur tous les tons qu’il n’est pas question de remettre en cause le Concile, confirment que la réforme liturgique est toujours norme de foi, assurent qu’une coexistence des deux rites à l’échelle de l” Eglise est impensable. Pourtant, les ralliés continuent imperturbablement de croire et d’affirmer que Rome revient à la Tradition, que la messe traditionnelle devient désormais parfaitement libre dans l’Église et que la restauration de la foi va bon train.
Ces documents révèlent enfin la rapide évolution des « catholiques Ecclesia Dei » et notamment des membres de la Fraternité Saint-Pierre. Ceux-ci sont en train de virer de bord et de se rallier, non plus seulement à la Rome du modernisme, mais bien au modernisme de Rome. Le cas navrant de l’abbé Laffargue, se faisant publiquement une gloire de célébrer la nouvelle messe, est le signe le plus tangible de cette dramatique transformation.
En lisant ces documents, dont nous ne pouvons publier qu’une partie, tant ils sont nombreux, notre cœur se serre. Ces prêtres ont été nos confrères, nos compagnons, nos amis. Ils ont porté haut et fier le drapeau de la Tradition, de la messe catholique, du sacerdoce intègre. Les fidèles comptaient sur eux, nous comptions sur eux, ils participaient de l’espoir du renouveau de l’Église. Et voici qu’ils vont se perdre dans les méandres du conciliarisme, qu’ils se laissent surprendre par les tromperies de la Rome actuelle et qu’ils abandonnent, les uns après les autres, la messe de leur ordination. Quel gâchis lamentable !
La dérive logique des « ralliés » : compromissions, concessions…
Leur évolution actuelle ne doit pas nous étonner, toutefois. Car elle était inscrite inéluctablement dans leur destin dès 1988, du jour où ils ont accepté ces funestes accords. Ayant fondé la Fraternité Saint-Pierre ou l’ayant rejointe, ils étaient forcés de prendre position. Membres d’une société de formation sacerdotale, ils devaient avoir des ordinations et donc trouver des évêques qui consentent à les faire. Membres d’une société apostolique, ils devaient trouver des diocèses qui les accepteraient. Membres d’une société qui souhaite se développer, il leur fallait les ressources financières nécessaires. Membres d’une société cléricale, le contact avec les représentants du clergé était une obligation de leur état.
Or, dans l’état actuel des choses, alors que ni Rome, ni les évêques, ni le clergé « recyclé » dans son ensemble n’ont la moindre intention de faire un retour sérieux à la Tradition, ces prêtres devaient nécessairement se trouver, du fait des accords, pris entre deux feux. S’ils résistaient au modernisme ambiant de l’Église conciliaire, c’était un combat épuisant de tous les instants sur chaque détail, qui aurait miné la confiance réciproque, aurait abouti à des mesquineries sordides et fini par bloquer toute la dynamique des accords « Ecclesia Dei ». Il leur fallait donc se résigner à des compromissions, à des concessions, et mettre la main dans l’engrenage fatal qui les a happés et qui finira par les broyer tous, pour en faire de vrais ralliés aux erreurs du Concile, à la nouvelle messe et à tout ce qu’ils ont combattu justement dans le passé. Ce sont donc surtout les accords de 1988 qu’il convient de leur reprocher, car ils sont la cause de tout le mal, et non leur attitude actuelle, qui n’en est que la conséquence.
Même sous ce rapport, d’ailleurs, je ne crois pas que ces prêtres soient les principaux responsables de leur acceptation de ces accords désastreux. Certes, ils ont gardé leur liberté personnelle et donc leur part de responsabilité. Mais ils bénéficient de circonstances explicatives, sinon atténuantes.
D’abord, ils sont pour la plupart assez jeunes et nous savons que la jeunesse est versatile, remplie d’illusions, trop confiante en ses forces, ce qui l’expose à des erreurs.
Ensuite, ils sont les fils du concile Vatican II et de mai 68, c’est-à-dire de la subversion religieuse et sociale. Le milieu familial, paroissial, culturel, social où leur jeunesse s’est déroulée a été agité par la crise contemporaine et n’a guère pu favoriser l’acquisition de ces qualités de stabilité, de persévérance, d’équilibre, de profondeur qui caractérisaient les hommes d’autrefois.
Par ailleurs, du fait des circonstances, de l’urgence de la situation, du besoin des âmes, de l’insuffisance des prêtres, ils ont reçu une formation, certes sérieuse et suffisante, mais tout de même bien courte, surtout pour guérir ces défauts de l’homme moderne qu’ils avaient pu contracter. Entraînés dans le tourbillon de l’apostolat juste à l’issue de leur séminaire, ils n’ont malheureusement guère eu le temps de ruminer cette formation, de la revoir à loisir, de se l’incorporer au plus intime de leur être.
Enfin, ils étaient plongés dans un ministère difficile, usant physiquement et moralement, au milieu d’un monde apostat et corrompu dont ils subissaient, malgré leur vigilance, les influences délétères.
Toutes ces circonstances ont sans doute contribué à diminuer leur capacité de résistance face à l’adversité. Ils ont pu être fatigués physiquement, nerveusement ou moralement, ce qui les rendait plus perméables aux embûches de l’ennemi. Ils ont pu voir grandir en eux le souhait d’être délivrés de cette pres¬sion psychologique constante que font peser à la fois le monde antichrétien et l’Église conciliaire.
Lorsqu’un Mgr Perl s’est présenté à eux, les bras chargés de propositions alléchantes, il leur a semblé que désormais ils pourraient continuer leur combat avec plus de facilité, plus de sécurité, plus d’efficacité en se ralliant à Rome et ils n’ont pas trouvé en eux-mêmes la force de dire non.
Toutes ces circonstances peuvent contribuer à expliquer, sans l’excuser complètement, leur triste défection et les concessions de plus en plus graves qu’ils vont être amenés à faire.
« Quelqu’un qui les a entraînés dans cette voie de perdition »
En revanche, il existe quelqu’un qui porte la part principale de responsabilité dans la rupture de ces prêtres avec Mgr Lefebvre et avec leur famille religieuse et spirituelle. Il existe quelqu’un qui assumera devant l’Histoire le poids de leurs défections déjà réalisées et à venir. Il existe quelqu’un qui les a entraînés dans cette voie de perdition par ses exhortations, par son exemple, par son aide matérielle et morale. Et celui-là ne peut prétendre bénéficier des mêmes excuses que ces prêtres, ni pour le passé, ni pour le présent.
Pour le passé, il était plus âgé qu’eux, donc plus expérimenté et plus sage. Il avait reçu une éducation familiale solide dans une Eglise ferme et dans un pays qui n’était pas encore totalement décadent. Il avait profité d’une forma¬tion monastique et sacerdotale longue et approfondie pour se créer des habitudes intellectuelles, morales et religieuses extrêmement robustes. Il avait connu la splendeur de l’Église, ce qui lui donnait des points de référence que les jeunes nés après Pie XII ne peuvent avoir.
Pour le présent, retranché dans son monastère comme dans une forteresse spirituelle, loin du monde et de ses vaines agitations, ayant tout loisir de se consacrer à la prière, à l’étude, à la réflexion, il n’avait aucune raison valable, aucune cause excusante pour tomber dans des pièges grossiers et ouvrir l’oreille aux promesses fallacieuses des envoyés de Rome. Sa position, son état de vie lui donnait le recul, la tranquillité d’âme, la lucidité nécessaires pour voir clair.
Celui qui, aussi solidement armé, a entraîné hors du droit chemin des prêtres qui n’avaient ni sa formation, ni la protection de sa clôture monastique, celui-là est le véritable, le premier, le principal responsable de leurs chutes misérables et nous devons lui demander des comptes.
Oui, c’est bien vous, Dom Gérard, que j’interpelle aujourd’hui :
Qu’avez¬vous fait de ces prêtres que Mgr Lefebvre a formés pour la Tradition, pour la messe de toujours, pour la foi catholique ? Qu’avez-vous fait de l’abbé Laffargue ? Qu’avez-vous fait de l’abbé Gouyaud ? Qu’avez-vous fait de l’abbé Hausheer ? Qu’avez-vous fait de l’abbé Jacquemin ? Qu’avez-vous fait de l’abbé du Fay ? Qu’avez-vous fait de ces prêtres, et de tous les autres, dont certains sont déjà au cœur du modernisme, dont les autres s’en rapprochent à grande vitesse ? Ne les voyez-vous pas, sous vos yeux, en train de lâcher sur un point, puis sur un autre, en voie de se transformer lentement pour finir par dire la messe de Luther, cette nouvelle messe abominable qui « s’éloigne, de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe ? ».
Non, Dom Gérard, vous n’avez pas le droit de faire comme si vous n’aviez aucune part dans ces contreparties doctrinales, dans ces concessions et finalement dans ce reniement. C’est sur votre parole qu’ils se sont engagés dans cette voie, c’est à vos assurances qu’ils ont cru en signant des accords, c’est votre exemple qui a achevé de les décider à nous quitter pour rejoindre la Rome conciliaire.
N’avez-vous pas déclaré publiquement, juste après les sacres de 1988, que les propositions romaines
« établissaient la somme de nos requêtes soumises au Saint-Siège depuis 1983. Ce que nous demandions depuis le début (messe de saint Pie V, catéchisme, sacrements, le tout conforme au rite de la Tradition séculaire de l’Église) nous était octroyé, sans contrepartie doctrinale, sans concession, sans reniement ? » N’avez-vous pas prétendu mettre à l’accord signé par vous la condition suivante : « Que nulle contrepartie doctrinale ou liturgique ne soit exigée de nous et que nul silence ne soit imposé à notre prédication antimoderniste ? » N’avez-vous pas affirmé sans sourciller : « Nous restons, nous-mêmes, arc-boutés aux impératifs de la foi intégrale et à la tradition immuable de l’Église ? ».
Comment ces prêtres, qui avaient tant d’admiration légitime pour le moine courageux de Bédoin, tant de confiance dans le défenseur de la liturgie et de la tradition monastique authentiques, tant d’enthousiasme pour le constructeur du Barroux, tant d’affection pour le père de nombreux moines, auraient-ils eu des doutes quand vous leur affirmiez qu’on pouvait sans danger accepter les propositions de Rome ?
Comment n’auraient-ils pas été éblouis lorsque vous leur promettiez qu’ils pourraient désormais défendre la Tradition dans l’Église conciliaire, et ceci « sans contrepartie doctrinale, sans concession, sans reniement ? ». Comment ces prêtres n’auraient-ils pas été entraînés par votre exemple lorsqu’ils se souvenaient de votre combat antérieur, du soutien sans faille que vous aviez jusqu’ici apporté à Mgr Lefebvre, de votre fermeté à garder la liturgie traditionnelle, de votre amour de l’état monastique, de votre zèle doctrinal ? Votre long et magnifique combat antérieur ne désarmait-il pas leur méfiance lorsque vous leur montriez un avenir radieux, celui d’une prédication antimoderniste et d’une fidélité absolue à la liturgie traditionnelle avec l’accord de Rome, avec la bénédiction du Saint Père, avec le soutien de la curie et dans le respect des lois canoniques ?
Bien entendu, vous étiez trop lucide pour croire que tout allait vraiment s’arranger par des accords entre vous et une Rome qui n’avait pas réellement changé. Seulement, enfermé dans votre monastère comme dans un château fort, vous vous estimiez peu vulnérable. S’agissait-il des prêtres ? Vous en aviez vingt-et-un (ordonnés par Mgr Lefebvre) (**)”, qui vous suffiraient pour de longues années, même si aucun évêque conciliaire n’acceptait d’en ordonner de nouveaux. S’agissait-il de l’apostolat extérieur ? Après tout, il ne faisait pas partie intégrante de votre vocation monastique, vous pouviez donc l’abandonner si la pression devenait trop forte. S’agissait-il des ressources financières ? Votre monastère était désormais achevé de payer (avec l’argent des traditionalistes). S’agissait-il des contacts avec le clergé local ? Mais le moine est un contemplatif, il ne lui est nullement nécessaire de rencontrer qui que ce soit.
Vous pensiez ainsi que le modernisme mettrait des années à vous réduire à merci et que ces années pourraient être utilisées pour fortifier votre position, sauver votre œuvre et finalement travailler au bien de la Tradition. Tel était votre but en signant ces accords équivoques : mettre à profit le temps gagné par ces accords afin de réussir à maintenir et à développer la Tradition.
Mais vous avez fait ce calcul sans considérer que vous abandonniez en plein combat des compagnons de lutte ; en oubliant qu’un tel choix vous obligeait à effacer le caractère essentiellement doctrinal de nos réclamations, au profit de simples préférences personnelles ; mais surtout, en acceptant de jeter des âmes en pâture aux loups déguisés en brebis de l’Église conciliaire. Car des prêtres, de nombreux fidèles, qui ne possédaient pas votre formation, avaient le regard fixé sur vous. Ils attendaient votre décision et se tenaient prêts à l’imiter, à la suivre.
Comment avez-vous pu alors signer en conscience ces accords ?
Comment avez-vous pu sans frémir tromper les fidèles et les mettre sur la voie du ralliement aux erreurs de Vatican II ? Comment avez-vous pu entraîner les jeunes moines qui vous avaient fait confiance dans une telle voie sans issue ? Comment avez-vous pu prendre la responsabilité d’embarquer à votre suite ces prêtres qui sont en train de tomber les uns après les autres ?
N’auriez-vous pas dû, comme le saint vieillard Éléazar dont parle le deuxième livre des Maccabées (VI, 18–3 1), « considérer la haute dignité de votre âge et les actes de votre vie sans tache depuis votre enfance » et vous souvenir qu’il n’était pas digne de vous d’user de fiction et ainsi être cause que de nombreux jeunes gens soient trompés ? N’était-il pas de votre responsabilité de père, Abbas, Pater, de leur laisser plutôt un exemple de fermeté, de persévérance, de fidélité ?
Oui, Dom Gérard, cette lettre ouverte que mon collaborateur adresse dans ce numéro à l’abbé Coiffet, c’est vous qu’elle touche de plein fouet. Ces documents que nous publions, c’est vous qu’ils accusent. N’y a‑t-il pas, d’ailleurs, un symbole sans équivoque dans cette lettre de la commission Ecclesia Dei adressée à votre propre frère et qui reste à ce jour la plus accablante pour les accords de 1988 ?
Pensez‑y bien, mon Révérend Père : chaque fois qu’un de ces prêtres glisse, perd pied, abandonne la Tradition, trahit la messe catholique pour rallier misérablement les erreurs conciliaires, c’est à cause de vous qu’il le fait, c’est sous votre impulsion et en croyant suivre votre exemple. Ce prêtre qui cède au modernisme peut dire en toute vérité à votre propos : « Celui qui m’a livré à toi est coupable d’un plus grand péché » que moi.
Abbé Paul AULAGNIER †
Notules
(*)Les soustitres sont de la rédaction de La Porte latine
(**) Neuf d’entre eux ont quitté Dom Gérard après son reniement.