Mes bien chers frères,
Sans doute, une voix valaisanne aurait mieux exprimé les sentiments que vous ressentez aujourd’hui dans vos cœurs à l’occasion de cette première messe de M. l’abbé Fellay, fils du Valais. Il vous aurait sans doute rappelé les souvenirs qui vous sont chers. Souvenirs du passé, attachement à vos bonnes traditions, attachement à vos familles, attachement surtout à la foi, à la foi catholique de toujours. Il aurait exprimé cela sans doute, beaucoup mieux que moi.
Mais cependant c’est avec joie que je vous adresse quelques mots à l’occasion de la première messe de M. l’abbé Fellay.
En effet, vous devez vous souvenir de ces belles cérémonies d’autrefois qui se passaient dans combien et combien de villages. Quel est le village du Valais qui ne s’honore de plusieurs prêtres, de vocations religieuses, de vocations de religieux, missionnaires. Nombreuses sont les familles qui se sont réjouies d’avoir un fils prêtre, un fils missionnaire, une fille religieuse. Et vous gardez de ces souvenirs une nostalgie, nostalgie bien légitime, car c’était la vie de l’Église. C’était vraiment ce que l’Église manifestait de plus beau, de plus grand, de plus divin. Et ainsi vous vous sentiez vraiment unis à l’Église, contribuant par vos familles, par la foi, par vos bonnes traditions catholiques, vous contribuiez ainsi à la continuation de l’Église, à l’extension de l’Église dans votre diocèse et dans le monde entier par vos missionnaires.
Pourquoi a‑t-il fallu qu’un vent dévastateur souffle ? Comment se fait-il que même des diocèses comme ceux du Valais, comme ceux de Sion, soient atteints eux aussi, par ce vent dévastateur ?
Hélas, nous sommes bien obligé de constater que l’Église est occupée par des personnes qui n’ont plus vraiment l’esprit catholique et qui se sont laissées entraîner par les idées modernes et par ces erreurs qui ont été autrefois condamnées par les papes et particulièrement par saint Pie X : le libéralisme, le modernisme, le progressisme, le sillonnisme. Toutes ces idées ont pénétré à l’intérieur de l’Église et désormais on peut dire, malheureusement que ces idées sont même répandues par des autorités de l’Église.
Et alors nous ne devons pas être surpris, que lorsque nous voulons garder la foi catholique d’une manière intègre, parfaite, eh bien nous soyons persécutés.
Dans l’épître de saint Pierre, aujourd’hui, il y a cette parole :
Si quid patimini propter justitiam, beati (1 P. 3,14).
Si vous souffrez quelque chose pour le bien, soyez heureux. Et n’est-ce pas Notre Seigneur qui dit à ses apôtres : « Un jour sans doute vous serez persécutés et ceux qui vous persécuteront croiront rendre service à Dieu ».
Et c’est bien ce que nous constatons aujourd’hui. Ceux qui nous persécutent, croient rendre service à l’Église. Alors que nous ne voulons pas autre chose que d’être de fidèles serviteurs de l’Église, continuant cette tradition.
Aussi, je me tourne vers vous maintenant, cher M. l’abbé Fellay et je ne peux pas m’empêcher de penser que la communion d’aujourd’hui – ces paroles de l’antienne de communion – vous conviennent parfaitement :
Unam petii a Domino, hanc requiram : ut inhabitatem in domo Domini omnibus diebus vitæ meæ (Ps 26,4).
Qu’est-ce que j’ai demandé, qu’est-ce que j’ai désiré du Bon Dieu ? Que j’habite dans sa maison pour tous les jours de ma vie.
Voilà ce que disent les paroles de la communion d’aujourd’hui, de cette messe (5ème dimanche après la Pentecôte). Et je pense que cela vous l’avez dans votre cœur. Cette pensée vous l’avez méditée depuis longtemps
Déjà enfant, entouré de vos chers parents, profondément catholiques, profondément chrétiens, vous avez pensé habiter un jour dans la maison de Dieu, pour être prêtre.
Et comment s’est réalisée votre vocation ? Eh bien, la Providence a ses vues. Jamais sans doute vous n’auriez pensé, étant enfant et vos parents non plus, qu’un séminaire s’installerait à côté de votre maison de famille et que dans la tempête actuelle, dans la tourmente qui sévit dans l’Église, vous auriez trouvé là, le chemin de la sécurité dans la foi, dans l’attachement à l’Église, dans l’attachement à la Tradition de l’Église.
Mais vos parents, eux, ont fait leur choix, lorsqu’ils ont vu Écône – et vous-même lorsque vous les avez suivis – et vous avez manifesté votre attachement à la Tradition, parfois, même dans le collège où vous étiez. Déjà les discussions se faisaient vives et ardues. Et alors vous n’hésitiez pas à prendre la parole et à défendre votre foi, la foi catholique.
Aura-t-on jamais cru qu’il eut fallu en venir là, dans les écoles catholiques, de ce diocèse si profondément chrétien. Et puis, ensuite, vous avez vous-même choisi d’entrer au séminaire. Et je me souviens encore vous voir peu de temps avant votre entrée au séminaire, venir régulièrement communier à la messe du matin, entouré souvent de vos parents. Ainsi recevoir Notre Seigneur et vous attacher à Lui. Et vous êtes entré au séminaire, avec cette résolution d’être le prêtre de Notre Seigneur JésusChrist tel que l’Église l’a toujours conçu, tel que tant et tant de saints prêtres l’ont réalisé.
Et vous voici aujourd’hui prêtre. Voilà votre désir réalisé. Vous êtes désormais dans la maison de Dieu, pour tous les jours de votre vie. Combien vous devez rendre grâces aujourd’hui au Bon Dieu. Je pense que cette messe solennelle que vous célébrez, entouré de vos amis, de vos parents, de tous ceux qui vous aiment, de tous ceux qui vous estiment, qui ont voulu venir prier avec vous, se réjouir avec vous, eh bien tout cela vous encourage et vous fait du bien.
Et je voudrais que dans l’avenir, si je puis vous donner quelques conseils, de simples réflexions au sujet de votre sacerdoce, puisque vous avez voulu entrer dans la Maison de Dieu, et que vous avez demandé au Seigneur d’y rester tous les jours de votre vie, demandez à Notre Seigneur : Mais qu’estce donc que votre Maison ? Que signifie votre Maison ? Domus Domini – Et Notre Seigneur vous répondra : Domus mea Domus orationis : Ma Maison est une Maison de prière. Je pense que c’est là la vie du prêtre, essentiellement, fondamentalement. Le prêtre c’est l’homme de la prière. Doaius mea – Domus orationis.
En effet, les apôtres eux-mêmes, dès le début de leur ministère ont senti qu’ils avaient besoin de s’adonner à la prière et non pas aux choses matérielles. C’est pourquoi ils ont constitué des diacres et ont dit :
Nos vero orationi et ministerio verbi instantes erimus (Ac 6,4).
Nous, nous devons être tout entiers à la prière et à la prédication de la parole de Dieu. Nous ne pouvons plus nous occuper des choses matérielles ; que l’on constitue des diacres pour nous décharger de ces travaux matériels.
Et alors, ils se sont adonnés à la prière. C’est saint Paul qui dit aussi que les chrétiens se réunissaient chantant des psaumes, des hymnes, des cantiques à Dieu.
C’est cela la vie du prêtre. Et l’Église vous met en main au moment de votre ordination au sous-diaconat, vous met le bréviaire en main, le livre de votre prière. Et qu’est-ce que le bréviaire ? Le bréviaire est essentiellement le psautier, les psaumes. Ces paroles inspirées de Dieu, la parole même de Dieu, ces chants admirables que sont les psaumes et qui expriment tous nos sentiments. Tous les sentiments que nous devons avoir et particulièrement que doivent avoir les prêtres. Le psautier, c’est cela qui est le bréviaire. Et alors tous les prêtres – au moins jusqu’à ces derniers temps – devaient réciter le bréviaire et ainsi réciter tous les psaumes au cours de la semaine. Cette prière, c’est la prière publique de l’Église. En récitant votre bréviaire, vous êtes désigné par la Sainte Église, pour accomplir cette prière publique pour le bien des âmes, pour la sanctification des âmes. L’Église ainsi certifie et montre son désire de voir que les prêtres prient et qu’ils prient publiquement pour toute l’Église, pour toutes les âmes.
Et puis la grande prière, la belle prière que vous accomplirez tous les jours, c’est la Sainte Messe. Et la Sainte Messe c’est un résumé de tout ce que doit être particulièrement la prière du prêtre. Elle est aussi celle des chrétiens évidemment. Mais elle est particulièrement celle des prêtres.
C’est saint André qui dit déjà au moment où il marche vers le martyre, il dit : « Tous les jours j’ai offert le Sacrifice de Notre Seigneur », tous les jours. « Quotidiæ » dit déjà saint André. Par conséquent, les apôtres déjà, offraient tous les jours le Saint Sacrifice de la messe. Sans doute, ce n’est pas une obligation sous peine de péché grave de dire la messe tous les jours, mais c’est cependant une tradition dans l’Église et le conseil de l’Église. Car s’il y a un acte qui sanctifie les âmes et qui élève les âmes et les rend plus proches de Notre Seigneur, c’est bien le Saint Sacrifice de la messe.
Et alors ce Saint Sacrifice de la messe, manifeste pour le prêtre, toute l’ascension de sa prière. Vous avez sans doute, au cours de l’année de spiritualité étudié ce qu’était l’oraison et ce qu’était la transformation d’une âme. Une âme commence d’une certaine manière par la vie purgative, ensuite la vie illuminative, pour en arriver à la vie unitive.
Ce sont les étapes que les auteurs spirituels donnent généralement de la transformation de nos âmes pour arriver à l’union à Dieu, qui est le sommet de la prière de notre vie chrétienne.
Eh bien la messe n’est pas autre chose.
Voyez la première partie de la messe, c’est la messe des catéchumènes. C’est la messe de ceux qui se purifient pour mieux prier, pour que leurs prières soient mieux détachées de toutes les choses de ce monde et que le Bon Dieu puisse l’agréer d’une manière plus parfaite. C’est ce que représente un peu cette vie purgative.
Puis à mesure que se déroule le Saint Sacrifice de la messe on arrive au sommet en quelque sorte de ce Sacrifice, dans les paroles de la Consécration. Là, c’est la vie illuminative – un peu la vie contemplative – nous contemplons Dieu dans la Sainte Eucharistie. Jésus est là, dans vos mains, présent, avec son Corps, son Sang, son Âme, sa divinité, dans sa gloire du Ciel, dans la gloire de l’éternité, entouré de tous les saints du Ciel, de tous les saints Anges. Il est là dans vos mains, dans les mains du prêtre, par les paroles que le prêtre a prononcées.
C’est là l’objet d’une véritable contemplation, de la grande prière du prêtre.
Et puis, la messe continue et c’est l’union à Jésus dans la Sainte Communion. C’est vraiment la
vie unitive. C’est la vie avec Jésus, vie d’amour, vie d’union, vie d’attachement à Notre Seigneur, de dévouement total à Notre Seigneur. Dévouement total pour vous-même, de votre âme, de tout ce que vous êtes. Vous ne voulez plus vous appartenir, vous êtes à Notre Seigneur. Vous allez être son apôtre, son apôtre parfait, aussi parfait que possible, afin de donner Jésus aux âmes.
Voilà le résultat de cette vie de prière du prêtre – et je dirai – sa réalisation. Je pense que cela représente en quelques mots ce qui fait la trame de la vie du prêtre. Et je suis persuadé qu’au cours de ces années de séminaire que vous avez passées à Écône, vous avez compris ces choses. Vous l’avez manifesté d’ailleurs par le sérieux avec lequel vous avez accompli votre séminaire. Tout le monde a reconnu que vous aviez accompli ces années avec toute la conscience d’un séminariste se préparant vraiment au sacerdoce.
Alors je suis persuadé que le Bon Dieu qui vous a donné des grâces au cours de toute votre préparation, continuera à vous donner ses grâces, au cours de votre apostolat, au cours de tout ce que vous aurez à. faire dans la vie future. Dieu seul sait ce que vous aurez à faire dans la vie future. Dieu seul sait ce que sera votre vie dans l’avenir.
Je suis persuadé que le Bon Dieu bénira votre vie sacerdotale comme Il a béni votre vie du séminaire et que vous éprouverez même au milieu des épreuves, des persécutions, de grandes consolations. Alors nous nous réjouissons encore avec vous de cette grande grâce que le Bon Dieu vous a faite.
Et nous demanderons en conclusion à notre bonne Mère du Ciel, la très Sainte Vierge Marie, d’être votre mère, qu’elle vous protège, qu’elle vous prenne sous sa protection, qu’elle vous garde et qu’elle soit vraiment votre Mère.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.