Sermon de Mgr Lefebvre – Vigile de la Pentecôte – Diaconat – Sous-​Diaconat – 29 mai 1982

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Rarement, nous avons eu l’occasion de confé­rer les ordres majeurs à un nombre aus­si impor­tant de sémi­na­ristes et de membres des diverses com­mu­nau­tés qui nous demandent de confé­rer les ordres à leurs sujets. C’est une grande joie pour nous.

Car en effet, ces ordres majeurs, selon l’esprit même de l’Église et l’esprit de Notre Seigneur qui les a ins­ti­tués, sont rem­plis de l’Esprit Saint. Et aujourd’hui, par­ti­cu­liè­re­ment en cette veille de la Pentecôte, il nous semble que l’effusion de l’Esprit Saint sera encore plus abon­dante qu’en d’autres cir­cons­tances et ce jour me paraît bien choi­si. Les cœurs, les âmes, les esprits de ces sémi­na­ristes ont été bien pré­pa­rés, j’en suis sûr mes chers amis, au cours de la retraite que vous avez pas­sée à Montalenghe.

Vous avez médi­té sur les grâces que le Bon Dieu va vous don­ner dans quelques ins­tants, grâces toutes par­ti­cu­lières et si néces­saires aujourd’hui par­ti­cu­liè­re­ment en ces temps si dif­fi­ciles que tra­verse l’Église. Plus que jamais ceux qui veulent être au ser­vice de l’Église, au ser­vice des âmes, doivent être rem­plis de l’Esprit Saint.

Il semble bien effet que le manque d’esprit sur­na­tu­rel, le manque de foi, (qui) carac­té­rise notre époque, est aus­si l’occasion de ne plus par­ler de l’Esprit Saint.

Or, Notre Seigneur Lui-​même l’a dit : « Si je ne m’en vais vers mon Père, vous ne rece­vrez pas l’Esprit Saint ». C’est que Notre Seigneur jugeait qu’après son départ, l’œuvre qu’il avait com­men­cée, l’œuvre qui devait se per­pé­tuer, se com­plé­ter, cette œuvre serait celle de l’Esprit Saint.

Et par consé­quent notre époque, cette époque chré­tienne qui va de Notre Seigneur à la fin des temps, sera sur­tout l’œuvre de sanc­ti­fi­ca­tion et de rédemp­tion réa­li­sée dans les âmes, par l’Esprit Saint, par l’Esprit de Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même. Et si on lit avec atten­tion les textes que l’Église demande à l’évêque d’exprimer au cours de ces ordi­na­tions, on ne peut pas s’empêcher de remar­quer que l’Église fait allu­sion d’une manière très claire à l’effusion de l’Esprit Saint qui est don­né aus­si bien d’ailleurs aux Sous-​Diacres qu’aux Diacres.

En effet à l’occasion de la moni­tion et de la prière que l’évêque adresse à Dieu pour les Sous-​Diacres, il énu­mère tous les dons de l’Esprit Saint. C’est donc bien ce que l’Église désire ; ce que Notre Seigneur a vou­lu, que vous soyez, mes chers amis, rem­plis des dons de l’Esprit Saint.

Sans doute vous les avez reçus au bap­tême ; vous les avez reçus éga­le­ment à la confir­ma­tion, mais vous devez les rece­voir – et vous en avez besoin – d’une manière par­ti­cu­lière pour deve­nir prêtres, pour être les ministres de Notre Seigneur Jésus-​Christ, les ministres de l’autel.

Et les prières qui sont dites éga­le­ment pour les diacres sont aus­si très expres­sives de l’effusion de l’Esprit Saint – je dirai même qu’elles le sont encore plus que pour les Sous-​Diacres – puisque les termes mêmes du sacre­ment qui est confé­ré aux Diacres, com­porte cet appel à l’Esprit Saint : Accipite Spiritum Sanctum ad robur : Recevez l’Esprit de force. C’est donc par­ti­cu­liè­re­ment ce don de force qui va vous être don­né, mes chers amis, vous qui allez rece­voir la grâce du diaconat.

Et, en défi­ni­tive, quels sont les effets de l’effusion de l’Esprit Saint dans nos cœurs et dans nos âmes ? Eh bien ces effets sont aus­si expri­més d’une manière admi­rable dans les prières que l’Église a choi­sies pour confé­rer les sacre­ments du sous-​diaconat et du diaconat.

Pour le sous-​diaconat, l’Église insiste davan­tage sur la foi, la foi qui est néces­saire pour accom­plir la mis­sion du prêtre. Cette lumière qui éclaire nos âmes et qui les rem­plit de la Vérité de Dieu, de Dieu Lui-​même, qui nous révèle Dieu ; qui nous révèle tous les des­seins de Dieu à l’égard de l’humanité, tous les des­seins de Dieu à l’égard de nos âmes et qui nous révèle la gloire de Dieu Lui-​même dans sa Trinité Sainte. Cette foi qui est en même temps une source de com­bat, une rai­son de com­battre contre les ténèbres qui s’étendent sur notre pauvre monde. Ténèbres répan­dues par les démons, par les esprits mau­vais. C’est ce qu’exprimé encore la moni­tion que le pon­tife adresse aux Sous-Diacres.

Pour les Diacres, l’effusion de l’Esprit Saint est signi­fiée par la péni­tence, par la puri­fi­ca­tion de l’âme. Soyez pur, soyez chaste, soyez modeste, dit l’évêque au Diacre.

C’est donc d’une manière plus insis­tante que l’Église demande la sain­te­té aux Diacres et elle leur donne comme modèle de cette pure­té et aus­si de cette force : saint Étienne.

Saint Étienne en effet, a été choi­si par les apôtres comme Diacre et comme modèle des diacres parce qu’il était chaste, parce qu’il était pur et parce qu’il avait en lui-​même une force extra­or­di­naire, force de per­sua­sion, force de com­battre contre les erreurs de son temps. Et c’est pour cela qu’il a com­bat­tu, qu’il a été mar­tyr, qu’il a été le pre­mier martyr.

Et c’est dans son mar­tyre que le Bon Dieu lui a fait la grâce d’une révé­la­tion par­ti­cu­lière, d’une lumière par­ti­cu­lière sur Dieu. Il voyait le Fils de Dieu à la droite du Père. Toutes ces grâces dont l’Église parle dans ses prières admi­rables qu’elle a choi­sies pour cette ordi­na­tion, doivent vous encou­ra­ger, mes chers amis, à rece­voir l’Esprit Saint en abon­dance, à avoir une dévo­tion par­ti­cu­lière pour l’Esprit Saint qui va être votre com­pa­gnon, votre ins­pi­ra­teur, votre guide tout au cours de cette pré­pa­ra­tion au sacer­doce et de votre sacer­doce. Invoquez sou­vent l’Esprit Saint qui vous don­ne­ra ses grâces. Et vous l’avez évo­qué en théo­lo­gie, la grâce que donne l’Esprit Saint, cette grâce sanc­ti­fiante qui nous com­mu­nique la vie divine ; qui nous com­mu­nique la vie de Notre Seigneur Jésus-​Christ, la vie même de Dieu en nous.

Cette grâce a deux aspects par­ti­cu­liers. Elle est à la fois une méde­cine pour nos âmes, cette gra­tia sanans qui gué­rit nos âmes et c’est aus­si une grâce qui nous élève. Sans doute, ici-​bas, la gra­tia sanans, cet aspect médi­cal – d’une cer­taine manière de la grâce qui doit gué­rir nos âmes – n’existera plus au Ciel. Au Ciel, nous res­te­ra cette grâce qui nous élève et qui nous per­met de voir la gloire de Dieu, qui nous per­met­tra de voir la gloire de la Trinité Sainte.

Mais déjà, ici-​bas. Dieu nous donne par son Esprit Saint, cette grâce qui nous élève et par consé­quent nous avons déjà ici-​bas, par la foi, par l’espérance, par la cha­ri­té, nous avons déjà cette union à Dieu, à la Trinité Sainte.

Mais nous ne devons pas oublier que nous sommes des pécheurs ; nous ne devons pas oublier que nous sommes des malades et que nous avons besoin de cette grâce qui nous gué­rit, qui nous sou­tient, qui nous aide à nous déta­cher des choses de la terre.

Quæ sur­sum sunt quæ­rite ; quæ sur­sum sunt sapite, non quæ super ter­ram (Col 3,4). Rechercher ce qui est au-​delà, ce qui est dans le Ciel. Ne vous atta­chez pas aux choses de la terre. Voilà ce que nous dit saint Paul.

Et n’est-ce pas aus­si le résu­mé en quelque sorte et la syn­thèse de notre Sainte Messe ? Par le sous-​diaconat, par le dia­co­nat, vous mon­tez à l’autel.

Déjà le Sous-​Diacre va rece­voir les vases sacrés. Le Diacre va s’approcher encore un peu plus de l’autel. Il a par la grâce par­ti­cu­lière qui lui est don­née, le pou­voir de s’approcher davan­tage de l’Eucharistie.

Alors, puisque vous vous appro­chez de l’autel, eh bien médi­tez sur ce qu’est le Saint Sacrifice de la messe. Et il appa­raît avec évi­dence que ce Sacrifice de la messe est à la fois essen­tiel­le­ment, un Sacrifice de pro­pi­tia­tion et en même temps un Sacrifice de louange. Ce sont les deux fins prin­ci­pales du Saint Sacrifice de la messe.

Alors vous essaie­rez de vous unir déjà main­te­nant à l’esprit du Saint Sacrifice de la messe, à l’acquérir dès à pré­sent. Et ce sera pour vous une source conti­nuelle de grâces par­ti­cu­lières, grâces de pro­pi­tia­tion et donc de sup­pli­ca­tion pour deman­der par­don à Dieu de vos fautes, lui deman­der de gué­rir vos âmes de toutes les ten­dances mau­vaises que le péché ori­gi­nel a pu lais­ser en vous. Et puis de Lui deman­der aus­si la grâce de Le connaître davan­tage, de L’aimer, de Le louer, de vivre davan­tage uni à la Trinité Sainte et à Dieu.

Alors soyez encou­ra­gés ; soyez confiants, l’Esprit Saint qui va vous être don­né est l’esprit de l’Église ; est l’esprit qui a tou­jours sanc­ti­fié l’Église, tout au cours des siècles ; qui a sanc­ti­fiés ceux qui ont été les vrais fils de l’Église et qui ont été mis sur les autels comme modèles. Suivez ces exemples ; sui­vez ces modèles de Prêtres saints, de Pontifes saints qui ont sanc­ti­fié l’Église et qui nous montrent la voie que nous devons suivre.

Mais alors, si vous vou­lez vrai­ment suivre ces modèles, sui­vez aus­si les moyens qui les ont sanc­ti­fiés ; uti­li­sez les moyens qui les ont sanctifiés.

Quels sont les moyens et quel est le moyen prin­ci­pal qui a sanc­ti­fié ces prêtres ? C’est le Saint Sacrifice de la messe (Monseigneur répète) : le Saint Sacrifice de la messe. Alors ne cher­chez pas ailleurs. Vous êtes ordon­nés, vous êtes pré­pa­rés pour le Saint Sacrifice de la messe et non pas pour une céré­mo­nie, un culte quel­conque, un culte œcu­mé­nique, un culte qui uni­rait l’erreur et la Vérité ; un culte qui uni­rait la Lumière et les ténèbres. Non, vous n’êtes pas ordon­nés pour cela. Et ce n’est pas pour cela que dans quelques ins­tants, je vais prier l’Esprit Saint de des­cendre en vous.

Vous êtes ordon­nés, vous rece­vez la grâce qui vous pré­pare au sacer­doce, pour le Saint Sacrifice de la messe de tou­jours. Soyez atta­chés à ce Saint Sacrifice auquel vous êtes pré­pa­rés ; pour lequel vous rece­vez la grâce qui vous est don­née aujourd’hui.

Que le Bon Dieu vous garde dans ces dis­po­si­tions, vous garde dans ces saintes Traditions.

Demandez-​le à la Vierge Marie rem­plie du Saint-​Esprit, par qui vous allez rece­voir les grâces qui vous seront don­nées dans quelques ins­tants. C’est la Vierge Marie qui vous les com­mu­nique, comme elle a com­mu­ni­qué le Saint-​Esprit aux apôtres le jour de la Pentecôte.

Demandez et deman­dons tous à notre bonne Mère du Ciel de faire de vous des ministres de l’autel dignes de la Sainte Victime que vous allez appro­cher tou­jours davantage.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.