Lettre n° 42 de l’abbé Franz Schmidberger aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX de février 1992

Chers Amis et Bienfaiteurs,

Pour vous tenir au cou­rant de nos contacts avec les digni­taires romains et faire connaître clai­re­ment notre posi­tion, nous vou­drions vous don­ner connais­sance de la lettre que nous avons écrite à son Eminence le car­di­nal Silvio Oddi au mois de jan­vier, lettre res­tée sans réponse à ce jour.

+ Rickenbach, le 6 jan­vier 1992

Eminence,
Suite à la visite que vous avez vou­lu rendre au Séminaire de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, à Ecône, le 18 sep­tembre der­nier, visite qui nous a bien tou­chés car nous voyons en elle un signe de votre inté­rêt pour notre œuvre modeste et un vrai encou­ra­ge­ment. Vous m’avez expri­mé, le 7 octobre 1991 à Rome même, le sou­hait que je vous écrive, comme Supérieur géné­ral de la Fraternité, une lettre en vue d’une nor­ma­li­sa­tion éven­tuelle des rap­ports entre la Fraternité et les auto­ri­tés romaines.

Après réflexion en Conseil géné­ral, et consul­ta­tion des confrères, qu’il me soit per­mis de livrer à votre Eminence notre pen­sée en toute fran­chise et liberté.

Vous savez mieux que qui­conque que tous les membres de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X confessent non seule­ment la foi catho­lique dans toute son inté­gri­té et son inté­gra­li­té, mais main­tiennent éga­le­ment un atta­che­ment sans faille au Siège Apostolique.

Dans cette fidé­li­té à l’Église, par voie de consé­quence ils se voient liés par les décla­ra­tions des papes et des conciles dog­ma­tiques, en particulier :

– par l’encyclique « Quanta cura », du pape Pie IX, condam­nant la liber­té reli­gieuse, contre­dite par la décla­ra­tion « Dignitatis huma­nae » du concile Vatican II ;

– par le « Syllabus » du même pon­tife condam­nant le mariage adul­tère entre l’Église et le monde, expri­mé par­ti­cu­liè­re­ment dans la pro­po­si­tion 80 ; or le car­di­nal Ratzinger appelle le décret « Gaudium et spes » du concile Vatican II un contre-Syllabus !

– par l’encyclique « Pascendi domi­ni­ci gre­gis » de saint Pie X, condam­nant le moder­nisme et les moder­nistes, et par le ser­ment anti-​moderniste du même pon­tife, abo­li par le pape Paul VI ;

– par l’encyclique « Mortalium ani­mos » du pape Pie XI, condam­nant les pan­chré­tiens et leur idéo­lo­gie syn­cré­tiste, pra­ti­quée à la réunion d’Assise et à d’autres innom­brables réunions de ce même genre, der­niè­re­ment encore à Malte, le 5 octobre dans la basi­lique Saint-​Pierre à Rome, et le 7 décembre dans la basi­lique de Saint-Paul-hors-les-murs ;

– par l’encyclique « Quas pri­mas » du même pon­tife, pro­cla­mant le règne social et uni­ver­sel de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ contre la laï­ci­sa­tion des États catho­liques et le laï­cisme dans la socié­té, pro­pa­gés main­te­nant en appli­ca­tion du Concile par les auto­ri­tés de Rome ;

– par la défi­ni­tion du saint Sacrifice de la Messe par le concile de Trente ; les car­di­naux Ottaviani et Bacci observent dans le « Bref exa­men cri­tique du Novus Ordo Missae », que cette même nou­velle litur­gie « s’éloigne de façon impres­sion­nante dans l’ensemble comme dans le détail de la doc­trine du saint Sacrifice de la messe telle qu’elle a été défi­nie à la XXIIe ses­sion du concile de Trente ».

Constatant clai­re­ment, avec une peine immense, une rup­ture dans le domaine de la doc­trine, dans la confes­sion de la foi, dans la litur­gie, dans l’attitude des auto­ri­tés ecclé­sias­tiques vis-​à-​vis du monde avec ses erreurs et sa cor­rup­tion, nous ne voyons pas com­ment une col­la­bo­ra­tion ouverte et fruc­tueuse serait pos­sible pour l’instant, si l’on ne veut pas sacri­fier le témoi­gnage ren­du à la véri­té, à une diplo­ma­tie cachant le dif­fé­rend entre l’Église de tou­jours et l’Église conci­liaire. L’exemple de la Fraternité Saint-​Pierre, obli­gée offi­ciel­le­ment par la com­mis­sion Ecclesia Dei de don­ner la com­mu­nion dans la main, est peu encourageant.

Que les auto­ri­tés romaines et épis­co­pales confessent à nou­veau les prin­cipes conte­nus dans les actes du magis­tère men­tion­nés ci-​dessus, et réprouvent les erreurs que ces docu­ments condamnent, alors la rup­ture appa­rente ces­se­ra d’elle-même. Ces auto­ri­tés rede­ve­nues vrai­ment catho­liques pour­ront comp­ter sur notre dévoue­ment filial et sur nos efforts afin de « res­tau­rer toutes choses dans le Christ ». En atten­dant, toute la famille de la Tradition met son espé­rance en Dieu tout puis­sant qui semble la bénir visiblement.

Eminence, dans une inter­view récente, vous avez par­lé du 3e secret de Fatima, affir­mant qu’il concer­nait une grave crise dans l’Église, suite à un concile. Il faut abso­lu­ment reje­ter les prin­cipes qui ont cau­sé cette crise afin qu‘elle cesse et ceci le plus vite pos­sible. Dans le cas contraire un autre bas­tion, atta­qué de par­tout, va encore tom­ber sous peu : le céli­bat sacerdotal.

Nous vous remer­cions de tout cœur de votre sym­pa­thie à l’égard de notre œuvre et deman­dons à Notre-​Dame de Fatima de vous don­ner la grâce de pou­voir par­ler ouver­te­ment au Saint-​Père de ces pro­blèmes qui se résolvent en ces deux mots des Princes des apôtres : « Non est in alio ali­quo salus » (Act, IV, 12) et « Oportet illum regnare » (1 Cor. XV, 25).

Veuillez croire, Eminence, à l’expression de mes sen­ti­ments respec tueux et dévoués in Christo et Maria.

Abbé Franz Schmidberger, Supérieur général

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L’éloignement de la Doctrine, de la Sainte Écriture, des Pères de l’Église, des Papes et des Conciles ne cesse de conti­nuer ; on peut lire dans le jour­nal « La Libre Belgique » du 28 jan­vier 1992 :

« Plus de 300 repré­sen­tants des grandes reli­gions, venus des quatre coins de la pla­nète, se réuni­ront à Bruxelles, du 13 au 15 sep­tembre pro­chain, à l’initiative de la Communauté de San Egidio. Depuis la ren­contre d’Assise convo­quée à l’initiative du Pape en 1986, ce sera la sixième fois – après Assise, Rome, Varsovie, Bari et Malte – que des res­pon­sables reli­gieux sont ras­sem­blés de par le monde en vue de prier pour la paix. L’archevêché de Malines-​Bruxelles vient de dif­fu­ser à ce pro­pos un mes­sage du car­di­nal Danneels.

Le texte conti­nue :
Les reli­gions, si dif­fé­rentes les unes des autres, ont toutes l’homme comme hori­zon ultime… Le car­di­nal Danneels sou­haite que cette sixième ren­contre puisse « élar­gir et ren­for­cer l’esprit de soli­da­ri­té entre les croyants et don­ner des fruits de paix atten­dus par des mil­lions d’hommes et de femmes dans le monde » ».

Pouvons-​nous conti­nuer à res­ter inac­tifs en voyant que Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, vrai Dieu né du vrai Dieu, consub­stan­tiel au Père, est mis sur un pied d’égalité avec de faux dieux comme Allah, Bouddha, Shiva, et le Grand Architecte de l’univers des Francs-​Maçons ou avec de faux pro­phètes comme Mahomet et Luther ? Où sont les Maccabées de nos jours ? Aucun catho­lique ne peut accep­ter pas­si­ve­ment ce nou­veau blas­phème. Sainte Catherine de Sienne, la grande pro­phé­tesse du XVe siècle, appe­lait les mau­vais pas­teurs de son temps des démons incar­nés. De notre côté, nous devons prier et agir : prier afin que Dieu nous donne la lumière et la force pour agir.

Dieu soit loué, nous avons pu acqué­rir, depuis le décès de notre cher Fondateur, seize nou­velles mai­sons et églises dans dif­fé­rents pays ; en 1992, nous pou­vons comp­ter sur vingt-​sept nou­veaux prêtres, mais c’est bien peu pour­tant. Nous aurions besoin de cen­taines pour satis­faire à toutes les demandes, sup­pliques, appels au secours, écrits de détresse, pro­ve­nant de pays proches ou loin­tains. Et un champ d’apostolat mille fois plus éten­du s’ouvrira le jour où cette Église conci­liaire s’écroulera, car à plus ou moins long terme, elle s’écroulera ; nous devons nous pré­pa­rer à cette heure de Dieu par la concen­tra­tion de toutes nos forces vives.

Aidez-​nous dans cette grande mis­sion par votre prière, votre jeûne, vos aumônes, vos bonnes œuvres, votre pro­gres­sion dans la ver­tu ; aidez-​nous pour construire le royaume de Dieu et pour étendre le règne de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ dans le monde entier. Soyons ensemble apôtres de Jésus et de Marie, cha­cun selon ses moyens. Notre par­tage, c’est le com­bat ; à Dieu appar­tient la vic­toire et une cou­ronne de gloire attend au pied de son trône tous ceux qui aiment la Sainte Trinité sin­cè­re­ment et de tout leur cœur.

Rickenbach, le 28 février 1992

Abbé Franz Schmidberger

Supérieur géné­ral

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