Dans ses relations avec le Siège apostolique, Mgr Marcel Lefebvre, pour affirmer qu’il fallait considérer la Fraternité Saint-Pie X selon son identité propre, disait : « Rome doit nous prendre tels que nous sommes… » (cf. par exemple le sermon du 27 juin 1980). Je voudrais éclaircir cette expression.
La Fraternité Saint-Pie X a été fondée en 1970 selon les règles du droit canonique, avec des buts et des moyens conformes à l’esprit de l’Église, comme en témoignent l’approbation de l’évêque de Fribourg et les divers documents romains qui en ont loué les statuts. Tous ses actes subséquents, jusqu’à l’illégale « suppression » de 1975, ont été réalisés dans le respect du droit canonique.
Rappelons maintenant la caractéristique de la Fraternité Saint-Pie X : « Le but de la Fraternité est le sacerdoce et tout ce qui s’y rapporte et rien que ce qui le concerne. » C’est ce qui la distingue, par exemple, des jésuites ou des oratoriens. Mgr Lefebvre en tire une conclusion : « La Fraternité est essentiellement apostolique, parce que le sacrifice de la messe l’est aussi. » De là découlent les œuvres auxquelles s’adonne la Fraternité Saint-Pie X : « Toutes les œuvres de formation sacerdotale », « aider à la sanctification des prêtres », « venir en aide aux prêtres âgés, infirmes », mais aussi « les écoles vraiment chrétiennes (…), c’est d’elles que sortiront les vocations », et encore « le ministère paroissial ».
Dans son enseignement, la Fraternité Saint-Pie X ne veut que prêcher les vérités immuables de la foi, être l’écho des papes, des conciles, des Pères de l’Église : car il ne s’agit nullement de faire connaître, sous la révélation du Saint-Esprit, une nouvelle doctrine, mais « de garder saintement et d’exposer fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi » (cf. Pastor Æternus, chap. 4). Dans la liturgie, la Fraternité Saint-Pie X ne veut que chanter la gloire de Dieu et procurer la sainteté des âmes per Dominum nostrum Iesum Christum. Dans la vie spirituelle, la Fraternité Saint-Pie X ne désire qu’aider les baptisés à progresser dans la connaissance et l’amour du Dieu Trinité.
Dès lors que l’on promeut un bien, on s’oppose au mal contraire. Or la foi catholique, la liturgie catholique, la vie catholique sont menacées aujourd’hui, notamment en raison de la crise qui secoue l’Église et la société. Il n’est donc pas étonnant que la Fraternité Saint-Pie X combatte ce qui met en péril le salut des âmes.
La Fraternité Saint-Pie X, parce qu’elle est attachée à la foi catholique, se dresse contre les attaques qui menacent cette foi. Ses prêtres, par amour de la vérité, se doivent de dénoncer les erreurs qui ruinent l’intégrité de la foi, et spécialement celles qui, aujourd’hui, rongent l’Église, comme la fausse liberté religieuse, le faux oecuménisme, le prétendu dialogue interreligieux, ce qu’on nomme « l’esprit du Concile ». Il s’agit non seulement de dénoncer les erreurs en soi, mais encore de conserver la pleine « liberté de corriger, reprendre, même publiquement, les fauteurs d’erreurs ou nouveautés du modernisme », comme l’affirmait le chapitre général de 2012.
La Fraternité Saint-Pie X, parce qu’elle est attachée à la liturgie catholique, célèbre exclusivement la liturgie qui a été transmise par la Tradition de l’Église, et refuse, sans ambage et définitivement, la liturgie nouvelle, cette messe conciliaire d’esprit protestant, qui ne transmet plus avec certitude la grâce du Christ.
La Fraternité Saint-Pie X, parce qu’elle est attachée aux traditions spirituelles de l’Église, à la forme de vie chrétienne qu’a toujours pratiquée l’Église, refuse les dérives, notamment l’altération du mariage, la remise en cause du célibat sacerdotal, le libéralisme des moeurs, l’abandon de la prière et des sacrements. Cet esprit combattif contre les erreurs, même s’il n’est qu’une conséquence d’un attachement inconditionnel à la vérité catholique, même s’il n’intervient qu’après le souci premier et essentiel de transmettre la grâce du Christ aux âmes, fait partie intégrante de l’identité pérenne de la Fraternité Saint-Pie X. Celle-ci n’abandonnera jamais cette lutte contre l’erreur, accompagnement toujours indispensable de l’amour de la vérité.
Nous savons qu’un jour, par la grâce de Dieu, la Fraternité Saint-Pie X retrouvera dans l’Église sa juste situation canonique, mais ce sera « telle qu’elle est », c’est-à-dire telle qu’elle a été fondée dans l’Église et pour l’Église en 1970, et telle qu’elle n’a cessé d’être dans l’Église et pour l’Église : aimant la vérité, donc combattant les erreurs contraires. Comme le proclamait Mgr Lefebvre dans ce même sermon du 27 juin 1980, nous retrouverons cette situation canonique dont nous avons été injustement privés, mais ce sera « avec tout ce que nous sommes, tout ce que nous pensons, tout ce que nous croyons, tout ce que nous faisons », bref résumait-il, « avec le serment antimoderniste dans les mains ».
Abbé Christian Bouchacourt †, Supérieur du District de France de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : Fideliter n° 237 de mai-juin 2017