Abbé Grégoire Celier
Nous sommes désormais en plein dans la campagne électorale. Celle-ci n’est pas près de finir car, après les présidentielles, viendront les législatives : nous en avons donc jusqu’à l’été à entendre promesses (qui n’engagent que ceux qui les croient), petites phrases et déclarations d’intention. Malgré un spectacle aujourd’hui trop souvent dérisoire ou pathétique, la politique reste un art utile et noble, parce qu’elle sert le bien commun, un bien « plus divin », dirait Aristote, puisqu’il touche plus d’hommes.
Nous comprenons tous intuitivement que la politique, parce qu’elle se meut dans la sphère des réalités contingentes, comporte inévitablement une part de souplesse, d’adaptation aux circonstances, de tolérance envers des maux qui ne peuvent provisoirement être supprimés. Même si un gouvernement digne de ce nom le voulait, il ne pourrait changer en quinze jours et de fond en comble le système d’imposition, le Code du travail ou l’organisation de l’Éducation nationale. Et s’il entreprenait de le faire, le chaos qui en résulterait serait sans doute pire que les inconvénients de la situation actuelle.
Cependant, si certains maux marginaux et ponctuels peuvent et doivent sans doute être supportés pour un temps, en fonction des exigences du bien commun, tout ne peut être l’objet de tolérance et de longanimité. Des maux qui mettent directement en péril l’essentiel du bien commun, des maux qui ruinent sans retour les principes mêmes de la société, les fondements de la communauté humaine, doivent être combattus immédiatement et sans réserve.
Prenons un exemple pour mieux comprendre. Il est permis à des parents de fermer les yeux sur certaines frasques d’un enfant, lors d’une crise d’adolescence difficile. Laisser passer, en quelques circonstances, une colère, une bouderie, une paresse, peut s’avérer nécessaire. En revanche, si l’adolescent entreprend de mettre le feu à la maison, aucun parent sensé ne le laissera faire, même sous prétexte de tolérance, ou pour « éviter une crise ». La tolérance, en ce cas, serait criminelle et suicidaire.
Eh bien ! une société qui, chaque année, assassine froidement, de façon officielle et légale, plus de 200 000 de ses membres, est une société qui détruit, par le fait même, sa raison d’être, ses fondements de société humaine, son propre bien commun. Aucun homme politique digne de ce nom ne peut prétendre qu’il faudrait agir, face à ce crime insoutenable, « par paliers », « avec tolérance », « de façon graduée ». L’assassinat légal et massif doit être aboli de façon immédiate, sans phrase et sans atermoiement.
Peut-être, dans les faits, les avortements ne cesseront-ils pas complètement. Peut-être la répression de ce crime serat- elle très diffi cile, voire provisoirement impossible. Sur le terrain pratique, la prudence, la sagacité, l’habileté de l’homme politique auront tout loisir de s’exercer. Mais, au plan des principes, l’abolition du « droit » légal à l’avortement doit sans aucun doute être l’une des premières mesures d’un gouvernement digne de ce nom, sinon la première mesure. La défense de la vie n’est pas facultative, car tant qu’une prétendue société assassine ainsi une part notable de ses citoyens, elle ne peut être considérée comme une société véritablement humaine.
Pour notre part, nous nous situons sans hésiter dans le camp de la vie, de l’accueil des enfants et d’une éducation qui mène à la vie éternelle. C’est dans cette perspective que nous vous proposons en ce catalogue la vie de saint Jean Bosco, dans notre collection « Chemins de lumière ». L’œuvre de son existence fut l’accueil et l’éducation des jeunes abandonnés pour diverses raisons (orphelins, délinquants, jeunes travailleurs exilés loin de leur famille, etc.). Même dans une société parfaitement organisée, selon les meilleurs principes chrétiens, il resterait une vaste place pour l’action de la charité, afin de suppléer aux défaillances de la nature, des circonstances, des personnes. Mais ce travail de la charité est évidemment encore plus nécessaire dans une société désorganisée par le rejet du christianisme. Par sa vie, Don Bosco nous donne l’exemple d’une telle charité surnaturelle, active, intelligente, industrieuse.
Et également joyeuse. Ce n’est pas un hasard si la première société qu’il créa avec des camarades de classe s’intitulait la « Société de la Joie ». C’est ce qui fait que la lecture de sa vie est à la fois passionnante et enthousiasmante, et ceci « de 7 à 77 ans ».
Faites-en l’expérience : je vous assure que vous serez vous-mêmes soulevés par cette joie communicative de Don Bosco, qui vous donnera le goût de servir avec toujours plus de zèle Notre Seigneur Jésus-Christ.
Abbé Grégoire Celier †
Extrait du catalogue Clovis n° 71 de février 2007