Apparitions de Notre Seigneur à Paray-​le-​Monial de décembre 1673 à juin 1675

Apparition de Notre Seigneur montrant
son cœur à soeur Marguerite-​Marie Alacoque.

Apparitions de Notre Seigneur à Paray-​le-​Monial de décembre 1673 à juin 1675, abbé Louis PERON

En ce 27 décembre 1673, fête de Saint Jean l’é­van­gé­liste, au couvent de la Visitation, à Paray le Monial en France, Soeur Marguerite Marie est en ado­ra­tion devant le Saint Sacrement. Seule avec son Sauveur caché sous les voiles de l’Hostie, elle converse avec Lui dans le silence de la prière.

Et voi­là que dans cette modeste cha­pelle de couvent, Notre Seigneur va dévoi­ler à cette reli­gieuse les tré­sors infi­nis de son Divin Cœur.

Notre Seigneur renou­velle pour elle l’é­pi­sode du Jeudi Saint, lorsque Saint Jean était affec­tueu­se­ment pen­ché sur la poi­trine de son Maître.

« Il me fit repo­ser long­temps sur sa divine poi­trine, où Il me décou­vrit les mer­veilles de son Amour et les secrets inex­pli­cables de son Sacré Cœur ».

Il lui montre d’a­bord celui-​ci dans un trône tout de flammes, plus rayon­nant qu’un soleil, por­tant la plaie ouverte par la lance du sol­dat, envi­ron­né d’é­pines et sur­mon­té de la Croix.

« Mon divin Cœur, lui dit-​il, est si pas­sion­né d’a­mour pour les hommes et pour toi en par­ti­cu­lier que, ne pou­vant plus conte­nir en lui-​même les flammes de son ardente cha­ri­té, il faut qu’il les répande par ton moyen ».

Cette confi­dence que fait Jésus à celle qui devien­dra Sainte Marguerite Marie est comme un grand cri d’a­mour pour les hommes. C’est un nou­vel élan de son cœur pour arra­cher les âmes à l’empire de Satan et à l’a­bîme de per­di­tion et leur pro­cu­rer des grâces de salut.

Puis le Christ prend le cœur de soeur Marguerite Marie, le plonge dans le sien et le replace, trans­for­mé et lumi­neux, dans la poi­trine de la sainte. Après cette faveur mys­tique, la jeune visi­tan­dine demeu­re­ra plu­sieurs jours « comme embra­sée et enivrée » et sur­tout com­blée d’une immense plé­ni­tude de Dieu.

Cette pre­mière mani­fes­ta­tion du Cœur de Jésus sera sui­vie de beau­coup d’autres. Seulement trois d’entre elles com­porte un mes­sage de Dieu au monde. Elles peuvent être appe­lées pour cette rai­son « grandes appa­ri­tions ».

La deuxième eut lieu en 1674, à une date indé­ter­mi­née, un pre­mier ven­dre­di du mois. Jésus se pré­sen­ta à la sainte « tout écla­tant de gloire avec ses cinq plaies brillant comme cinq soleils… Mais sur­tout sa poi­trine ressem-​blait à une four­naise… Il me décou­vrit son tout aimant et tout aimable Cœur qui était la source vive de ces flammes ».

Le Christ se plaint alors des froi­deurs et du rebus qu’ont les hommes à son égard « pour tous mes empres­se­ments à leur faire du bien ».

Et il sup­plia la sainte :

« toi, du moins, donne-​moi ce plai­sir de sup­pléer à leurs ingra­ti­tudes autant que tu pour­ras en être capable ».

Il lui demande alors la com­mu­nion fré­quente, celle notam­ment des pre­miers ven­dre­dis du mois et aus­si l’exer­cice de « l’Heure Sainte » chaque jeu­di, de onze heure à minuit, en s’u­nis­sant à son ago­nie au jar­din des oli­viers, dans le but de prier, souf­frir et deman­der par­don pour les péchés du monde.

Concernant la com­mu­nion des pre­miers ven­dre­dis du mois, Notre Seigneur fit cette pro­messe en mai 1688 :

« Je pro­mets, dans l’ex­ces­sive misé­ri­corde de mon Coeur, d’ac­cor­der à tous ceux qui com­mu­nie­ront neuf pre­miers ven­dre­dis du mois consé­cu­tifs, la grâce de la péni­tence finale, ne mou­rant point dans ma dis­grâce et sans rece­voir les sacre­ments. Mon divin Cœur se ren­dant asile assu­ré au der­nier moment ».

La troi­sième grande appa­ri­tion eut lieu en Juin 1675 durant l’oc­tave de la Fête-​Dieu. Jésus découvre alors son Cœur à la sainte :

« Voilà, dit-​il, ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’Il n’a rien épar­gné pour leur témoi­gner son amour ; et au lieu de recon­nais­sance, je ne reçois de la plu­part que des ingra­ti­tudes, de l’in­dif­fé­rence et même du mépris dans ce sacre­ment d’a­mour (il s’a­git du saint Sacrement qui était alors exposé) ».

Le Christ demande alors une fête spé­ciale de son Cœur, incluant une « répa­ra­tion d’hon­neur » pour com­pen­ser tous les outrages qu’Il reçoit dans l’Eucharistie.

Pour nous convaincre de la néces­si­té d’être nous aus­si des dévots au Sacré Cœur de Jésus, écou­tons cet appel vibrant de Sainte Marguerite Marie :

« L’adorable Cœur de Jésus veut éta­blir son règne d’a­mour dans tous les cœurs, détruire et rui­ner celui de Satan. (L.118) Tel est le der­nier effort de son amour pour favo­ri­ser les hommes, en ces der­niers siècles, de sa rédemp­tion amou­reuse (L.133) ».

Abbé Louis PERON, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Sainte Marguerite-​Alacoque et le Sacré Cœur, abbé Louis-​Marie CARLHIAN

La dévo­tion au Sacré Coeur ne naît pas au XVIIe siècle : elle date des pre­miers com­men­taires des Pères de l’Eglise sur le Cœur trans­per­cé de Notre Seigneur sur la croix, et se pro­longe dans de nom­breux écrits de mys­tiques et de saints comme saint Bonaventure, saint Bernard, sainte Mechtilde… Toutefois, elle va trou­ver un déve­lop­pe­ment extra­or­di­naire à par­tir des grâces spé­ciales accor­dées à une humble Visitandine de Bourgogne…

Marguerite Alacoque naît dans un petit hameau du Mâconnais le 22 juillet 1647. Elle est la fille d’un notaire royal qui meurt quelques années plus tard. Elle a pour mar­raine une noble dame des envi­rons, Marguerite de Sainte Amour, qui prend en charge son édu­ca­tion alors qu’elle n’a que quatre ou cinq ans. Très impres­sion­née par la décou­verte du couvent de la Visitation de Paray-​le- Monial, où la fille de sa mar­raine est reli­gieuse, Marguerite se sent si atti­rée dans son âme d’en­fant par la vie reli­gieuse qu’elle fait voeu de chas­te­té per­pé­tuelle (sans trop savoir ce que cela signi­fie) un jour qu’elle assiste à la messe ! Placée chez les soeurs Urbanistes de Charolles, elle désire vive­ment la sain­te­té et fait sa pre­mière com­mu­nion à dix ans. Mais en 1657, elle est frap­pée d’une mala­die qui la cloue au lit pen­dant quatre ans. Elle finit par pro­mettre à Notre-​Dame d’en­trer en reli­gion si elle gué­rit. Et son voeu est exaucé…

La fer­veur de sa recon­nais­sance ne tarde pas à retom­ber. Trop heu­reuse de recou­vrer la san­té, Marguerite se laisse aller aux diver­tis­se­ments. La Providence lui rap­pelle ses enga­ge­ments… par des dis­putes fami­liales qui la font beau­coup souf­frir. Elle ne trouve bien­tôt plus de récon­fort qu’à l’é­glise, devant le Saint- Sacrement. C’est là qu’elle reçoit les pre­mières révé­la­tions inté­rieures : elle doit se don­ner plei­ne­ment à Dieu. A dix-​huit ans, pres­sée par les siens de se marier, elle résiste en cher­chant les amu­se­ments, jus­qu’au jour où Notre- Seigneur lui appa­raît ensan­glan­té par la fla­gel­la­tion, et l’ac­cuse de ces mau­vais trai­te­ments. N’est-​elle pas en train d’ou­blier son vœu de chas­te­té ? C’est le bas­cu­le­ment. Marguerite s’in­flige de ter­ribles péni­tences, visite les malades et les pauvres, et annonce enfin à sa famille sa réso­lu­tion d’en­trer en religion.

Ce sera à la Visitation de Paray. Il faut encore bien des efforts pour vaincre les réti­cences de la famille, mais, avec l’aide d’un pré­di­ca­teur capu­cin, Marguerite quitte son vil­lage le 20 juin 1671 pour n’y plus revenir…

L’ordre de la Visitation a été fon­dé par sainte Jeanne de Chantal, en 1610, avec l’aide de saint François de Sales. Grâce à la per­son­na­li­té de ses fon­da­teurs, il a connu un rapide déve­lop­pe­ment. Au départ des­ti­né à accueillir des veuves, l’ordre a fini par accep­ter des voca­tions de jeunes filles. Les reli­gieuses sont d’a­bord contem­pla­tives, mais accom­plissent aus­si des œuvres de cha­ri­té et s’oc­cupent de l’é­du­ca­tion des jeunes filles.

La jeune pos­tu­lante effraie d’emblée tout le couvent par ses mor­ti­fi­ca­tions, ses longues heures de prière à la cha­pelle, son absorp­tion conti­nuelle en Dieu. La Supérieure pré­vient : pas ques­tion d’ac­cep­ter aux vœux une reli­gieuse qui n’a pas les pieds sur terre ! Il fau­dra donc lut­ter sans cesse pour s’ar­ra­cher à la contem­pla­tion, par obéis­sance : Marguerite com­bat si bien qu’elle fait ses vœux avec trois mois de retard, le 6 novembre 1672. La nou­velle supé­rieure, mise au fait de son cas spé­cial, veut évi­ter toute illu­sion, toute super­che­rie du démon. Le remède est simple : obser­vance stricte de la règle. Craignant de se trou­ver entre deux feux, Marguerite s’en ouvre à son Epoux, qui lui répond :

« J’ajusterai mes grâces à l’es­prit de ta règle, ain­si qu’à la volon­té de tes supé­rieures et à ta faiblesse. »

Pas ques­tion de se sanc­ti­fier sans l’obéissance !

Les mois qui suivent sont emplis de révé­la­tions et de grâces extra­or­di­naires. Soeur Marguerite-​Marie reprend ses longues prières, immo­bile devant le Saint-​Sacrement. Rien ne peut l’en tirer qu’un ordre de la Supérieure…

Le 27 décembre 1673, en la fête de saint Jean, l’Apôtre qui a repo­sé sur la poi­trine du Maître, Soeur Marguerite- Marie reçoit de grandes lumières sur le Coeur de Jésus, plein d’a­mour pour les hommes et de tris­tesse pour ceux qui se perdent. Il demande qu’on l’ho­nore « sous la figure de ce Cœur de chair », sym­bole de l’a­mour du Dieu-​Homme pour l’hu­ma­ni­té péche­resse, qui lui appa­raît « comme dans un trône tout de feu et de flammes, plus brillant et plus rayon­nant qu’un soleil et trans­pa­rent comme un cris­tal. La plaie qu’il reçut sur la croix y parais­sait visi­ble­ment. Il était envi­ron­né d’une cou­ronne d’é­pines qui signi­fiait les piqûres que nos péchés lui fai­saient, et une croix au-​dessus qui signi­fiait que, dès les pre­miers ins­tants de son incar­na­tion, c’est-​à-​dire dès lors que ce sacré Cœur fut for­mé, la croix y fut plan­tée…»

Une seconde vision, quelques mois plus tard, lui montre à nou­veau Jésus pré­sen­tant ses plaies et son Cœur enflam­mé. Il se plaint amè­re­ment des ingra­ti­tudes des hommes, plus pénibles encore que les dou­leurs de la Passion. Pour répa­rer ces offenses, Il recom­mande la pra­tique de l’heure sainte : une heure d’a­do­ra­tion en pré­sence du Très Saint Sacrement. Marguerite passe ces heures en union avec l’Agonie au Jardin des Oliviers : « C’est ici où j’ai le plus souf­fert qu’en tout le reste de ma Passion, me voyant dans un délais­se­ment géné­ral du ciel et de la terre, char­gé des péchés de tous les hommes ».

Mais la Supérieure, inquiète, demande que soient mises par écrit toutes les révé­la­tions reçues, afin d’être sou­mises au juge­ment de théo­lo­giens. Après les avis peu éclai­rés de plu­sieurs prêtres, qui plongent la Soeur dans une ter­rible crainte d’être vic­time d’illu­sions du démon, c’est le père Claude de la Colombière, de la Compagnie de Jésus, qui est char­gé de cette tâche déli­cate. Il s’en acquit­te­ra avec zèle et com­pé­tence pen­dant quatre ans, et devien­dra l’un des prin­ci­paux pro­pa­ga­teurs de la dévo­tion au Sacré Cœur. Il ras­sure la voyante, mais exige d’exa­mi­ner toutes les révé­la­tions, dans les­quelles il ne trouve aucun point à corriger.

La « grande appa­ri­tion » se situe en 1675. Devant le Saint- Sacrement, Marguerite voit à nou­veau lui appa­raître Jésus :

« Voici le Cœur qui a tant aimé les hommes qu’il n’a rien épar­gné jus­qu’à s’é­pui­ser et se consom­mer pour leur témoi­gner son amour. Et, pour recon­nais­sance, je ne reçois de la plu­part d’entre eux que des ingratitudes. »

Le ven­dre­di après l’oc­tave du Saint- Sacrement devra être ins­ti­tuée une fête en l’hon­neur de son Coeur, mar­quée par une com­mu­nion répa­ra­trice et un grand esprit de repen­tir. De grandes grâces seront accor­dées à ceux qui par­ti­ci­pe­ront à cette fête.

De fait il existe déjà une messe du Sacré Coeur, que saint Jean Eudes fait célé­brer dans ses com­mu­nau­tés dès 1672, mais il faut du temps pour que l’Eglise l’in­tro­duise dans le calen­drier. La fête du Sacré Coeur est ins­ti­tuée en 1765, et elle n’est obli­ga­toire au calen­drier uni­ver­sel qu’en 1856.

Soeur Marguerite aura de nom­breuses appa­ri­tions du Sacré Coeur, mais ce sont sur­tout ces trois grandes révé­la­tions qui confortent la dévotion.

Le reste de la vie de sainte Marguerite est consa­cré à l’im­mo­la­tion pour l’Epoux divin. Elle enchaîne les tâches dures et ingrates sans jamais se plaindre, doit faire face à la sévé­ri­té des supé­rieures suc­ces­sives, tou­jours déci­dées à gar­der les limites de la règle, mais doit aus­si subir l’hos­ti­li­té des reli­gieuses qui par­fois jalousent ses grâces mys­tiques, l’ac­cusent de simu­la­tion ou de folie…

A l’in­fir­me­rie, avec les pen­sion­naires du couvent, dans la mala­die ou la san­té, Marguerite se sanc­ti­fie et offre ses souf­frances en répa­ra­tion pour la tié­deur de ses consoeurs. A par­tir de 1682 elle accepte de souf­frir éga­le­ment pour les âmes du Purgatoire.

En 1684, la nou­velle Supérieure la prend pour assis­tante. Soeur Marguerite écrit à l’an­cienne qu’elle regrette les humi­lia­tions qui lui étaient jus­qu’a­lors infli­gées ! Elle devient éga­le­ment maî­tresse des novices… à la demande pres­sante de ces der­nières. La fer­veur du couvent tout entier en est bien­tôt renou­ve­lée. Peu à peu la dévo­tion se répand dans les cou­vents de la Visitation, avec le sou­tien des anciennes supé­rieures qui ont pu éprou­ver l’hu­mi­li­té et la doci­li­té de la voyante. Consécrations, recueils de prières, heures saintes, se mul­ti­plient. Les Jésuites, grâce au Père de la Colombière, se lancent eux aus­si dans cet apostolat.

En 1686, Mère Marguerite-​Marie est obli­gée de renon­cer à son emploi en rai­son de son état de san­té déplo­rable et de se consa­crer à des tâches moins dif­fi­ciles. En 1690, elle sent la mort arri­ver et com­mence une retraite extra­or­di­naire de qua­rante jours. En octobre, elle s’a­lite et réclame bien­tôt le via­tique et l’extrême-​onction. Le 17 octobre, elle rend son âme à Dieu.

Sa vie reste l’exemple par­fait de l’ac­tion du Sacré Cœur dans une âme : l’ab­sorp­tion com­plète de notre cœur dans celui du divin Maître.

Bien loin d’une simple méthode pour acqué­rir le Ciel à peu de frais en réci­tant quelques prières…

Abbé Louis-​Marie Carlhian, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X