Le 11 octobre 2011, le souverain pontife Benoît XVI publiait une lettre apostolique intitulée Porta Fidei. Il y annonçait une Année de la foi : elle a effectivement commencé le 11 octobre 2012 et s’achèvera le 11 octobre prochain.
Pourquoi promulguer une Année de la foi ? Pour, expliquait le pape, offrir un « temps de réflexion particulière et de redécouverte de la foi ». Réfléchir sur la foi… la foi, dans l’Église aujourd’hui, comment va-t-elle ? Elle ne se porte pas bien. Cela fait déjà longtemps : il est d’ailleurs étrange qu’une crise de la foi soit d’une telle durée. Alors, ne sommes-nous pas victimes d’une illusion ? Est-il vraisemblable que dans l’Église, qui est justement la Porta fidei (porte de la foi), cette vertu soit si malade ? Ne devrions-nous pas en conclure que la fièvre a beaucoup baissé, que la guérison s’annonce prochaine, ou même que, peut-être, il n’y a eu, de la maladie, que l’apparence ?
Cependant les faits sont là, et les paroles. La foi s’est anémiée. Anémie : « état de faiblesse et de dépérissement », dit le dictionnaire. Il y a tout juste un siècle, en 1913, Roger Martin du Gard remarquait « l’anémie générale des croyances religieuses ». Que dirait-il aujourd’hui ? L’Année de la foi ne coïncide- t‑elle pas avec une anémie de la foi ? Combien de catholiques dans le monde ? Combien, parmi ces catholiques, disent avoir la foi ? Et encore, combien, parmi ces derniers, professent la foi intégrale de la sainte Église ? Quelle idée de la foi véhicule-t-on ? Nous pourrions ajouter : quant à ceux qui la professent intégrale, dont nous sommes, quelle est la profondeur de leur foi ? Et à quel point l’esprit de foi anime notre vie ? Ce numéro vous propose donc une petite enquête sur la foi. Précisons : moins sur l’état de la foi que sur la notion que l’on a de la foi, ou sur ce que dit le Magistère au sujet de la foi. Pour que cette enquête fût complète, il eût fallu une inquisition très diligente : observer les faits dans les divers pays de la planète, interroger les fidèles, prêtres et évêques… Travail colossal, hors de notre portée. Nous espérons cependant vous proposer des textes suffisamment représentatifs. Et deux écueils se présentent, entre lesquels il convient de naviguer.
Le premier est celui du raccourci : pourquoi se casser la tête ? La Rome d’aujourd’hui est libérale ; le clergé est conciliaire ; les gens ont perdu la foi. Il n’y a rien, et même plus rien de rien. L’encyclique Pascendi de saint Pie X nous avait prévenus : le modernisme est l’égout collecteur des hérésies. Or les gens sont modernistes. Donc ils n’ont plus la foi ; tout est dit, le reste est de trop.
Le deuxième, davantage périlleux, est celui de l’angélisme : pourquoi chercher des poux dans la tête des gens ? Qui êtes-vous pour juger de leur foi ? N’avez-vous pas noté un retour spectaculaire des prêtres vers la croyance aux dogmes ? N’est-il pas plus urgent de se serrer les coudes, entre catholiques, et de donner le bon exemple de l’unité face à l’islam, l’athéisme et l’hédonisme conquérants ?
Là comme ailleurs, la ligne de crête est à tenir. Cependant, sans tarder, invitons le lecteur à une autre réflexion : ce dossier voudrait non seulement l’éclairer sur la crise de l’idée de foi aujourd’hui, mais également approfondir sa propre connaissance de cette vertu. Peut-être apprendra-t-on, en lisant l’un ou l’autre article, que la foi est non seulement objective, mais subjective ; ou bien découvrira-t-on le rôle de la volonté dans l’acte de foi. Passer d’un savoir purement catéchétique à une connaissance plus étendue de la vertu de foi : n’est-ce pas un bienfaisant chemin ? Ce chemin, le lecteur ne le parcourra qu’à la condition de commencer par lire les deux pages en « encadré » qui rappellent l’essentiel sur la vertu de foi (pages 8 et 9). C’est d’ailleurs autour de ces deux pages (illustrées sur la page 7 ci-contre) que s’articule notre dossier, dont voici la trame :
1. La foi a une nature, elle est une vertu. Or toute vertu de l’âme concerne ou bien l’intelligence, ou bien la volonté. La foi, quant à elle, concerne l’intelligence. Est-ce encore ce que croit l’Église conciliaire ? L’abbé Bernard de Lacoste répond à la question.
2. L’homme qui croit est un être libre. Mais par ailleurs croire est de précepte. Alors, la foi est-elle libre ou bien obligatoire ? Et qu’en dit le clergé officiel aujourd’hui ? L’abbé Nicolas Cadiet s’emploie à l’exposer.
3. La foi a un objet, ce sont les vérités à croire ; mais aussi elle existe dans un sujet, autrement dit un homme : est-elle donc objective ou bien subjective ? Et qu’en disent les modernes ? Est-il, à leurs yeux, nécessaire de croire en quelque chose de précis ? L’abbé Philippe Toulza tâche d’éclaircir ce point.
4. La foi est surnaturelle, elle exige la grâce. À quel point le naturalisme a‑t-il mené le discours officiel des hommes d’Église à s’écarter de cette vérité de foi ? C’est l’abbé Ludovic Girod qui en traite. Il ne restera plus qu’à conclure.
Source : Fideliter n° 215 de septembre-octobre 2013