Sermon de Mgr Lefebvre – Fête-​Dieu – 9 juin 1977

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Je ne vou­drais pas vous faire une longue ins­truc­tion, afin de ne pas pro­lon­ger déme­su­ré­ment la céré­mo­nie, cepen­dant je vou­drais vous faire deux consi­dé­ra­tions, les sou­mettre à votre méditation.

À vous, mes chers amis d’abord, parce que cette céré­mo­nie doit avoir dans vos cœurs, dans vos esprits, un écho émou­vant, un écho qui va jusqu’au plus pro­fond de votre être. Car, si vous avez déci­dé de venir dans cette mai­son, si vous avez dési­ré rece­voir cette for­ma­tion sacer­do­tale, avant tout, c’est parce que vous avez été atti­rés par Notre Seigneur Jésus-​Christ, atti­rés par­ti­cu­liè­re­ment par le sacre­ment de l’Eucharistie et par le Saint Sacrifice de la messe. Peut-​être vous souvenez-​vous des messes que vous avez ser­vies dans l’intimité, dans les cha­pelles pri­vées, dans les ora­toires, ser­vant la messe, jeunes…

(inter­rup­tion de Monseigneur : Je vous prie Mesdames de vou­loir bien res­ter à vos places, de ne pas déran­ger la cérémonie).

Vous avez assis­té à ces messes et, émus pro­fon­dé­ment, de cette inti­mi­té qui vous était don­née avec Notre Seigneur, de voir le prêtre offrir le Saint Sacrifice de la messe, la sainte Élévation, les génu­flexions du prêtre qui ado­rait l’Eucharistie. Et, dans vos cœurs, len­te­ment mais sûre­ment, nais­sait la voca­tion. Pour beau­coup, j’en suis cer­tain, peut-​être peut-​on dire pour tous, la voca­tion a ger­mé à l’ombre de l’autel, à l’ombre de l’Eucharistie.

Par consé­quent cette fête de l’Eucharistie, cette fête de Notre Seigneur Jésus-​Christ se don­nant à nous dans le sacre­ment de l’Eucharistie, doit être pour vous, très chère. Elle doit vous confir­mer dans votre voca­tion ; elle doit vous don­ner le sens pro­fond de votre voca­tion sacer­do­tale : mon­ter à l’autel, offrir le Saint Sacrifice de la messe, réa­li­ser le sacre­ment de 1’Eucharistie.

Et comme le dit très bien saint Thomas d’Aquin dans ses hymnes : C’est celui qui fait l’Eucharistie, qui est aus­si le ministre de l’Eucharistie. Et, par consé­quent, c’est à vous, à don­ner l’Eucharistie aux âmes. C’est vous qui serez prêtre ; c’est vous qui serez mar­qué du carac­tère sacer­do­tal et qui, par consé­quent, avez seul le droit de pro­non­cer les paroles de la Consécration ; seul le droit aus­si de dis­tri­buer la sainte Eucharistie.

Si les diacres dis­tri­buent l’Eucharistie, c’est par un pri­vi­lège extra­or­di­naire ; ce n’est pas d’une manière habi­tuelle qu’ils doivent le faire. C’est le prêtre qui doit don­ner l’Eucharistie. C’est lui qui est le ministre de l’Eucharistie.

Voilà ce que je vou­lais vous dire aujourd’hui. Et au cours de cette pro­ces­sion, eh bien, vous pense-

rez encore davan­tage à l’amour que vous devez avoir pour Notre Seigneur Jésus-​Christ pré­sent dans la sainte Eucharistie.

Songez à ce que vous serez plus tard. Vous aurez la charge du sanc­tuaire, peut-​être de plu­sieurs sanc­tuaires où le Bon Dieu rési­de­ra. Que jamais ces sanc­tuaires ne soient aban­don­nés ; que jamais ils ne donnent l’impression que per­sonne ne va les visi­ter ; que per­sonne ne s’occupe du taber­nacle ; que per­sonne ne s’occupe des nappes d’autel ; que per­sonne ne s’occupe de la déco­ra­tion de l’autel ; que ces sanc­tuaires soient aban­don­nés. Oh, non, jamais !

Dans la mesure où vous serez char­gé de ces sanc­tuaires, vous tien­drez à ce que vrai­ment les per­sonnes qui viennent, puissent com­prendre qu’il y a un prêtre qui veille sur la sainte Eucharistie, qui veille sur l’autel, qui veille sur cette cha­pelle. Ce sera votre joie.

Votre joie aus­si d’être pré­sent tou­jours à la sainte Eucharistie, même lorsque vous tra­vaille­rez, lorsque vous irez visi­ter les malades, lorsque vous ferez le caté­chisme aux enfants, lorsque vous prê­che­rez, lorsque vous ferez votre minis­tère sacer­do­tal. Notre Seigneur doit être tou­jours pré­sent dans vos cœurs. Et la sainte Eucharistie pré­sente, dans vos mai­sons, dans vos cha­pelles, sera le centre de votre affec­tion, de votre attachement.

Voilà la vie sacer­do­tale. Elle est belle ; elle est conso­lante et – je dirai – elle est faite de sta­bi­li­té, de péren­ni­té, parce que Jésus est tou­jours pré­sent dans la sainte Eucharistie. Alors vous devez tou­jours aimer Jésus pré­sent dans la sainte Eucharistie, où qu’il soit.

Quant à vous, mes bien chers frères, qui êtes venus ici par­ta­ger notre joie, notre fête, au cours de cette sainte Messe chan­tée à la gloire de l’Eucharistie, je vous deman­de­rai d’une manière par­ti­cu­lière, que ce jour soit un jour de répa­ra­tion. Un jour de répa­ra­tion, parce que désor­mais, ce ne sont plus seule­ment les enne­mis de l’Eucharistie, ceux qui ne croient pas à la Présence réelle, ou ceux qui y croient, mais qui veulent désho­no­rer Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui, s’ils le pou­vaient, pié­ti­ne­raient l’Eucharistie, la fou­le­raient aux pieds par mépris, par hor­reur de la pen­sée que Notre Seigneur Jésus-​Christ est pré­sent dans la sainte Eucharistie…

Mais, mal­heu­reu­se­ment, ce ne sont plus ceux-​là que nous connais­sons bien et qui ont exis­té tout au cours de l’Histoire de l’Église, ce n’est pas d’aujourd’hui que la haine de Notre Seigneur Jésus-​Christ existe, dans son Eucharistie.

Désormais, ce sont des membres de l’Église, ceux mêmes qui ont été choi­sis pour hono­rer l’Eucharistie, qui la désho­norent. Pensez à tous les sacri­lèges qui sont com­mis aujourd’hui, à toutes ces céré­mo­nies qui n’ont plus rien d’une céré­mo­nie digne de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; qui sont indignes de Celui qui est pré­sent dans l’Eucharistie.

Et grâce à Dieu, on peut pen­ser que dans beau­coup de ces céré­mo­nies. Notre Seigneur n’est pas pré­sent. C’est ce qu’il fau­drait sou­hai­ter. Mais hélas, il est bien vrai­sem­blable que dans bien des cas, Notre Seigneur est pré­sent dans l’Eucharistie et qu’on Le traite d’une manière abso­lu­ment indigne, odieuse, sacrilège.

Alors nous devons aujourd’hui répa­rer et dire : Nous avons la foi en la Présence de Notre Seigneur Jésus-​Christ, en son Corps et en son Sang dans la sainte Eucharistie, comme nous venons de la chan­ter dans le Lauda Sion, expri­mé d’une manière si belle, si pro­fonde, si émou­vante, par saint Thomas d’Aquin.

Oui, nous croyons que Notre Seigneur est dans la sainte Eucharistie ; qu’il est dans toutes les par­celles, dans la moindre des par­celles de l’Eucharistie. Nous croyons que Notre Seigneur Jésus-​Christ est pré­sent et qu’il y est avec son Corps, avec son Sang, avec son Âme, sa Divinité, dans toute sa gloire. Nous le croyons profondément.

Et c’est pour­quoi, tout à l’heure, au cours de la pro­ces­sion, vous vous age­nouille­rez devant la sainte 230

Eucharistie ; vous prie­rez Notre Seigneur pré­sent, notre Roi, notre Maître : Pastorem et ducem, comme dit saint Thomas : le Pasteur et notre Chef. Celui qui nous conduit. Celui qui a créé toutes les mer­veilles dont nous sommes entou­rés ici. C’est Lui qui est le Créateur Per quem omnia fac­ta sunt : Par qui tout a été fait. Il est là, dans la sainte Eucharistie.

Aurions-​nous vrai­ment des sen­ti­ments qui seraient contraires à cette Présence réelle ? Est-​ce que nous n’aurions pas le désir de nous age­nouiller devant Celui qui est notre Créateur, notre Sauveur, notre Rédempteur ? Celui qui a don­né tout sans Sang pour nous sau­ver et qui a fait cette mer­veille, cette mer­veille vrai­ment incon­ce­vable, de se don­ner comme nour­ri­ture à nos âmes dans la sainte Eucharistie ? Peut-​il y avoir une cha­ri­té plus grande ?

Alors plus la cha­ri­té de Jésus est grande et plus le déshon­neur qu’on lui inflige est abominable.

Alors nous ne serons pas non plus indif­fé­rents ; nous ne res­te­rons pas debout, devant Notre Seigneur Jésus-​Christ pré­sent dans la sainte Eucharistie. C’est impos­sible, qu’une âme vrai­ment chré­tienne, qu’une âme vrai­ment catho­lique puisse demeu­rer debout devant la sainte Eucharistie, comme si elle ne croyait pas, comme si elle ne pen­sait pas que Jésus, son Sauveur, son Créateur, est pré­sent dans la sainte Eucharistie.

Nous essaye­rons tout à l’heure, tous ensemble, de répa­rer auprès de Notre Seigneur, de faire en sorte que notre amour, notre offrande à Notre Seigneur Jésus-​Christ, répare les manques d’amour et de cha­ri­té de ce monde qui hait Notre Seigneur Jésus-​Christ, ou celui qui est indif­fé­rent, qui méprise Notre Seigneur Jésus-​Christ. Nous serons les amants de Notre Seigneur Jésus-​Christ, fai­sant ce qu’ont fait des géné­ra­tions et des générations.

Pensons que pen­dant deux mille ans on honore l’Eucharistie ; on adore Jésus-​Christ dans l’Eucharistie. Nous serons fidèles à cette tra­di­tion qui veut que l’on honore Notre Seigneur Jésus-​Christ, comme notre Dieu, dans la sainte Eucharistie, Dieu pré­sent dans la sainte Eucharistie.

Voilà ce que nous ferons tout à l’heure de tout notre cœur. Et ain­si des béné­dic­tions des­cen­dront sur nous. Il n’est pas pos­sible que l’on adore la sainte Eucharistie et que Notre Seigneur ne nous bénisse pas ; que Notre Seigneur ne bénisse pas ce sémi­naire ; qu’il ne bénisse pas tous ceux qui sont pré­sents, tous ceux qui collaborent.

Qu’il bénisse aus­si, vous tous, mes bien chers fidèles, qui êtes venus ici par­ta­ger nos prières ; qu’il bénisse vos familles ; qu’il bénisse vos enfants ; qu’il bénisse vos malades ; qu’il bénisse tous ceux que vous por­tez dans vos cœurs.

Et c’est ain­si que la très Sainte Vierge Marie, qui accom­pagne Jésus par­tout, vous béni­ra aus­si et qu’elle vous don­ne­ra les grâces dont vous avez besoin pour main­te­nir fer­me­ment votre foi au milieu de ces temps si troublés.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.