Le Vatican : mystères et certitudes
Par l'abbé Philippe Toulza
L’appartenance à la franc-maçonnerie est
au regard de l’éthique naturelle et de
la morale catholique un manquement
grave. C’est vrai d’un laïc, à plus forte raison
d’un clerc. Que dire lorsqu’il s’agit d’un évêque
ou d’un cardinal !
Par conséquent, accuser un prélat
du Vatican de franc-maçonnerie,
ne va pas sans prendre de responsabilité
substantielle. Les clercs
ainsi nommés ont un jour quitté le
siècle, embrassé le service public de
l’Église. Ils se lèvent matin, prient,
mènent une vie de sobriété plus ou
moins grande, confessent, prêchent.
Bref, le contraste entre, d’un côté la
vie religieuse qu’ils mènent selon
toute apparence, et d’un autre côté l’appartenance
à une officine mille fois stipendiée par
la Rome dans laquelle ils circulent, est saisissant.
Ce contraste est tel, d’ailleurs, que
l’on peut ranger un prélat dans une loge donnée,
alors que le prélat réside à des milliers
de kilomètres, et se montrer moins audacieux
dans l’accusation, si des circonstances
imprévues amènent à le rencontrer en chair
et en os, à le voir vivre ou méditer.
Cependant, ne nous voilons pas la face. Des
francs-maçons, il y en a dans l’Église, et il ne
serait pas étonnant qu’il s’en trouve même
au Vatican. Chacun a ses « révélations », plus ou moins sérieuses. Quel crédit accorder aux
bruits ? Avec la franc-maçonnerie, société
secrète par essence, toute révélation n’est
que probable quand elle n’émane pas de la
personne elle-même.
Attardons-nous sur l’étude de Carlo-Alberto
Agnoli, intitulée La Maçonnerie à la conquête
de l’Église (Éditions du Courrier de Rome, dernière
édition : 2001). Dans ce travail, l’auteur
se penche sur une liste de francs-maçons
datant de 1978. Cette liste a été proposée
par Mino Picorreli, journaliste à l’Osservatore
Politico, le 12 septembre 1978. Elle a donc
plus de trente ans.
Parmi les ecclésiastiques qui furent en
poste au Vatican, on compte dans cette liste,
entre autres :
- un directeur de l’Institut pontifical pour la
liturgie ;
- un cardinal, archevêque puis secrétaire
d’État ;
- un chef de bureau à la Secrétairerie d’État ;
- un cardinal, évêque, préfet de la Maison
pontificale ;
- un cardinal, préfet de la Congrégation pour
la cause des saints ;
- un évêque, président de l’IOR (Institut pour
l’oeuvre de la religion) ;
- un évêque, secrétaire de la Préfecture pour
les affaires économiques du Saint-Siège ;
- un archevêque, propénitencier majeur ;
- un cardinal, archevêque, nonce apostolique
puis official à la curie ;
- un évêque auxiliaire de Rome ;
- un cardinal, chambellan du pape puis
archevêque ;
- un archevêque, secrétaire de la Congrégation
pour les Églises orientales ;
- un cardinal-vicaire de Rome ;
- un archevêque, cardinal, préfet du Tribunal
suprême de la signature apostolique ;
- un cardinal, archevêque, pro-préfet de la
Congrégation pour l’éducation catholique ;
-
un archevêque, cardinal, président du gouvernorat
de l’État de la cité du Vatican.
Que penser de la crédibilité des noms proposés
?
Certains noms n’étonnent pas, d’autres
surprennent.
Celui qui a proposé cette liste, le journaliste
Mino (ou Carmine) Pecorelli, ancien membre
de la loge P2, a été assassiné le 20 mars
1979, six mois après avoir publié cette liste.
N’est-ce pas le signe que celle-ci était vraie ?
Les choses ne sont pas si simples : car le
9 mai 1978, Aldo Moro, homme politique italien
célèbre, de la démocratie chrétienne, était
assassiné avant lui, et Pecorelli savait beaucoup
de choses sur les dessous de ce premier
assassinat. Giulio Andreotti (actuel responsable
de la revue 30 Giorni, qui a aussi une
édition française 30 Jours), de la démocratie
chrétienne, fut très sérieusement inquiété par
la justice. L’affaire Aldo Moro a pu peser plus,
dans l’assassinat de Mino Pecorelli, que la liste
de francs-maçons du 12 septembre 1978.
Est-on revenu à la case départ ? Non. Car
M. Agnoli, sans avoir de certitude sur la fiabilité
de la liste, montre qu’elle a en sa faveur
une certaine probabilité. Et la revue 30 Jours
elle-même rapporte que Paul VI avait confié
au commandant général des Carabiniers,
le général Enrico Mino, une enquête sur le
sérieux de la révélation d’une autre liste,
très proche de celle de Pecorelli (et publiée
cette fois dans Panorama en 1976), et que
le général avait exprimé sa conviction que la
liste était bonne. Ce général trouva la mort
dans un accident d’hélicoptère le 31 octobre
1977 ! Si le pape s’est inquiété, c’est que la
liste de ces hommes d’Église n’était pas si
invraisemblable...
Le visiteur catholique qui franchit pour
la première fois les murs du Vatican et
pénètre dans l’enceinte de la Cité est pris
de vertige. C’est ici, sur ce petit relief, que fut
enterré le prince des Apôtres, saint Pierre, après
son martyre. Le visiteur, impressionné par l’austère
façade de la basilique, conçue par Maderno,
et par la colonnade de la place, oeuvre du Bernin,
franchit les portes devant les gardes suisses et
entre à présent dans les murs du Vatican. Les
tapis persans et les Stanze de Raphaël, le glissement
feutré des soutanes violettes et le souvenir
des grands papes qui ont sanctifié ces lieux, tout
cela lui vient comme un parfum délicieux.
Semble-t-il rien n’a changé. Le décor, les
ornements ont été préservés. Le protocole
s’est simplifié, mais les crucifix ornent les murs
et le nom de Jésus-Christ résonne aux oreilles
de notre visiteur. Un employé esquisse, au
détour d’un couloir, un signe de croix. On murmure
qu’en ce moment le pape prie.
Notre visiteur serait enclin à croire que, à tout
prendre, rien n’a vraiment changé au Vatican.
Quand bien même il serait prévenu de la rupture
qu’a représenté le dernier concile dans la marche
de l’Église, il peut oublier ses préventions au
contact de Rome. Les méfiances de ceux qu’on
appelle traditionalistes ne seraient-elles pas
excessives ? Ils feraient presque des hommes
de la curie des démons. Comme la réalité est éloignée
de leurs calomnies !
Ceux-là n’ont jamais
posé les pieds sur les douces moquettes des
antichambres de nos préfets en habit rouge...
Oui, le pouvoir des lieux et des hommes, à
Rome, est immense, et le plus convaincu de la
fausseté de la route conciliaire est bien capable
d’être séduit par les beautés innocentes des
murs qui abritent le vicaire du Christ et ses
ministres, la curie romaine.
Cette capacité a du
bon. Elle est le révélateur d’une âme catholique,
toujours respectueuse de ceux que nous pensons
devoir considérer comme vraies autorités.
Que le chrétien soit attiré par Rome, ses églises
et même ses bureaux, n’a rien que de « naturel ».
Et pourtant, si l’on va au-delà de l’écorce, une
métamorphose radicale se montre, séparant
la curie d’il y a 60 ans de celle d’aujourd’hui.
Métamorphose dans la grâce et la vertu des
gens ? L’on gagne à toujours supposer le contraire,
n’en déplaise à tous les ragots et publications
sulfureuses. La question est autre. Ce qui
a changé, c’est l’état d’esprit, ce sont certaines
intentions fondamentales. On est passé d’une
certitude absolue de la singularité du salut catholique
à une déférence pour Mahomet, Bouddha,
Krishna et Zoroastre.
On a cessé de militer pour
un État et des lois imprégnés de l’Évangile, on
a mis son espoir dans des politiques incolores,
laïques, fruits de dialogues improbables.
Comment expliquer que des hommes de
curie, non dénués d’onction et de dignité, véhiculent
des innovations si saugrenues ? Par
la franc-maçonnerie ? C’est un principe d’explication,
suffisamment sérieux pour être
mentionné. Toutefois on peut faire du mal, et
longtemps, même en étant hors loge...
Les
autres explications sont historiques, nous les
rappellerons dans un prochain dossier.
Quoi qu’il en soit, que Benoît XVI veuille entraîner
la curie, et à travers elle l’Église, dans telle ou
telle mise au point traditionnelle, soit liturgique,
soit même doctrinale, admettons-le et réjouissons-
nous en (cf. Fideliter n° 186, p. 43).
On ne
va pas pleurer quand le pape impose la communion
sur la langue, rappelle la primauté divine,
ordonne aux évêques de laisser dire la messe de
saint Pie V ou invite à davantage de sacrifice !
Cependant cette curie romaine, qui vit
de l’âme que lui transmet Benoît XVI, a fait
siennes les thèses oecuméniques et laïcistes.
Et la curie les distribue aux évêques du monde
entier, comme si, hélas, ils n’y croyaient pas
déjà suffisamment. Ces thèses sont d’un parfum
qui n’est plus délicieux mais très amer.
La curie nous intéresse, parce qu’elle est la
curie de Rome. Mais nous ne retrouvons pas,
dans sa route générale, celle de nos Pères
dans la foi, que grâce à Dieu nous faisons nôtre.
Abbé Philippe Toulza, Directeur des Editons Clovis-Fideliter
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