Sermon de Mgr Lefebvre – Christ-​Roi – Tonsures – Sous-​Diaconat – Diaconat – 30 octobre 1977

Mes bien chers frères,

C’était le 11 décembre 1925, que le pape Pie XI deman­dait à l’Église uni­ver­selle de fêter la fête du Christ-​Roi le der­nier dimanche d’octobre. Et le pape Pie XI le fai­sait d’une manière tout à fait solen­nelle, par une ency­clique, l’encyclique Quas pri­mas qui est res­tée célèbre et dans laquelle, il défi­nit avec toute son auto­ri­té pon­ti­fi­cale, papale, il défi­nit la royau­té de Notre Seigneur Jésus-Christ.

On pour­rait donc se deman­der, si cette véri­té du règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ, de la royau­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, est une véri­té qui n’a pas été pré­ci­sée, qui n’a été en défi­ni­tive remar­quée, par l’Église que depuis peu de temps.

Car enfin, nous étions au sémi­naire de Rome, lorsque cette ency­clique a paru, mais il est évident que si notre Saint-​Père le pape a cru devoir pro­cla­mer cette véri­té, c’est que pré­ci­sé­ment, c’était une véri­té ensei­gnée et crue dans l’Église depuis les temps apostoliques.

D’ailleurs, Notre Seigneur Lui-​même, s’est char­gé de nous l’enseigner. Lui-​même a fait sou­vent allu­sion à son règne, lorsqu’il était ici-​bas. Notre Seigneur a sou­vent par­lé du règne de Dieu ; or quand Il par­lait du règne de Dieu, il est évident qu’il par­lait de son règne, car Il est Dieu.

Notre Seigneur à Nicodème, par exemple, dans l’intimité d’une conver­sa­tion pri­vée, a décou­vert déjà des vues de son minis­tère, dès le début de ces années qu’il a pas­sées à prê­cher l’Évangile. Notre Seigneur découvre à Nicodème le royaume de Dieu.

Il lui dit que : « Si quelqu’un ne renaît, il ne pour­ra pas voir le royaume de Dieu ». Et comme Nicodème insiste pour savoir com­ment peut se faire cette renais­sance. Notre Seigneur lui dit : « Si quelqu’un ne renaît de l’eau et de l’Esprit Saint, il ne pour­ra pas entrer dans le royaume de Dieu ».

Par consé­quent, pour Notre Seigneur, l’entrée dans le royaume de Dieu, c’est aus­si l’entrée par Lui, par le sacre­ment de bap­tême et donc par sa Rédemption.

Notre Seigneur lorsqu’il envoie ses dis­ciples aus­si prê­cher l’Évangile, lorsqu’il les envoie deux à deux. Il leur donne des conseils ; Il leur donne des direc­tives. Que leur dit-Il ?

Predicate, dicentes : quia appro­pin­qua­vit regnum cœlo­rum (Mt 10,7). « Le royaume de Dieu est proche. Voilà ce que vous leur prêcherez. »

C’est donc la grande pré­oc­cu­pa­tion de Notre Seigneur : le règne de Dieu. Son règne en définitive.

A‑t-​il pro­cla­mé qu’Il était Roi ? Mais évi­dem­ment ! Vous vous sou­ve­nez de ce récit extra­or­di­naire de Notre Seigneur devant Pilate. Le pro­cu­ra­teur Pilate lui posant la ques­tion expli­ci­te­ment : « Es-​tu roi ? ». Notre Seigneur lui répond : « Tu l’as dit, je suis Roi ».

Et dans les Actes des Apôtres, il est dit expli­ci­te­ment, que pen­dant les qua­rante jours que Notre Seigneur a pas­sés après sa Résurrection au milieu de ses apôtres, de quoi leur a‑t-​il par­lé ? Du règne de Dieu.

Predicans regnum Dei (Ac 28,31).

L’auteur sacré résume ain­si donc tous les entre­tiens de Notre Seigneur avec ses apôtres pen­dant les qua­rante jours qui ont sui­vi sa Résurrection, qui ont été sur le règne de Dieu.

Nous pou­vons donc croire que s’il y a quelque chose qui est impor­tant pour Notre Seigneur, c’est son règne.

D’ailleurs Il l’a dit d’une manière si belle, si pro­fonde, dans sa prière du Pater nos­ter. Y a‑t-​il quelque chose qui lui était plus à cœur que le règne de Dieu ? Puisque c’est ce qu’il dit à pro­pos de son Père, les demandes qui sont faites vis-​à-​vis de Dieu : celles du règne de Dieu : Adveniat regnum tuum : « Que votre règne arrive, que votre volon­té soit faite sur la terre comme au Ciel ».

Et d’ailleurs toute l’Écriture sainte et toute la litur­gie, chantent le royaume de Dieu, non pas seule­ment en ce jour de la fête du Christ-Roi.

Souvenez-​vous des paroles qui sont chan­tées à Noël :

Puer natus est nobis et filius datus est nobis ; cujus impe­rium super hume­rum ejus (Is 9,6 – Ps 97,1).

« Voici qu’un Enfant nous est don­né ; voi­ci que le Fils de Dieu nous est don­né ; sur les épaules duquel repose l’empire, repose le com­man­de­ment » : imperium.

Et c’est la même chose pour l’Épiphanie :

Ecce adve­nit Dominator Dominus, et regnum in manu ejus et potes­tas, et impe­rium (Mal, 3,1 – Chronique 29,12 – Ps 71,1).

« Le règne est dans ses mains, » et potes­tas et impe­rium « et le pou­voir et l’empire. » Voilà ce que nous chan­tons à l’Épiphanie.

Et ce sera la même chose à Pâques, à l’Ascension, à toutes les grandes fêtes de Notre Seigneur, c’est le royaume de Notre Seigneur ; c’est sa Toute-​Puissance qui est pro­cla­mée par l’Église, tout au cours des siècles.

Ainsi cette ency­clique Quas pri­mas, de notre Saint-​Père le pape Pie XI, n’a été que la conclu­sion de la foi que Notre Seigneur nous a ensei­gnée et que le peuple chré­tien a tou­jours crue.

Et pour­quoi notre Saint-​Père le pape Pie XI a‑t-​il cru bon de pro­cla­mer d’une manière encore plus solen­nelle en notre temps, la royau­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ ? À cause du laï­cisme de notre temps ; à cause de la néga­tion du Royaume de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Parce que, pré­ci­sé­ment, en notre temps, on refuse ce royaume. Comme les juifs l’ont refu­sé, lorsqu’ils L’ont crucifié :

Non habe­mus regem, nisi Cæsarem (Jn 19,15) ; Nolumus hunc regnare super nos (Lc 19,14) : « Nous ne vou­lons pas que celui-​là règne sur nous ».

Alors, les papes, géné­ra­le­ment, affirment les véri­tés d’une manière plus solen­nelle, lorsqu’elles sont niées, précisément.

Parce que le monde a besoin de ces véri­tés. S’il y a quelque chose qui nous est pré­cieux, qui nous est cher, c’est bien le règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ, pour nous per­son­nel­le­ment, pour nos âmes. Ce règne que nous pré­pa­rons ici-​bas, pour le règne de l’éternité.

Or, il est évident – et c’est toute l’Histoire de l’Église, c’est toute l’Histoire qui nous l’enseigne et la réa­li­té de l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Il est évident que Notre Seigneur Jésus-​Christ a régné par sa Croix.

Désormais le règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ n’est plus conce­vable, sans la Croix. La Croix est son trône ; sa cou­ronne d’épines est sa cou­ronne rayon­nante de gloire aujourd’hui. Ses bras éten­dus montrent l’infinité de son royaume et son cœur ouvert montre que c’est par son amour qu’Il règne ; par sa cha­ri­té qu’Il règne. Voilà com­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ se pré­sente dans notre foi.

Et c’est pour­quoi, mes chers amis, votre mon­tée vers l’autel qui va encore se mani­fes­ter d’une manière plus concrète, plus effi­cace, en ce jour de vos ordi­na­tions, doit vous don­ner comme leçon de faire en sorte que le règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ pro­gresse en vous tou­jours davan­tage. Et c’est cela que signi­fie cette mon­tée vers l’autel, cette mon­tée vers la Croix de Notre Seigneur Jésus-​Christ, vers son sacrifice.

Si les prêtres ne s’associent pas au royaume de Notre Seigneur Jésus-​Christ par leurs sacri­fices, par leurs souf­frances, par la croix qu’ils doivent por­ter, com­ment les fidèles pourront-​ils eux aus­si, por­ter leur croix et mar­cher à la suite de Notre Seigneur Jésus-Christ ?

Il faut par consé­quent, que vous vous pré­pa­riez tout au long de vos années de sémi­naire, à médi­ter le grand mys­tère de la Croix, le grand mys­tère de la conquête et de la vic­toire de Notre Seigneur Jésus-​Christ par sa Croix. Particulièrement, parce que vous mon­tez à l’autel ; parce que vous aurez à réa­li­ser le règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ par le Saint Sacrifice de la messe.

Et vous remar­que­rez d’ailleurs, que toutes les ordi­na­tions sont mar­quées à la fois du sacri­fice, du renon­ce­ment, de l’éloignement du péché, de l’éloignement des influences dia­bo­liques et en même temps de cette approxi­ma­tion, de ce voi­si­nage, de cet amour tou­jours plus grand de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Dans la ton­sure déjà, c’est le renon­ce­ment aux choses de ce monde. Mais, par le revê­te­ment du sur­plis, c’est aus­si un signe de l’amour et de la lumière de Notre Seigneur Jésus-Christ.

L’ordre de Portier mani­fes­te­ra l’amour que le sémi­na­riste, – l’amour que celui qui reçoit cet ordre – doit avoir pour le temple de Dieu, pour la mai­son de Dieu, le soin qu’il doit avoir pour la mai­son de Dieu, il en a les clefs. Quelle res­pon­sa­bi­li­té. Et en même temps – comme le dit le Pontifical – il doit fer­mer la porte au diable : clau­da­tis dia­bo­lo, et faire entrer ceux qui sont vrai­ment dignes d’assister au Saint Sacrifice de la messe.

Le Lecteur par contre, lui, sera déjà celui qui porte la lumière de l’Évangile ; qui s’approche davan­tage de l’autel, plus proche de Notre Seigneur, plus prêt de la sanc­ti­fi­ca­tion que Notre Seigneur lui apporte, le plus inves­ti du sort de la lumière et de l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et voi­ci l’Exorciste qui aura pour but d’éloigner le démon, de chas­ser le démon. Mais pour qu’il puisse chas­ser le démon chez les autres, il faut qu’il le chasse d’abord en lui ; qu’il montre l’exemple des ver­tus de Notre Seigneur Jésus-​Christ en lui.

Et puis l’Acolyte. L’acolyte, lui, s’approche encore davan­tage de l’autel. Il sert à l’autel ; il est le ser­vant de messe ; il porte les burettes à l’autel, la matière qui va ser­vir au Saint Sacrifice. Déjà il entre dans l’intimité du mys­tère de l’autel.

Et le Sous-​Diacre devra s’éloigner du monde. Il devra par­ti­cu­liè­re­ment pra­ti­quer la chas­te­té et donc se sépa­rer du monde. Son cœur devra être plus pur, s’attacher davan­tage à Notre Seigneur Jésus-​Christ ; se rem­plir de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; mani­fes­ter au monde cet atta­che­ment à Celui qu’il fau­drait que tout le monde aime ; à Celui à qui il fau­drait que tout le monde soit attaché.

Notre Seigneur Jésus-​Christ règne par son amour.

Mais quel homme a été plus aimé que Notre Seigneur Jésus-​Christ au cours de l’Histoire de l’Église ? Et quel homme aus­si a été plus haï que Notre Seigneur Jésus-​Christ ? Eh bien, le sous-​diacre, lui, doit mani­fes­ter son amour pour Notre Seigneur Jésus-​Christ en s’éloignant du monde.

Le Diacre, lui, mon­te­ra encore un peu plus près de l’autel et des saints Mystères, des taber­nacles. Il aura donc un amour encore plus pro­fond et la néces­si­té pour lui de pra­ti­quer les ver­tus de Notre Seigneur Jésus-​Christ d’une manière encore plus par­faite. Il lira les Saintes Écritures ; il les pro­cla­me­ra ; il rayon­ne­ra davan­tage déjà la gran­deur, la subli­mi­té des mys­tères aux­quels il par­ti­cipe déjà d’une manière plus intime.

Pensez à saint Étienne. Saint Étienne ce diacre lapi­dé par les juifs et dont le visage rayon­nait et qui ren­dait encore plus furieux ceux qui lui jetaient des pierres, de voir ce visage res­plen­dis­sant, qui rayon­nait le Ciel.

Eh bien, le diacre doit être comme cela aus­si, parce qu’il approche de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; parce qu’il est près de Notre Seigneur Jésus-​Christ, il doit rayon­ner le Ciel.

Voilà ce que sont ces ordi­na­tions que vous allez recevoir.

Évidemment, je ne parle pas du sacer­doce puisque aujourd’hui nous n’aurons pas consa­cré des prêtres. Mais il est évident que toutes ces ordi­na­tions ne sont autre chose que la marche vers le sacer­doce. Le sacer­doce qui fait ren­trer, lui, dans le mys­tère de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Le prêtre est un autre Christ, le prêtre ne devrait plus avoir ni de pen­sée, ni de volon­té, ni d’amour que pour Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et en cela res­sem­bler davan­tage à la Mère de Jésus. Car dans la Mère de Jésus, il n’y avait aus­si de pen­sée, de volon­té et d’amour, que pour Notre Seigneur Jésus-Christ.

Demandons à la très Sainte Vierge Marie aujourd’hui, de faire en sorte que ces grâces que nous sou­hai­tons voir se réa­li­ser dans ces jeunes lévites qui vont rece­voir les ordi­na­tions, qu’ils les aient en abondance.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.