Lettre aux Amis et Bienfaiteurs n° 70 – District de France

Lettre aux Amis et Bienfaiteurs N° 70

Chers Amis et Bienfaiteurs,

L’espérance de voir recon­nue la liber­té de la messe de Saint Pie V, la grande prière du Rosaire par­tout réci­tée à cette inten­tion, la coïn­ci­dence de cette fer­veur avec la vio­lente pro­tes­ta­tion épis­co­pale fran­çaise relayée par les médias, ont pla­cé la litur­gie au centre de l’actualité de ces der­niers mois. Voilà qui nous donne assez de motifs, chers Amis et Bienfaiteurs, pour par­ler à notre tour de cet ensemble de chants, de prières, de sym­boles que l’on appelle la « liturgie ».

Pourquoi occupe-​t-​elle une telle place dans la reli­gion chré­tienne ? L’essentiel, comme l’a rap­pe­lé Notre Seigneur à la Samaritaine, ne consiste-​t-​il pas à ado­rer en esprit et en véri­té ? Quelques gestes valent-​ils vrai­ment cette guerre des rits en laquelle la Fraternité Saint- Pie X se trouve aus­si par­tie pre­nante ? Notre Seigneur ne renverrait-​il pas dos-​à-​dos les tenants de l’ancien et du nou­veau en leur disant que leurs que­relles sont aus­si sté­riles que celles des juifs et des sama­ri­tains à pro­pos de l’adoration sur le mont Garizim ou sur la mon­tagne de Sion ? Au lieu de nous déchi­rer par des dis­putes intes­tines, ne ferions-​nous pas tel­le­ment mieux d’unir nos efforts contre l’ennemi com­mun mena­çant de détruire les der­niers débris de la Chrétienté ?

Répondre à ces ques­tions, c’est d’abord rap­pe­ler que la litur­gie est l’expression la plus par­faite de la prière que l’Eglise adresse à Dieu . Et c’est mon­trer en consé­quence pour­quoi son ava­tar de 1969, nou­velle messe de Luther, n’en est qu’une contre-façon.

En nous créant, Dieu nous a don­né un corps et une âme. Ces deux par­ties de l’être humain sont si inti­me­ment unies que rien ne peut arri­ver à l’intelligence qui ne soit d’abord pas­sé par nos sens. Eux seuls ont le pri­vi­lège de pro­po­ser à nos facul­tés spi­ri­tuelles la nour­ri­ture dont elles s’alimenteront.

Cette com­po­si­tion de la créa­ture humaine, corps et âme, lui fait une néces­si­té natu­relle et un devoir de rendre à Dieu une louange qui soit expres­sive de l’essence qu’elle en a reçue : l’adoration se doit de tout signi­fier de l’être dont elle émane. Une prière qui se ferait uni­que­ment cor­po­relle ou seule­ment spi­ri­tuelle man­que­rait à Dieu en cela qu’elle Lui déro­be­rait une par­tie de Sa gloire et Lui pré­sen­te­rait un visage déna­tu­ré de Sa créature.

Voilà pour­quoi, depuis le com­men­ce­ment des siècles, l’Eglise célèbre un culte auquel par­ti­cipent tous les sens de l’homme. Leur asso­cia­tion à la litur­gie est indi­ca­tive de leur par­fait assu­jet­tis­se­ment à Dieu.Une illus­tra­tion frap­pante nous en est don­née dès le Baptême au cours duquel le rituel ouvre les cinq sens à pou­voir rem­plir leur plus noble mis­sion : rendre gloire à Dieu comme canaux de Sa grâce. Le corps humain, par­mi toutes les créa­tures, se trouve ain­si appe­lé à être tra­ver­sé de la plus glo­rieuse des vibra­tions : la com­mu­ni­ca­tion de la Vie divine jusqu’à l’intime de l’âme. Aucune autre nature maté­rielle, sinon le pain et le vin pré­le­vés pour la Consécration et les autres élé­ments choi­sis pour la confec­tion des Sacrements, ne peut riva­li­ser avec lui.

Si Dieu ne répugne pas à rece­voir l’hommage de toutes ses créa­tures, si le corps humain, en rai­son de son rôle auprès de l’âme, se situe à la pre­mière place dans ce concert de louanges ; ce n’est cepen­dant qu’en rai­son de sa spi­ri­tua­li­té que l’homme peut adres­ser à Dieu le plus beau can­tique. Par son âme, il n’est pas seule­ment un simple ves­tige de la puis­sance créa­trice de Dieu mais Sa véri­table image. C’est d’elle seule que peut jaillir de la terre un chant supé­rieur, celui d’une créa­ture éga­le­ment tirée du limon, mais consciente, au milieu de toutes les autres, de ce qu’elle doit à Dieu. Par l’orientation libre de son exis­tence tour­née vers Lui, l’homme, doté d’une étin­celle d’esprit, est appe­lé à pro­non­cer une prière infi­ni­ment plus belle, cor­res­pon­dant à l’opulence des dons reçus.

Il y aurait été tenu même s’il n’avait pas été éle­vé à l’ordre sur­na­tu­rel. Mais la Bonté de Dieu a vou­lu que sa créa­ture humaine devînt Son enfant, mode­lée à la res­sem­blance de Son Fils. A cette nou­velle et sublime digni­té du bap­ti­sé, est atta­chée une rela­tion d’une inten­si­té spi­ri­tuelle dont la seule mesure est celle de Son Amour .

Quelle sera donc la prière de cette créa­ture unique, à la fois maté­rielle et spi­ri­tuelle, péche­resse mais tel­le­ment aimée de Dieu qu’Il n’hésite pas à répandre Son Sang pour elle ? Il fau­dra rien de moins que la Mission de Son Fils pour venir l’inaugurer sur la terre et rien de moins que Celle de Son Esprit pour la pré­ser­ver de toute erreur et la conser­ver dans sa pure­té jusqu’à la fin du monde. Il y fau­dra la fon­da­tion d’une Eglise pour lui en confier la garde, qu’Elle en mûrisse la for­mu­la­tion et la porte jusqu’à Sa per­fec­tion. Il y fau­dra le génie et l’amour ou plu­tôt le génie de l’amour, de quelques géné­ra­tions de saints, pour que le plus spi­ri­tuel des col­loques, celui de l’Epouse à Son Epoux, soit tra­duit par la beau­té la plus ache­vée, à l’expression de laquelle concourent tous les arts et tous les talents.

« Nul ne songe à cri­ti­quer la large part de liber­té lais­sée aux pre­miers siècles chré­tiens dans les for­mules de la prière litur­gique : c‘est la condi­tion ordi­naire des époques de formation ».

Cette remarque de Don Guéranger laisse à com­prendre ce prin­temps de la litur­gie dont les fruits ont été les grands rites ensuite consa­crés par le temps. Parmi eux, celui de Rome, bai­gné de cette lati­ni­té qui avait su recueillir le meilleur de tous les siècles pré­cé­dents, fécon­dé par le Sang de Saint Pierre, de Saint Paul et de tous les mar­tyrs, et immen­sé­ment rehaus­sé par le pres­tige de la lignée des Papes.

Le doig­té du sculp­teur sait que les marques ultimes faites à la matière sont déci­sives : lorsque l’instant de l’achèvement est proche, les coups de ciseaux deviennent rares et presque imper­cep­tibles ; un seul suf­fi­rait pour com­pro­mettre l’œuvre d’art. Il appar­tient alors à la sagesse et à l’humilité du sculp­teur de savoir dis­cer­ner cet ins­tant de per­fec­tion dont il a appris qu’il se trouve tou­jours sui­vi par un autre où tout com­mence à se voi­ler. L’âme tout émue d’avoir vu jaillir hors d’elle, de contem­pler en face d’elle, ce qu’elle por­tait en elle, se recueille encore une fois avant de ran­ger ses outils. Qu’elle se garde alors des démons de la fas­ci­na­tion qui sur­gissent après le temps de l’exaltation féconde si patiem­ment sui­vie ! Démons bar­bares et impé­rieux, enne­mis de l’harmonie ou étran­gers à elle, qui, sous cou­vert d’inspiration, soufflent la déme­sure pour l’anéantissement de l’œuvre.

Ce n’est pas le moindre mérite du pape saint Pie V, abî­mé dans l’admiration et dans l’adoration du rite de la messe qu’il célé­brait, dont la sain­te­té, toute d’adhésion au Sacrifice, lui per­met­tait d’en sai­sir la puis­sance et d’en goû­ter la splen­deur, de l’avoir com­prise comme par­ve­nue aux lignes défi­ni­tives de la pure­té . Son âme de mys­tique l’avait de long­temps inté­rio­ri­sée comme une expres­sion si lim­pide du Sacrifice de la Croix qu’elle ne ces­sait de débor­der de ces mys­tères qui la péné­traient de toutes parts. Ses grâces de pape le por­tèrent à la décla­rer immuable, digne d’assurer à jamais l’unité litur­gique de l’Eglise. Mais le luxe d’insistance et d’adjuration solen­nelle de la Bulle « Quo Primum Tempore » le révèle conscient des menaces redou­tables qui pèsent sur ce trésor :

« Par Notre pré­sente consti­tu­tion, qui est valable à per­pé­tui­té, Nous avons déci­dé et Nous ordon­nons, sous peine de Notre malé­dic­tion, que jamais rien ne soit ajou­té, retran­ché ou modi­fié à Notre Missel que Nous venons d’éditer (…)Et même, par les dis­po­si­tions des pré­cé­dentes et au nom de Notre auto­ri­té apos­to­lique, Nous concé­dons et accor­dons que ce même Missel pour­ra être sui­vi en tota­li­té dans la Messe chan­tée ou lue, dans quelque église que ce soit, sans aucun scru­pule de conscience et sans encou­rir aucune puni­tion, condam­na­tion ou cen­sure, et qu’on pour­ra vala­ble­ment uti­li­ser libre­ment et lici­te­ment, et cela à per­pé­tui­té ».

L’adhésion de l’âme à la beau­té, l’intuition du chef‑d’œuvre, la cer­ti­tude de se trou­ver en pré­sence d’une forme unique et indé­pas­sable, n’a pu être obte­nue que par la plus humble sou­mis­sion à la Tradition de l’Eglise et la plus sainte des cor­res­pon­dances inté­rieures avec le Sacrifice de la Croix. Si le théo­lo­gien démontre que les for­mules uti­li­sées dans la messe abou­tissent à une syn­thèse rigou­reuse de la Foi, si le liturge en exprime leur beau­té et leur har­mo­nie, il est seule­ment don­né à l’âme qui s’ouvre à la grâce de Dieu d’être sai­sie et enva­hie par ce Mystère, et à celle des saints de ne plus savoir en goû­ter d’autre.

Le moment est cepen­dant venu de des­cendre, à contre cœur mais réso­lu­ment, de notre ado­ra­tion et de notre joie parce qu’il s’est trou­vé un suc­ces­seur de Pierre, gagné aux idées libé­rales, qui est entré dans l’atelier du sculp­teur pour s’emparer de ses outils. Alors simple arche­vêque de Milan, il espé­rait déjà de l’Eglise qu’

« Elle veille­ra à se mettre à jour en se dépouillant, s’il le faut, de tel ou tel vieux man­teau royal demeu­ré sur ses épaules sou­ve­raines pour se vêtir des habits plus simples que réclame le goût moderne » ?

« Le goût moderne » ! Mais que vient-​il donc faire ici ? Comment oser le dési­gner comme un cri­tère de la litur­gie ? En quelques mots, Monseigneur Montini pro­cla­mait déjà la révo­lu­tion litur­gique qui asser­vi­rait la Messe à l’inconstance de la mode. Mais quel est ce nou­veau lan­gage suin­tant de déma­go­gie ? N’y a‑t-​il pas un mépris des âmes bap­ti­sées que de les pen­ser deve­nues inaptes à appré­cier les tré­sors de la beau­té litur­gique ? Ou un véri­table déses­poir de ne plus croire qu’on pour­ra les y amener ?

Que l’on nous donne des noms d’évêques ayant tenu un tel dis­cours dans l’Histoire de l’Eglise. Nous crai­gnons bien que seuls, ou à peu près seuls, les héré­siarques se soient expri­més ain­si… Indifférent aux objur­ga­tions de saint Pie V, l’ancien arche­vêque de Milan deve­nu pape a sur­gi dans l’atelier du sculp­teur et a décré­té que cette messe ne cor­res­pon­dait déci­dé­ment plus au « goût moderne ».

Elle s’en trou­vait même tel­le­ment éloi­gnée qu’il n’y avait plus d’autre solu­tion que d’en fabri­quer une autre. Qu’à cela ne tienne ! « Le nou­vel Ordo Missae a été pro­mul­gué pour prendre la place de l’ancien », a décla­ré le pape Paul VI tan­dis que s’activaient des com­mis pro­gres­sistes, sous le regard atten­tif et réjoui de six pas­teurs pro­tes­tants, char­gés de concoc­ter une messe tout comme on pour­rait confec­tion­ner une recette de cui­sine : pour « le goût moderne ». Sa fina­li­té ? Monseigneur Bugnini, qui en fut la che­ville ouvrière, a eu le cynisme de la livrer comme telle :

« L’Eglise a été gui­dée par l’amour des âmes et le désir de tout faire pour faci­li­ter à nos frères sépa­rés le che­min de l’union, en écar­tant toute pierre qui pour­rait consti­tuer ne serait-​ce que l’ombre d’un risque d’achoppement ou de déplaisir. »

L’on n’en fini­rait pas de citer les aveux de la recon­nais­sance de cette pro­tes­tan­ti­sa­tion d’une messe qui ne peut que déplaire à Dieu par ce qu’elle est :

« …Il y a chez Paul VI une inten­tion oecu­mé­nique d’effacer, ou du mois de cor­ri­ger, ou du moins d’assouplir ce qu’il y a de trop catho­lique au sens tra­di­tion­nel dans la messe, et de rap­pro­cher la messe, je le répète, de la cène calviniste. »

C’est, cette fois-​ci, de Jean Guitton, ami intime du pape, que nous rece­vons cette confi­dence. Comment nous éton­ner alors de la conclu­sion gra­vis­sime du car­di­nal Ottaviani, ancien Préfet du Saint-​Office, et du car­di­nal Bacci, spé­cia­liste incon­tes­té de liturgie :

« Le Nouvel Ordo Missae s’éloigne de façon impres­sion­nante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théo­lo­gie catho­lique de la sainte messe » ?

Nous ne pou­vons donc que pro­tes­ter lorsque des prêtres, qui ont obte­nu pour eux l’autorisation de célé­brer selon l’ancien rit – qu’il s’agisse de prêtres de la Fraternité Saint-​Pierre ou désor­mais de l’Institut du Bon Pasteur – affirment pour les pre­miers l’orthodoxie((Déclaration de l’abbé Vincent Ribeton (FSSP) sur le Forum Catholique le 13 novembre 2006 : « Je ne crois pas que célé­brer la messe selon le nou­vel ordo, évi­dem­ment dans l’ob­ser­vance des rubriques, puisse en soi consti­tuer un désordre moral objec­tif. Dire le contraire revien­drait à affir­mer que l’Eglise aurait pro­mul­gué un rite intrin­sè­que­ment mau­vais, ce qui paraît impos­sible à sou­te­nir sans tom­ber dans le sédé­va­can­tisme. Je ne suis pas convain­cu que le nou­veau rite exprime très adé­qua­te­ment cha­cune des réa­li­tés qui s’ac­tua­lisent à l’au­tel, mais cela ne signi­fie pas pour autant qu’il soit hété­ro­doxe. De fait, les condi­tions de vali­di­té et d’or­tho­doxie d’un rite sont mini­males, et l’Eglise a tou­jours assu­mé des rites d’une plus ou moins grande richesse, voire, pardonnez-​moi l’ex­pres­sion, d’une cer­taine pau­vre­té. » . Depuis cette décla­ra­tion, il semble que plu­sieurs membres de la FSSP aient une posi­tion plus réser­vée au sujet de « l’or­tho­doxie » du N.O.M. et plus proche de celle de la FSSPX. )) de la nou­velle messe et, pour les autres, ont déjà admis sa légitimité((Déclaration de l’ab­bé de Tanoüarn (IBP) dans Valeurs Actuelles n° 3653 du 1er décembre 2006 : » Et donc, rien que du point de vue de ces dif­fé­rences d’ac­cent, qu’il ne faut pas for­cé­ment exa­gé­rer, mais qui existent, et notre conver­sa­tion en est un signe, je crois qu’il faut accep­ter la dif­fé­rence des rites et accep­ter qu’on puisse avoir une pré­fé­rence fon­dée, pro­fonde, pas seule­ment sub­jec­tive ou esthé­tique, pour le rite tra­di­tion­nel. Cela dit, bien enten­du, si au nom de cette pré­fé­rence on ana­thé­mise tous les autres et on dit que le rite réno­vé n’est pas légi­time, on n’a rien à faire dans l’Eglise. »)).

Nous tenons à bien réaf­fir­mer, sans ambi­guï­té aucune, notre juge­ment sur cette nou­velle messe : bien qu’elle ne soit pas inva­lide par elle-​même, elle est réel­le­ment mau­vaise de par son équi­vo­ci­té. Fût-​elle célé­brée par le plus ver­tueux des prêtres, eût-​elle été dite par le saint curé d’Ars lui-​même, elle aurait encore favo­ri­sé la perte de la Foi et le four­mille­ment des héré­sies, et consti­tué un outrage objec­tif à Dieu. L’affirmer ortho­doxe ou légi­time consti­tue une trom­pe­rie. Notre refus de la nou­velle messe n’est pas fon­dé sur une pré­fé­rence sen­sible, mais sur des motifs qui touchent à la Foi.

Nous disons donc à nos fidèles que la par­ti­ci­pa­tion à la nou­velle messe n’est jamais pos­sible, non pas qu’il suf­fise d’y assis­ter une fois pour mettre sa Foi en dan­ger, mais pour cette rai­son fon­da­men­tale qu’elle déplaît à Dieu. Elle lui déplaît parce qu’elle véhi­cule un chris­tia­nisme déviant, dégé­né­ré, en lequel Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ne peut plus retrou­ver la reli­gion qu’Il est venu nous ensei­gner. Nous ne tirons pas en revanche cette conclu­sion que la pré­sence pas­sive, en cer­taines occa­sions où la civi­li­té le deman­de­rait, ne soit pas autorisée.

Nous vou­drions, pour ter­mi­ner, emprun­ter au pro­phète Habacuc les accents de sa sainte har­diesse pour s’adresser à Dieu :

« Jusques à quand, Seigneur, crierai-​je sans que vous m’écoutiez ? Jusques à quand éleverai-​je ma voix vers vous, souf­frant vio­lence, sans que vous me sau­viez ? Pourquoi me montrez-​vous l’iniquité et la dou­leur, me faites-​vous voir devant moi la rapine et l’injustice » ?

Nous repre­nons sa plainte à notre compte : Usquequo, Domine ? Jusques à quand, Seigneur, laisserez-​vous encore mon­ter l’humiliation de Votre Eglise, votre Vicaire s’aventurer sur des sen­tiers dou­teux, et la confu­sion des esprits ne ces­ser de croître ? Nous vou­lons Vous las­ser de nos sup­pli­ca­tions pour que vous abré­giez ce temps dont vous avez vous-​même recon­nu que, s’il était pos­sible, il ver­rait les élus eux-​mêmes s’égarer. Cependant, com­ment, en même temps, ne reconnaîtrions-​nous pas votre misé­ri­corde de nous avoir don­né Monseigneur Lefebvre, le sillon qu’il a tou­jours tra­cé tout droit devant lui et sa Fraternité qui pour­suit inlas­sa­ble­ment dans la même orientation ?

Un obser­va­teur des ter­ribles agi­ta­tions qui secouent l’Eglise depuis quelques décen­nies pour­rait sans doute attes­ter de la Fraternité Sacerdotale Saint- Pie X ce que disait Louis Veuillot de l’abbaye de Solesmes en 1861 :

« J’ai trou­vé Solesmes tel que je l’avais vu il y a vingt ans, et c’est main­te­nant la seule chose aimée de moi qui ne soit pas tom­bée ou qui n’ait pas bou­gé depuis cette date loin­taine. Je ne sau­rais vous dire le bon­heur que j’éprouve à pal­per et à dégus­ter cette soli­di­té, après cette longue série d’écroulements, de morts et de trans­for­ma­tions… Il y a donc encore sur la terre quelque chose que j’ai connu jadis et que je peux reconnaître ! »

Chers amis et bien­fai­teurs, mal­gré tous les mal­heurs de l’Eglise et tous les aban­dons dans le com­bat, n’oublions pas notre rare bon­heur de pou­voir dire, avec Veuillot, qu’il nous a été aus­si lais­sé cette racine de la Tradition qui n’a jamais cédé.

Nous vous remer­cions de votre déter­mi­na­tion sur­na­tu­relle qui nous est un si pré­cieux encou­ra­ge­ment à ne jamais rien bra­der nous-​mêmes de notre magni­fique héri­tage de catholiques !

Abbé de Cacqueray