Sermon de Mgr Lefebvre – Vigile de la Pentecôte – Diaconat – Sous-​Diaconat – 2 juin 1979

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Puisque la Providence a dési­gné ce jour du pre­mier same­di du mois pour être la date de cette céré­mo­nie d’ordination au dia­co­nat et au sous-​diaconat, je ne crois pas pou­voir mieux faire que de deman­der à la Vierge Marie de nous aider à mieux com­prendre et à vous aider en par­ti­cu­lier vous, mes chers amis, qui allez rece­voir les ordres dans quelques ins­tants, de mieux com­prendre ce que l’Église demande de vous.

Si l’on en juge d’après les magni­fiques prières qui sont dans le Pontifical pour ces ordi­na­tions, les ordres du dia­co­nat et du sous-​diaconat ont quelque simi­li­tude, tous deux font appro­cher d’une manière plus intime et plus voi­sine de l’autel et de ce qui pré­pare au Sacrifice de la messe.

Les sous-​diacres vont rece­voir le calice et la patène – vides sans doute – mais déjà l’Église leur per­met de tou­cher les vases sacrés ; l’Église leur demande de veiller avec un soin par­ti­cu­lier sur les nappes d’autel, sur les linges qui entourent le Corps de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Et l’Église fait remar­quer que l’autel, c’est le Christ et que les vête­ments qui entourent l’autel et qui ornent l’autel, sont les saints, les fidèles, le Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Ainsi les sous-​diacres, pen­sant à la charge qui leur est don­née, auront aus­si soin de ce Corps mys­tique de Notre Seigneur et – comme le dit si bien l’Église – ils puri­fie­ront les âmes qui devront s’approcher du saint autel et du Sacrifice eucha­ris­tique ; ils puri­fie­ront les âmes, par la céleste doc­trine que Notre Seigneur Jésus-​Christ nous a enseignée.

Et c’est pour­quoi, ils rece­vront aus­si l’autorisation, le pou­voir de lire les Épîtres pour les vivants et pour les défunts. Ils tou­che­ront ce livre des Épîtres et rece­vront ain­si la grâce par­ti­cu­lière de pou­voir conver­tir les âmes par la parole et par la lec­ture de ces Épîtres. C’est donc une grande grâce que le Bon Dieu va leur faire.

Il en est de même pour les diacres, mais eux s’approcheront encore davan­tage du Saint Sacrifice de l’autel. Désormais ils pour­ront eux, por­ter les vases sacrés qui ren­fer­me­ront le Corps, l’Âme, le Sang, la Divinité de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Grande grâce certes de pou­voir ain­si s’approcher de si près de Celui qui est notre Dieu, de Celui qui est notre Rédempteur. Ils pour­ront excep­tion­nel­le­ment même, tou­cher le Corps de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Il puis, ils auront eux, la charge par­ti­cu­lière de pro­cla­mer l’Évangile au monde, la parole de Dieu, la parole de Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même. Car c’est bien le Verbe de Dieu, Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui est l’auteur de la Sainte Écriture. Par consé­quent, en annon­çant l’Évangile, les diacres se feront les porte-​paroles du Verbe de Dieu, de Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même. Charge impor­tante certes, s’il en est une. Car si Dieu a vou­lu par­ler aux hommes, c’est bien pour leur appor­ter la Vérité ; pour appor­ter la lumière aux intel­li­gences et les conver­tir à la foi en Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et tous deux, diacres et sous-​diacres, revê­ti­ront les uns la tunique, les autres la dal­ma­tique, comme le dit si bien l’Église dans ses prières ; signes de la joie, signes de la joie et de la sain­te­té qu’ils doivent revê­tir et qu’ils doivent rayon­ner autour d’eux. Car la grâce de Notre Seigneur Jésus- Christ porte en elle la joie, la joie d’être uni à Dieu, la joie qui est celle de Dieu Lui-​même ; qui est sa gloire, qui est son habi­tacle ; qui est toute sa res­pi­ra­tion en quelque sorte. Dieu res­pire la joie. Il ne res­pire pas la tristesse.

Mais pour arri­ver à cela, il fau­dra avoir cette grâce par­ti­cu­lière et la rem­plir selon le désir de l’Église. Alors l’Église se per­met de don­ner des conseils très stricts – je dirai presque sévères – aux sous-​diacres et aux diacres, en leur deman­dant de s’éloigner du monde ; de s’éloigner de tous les dési­rs de la chair, de toute concu­pis­cence de la chair, de la concu­pis­cence des yeux, orgueil de la vie. Et c’est là par­ti­cu­liè­re­ment que je vous convie, chers amis, à regar­der la très Saint Vierge Marie ; à jeter un regard sur la Vierge Marie.

Car si la Vierge Marie a été choi­sie pour être la Mère de Dieu, c’est bien parce que le Bon Dieu l’avait pré­pa­rée d’une manière toute spé­ciale. Songez qu’elle a pu, par un pri­vi­lège extra­or­di­naire, être à la fois féconde et gar­der sa vir­gi­ni­té. Elle est demeu­rée vierge, vierge avant, vierge pen­dant, vierge après son enfan­te­ment. Oui, c’est la grâce qu’elle a deman­dée elle-​même, à l’Ange qui venait l’interroger. Elle a deman­dé com­ment cela pour­rait se faire en gar­dant sa vir­gi­ni­té. Et Dieu lui a répon­du par la bouche de l’ange : C’est l’Esprit Saint qui opé­re­ra toutes ces choses.

Eh bien, si l’Esprit Saint qui a inon­dé la Vierge Marie, lui a don­né ce pri­vi­lège de res­ter vierge tout en enfan­tant l’Homme-Dieu, je pense qu’il vous demande aus­si, à vous mes chers amis, puisque vous appro­chez de si près Notre Seigneur et qu’avec la grâce de Dieu, pour vous diacres, dans quelques semaines, si Dieu le per­met par les paroles que vous pro­non­cez à la Consécration, vous ferez aus­si venir Jésus sur la saint autel, comme la Vierge Marie l’a fait venir dans son sein.

Eh bien, le Bon Dieu vous demande aus­si, et l’Église vous demande, de res­ter vierge, de gar­der avec dévo­tion le céli­bat, de gar­der votre cœur pur de toute pen­sée qui n’est pas conforme à la sain­te­té de Dieu. Il ne s’agit pas du tout, de condam­ner le mariage et les per­sonnes qui sont dans le monde ; elles sont dans le monde, elles ne sont pas du monde ; elles ne doivent pas être du monde. Dieu leur demande aus­si, sinon les mêmes exi­gences, mais du moins la même vertu.

Et quand saint Jean nous dit que celui qui est ami du monde est enne­mi de Dieu, eh bien, saint Jean veut dire par là que ceux qui sont amis de la concu­pis­cence du monde, de ce monde de péché, de ce monde qui ne cherche qu’à déso­béir à Dieu, de ce monde qui est rem­pli de cette concu­pis­cence, qui l’éloigné de Dieu.

Et en effet, il n’est pas pos­sible d’être en même temps ami de Dieu et de s’éloigner de Dieu par tous les actes de sa vie. Il faut donc choi­sir. Alors vous, vous avez choi­si, mes chers amis, et vous le mani­fes­te­rez tout à l’heure en avan­çant vers l’autel : Oui, nous avons choi­si de nous don­ner à Jésus- Christ ; de ne pen­ser qu’à Jésus ; de ne pen­ser qu’à ses inté­rêts ; de ne vivre que pour son règne ; de tout faire pour que le règne de Notre Seigneur arrive, comme la Vierge Marie. Et elle aus­si, parce qu’elle a été vierge, parce qu’elle a été choi­sie par Dieu pour être la mère de Jésus, est deve­nue aus­si, membre du Corps mystique.

Alors ce pou­voir que Dieu lui a don­né sur le Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-​Christ, vous l’avez éga­le­ment en par­tage. C’est une res­sem­blance de plus que vous avez avec la Vierge Marie. Et c’est par elle que vous rece­vrez la grâce que vous allez rece­voir dans quelques instants.

Vous serez un peu plus les fils de Marie, lorsque vous aurez reçu ces grâces. Alors deman­dez à la très Sainte Vierge, d’avoir aus­si les ver­tus qui ornaient son âme et en par­ti­cu­lier ces deux ver­tus que vous pou­vez avoir et que vous devez avoir, que nous devons recher­cher, que nous devons deman­der à Dieu par l’intercession de notre bonne Mère du Ciel : la sagesse et l’humilité.

La sagesse. Celui qui s’éloigne du monde, celui qui s’éloigne de tous ces sou­cis maté­riels, de tous ces sou­cis char­nels, voit Dieu, contemple Dieu plus faci­le­ment, plus aisé­ment. Et cela, l’exemple de toute la vie des saints l’a mon­tré. Les saints se sont appro­chés de Dieu ; ils ont vu Dieu dans une cer­taine mesure, parce qu’ils étaient déta­chés du monde ; parce qu’ils étaient éloi­gnés du monde.

Les âmes char­nelles ne peuvent pas voir Dieu. Celles qui aiment le monde, ne peuvent pas voir Dieu. Alors elles ne com­prennent pas Dieu ; elles ne peuvent pas Le com­prendre. C’est ce que dit tout l’Évangile. C’est ce que dit Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même ; c’est ce que dit saint Jean dans sa pre­mière Épître : Non, celui qui est du monde, ne peut pas com­prendre Dieu ; il n’a pas Dieu en lui. Et vous par l’Esprit Saint vous avez et vous aurez encore davan­tage Dieu en vous.

Alors si vous vou­lez vrai­ment avoir la sagesse de Dieu et vivre selon cette sagesse, dans toute votre vie, alors éloignez-​vous du monde. Et cette sagesse, si vrai­ment vous la pra­ti­quez, si vous la met­tez en pra­tique, vous don­ne­ra l’humilité.

Comme le dit si bien saint Thomas d’Aquin : Plus on s’approche de Dieu, plus on connaît Dieu et plus on est cer­tain de moins Le connaître. C’est là une véri­té – je dirai presque fon­da­men­tale – dans la connais­sance de Dieu. Plus l’on s’approche de Dieu, c’est saint Thomas qui le dit, plus on connaît Dieu, et plus on est convain­cu qu’on Le connaît moins.

Et c’est pré­ci­sé­ment ce qui a fait la cou­ronne de l’humilité des saints. Plus ils s’approchaient de Dieu, et plus ils se ren­daient compte qu’ils étaient inca­pables de Le connaître, parce que Dieu est infi­ni ; parce qu’il est infi­ni­ment plus grand que nous ; parce que nous ne sommes rien devant Dieu.

À mesure que nous com­pre­nons la gran­deur de Dieu, nous com­pre­nons beau­coup mieux notre rien, notre néant. Nous sommes des ser­vi­teurs inutiles ; c’est l’Évangile qui nous le dit. Alors à mesure que vous aurez la sagesse qu’avait la très Sainte Vierge Marie ; à mesure aus­si vous aurez son humi­li­té. Et elle l’a mani­fes­té dans toute sa vie cette humi­li­té, ce néant ; elle s’est effa­cées devant son Fils ; elle dis­pa­rais­sait devant son Fils et cepen­dant elle était pré­sente, pour s’unir à sa vie, pour s’unir à ses souffrances.

Et il me semble que de même que la Vierge Marie a reçu tous ces dons et toutes ces ver­tus, ver­tu de sagesse, ver­tu d’humilité, il me semble que l’on ne peut pas sépa­rer Joseph de Marie à cette occa­sion. Car il nous donne aus­si une grande leçon de sagesse, une grande leçon d’humilité.

Si quelqu’un a eu une fonc­tion sublime au cours de sa vie, c’est bien saint Joseph : la garde de Marie et la garde de Jésus. Nécessairement il a eu toutes les ver­tus qui lui étaient néces­saires pour rem­plir cette fonc­tion extra­or­di­naire, unique dans l’histoire de l’humanité.

Aussi saint Joseph a dû être rem­pli d’une sagesse extra­or­di­naire. Il était par le fait même, rem­pli d’une humi­li­té sin­gu­lière. Quelqu’un a‑t-​il été plus humble que saint Joseph ? Et pour­tant quelqu’un a‑t-​il eu une fonc­tion plus sublime, plus grande, que celle qu’il a eue ?

Alors deman­dons aus­si à saint Joseph, qui lui aus­si a été vierge, qui lui aus­si, par la grâce de Dieu a gar­dé sa vir­gi­ni­té et son céli­bat, deman­dons à saint Joseph de nous don­ner cette grâce de la dévo­tion à la chas­te­té. Et en même temps demandons-​lui aus­si de par­ti­ci­per à sa sagesse et de par­ti­ci­per à son humi­li­té. Alors nous serons prêts à rece­voir ces grâces que le Saint-​Esprit va vous don­ner dans quelques ins­tants, mes bien chers amis.

Vous enten­dez plu­sieurs fois l’Église vous par­ler de l’Esprit Saint, de l’Esprit que vous allez rece­voir. Pour les sous-​diacres, vous enten­dez toute la liste des dons que le Saint-​Esprit veut vous don­ner et vous don­ne­ra en abon­dance plus grande encore que celle que vous avez reçue jusqu’à présent.

Et pour vous diacres, vous l’entendrez par la forme même du sacre­ment que vous allez rece­voir : Accipe Spiritum Sanctum, ad robur : Recevez le Saint-​Esprit pour rece­voir en par­ti­cu­lier ce don de force qui vous fait lut­ter contre le démon et contre toutes les ten­ta­tions de ce monde.

Voilà ce qui est la forme même du sacre­ment du dia­co­nat. Par consé­quent, l’œuvre qui va s’accomplir en vous dans quelques ins­tants sera aus­si comme pour la très Sainte Vierge Marie et pour saint Joseph, l’œuvre du Saint-Esprit.

Et nous le deman­de­rons à saint Étienne, saint Étienne qui est par­ti­cu­liè­re­ment men­tion­né à l’occasion des diacres, qui fut aus­si, lui, d’une grande sagesse puisqu’il a vu Dieu dès ici-​bas et d’une grande humilité.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.