Sermon de Mgr Lefebvre – 1re messe de l’abbé D. Maret – 30 juin 1979

Bien cher Monsieur l’ab­bé Maret,

Avec quelle joie nous vous accom­pa­gnons aujourd’hui à l’autel de Notre Seigneur. Tous ceux qui vous entourent, tous ceux qui sont ici et qui sont venus pour assis­ter, par­ti­ci­per à votre pre­mière messe, se réjouissent qu’il y ait désor­mais un prêtre du Valais, sor­ti de notre mai­son d’Écône et qui, nous en somme per­sua­dé, fera hon­neur à ce Valais catho­lique, aux tra­di­tions de ce can­ton. Tradition de foi, tra­di­tion de géné­ro­si­té, tant et tant de voca­tions sont sor­ties de ce pays béni, tant de mis­sion­naires, tant de reli­gieux, tant de reli­gieuses. Il n’est pas pos­sible que les grâces et les béné­dic­tions que le Bon Dieu a don­nées dans ce pays en si grande abon­dance soient taries. Et c’est pour­quoi aujourd’hui, nous nous réjouis­sons vrai­ment et nous ren­dons grâces à Dieu de ce qu’un enfant de ce pays puisse mon­ter à l’autel et offrir le Sacrifice de Notre Seigneur.

Je vous deman­de­rai d’abord, bien cher ami, de jeter un regard en arrière pour voir et consta­ter toutes les grâces que le Bon Dieu vous a faites. Je pense qu’ici, à peu près tous ceux qui sont pré­sents à cette céré­mo­nie, connaissent à la fois les joies pro­fondes et spi­ri­tuelles et les grâces que vous avez recueillies au sein de votre famille, mais tous aus­si connaissent les épreuves. Épreuve cruelle que le Bon Dieu a envoyée sur votre famille, mais il faut voir cela et grâce à Dieu, votre chère mère et tous vos frères et sœurs, voient cela avec une foi pro­fonde, avec une foi sur­na­tu­relle, de telle sorte qu’ils savent que Dieu a vou­lu cela, pour que la famille ait des grâces par­ti­cu­lières et elle en a eues et elle en a toujours.

Et vous-​même, cher ami, vous en avez eu de par­ti­cu­lières, de spé­ciales, tout au long de votre sémi­naire, grâce à votre famille, grâce aux prières de ceux qui vous ont entou­ré dans votre jeu­nesse. Remerciez le Bon Dieu de toutes ces grâces aujourd’hui et deman­dons au Bon Dieu d’alléger les épreuves de votre famille.

Et puis, si nous consi­dé­rons ce que vous êtes aujourd’hui ; alors c’est une joie de plus pour nous. Vous êtes prêtre, après avoir pas­sé cinq ans au sémi­naire ; après avoir prié comme vous l’avez fait de toute votre âme, de tout votre cœur, tous vos confrères qui sont ici pré­sents en sont les témoins et moi-​même j’en suis le témoin. Vous avez beau­coup prié. Vous aimiez aller vous recueillir à la cha­pelle et par­ti­cu­liè­re­ment à la cha­pelle de Notre-​Dame des champs. Vous y alliez même avec vos livres de cours. Vous y alliez pour deman­der la lumière et la force afin de mieux com­prendre ce qui vous est ensei­gné. Et le Bon Dieu vous a aidé. Voici qu’aujourd’hui vous êtes son prêtre.

Je vous dirai en deux mots main­te­nant : Jetez un regard sur l’avenir, afin que vous puis­siez appli­quer le pro­gramme que cer­tai­ne­ment vous avez déjà dans votre cœur, dans votre âme, dans votre intel­li­gence et qui est le résul­tat de ce que vous avez médi­té pen­dant les cinq années de votre séminaire.

Qu’est-ce que le prêtre ? Le prêtre c’est celui qui mon­té à l’autel ; le prêtre c’est celui qui offre le Saint Sacrifice de la messe. Et qui non seule­ment offre le Saint Sacrifice de la messe, mais vit sa messe tous les jours, à tout ins­tant de sa vie. La vie du prêtre doit être ce qu’est le Saint Sacrifice de la messe.

En effet, nous pou­vons, en regar­dant tout sim­ple­ment ce qu’est le Saint Sacrifice de la messe, ce que l’Église nous enseigne, notre Sainte Mère l’Église nous enseigne par le Sacrifice de la messe, les prêtres peuvent savoir quel est leur devoir, quelle est leur charge, quelles sont leurs res­pon­sa­bi­li­tés, quelles sont les grâces qu’ils rece­vront. Et les fidèles de même doivent com­prendre par le Sacrifice de la messe ce que doit être leur prêtre. Leur prêtre qu’ils doivent aimer et dont ils ont besoin pour rece­voir la grâce de Notre Seigneur.

La pre­mière par­tie de la messe nous enseigne que le prêtre est la lumière de ce monde. Vous êtes la lumière du monde. C’est ce que Notre Seigneur nous dit. Et la lumière ne doit pas être pla­cée sous le bois­seau : mais elle doit être pla­cée sur le chan­de­lier afin qu’elle illu­mine tous ceux qui l’entourent et que voyant les œuvres qu’accomplissent ceux qui sont la lumière, les âmes chantent la gloire de Dieu. C’est cela que Notre Seigneur nous dit dans son Sermon sur la mon­tagne. La lumière ne doit pas être sous le bois­seau. Et alors, vous, vous ne serez pas sous le bois­seau non plus. Vous allez bien­tôt avoir une charge, charge d’âmes. Vous aurez par consé­quent à être la lumière de ces âmes, la lumière de leur intel­li­gence, de leur cœur. Ces âmes vous regar­de­ront, vous écou­te­ront, vous enten­dront et vous deman­de­ront ce dont ont besoin leur âme.

Vous ensei­gne­rez aux enfants le caté­chisme. Ces véri­tés fon­da­men­tales de notre vie, qui sont le livre de notre vie et qui nous expliquent pour­quoi nous sommes ici-​bas ; pour­quoi nous sommes sur cette terre et pour­quoi Notre Seigneur Jésus-​Christ ; pour­quoi le Saint Sacrifice de la messe : pour­quoi les sacre­ments. Tout cela les âmes ont besoin de le savoir, de le com­prendre, afin d’estimer tout ce que le Bon Dieu a fait pour nous, tout l’amour de Dieu pour nous. Vous le ferez avec dévo­tion, avec dévoue­ment, j’en suis sûr. Et les âmes qui vous rece­vront seront heu­reuses d’entendre de vous la Vérité que Notre Seigneur nous a enseignée.

Vous ensei­gne­rez éga­le­ment tous ceux qui se pré­parent aux sacre­ments. Vous aurez à leur expli­quer ce que sont ces sacre­ments, ces sources de vie, ces sources de grâces, ces sources de bon­heur, de joie, ces sources d’éternité que sont les sacre­ments. Vous expli­que­rez tout cela à ceux qui vien­dront vers vous, pour deman­der toutes ces grâces et toutes ces bénédictions.

Et le prêtre n’est pas seule­ment celui qui porte la Vérité, celui qui enseigne la Vérité et la foi, mais le prêtre est celui qui se sacri­fie. Le prêtre doit por­ter sa croix avec Notre Seigneur Jésus-​Christ. Si Notre Seigneur demande à tous ses dis­ciples de por­ter leur croix quo­ti­dien­ne­ment et de Le suivre, eh bien le prêtre doit être le pre­mier. Il doit être devant ses fidèles et mon­trer com­ment on porte la Croix. Comment on se sacri­fie dans les dou­leurs, dans les épreuves, dans les difficultés.

Et le prêtre en par­ti­cu­lier, porte à l’image de Notre Seigneur Jésus-​Christ, à l’image de son Divin Maître, il porte les péchés du monde. S’il est quelque chose à la fois de mys­té­rieux, de dou­lou­reux et en même temps de pro­fon­dé­ment récon­for­tant pour le prêtre, c’est le minis­tère de la péni­tence, le minis­tère de la confes­sion. Là les âmes déversent dans le cœur du prêtre, toute leur misère. Et le prêtre porte – dans le secret abso­lu de la confes­sion – le prêtre porte tous ces péchés du monde.

Il les porte dans la dou­leur, dans la souf­france, comme Notre Seigneur Jésus-​Christ, mais aus­si dans la joie d’avoir pu don­ner le Sang de Notre Seigneur Jésus-​Christ et par les paroles du sacre­ment de péni­tence, avoir lavé les âmes dans le Sang de Notre Seigneur Jésus-​Christ, afin qu’elles deviennent écar­lates et blanches comme la neige et qu’elles aient la vie spirituelle.

Alors si le prêtre souffre de toutes ces dou­leurs morales, de toutes ces dou­leurs qu’il constate dans les âmes, il a soif de gué­rir les âmes. C’était ce que Notre Seigneur vou­lait. Il pas­sait en gué­ris­sant, mais non seule­ment les corps, s’il gué­ris­sait les corps, c’était sur­tout pour gué­rir les âmes. Notre Seigneur a fait cela pen­dant ses trois années de vie publique. C’est ce que fait le prêtre : il gué­rit les âmes.

Et il se penche aus­si sur les dou­leurs cor­po­relles, sur les épreuves. Il va visi­ter les familles qui sont dans l’épreuve. Il les récon­forte, leur apprend à por­ter la Croix d’une manière pro­fi­table ; d’une manière pro­fi­table pour les âmes, pour leur vie spi­ri­tuelle, pour leur vie éter­nelle. Que d’épreuves dans les familles. On n’imagine pas ce qu’il y a d’épreuves. Lorsque l’on est bien por­tant, on ne s’imagine pas ce que c’est que d’être malade. Lorsque l’on a la paix dans la famille et que l’on est heu­reux dans la famille, l’on ne s’imagine pas ce que c’est que la famille qui est dés­unie ; on ne s’imagine pas les dif­fi­cul­tés qu’il peut y avoir dans une famille.

Lorsque l’on a le suf­fi­sant et que le Bon Dieu nous donne le suf­fi­sant pour vivre, l’on n’imagine pas ce que c’est que la pau­vre­té, que l’indigence, que les dif­fi­cul­tés dans les­quelles peuvent se trou­ver des per­sonnes qui sont rui­nées, qui ont per­du tous leurs biens. Que de dou­leurs. Et si l’on s’imagine alors l’immensité de dou­leurs qui se trouvent dans les hôpi­taux, tous ces malades, ces mil­liers, ces dizaines de mil­liers de malades qui sont dans les lits d’hôpitaux et qui souffrent.

Alors lorsque l’on est bien por­tant, on n’imagine pas que l’on puisse être soi-​même un jour sur un lit d’hôpital. Et le prêtre le sait. Et le prêtre doit aller vers ces âmes ; vers toutes celles qui souffrent, vers toutes celles qui sont dans la douleur.

Et les âmes ont besoin du prêtre ; ont besoin de cette parole du prêtre qui leur parle de Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui leur parle de la Croix. Et voyant la Croix de Notre Seigneur Jésus-​Christ, les âmes reprennent cou­rage et com­prennent que si Jésus a souf­fert. Lui qui n’a pas péché, nous qui avons péché, nous avons besoin de souf­frir. Non seule­ment pour rache­ter les péchés des autres et conduire les autres à la vie éter­nelle, mais pour expier nos propres péchés. Alors la dou­leur se trans­forme, l’épreuve se trans­forme en joie, en joie pro­fonde et surnaturelle.

Voilà ce que le prêtre apporte : la joie, la paix, la séré­ni­té, le sup­port des épreuves. Il se sacri­fie ; il porte sa croix et c’est bien sûr ce que nous enseigne le Saint Sacrifice de la messe qui est tou­jours le Sacrifice de la Croix. C’est ce à quoi le prêtre doit pen­ser, lorsqu’il élève l’hostie, lorsqu’il élève le pré­cieux Sang de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Il doit pen­ser que lui aus­si, il doit por­ter sa croix et qu’il doit conso­ler les âmes qui sont dans la douleur.

Et enfin, le prêtre est un homme qui porte la grâce, qui porte la vie, qui porte la vie spi­ri­tuelle, la vie sur­na­tu­relle. Quelle joie pour le prêtre que de bap­ti­ser, don­ner le bap­tême, don­ner la vie, la vie éter­nelle aux âmes. Quelle joie pour le prêtre de don­ner Notre Seigneur Jésus-​Christ. Lorsqu’il des­cend de l’autel, les âmes assoif­fées de Jésus-​Christ, assoif­fées de vie, assoif­fées de vie éter­nelle, s’approchent de l’autel afin de rece­voir leur Créateur, leur Sauveur, Celui qui est tout pour elles. Et c’est le prêtre qui donne cette vie ; c’est le prêtre qui donne l’Eucharistie. L’Eucharistie qui vient de l’autel, fruit de la Croix.

Oh comme elle est belle, comme elle est conso­lante la vie du prêtre !

Voilà, mon cher ami, ce que vous aurez comme pro­gramme tout au cours de votre vie sacer­do­tale. Si vous vivez votre messe, vous serez heu­reux. Au milieu des dif­fi­cul­tés et des épreuves, vous éprou­ve­rez une joie indi­cible, une joie constante, une joie qui ne péri­ra pas.

Et en ter­mi­nant, je veux éle­ver vos yeux et votre cœur vers la très Sainte Vierge Marie. Car s’il est une créa­ture ici-​bas qui peut nous ensei­gner à nous prêtres ce qu’est notre vie, ce qu’est le sacri­fice de l’autel, c’est bien la très Sainte Vierge Marie. Car elle est la mère du Prêtre éter­nel, elle qui a for­mé dans son sein le Prêtre éternel.

Combien, à plus forte rai­son, elle est capable de for­mer en nous, le prêtre, le ministre de Notre Seigneur Jésus-​Christ, le ministre de son Divin Fils.

Alors vous deman­de­rez à la très Sainte Vierge Marie, de for­mer le prêtre en vous, à l’image de ce Prêtre qu’elle a for­mé qui est Jésus Lui-​même. Et je suis per­sua­dé que vous trou­ve­rez ces béné­dic­tions au cours de votre apos­to­lat sacer­do­tal, car déjà au sémi­naire, nous avons pu le consta­ter, vous aviez une dévo­tion excep­tion­nelle pour la très Sainte Vierge Marie.

Que Dieu vous aide, mon cher ami, à gar­der cette dévo­tion envers votre Mère du Ciel, afin qu’elle vous pro­cure, au cours de votre apos­to­lat, les joies qui ont été les vôtres – je pense – au cours de ce sémi­naire d’Écône.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.