Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,
La cérémonie à laquelle nous assisterons dans quelques instants évoquera en nous un passé de l’Église qui semble hélas, aujourd’hui révolu.
Que de légions se sont levées dans l’Ordre de saint Dominique pour porter au monde la Vérité, pour prêcher l’Évangile, pour manifester par leur exemple ce qu’était Notre Seigneur Jésus-Christ et en particulier, par la pauvreté.
Or, voici qu’aujourd’hui, il semble que l’esprit de saint Dominique ait disparu. Et que ce zèle pour la prédication de l’Évangile dans nos contrées, comme dans les contrées lointaines, se soit amenuisé au point que l’on se demande s’il y a encore un esprit missionnaire dans l’Église.
Voici qu’aujourd’hui, des jeunes se réunissent, se regroupent sous la bannière de saint Dominique et en manifestant cette filiation de saint Dominique, veulent aussi en acquérir les vertus, l’esprit, si nécessaire aujourd’hui, peut-être encore plus nécessaire aujourd’hui qu’au temps de saint Dominique.
Saint Dominique qui avait d’abord débuté comme prêtre séculier et qui avait avec son évêque parcouru le diocèse, avait gardé de cette formation cléricale, de cette formation sacerdotale, une impression profonde de son sacerdoce. Et c’est pourquoi, en 1206, lorsque quelques-uns de ses compagnons se réuniront autour de lui pour aller prêcher l’Évangile contre les hérétiques albigeois qui envahissaient tout le Languedoc, saint Dominique s’efforcera de construire une société remplie du zèle apostolique.
Et lorsqu’il fondera sa première maison dans l’Église de saint Romain, à Toulouse, déjà l’esprit de son ordre sera fixé dans son esprit et dans l’esprit de ses compagnons. Et l’on est stupéfait de penser que sa première maison était fondée en 1215 et que, en 1221, il rendait son âme à Dieu.
Or, en l’espace de six ans, il aura eu le temps, à la fois de prêcher sa mission et de convertir des milliers d’hérétiques, de les faire revenir à l’appartenance à l’Église catholique et, en même temps, il aura réuni un chapitre général à Bologne et il aura eu le temps de faire reconnaître son ordre par Innocent III, Honorius III. Et son ordre se répandra à travers toute l’Europe en l’espace de quelques années. Et lorsqu’il mourut, il laissait déjà une congrégation florissante, un ordre bien établi.
Dans quel esprit ? Eh bien dans un esprit d’abord sacerdotal. Sa congrégation, son ordre, est fondé sur le sacerdoce. Et le sacerdoce – il le sait parfaitement – repose avant tout sur le Saint Sacrifice de la messe. Alors saint Dominique aura une dévotion tendre et profonde pour la Sainte Messe. Et l’on dit que bien souvent on le voyait verser des larmes pendant qu’il offrait le Saint Sacrifice de la messe, tellement il était ému par le grand mystère qu’il réalisait sur l’autel.
Esprit sacerdotal aussi, parce que déjà dans beaucoup de diocèses, les initiatives de saint Augustin, avaient été réalisées. Les clercs vivaient dans une sorte de communauté. Non seulement ils accomplissaient leur ministère ecclésiastique, mais aussi ils vivaient en communauté et récitaient l’Office en commun.
Et alors saint Dominique voudra que dans son ordre aussi, on récite l’Office en commun et que l’on vive ensemble dans les communautés.
Mais c’est aussi un esprit religieux, esprit religieux qui se veut fondé particulièrement sur le vœu de pauvreté. Il ne faudra pas que ses compagnons possèdent quoi que ce soit ; il faut qu’ils soient détachés complètement de tous les biens de ce monde afin d’être davantage à Notre Seigneur Jésus-Christ. Et cela aussi pour vivre davantage une vie contemplative.
Dans ces couvents, on prie, on chante, on médite, on fait pénitence afin de se préparer au grand combat, au combat contre les erreurs modernes, pour l’évangélisation de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et alors sa vie sera aussi – et la vie de ses compagnons – sera une vie apostolique. Et cette vie apostolique, il la veut à la manière dont Notre Seigneur Lui-même l’avait décrite et l’avait voulue pour ses disciples. Comme il le dit : Ils partiront deux à deux, jamais seul, afin de se soutenir l’un et l’autre dans la ferveur de leur prédication, manifestant par la pauvreté de leur vie – car son ordre sera également, ce que l’on appelait alors un ordre mendiant, c’est-à-dire qui vit de ce que les gens leur donnent, de ce que l’on leur offre, confiants dans la sainte Providence – et allant sur les routes, prêchant Jésus-Christ. Et ils feront des conversions immenses. Non seulement en Europe, mais après la mort de saint Dominique, dans tous les pays du monde et en particulier en Amérique du Sud, en Amérique centrale, les dominicains ont été des grands missionnaires.
Et on peut résumer cette spiritualité de saint Dominique dans deux mots qu’il exprimait lui-même d’ailleurs : Les membres de son ordre devront être cum Deo et de Deo. Pourquoi ces petites formules simples, comme les emploiera son fidèle disciple saint Thomas d’Aquin, membre aussi de sa société : cum Deo, de Deo. De Deo, parce qu’ils se veulent de Dieu tout entiers avec Dieu, tout entiers unis à Dieu. Unis en Dieu précisément par cette prière, par la contemplation. Ils devront être unis à Lui d’une manière permanente, continuelle, fervente. Ils devront brûler de l’amour de Dieu, afin de pouvoir convertir les âmes, afin de communiquer Dieu aux âmes.
Voilà l’idéal que saint Dominique a eu pour ses apôtres, pour ses disciples.
Chers amis, vous qui allez vous engager dans ce sillage de saint Dominique et qui voulez en avoir l’esprit, gardez bien l’esprit de saint Dominique. Soyez des contemplatifs ; soyez les membres d’une communauté fervente et soyez des apôtres. Des apôtres non seulement par la parole, mais aussi par l’exemple et particulièrement par la sainte Pauvreté, par le détachement des choses de ce monde. Rien ne touche les âmes, comme ce détachement, comme cet esprit de pauvreté. Les âmes comprennent alors, que les missionnaires, que les prêtres qui viennent leur prêcher l’Évangile le pratiquent et qu’ils ne viennent pas pour un intérêt quelconque personnel, mais qu’ils viennent vraiment pour le bien des âmes. Jamais comme aujourd’hui, mes chers amis, l’Église, le monde, ont besoin de ce dévouement des missionnaires, missionnaires à la fois religieux et apôtres.
Saint Dominique était très dévoué à la Sainte Église. Il avait un amour profond pour notre sainte Mère l’Église catholique. Vous aussi vous aurez cet amour et vous l’avez déjà. Et vous le manifesterez justement par ce combat, ce combat gigantesque aujourd’hui contre les erreurs modernes qui envahissent non seulement le monde, non seulement les hérétiques (qui) sont partout, non seulement ceux qui luttent contre l’Église et qui sont au dehors de l’Église (et qui) s’efforcent d’anéantir Notre Seigneur Jésus-Christ et toute son œuvre, mais nous voyons aujourd’hui l’ennemi à l’intérieur de l’Église et c’est ce qui provoque cette situation invraisemblable, que ceux qui s’efforcent par tous leurs moyens d’être les fils de l’Église authentique, recueillant la doctrine de l’Église d’une manière la plus fidèle, de la manière la plus profonde, la plus exacte, conforme à toute sa tradition, que ceux qui cherchent à réaliser dans leur vie les vertus qui ont toujours été prêchées par l’Église et qui sont toujours voulues par l’Église, que ceux qui se veulent les fils les plus aimants de la hiérarchie, que ceux-là sont aujourd’hui rejetés, méprisés, poursuivis. Pourquoi ? Parce que l’ennemi est à l’intérieur de l’Église.
Saint Pie X le disait déjà, mais cette fois la prophétie de saint Pie X s’est réalisée. Le porteur de ces erreurs, le porteur de ces hérésies et les porteurs d’hérésies sont à l’intérieur de l’Église.
Alors comment peuvent-ils soutenir la Vérité ? Ils ne le peuvent pas. Rempli d’erreurs, leur esprit ne pense qu’à poursuivre la Vérité.
Telle est la condition de l’Église, condition douloureuse ; l’Église souffre une Passion immense, douloureuse. Alors nous participons à cette Passion. Et nous offrirons cette persécution dans la paix, dans la sérénité, mais dans la fermeté de notre foi, refusant absolument de pactiser avec l’erreur ; refusant absolument d’être les collaborateurs de la destruction de l’Église ; d’être les collaborateurs de ceux qui poursuivent Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous garderons la foi ; nous garderons l’espérance ; nous garderons la charité ; nous garderons les traditions de l’Église, qui constituent le meilleur service que nous puissions rendre à la Sainte Église.
Et vous serez en quelque sorte, mes chers amis, le fer de lance de ce combat magnifique que vous mènerez avec les saints Anges, avec saint Michel archange, avec tous les anges du Ciel, avec tous ceux qui ont donné leur vie pour la Vérité, tous ceux qui ont été martyrs. Que de martyrs dans l’ordre de saint Dominique ! Que de martyrs ont donné leur sang pour professer leur foi.
Nous voyons à Flavigny, dans le cimetière qui se trouve au bas de l’établissement qu’habité M. l’abbé Coache et ses religieuses, nous voyons là toute une liste de martyrs dominicains qui ont donné leur vie en Arménie pour défendre la foi catholique.
Et il y en a des listes comme cela, partout, dans tous les couvents dominicains. Alors soyez dignes de vos prédécesseurs.
Aujourd’hui, nous sommes heureux, vraiment nous nous réjouissons avec la très Sainte Vierge Marie, avec les saints Anges du Ciel. La très Sainte Vierge Marie est aussi la patronne de votre ordre et combien chère à saint Dominique et à tous ses fils. Nous nous réjouissons avec elle, de ce que quelques jeunes gens vont revêtir l’habit de saint Dominique et manifester ainsi que l’ordre qu’a fondé ce grand défenseur de la foi, que cet ordre n’est pas mort.
Alors nous prions pour vous. Nous prions aujourd’hui d’une manière toute particulière, pour votre initiative si généreuse, si belle, si courageuse et nous prions pour que vous ayez beaucoup de vocations afin d’être les témoins de l’Évangile à nouveau, non seulement dans notre chère France, mais aussi dans tous les pays dans lesquels le Bon Dieu voudra bien vous envoyer.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.