Sermon de Mgr Lefebvre – Saint Pierre – Saint Paul – Ordinations sacerdotales – 29 juin 1979

Mes bien chers frères,

Que pensez-​vous de cette céré­mo­nie d’aujourd’hui ? Qu’avez-vous dans vos esprits et dans vos cœurs à la vue de tous ces prêtres ici pré­sents, à la vue par­ti­cu­liè­re­ment de ces diacres qui, dans quelques ins­tants, avec la grâce de Dieu, seront deve­nus prêtres. Je suis per­sua­dé que votre cœur est plein de joie, de conso­la­tion, à la pen­sée de la mul­ti­pli­ca­tion de prêtres de l’Église catholique.

Car c’est bien l’Église catho­lique qui est pré­sente ici, aujourd’hui. Et vous en avez la preuve non seule­ment par le nombre et la diver­si­té des prêtres qui sont venus du monde entier. Et je salue par­ti­cu­liè­re­ment ici Mgr Ducaud-​Bourget venu de Paris tout exprès pour assis­ter à cette céré­mo­nie, lui qui dans la capi­tale de France est le vaillant défen­seur de la tra­di­tion et de l’Église catholique.

Je salue éga­le­ment Mgr Donahue venu spé­cia­le­ment d’Amérique, de Los Angeles, pour assis­ter aus­si à cette céré­mo­nie. Ce sont là des témoi­gnages qui nous montrent à la fois la convic­tion pro­fonde qu’ont tous ces prêtres qui sont ici pré­sents, du besoin d’un renou­veau dans l’Église, mais renou­veau basé sur la tra­di­tion de l’Église ; sur ce qui a fait la gran­deur de l’Église dans le pas­sé ; qui le fait encore dans le pré­sent et qui le fera dans l’avenir. Ce sont les mêmes principes.

Et cela répon­drait à la ques­tion de ceux qui pour­raient se deman­der encore : pour­quoi Écône ? Pourquoi ce sémi­naire ? Pourquoi la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X ? Eh bien regar­dez et voyez !

Voyez ces prêtres ; voyez ces futurs prêtres ; voyez ces sémi­na­ristes ; voyez toutes ces reli­gieuses qui sont ici pré­sentes, de diverses congré­ga­tions, de diverses natio­na­li­tés – et je devrai ici faire allu­sion à nos chères car­mé­lites, qui bien sûr, sont de cœur unies avec nous, mais qui ne peuvent pas venir puisqu’elles ont la clô­ture et qu’elles veulent gar­der la clô­ture. Elles sont avec nous et elles prient pour nous.

Et toutes ces reli­gieuses qui sont absentes et n’ont pas pu venir aujourd’hui, mais qui sont de tout cœur avec nous et qui prient avec nous. Tout cela c’est l’Église.

Et vous, mes bien chers fidèles qui êtes pré­sents, vous repré­sen­tez ici toutes les familles chré­tiennes, les familles catho­liques qui défendent leur foi ; qui ne veulent pas se lais­ser enva­hir par l’erreur, par l’hérésie, par l’immoralité, par l’éloignement de la foi en Dieu et de la morale catho­lique. Tout cela est un grand témoignage.

Écône, c’est cela ; Écône c’est la foi de l’Église ; Écône c’est la morale de l’Église ; Écône s’efforce d’être la sain­te­té de l’Église. Et j’ajouterai aus­si, sans avoir peur de ce terme qui dans cer­taines oreilles, peut cau­ser une cer­taine émo­tion, je dirai : Écône a la poli­tique de l’Église. Car l’Église a une poli­tique. L’Église sait ce que c’est que la socié­té chré­tienne ; elle l’a for­gée ; elle l’a for­mée tout au cours des siècles. Pendant près de vingt siècles, l’Église a ins­pi­ré toute cette Europe chré­tienne, cette Europe catho­lique. Elle l’a diri­gée. Elle a diri­gé toute cette socié­té qui était alors autre­ment ordon­née ; autre­ment juste que celle que nous vivons aujourd’hui.

Parce que l’Église a ses prin­cipes, des prin­cipes éter­nels, les prin­cipes de sa foi. Et sa foi ce n’est pas autre chose que Notre Seigneur Jésus-​Christ, le Fils de Dieu vivant, comme l’a dit saint Pierre, ce qui lui a valu d’être la pierre fon­da­men­tale de l’Église :

« Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ».

Et ce Christ, Fils du Dieu vivant, nous a mon­tré ce qu’il fal­lait faire et en par­ti­cu­lier par sa Croix, par son sacer­doce, par son immo­la­tion sur la Croix, par tout son Sang ver­sé. Il nous a mon­tré qu’être fils de Dieu, être catho­lique en défi­ni­tive, c’est avoir le cœur rem­pli d’amour, rem­pli de cha­ri­té et d’être prêt à don­ner sa vie pour les autres.

Notre Seigneur Jésus-​Christ nous a mon­tré cet exemple et Il le montre tous les jours sur l’autel. L’autel n’est autre que l’emplacement du sacri­fice, que l’autel du sacri­fice où s’immole l’amour, la cha­ri­té et qui la mani­feste et qui donne la grâce de pra­ti­quer cette charité.

D’où l’utilité du sacer­doce. L’Église ne peut pas se pas­ser de prêtres. Parce que s’il n’y a plus de prêtres, il n’y a plus de Sacrifice de la messe ; il n’y a plus de Sacrifice de la Croix ; il n’y a plus cette source de l’amour, de la cha­ri­té qui s’exprime si remar­qua­ble­ment dans le Sacrifice de Notre Seigneur.

Nous Le voyons le cœur trans­per­cé, la tête pen­chée, les mains trans­per­cées éga­le­ment, tout cela par amour pour nous. C’est cela le Sacrifice de l’autel.

Alors cet exemple magni­fique qui est une source de cha­ri­té, source de l’Esprit Saint, nous enva­hit alors que nous com­mu­nions au Corps, au Sang, à l’Âme, à la Divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Voilà la leçon que nous donne l’Église. Voilà ce que pense l’Église. Et voi­là ce qu’elle a fait au cours des siècles. Alors Écône conti­nue. Écône conti­nue l’Église, avec les mêmes prin­cipes, avec la même foi, avec la même cha­ri­té, avec les mêmes convic­tions et – nous en sommes per­sua­dé – rem­plit du même esprit, de cet esprit de Notre Seigneur Jésus-​Christ qui s’est mani­fes­té dans toute la sain­te­té de l’Église au cours des siècles.

Et alors pour­quoi cette situa­tion d’Écône ? – qui espérons-​le se résol­ve­ra bien­tôt pour le plus grand bien de l’Église – pour­quoi cette situa­tion d’Écône ?

C’est qu’en face de l’Église s’est dres­sée la Cité de Satan. Et qu’aujourd’hui, ils espèrent bien avoir la vic­toire. Ils en sont tout proche. Tout est orga­ni­sé. Tout est prêt pour écra­ser l’Église ; pour la faire dis­pa­raître ; pour faire dis­pa­raître le nom de Notre Seigneur ; pour faire dis­pa­raître le Sacrifice ; pour faire dis­pa­raître le sacer­doce, dis­pa­raître la foi.

Tout est prêt parce que depuis des siècles, Satan pré­pare cela. Il l’a pré­pa­ré dans ses offi­cines secrètes qui ont don­né pour fon­de­ment de leur légis­la­tion oppo­sée à la légis­la­tion de l’Église, à la légis­la­tion de l’amour, la Déclaration des Droits de l’homme. En 1789 et en 1948, elles sont iden­tiques toutes les deux et elles peuvent se tra­duire tout sim­ple­ment : le droit de mépri­ser les droits des autres ; le droit de man­quer à la cha­ri­té ; le droit de ne plus faire son devoir ; le droit à la force. Voilà ce qu’est cette Déclaration.

Et nous en voyons les résul­tats déplo­rables. Force phy­sique, force d’une armée qui enva­hit un pays, comme tous les pays com­mu­nistes qui ont été envahis.

Force de l’argent qui com­mande le monde. Force de la puis­sance poli­tique qui met à la base des gou­ver­ne­ments non plus les règles de cha­ri­té, non plus le Décalogue, non plus le Sermon sur la mon­tagne qui demande à l’homme de se sacri­fier pour son pro­chain, de se don­ner pour son prochain.

Non ! Mais leurs prin­cipes sont des prin­cipes qui détruisent la socié­té ; qui détruisent l’homme et qui sont un scan­dale conti­nuel. Nous en voyons aujourd’hui des effets atroces – il faut le dire – comme jamais l’humanité n’en a vus. Qu’une mère puisse assas­si­ner son enfant sans être punie et cela par cen­taines de mille, par mil­lions. Cela crie ven­geance. Ce sang des enfants crie ven­geance devant Dieu. Ce sang des inno­cents, c’est une honte pour notre civi­li­sa­tion. Et cela parce que l’on a rem­pla­cé le Décalogue et les prin­cipes chré­tiens, les prin­cipes de l’Église, par la Déclaration des Droits de l’homme.

Alors comme je vous le disais, ces droits de l’homme, c’est le droit de tuer son pro­chain ; c’est le droit de mépri­ser son pro­chain ; c’est le droit de le voler ; c’est le droit de l’écraser.

Pensez tout sim­ple­ment à ces chers Vietnamiens qui péris­sent aujourd’hui dans les eaux ; qui péris­sent de faim. Pourquoi ? Pour fuir l’enfer com­mu­niste ; pour fuir leur cher pays du Vietnam où ils étaient chez eux. Ils avaient bien des droits chez eux. Quels sont leurs droits main­te­nant ? Qui défend leur droit aujourd’hui ? Ils n’ont même plus le droit d’accoster à une terre, à la terre qui a été don­née à tous les hommes. Ils peuvent tout sim­ple­ment avoir le droit de mou­rir en mer. Et com­bien et com­bien se sont éva­dés sur des embar­ca­tions fra­giles et ont péri en mer ?

Pensons à ces Cambodgiens, des mil­lions de Cambodgiens mas­sa­crés, aujourd’hui, à notre époque où l’on dit que la science fait des mer­veilles. Cette science à quoi sert-​elle, sinon à écra­ser les autres encore plus rapi­de­ment et avec plus d’efficacité ?

Prenons garde. Prenons garde aux pro­messes de Fatima. Elles risquent bien de se réa­li­ser et nous ris­quons bien peut-​être de les voir, si Dieu nous prête vie. La Sainte Vierge l’a bien dit. « À la fin du XXème siècle, si les hommes ne se conver­tissent pas et ne reviennent pas à la loi de Dieu, à l’application de la loi de Dieu, des châ­ti­ments ter­ribles viendront. »

Elle disait cela en 1917, au moment où per­sonne ne pou­vait encore pen­ser à des bombes atomiques.

Et quand la Vierge dit que l’eau se trans­for­me­ra en vapeur et que le feu des­cen­dra du ciel et que ceux qui seront vivants, sou­hai­te­ront mou­rir devant les atro­ci­tés qu’ils verront…

Voilà ce à quoi nous devons nous attendre (décou­lant) des prin­cipes des Droits de l’homme. Voilà ce qui nous attend (des consé­quences) du mépris du pro­chain et du mépris de Dieu.

Et quand on pense que cela est fait par des catho­liques, par ceux qui ont été bap­ti­sés et qui se disent catho­liques et qui sont chefs d’État. C’est un scan­dale. Nous devons prier, mes bien chers frères, pour que le Saint-​Esprit les éclaire.

Et, cette Cité de Satan qui s’est éle­vée contre la Cité de Dieu, a fait que beau­coup – mal­heu­reu­se­ment – de catho­liques ont per­du la foi. Et que beau­coup d’entre eux ont cru devoir se ral­lier à la force, à la puis­sance, à ceux qui avaient l’argent.

Alors on fait des com­pro­mis. C’est ce que l’on appelle les catho­liques libé­raux, condam­nés par le pape Pie IX ; condam­nés par le pape Léon XIII ; condam­nés par le pape saint Pie X. Tous ces catho­liques qui tran­sigent avec l’ennemi, et qui font le jeu de l’ennemi.

Eh ce sont ceux-​là qui ont péné­tré dans Rome. Et ce sont ceux-​là qui ont ins­pi­ré le concile Vatican II et toutes ses conséquences.

Et alors nous sommes dans la confu­sion la plus com­plète. Au lieu d’enseigner le bon et vrai caté­chisme, on enseigne n’importe quoi, on met en doute toutes les véri­tés de l’Église.

Au lieu d’enseigner la morale de l’Église, on met tout en doute, on per­met toutes les expériences.

Au lieu d’enseigner la foi de l’Église, on fait de la recherche. Et l’on met tous les prin­cipes de l’Église en doute.

Alors notre Église est aus­si infil­trée et elle s’auto-détruit, comme le disait le pape Paul VI.

Alors nous devons résis­ter ; nous devons tenir ; nous devons conti­nuer l’Église. Il n’est pas pos­sible que le Bon Dieu ne nous aide pas et Il le fait ! Il le fait !

Comment est-​ce pos­sible, qu’en l’espace de dix ans, quinze ans, tant de prêtres et tant de religieux

et de reli­gieuses aient com­pris qu’il fal­lait résis­ter ; qu’il fal­lait main­te­nir notre foi à tout prix, mal­gré la per­sé­cu­tion, mal­gré les dif­fi­cul­tés, mal­gré les épreuves ?

Le Bon Dieu per­met­tra, nous n’en dou­tons pas, un jour, que nous soyons recon­nu. Et non seule­ment recon­nu, mais remer­cié pour avoir défen­du la tra­di­tion de l’Église ; pour avoir fait des prêtres, qui sont de vrais prêtres et qui ont des convic­tions pro­fondes et qui ont pour pro­gramme de leur vie le Saint Sacrifice de la messe et qui veulent le mettre en pra­tique. C’est là le salut de notre civi­li­sa­tion ; c’est le salut des âmes ; c’est le salut de l’Église.

Alors, mes bien chers frères, je vous féli­cite de tout cœur d’être venue encou­ra­ger nos jeunes lévites, qui auront bien des dif­fi­cul­tés à vaincre pour exer­cer leur minis­tère ; dif­fi­cul­tés de toutes sortes, à cause pré­ci­sé­ment de la confu­sion géné­rale dans laquelle nous vivons. À cause de cette orga­ni­sa­tion sata­nique qui cherche à détruire l’Église.

Mais vous les aide­rez de vos prières ; vous les aide­rez par tous vos moyens. Et par­tout, vous ren­tre­rez chez vous, déci­dés à main­te­nir votre foi catho­lique et sur­tout celle de vos enfants.

Protégez celle de vos enfants afin que plus tard, des géné­ra­tions se lèvent, des géné­ra­tions catho­liques, des géné­ra­tions chré­tiennes, qui refe­ront une civi­li­sa­tion chré­tienne et remet­tront la jus­tice, l’amour, la paix dans les États et dans la civi­li­sa­tion et dans toutes les nations.

Voilà ce que nous devons deman­der au Bon Dieu aujourd’hui. Prions l’Esprit Saint qui, aujourd’hui, est pré­sent cer­tai­ne­ment par­mi nous, d’une manière toute par­ti­cu­lière, prions l’Esprit Saint de don­ner au pape la force et le cou­rage de vaincre toutes les oppo­si­tions qui l’entourent, pour refaire une véri­table réno­va­tion de l’Église ; sur les prin­cipes de tou­jours ; sur les prin­cipes éter­nels ; sur le Sacrifice éter­nel ; sur les sacre­ments éternels.

Demandons cela à l’Esprit Saint aujourd’hui, pour notre Saint-​Père le pape qui a besoin de ce secours, afin de prendre des mesures néces­saires, cou­ra­geuses, pour redon­ner à l’Église sa foi, sa morale et sa civi­li­sa­tion chré­tienne et faire en sorte que les âmes se sauvent.

Nous le deman­de­rons aus­si par­ti­cu­liè­re­ment à la très Sainte Vierge Marie. Elle qui est cer­tai­ne­ment toute proche de nous aujourd’hui, qui se réjouit de cette assem­blée, qui se réjouit de ces jeunes diacres qui vont deve­nir prêtres, qui sont des fils de Marie.

Parce que si quelqu’un ici-​bas a com­pris le pro­gramme de la Croix, c’est bien la Vierge Marie qui a assis­té à l’agonie de Notre Seigneur et qui a com­pris ce mys­tère admi­rable de l’amour de Jésus pour nous.

Demandons à la Vierge Marie, aus­si, de nous venir en aide et de sou­te­nir le pape dans une action de réno­va­tion de l’Église.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.