Saint Marc, évangéliste

Saint Marc, par Guido Reni

Évangéliste, évêque d’Alexandrie et mar­tyr (+ 68)
Fête le 25 avril.

Saint Marc est une des plus grandes figures de la Loi nou­velle. Il ne semble pas devoir être comp­té par­mi les dis­ciples de Notre-​Seigneur, bien que plu­sieurs se soient plu à le recon­naître dans cette scène de Gethsémani, où le seul évan­gé­liste Marc nous parle d’« un jeune homme qui sui­vait Jésus » cap­tif, « n’ayant sur le corps qu’un drap » et qui « sai­si par les sol­dats, lâcha le drap et s’enfuit nu ». Certains exé­gètes assurent que ce jeune homme n’était autre que Marc, sans en don­ner de preuve satisfaisante.

Le symbole du lion.

Ce qui est cer­tain, c’est que Marc fut com­pa­gnon de saint Paul dans sa pre­mière mis­sion à Chypre, et son col­la­bo­ra­teur plus tard à Rome ; qu’il fut sur­tout le fils spi­ri­tuel de saint Pierre et son inter­prète ; qu’il com­po­sa le deuxième Evangile en écri­vant, d’après ses sou­ve­nirs, ce que saint Pierre avait ensei­gné. Voilà, certes, des titres glo­rieux : évan­gé­liste, apôtre, mar­tyr, Marc cumule les plus brillantes auréoles. Il est un des cour­siers du qua­drige mys­tique qui res­plen­dit au fir­ma­ment de l’Eglise et qui, mieux que le soleil dans le monde maté­riel, répand des flots de lumière dans le monde des âmes. Ezéchiel au pre­mier cha­pitre de ses pro­phé­ties et saint Jean au qua­trième de son Apocalypse décrivent les quatre ani­maux symbo­liques qui sont comme les quatre assis­tants du trône de Dieu ; saint Marc est un de ceux-​là, le lion : le roi du désert est deve­nu son emblème. L’Evangile de saint Marc s’ouvre, en effet, par la prédi­cation de saint Jean-​Baptiste, le pré­cur­seur, celui qu’Isaïe avait mys­té­rieu­se­ment annon­cé en disant : « Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le che­min du Seigneur », voix puis­sante, sem­blable à celle du lion qui ébranle les soli­tudes de ses rugis­se­ments. Saint Marc a mer­veilleu­se­ment réa­li­sé ce sym­bole apocalyptique.

Ce dis­ciple ché­ri de Pierre, ce brillant satel­lite du soleil de l’Eglise, comme on l’a si jus­te­ment appe­lé, après avoir sui­vi à Rome le Prince des apôtres, consi­gna par écrit l’enseignement de son Maître, puis il reçut la mis­sion de fon­der l’Eglise d’Aquilée, et enfin celle d’évan­géliser l’Egypte, cette terre de l’idolâtrie « où tout était dieu, excep­té Dieu lui-même ».

La personne de saint Marc.

A vrai dire, on ne connaît de saint Marc que sa vie apos­to­lique. Son ori­gine et son enfance sont res­tées igno­rées. Il est ques­tion dans les Actes des Apôtres d’un per­son­nage nom­mé tan­tôt « Jean », tan­tôt « Jean sur­nom­mé Marc », tan­tôt « Marc ». D’après les meilleurs exé­gètes c’est le même per­son­nage. Il était cou­sin de saint Barnabé, détail inté­res­sant qui ne nous est connu que par saint Paul (Coloss. iv, 10), et qui explique les rap­ports intimes de saint Marc avec saint Paul, dont saint Barnabé fut le com­pa­gnon d’apostolat. La mère de Marc, Marie, veuve pro­ba­ble­ment, habi­tait à Jérusalem. Les Actes nous apprennent que sa mai­son ser­vait de lieu de réunion aux pre­miers chré­tiens. La nuit où saint Pierre fut mira­cu­leu­se­ment déli­vré de pri­son par l’ange du Seigneur, « il vint à la mai­son de Marie, mère de Jean, sur­nom­mé Marc, où beau­coup étaient assem­blés et priaient. Pendant qu’il frap­pait à la porte, une ser­vante, nom­mée Rhodé, vint écou­ter. Ayant recon­nu la voix de Pierre, dans sa joie elle oublia d’ouvrir et cou­rut annon­cer à tous que Pierre était à la porte. « Tu es folle », lui dirent-​ils. Cependant Pierre conti­nuait à frap­per. Ils ouvrirent enfin, le virent et furent sai­sis de stu­peur ». (Act. xii, 12–16.)

Marc devait être pré­sent. En tout cas, c’est la pre­mière fois qu’il est ques­tion de lui et son nom sert à dis­tin­guer sa mère, Marie, de tant d’autres Marie. On peut en conclure que, non seule­ment elle était chré­tienne, mais qu’elle était spé­cia­le­ment atta­chée à l’apôtre Pierre. Aussi, rien d’étonnant que son fils, Jean sur­nom­mé Marc, soit deve­nu le com­pa­gnon, le confi­dent et comme le secré­taire du prince des apôtres. Dans la lettre que saint Pierre écri­vit aux Eglises du Pont, de la Galatie, de la Bithynie, etc., il envoyait aux chré­tiens d’Asie les salu­ta­tions des fidèles de Rome et notam­ment de Marc, à qui il donne le nom, aus­si doux que glo­rieux, de fils : « Marcus, filius meus : Marc, mon fils. » (I Petr. v, 12.)

Saint Marc, saint Paul, saint Barnabé.

Avant d’être le com­pa­gnon de saint Pierre, Marc fut celui de saint Paul, sous les aus­pices de son cou­sin Barnabé. Celui-​ci était un lévite de Chypre, dont l’autorité fut grande dans l’Eglise pri­mi­tive, plus grande même, au début, que celle de saint Paul. De carac­tère bon, condes­cen­dant, sur­na­tu­rel, il exer­çait une heu­reuse influence par ses conseils et ses exemples. Il se fît en quelque sorte le par­rain de Saul nou­vel­le­ment conver­ti, alors que tout le monde se méfiait encore de lui à Jérusalem, et il l’introduisit auprès des apôtres qui, vrai­sem­bla­ble­ment, se réunis­saient dans la mai­son de Marie, mère de Jean-​Marc (Act. ix, 26, 27). C’est encore lui qui l’alla cher­cher à Tarse et l’amena à Antioche, où ils res­tèrent une année ensemble. Puis ils mon­tèrent de nou­veau à Jérusalem et, au retour, prirent Marc avec eux. Ils le prirent encore dans leur pre­mier voyage apos­tolique, quand ils s’embarquèrent pour Chypre, et se firent aider par lui dans l’évangélisation de l’île : habe­bant autem et Ioannem in minis­te­rio. (Act. xiii, 5.) Quand, ensuite, ils pas­sèrent en Asie Mineure et débar­quèrent à Pergé, en Pamphylie, Jean-​Marc les aban­donna et retour­na à Jérusalem, disent les Actes (xiii, 13), sans expli­quer pour­quoi. Dissentiments ? Fatigue ? Découragement pas­sager ? Désir de revoir sa mère ? Mésentente pour l’itinéraire à suivre ? On a fait toutes les sup­po­si­tions pos­sibles, mais on ne sait rien. Le P. Lagrange remarque, avec une finesse sou­riante, que « les voyages sont l’épreuve des carac­tères » et que « l’on voit, pour de sem­blables rai­sons, des dis­cus­sions très vives écla­ter entre des amis de la veille, qui seront aus­si des amis du lendemain ».

Quoi qu’il en soit, saint Paul gar­da quelque rigueur à saint Marc de cet aban­don, si bien que, lorsqu’il fut ques­tion plus tard d’entre­prendre ensemble une seconde cam­pagne apos­to­lique pour laquelle Barnabé dési­rait l’aide de Marc, Paul ne vou­lut pas y consen­tir, et, à cause de cette diver­gence, Barnabé se sépa­ra de Paul, par­tit avec Marc pour Chypre, tan­dis que Paul allait, avec Silas. par­cou­rir l’Asie Mineure. Par la per­mis­sion de Dieu, ces dis­sen­ti­ments, en mul­tipliant les mis­sions, tour­naient fina­le­ment au pro­fit de l’Evangile.

Mais cela n’empêchera pas de retrou­ver Marc auprès de Paul quelques années plus tard. Le grand Apôtre parle de ce col­la­bo­ra­teur dans son épître aux Colossiens et dans celle à Philémon, disant sa conso­la­tion d’être aidé par un tel ouvrier. Il recom­mande aux Colos­siens de le bien rece­voir, ce qui prouve que, de Rome où il était alors, Marc entre­pre­nait ou était char­gé de faire des tour­nées apos­toliques. Plus tard encore Paul écrit à Timothée de venir le rejoindre à Rome et d’amener avec lui Marc, « car il m’est utile pour le minis­tère », ajoute-​t-​il (II Tim. iv, 11), La période de més­in­tel­li­gence était pas­sée, et Paul appré­ciait main­te­nant les capa­ci­tés et le dévoue­ment de ce dis­ciple qui, plus jeune, l’avait impa­tien­té jadis, peut- être par un cer­tain manque d’initiative ou de cou­rage, mais qui avait pris de la matu­ri­té et, par le déve­lop­pe­ment de ses qua­li­tés fon­cières fécon­dées par la grâce, était deve­nu un admi­rable apôtre. On n’est pas par­fait du pre­mier coup.

Disciple de saint Pierre.

Ce fut sur­tout le prince des apôtres que Marc eut pour maître et pour père. En véri­té, les Livres Saints sont très sobres de détails sur ce point, tou­te­fois le nom de fils que saint Pierre donne à Marc est fort signi­fi­ca­tif. C’est de Rome, vers l’an 63, quatre ans avant sa mort, que le Vicaire du Christ écri­vit la lettre où il parle ain­si de saint Marc.

Mais à défaut des témoi­gnages scrip­tu­raires, toute l’ancienne tra­dition patris­tique, la grecque comme la latine, nous montre saint Marc inti­me­ment mêlé à l’enseignement de saint Pierre, non seu­lement comme audi­teur, mais comme inter­prète. Le pre­mier qui parle ain­si de lui, dans la pre­mière moi­tié du deuxième siècle, est l’évêque d’Hiérapolis, Papias, fami­lier de saint Polycarpe à Smyrne et dis­ciple du prêtre Jean, lequel, s’il n’est l’apôtre Jean lui- même, est sûre­ment un dis­ciple des apôtres, près de qui Papias s’était infor­mé. Saint Justin, vers le milieu du deuxième siècle, appelle l’Evangile de saint Marc, les « Mémoires de Pierre ». Saint Irénée, plus expli­cite encore, dit : « Après la mort de Pierre et de Paul, Marc, dis­ciple et inter­prète de Pierre, nous trans­mit par écrit ce que Pierre avait prê­ché. » Tertullien va jusqu’à don­ner à l’Evangile de saint Marc le nom d’ « Evangile de saint Pierre » .Toute l’antiquité parle de même.

Aussi, sans mul­ti­plier les cita­tions des Pères, rete­nons de leurs divers témoi­gnages que Marc, trop jeune pour avoir pu être un dis­ciple de Notre-​Seigneur, appar­te­nait cepen­dant à une famille toute dévouée au divin Maître et à ses apôtres ; qu’il fit lui-​même l’appren­tissage de l’apostolat sous la conduite de saint Paul, en com­pa­gnie de saint Barnabé ; que, plus tard, il sui­vit à Rome l’apôtre Pierre dont il résu­ma la pré­di­ca­tion dans le deuxième Evangile, où l’ancienne tra­di­tion recon­naît la voix du Prince des apôtres lui-même.

L’Evangile selon saint Marc.

Ce qui carac­té­rise l’Evangile selon saint Marc, c’est la conci­sion, la vie, la rapi­di­té. Quoique plus abré­gé que celui de saint Matthieu, il le com­plète. Il est le plus court des quatre, les faits qu’il rap­porte sont très conden­sés, et néan­moins il abonde en détails nou­veaux d’un très grand prix. Il ne donne que de courts extraits des dis­cours ; il s’attache sur­tout à racon­ter les miracles, dont plu­sieurs ne sont connus que par lui. Aussi l’a‑t-on appe­lé l’ « Evangile des miracles ».

Le dis­ciple de Pierre écri­vit en grec, s’adressant par­ti­cu­liè­re­ment aux conver­tis du paga­nisme. Aussi il a soin d’expliquer cer­tains usages, cer­taines expres­sions propres aux Juifs, et de pré­ci­ser assez sou­vent l’emplacement de cer­taines loca­li­tés pales­ti­niennes peu fami­lières à ses lecteurs.

On recon­naît l’influence de saint Pierre à cer­tains traits qui sont per­son­nels au Prince des apôtres. Ainsi, quand Jésus alla gué­rir la belle-​mère de Pierre, Marc note les per­sonnes pré­sentes (i, 29–31) ; quand Jésus mau­dit le figuier sté­rile, Marc rap­pelle l’étonnement et l’interrogation de Pierre sur l’effet immé­diat de la parole du Fils de Dieu (xii, 13–24). On a remar­qué sur­tout que, s’il s’agit de faits avan­ta­geux à Pierre, Marc se tait : ain­si dans la fameuse scène où Jésus éta­blit Pierre comme fon­de­ment de son Eglise, Marc omet le prin­ci­pal, que raconte saint Matthieu, tan­dis que, lorsqu’il s’agit du renie­ment de Pierre, aucun évan­gé­liste ne rap­porte les néga­tions et les vilains ser­ments du chef des apôtres comme le fait saint Marc ; seul aus­si il note le double chant du coq. Dans ces menus détails on se plaît à voir l’humilité de saint Pierre, qui semble avoir ins­pi­ré la plume de son interprète.

L’apostolat de saint Marc.

Il est à peu près impos­sible d’attribuer des dates cer­taines aux dépla­ce­ments et courses apos­to­liques de saint Marc. Après avoir scru­té les ren­sei­gne­ments confus et même contra­dic­toires qu’on relève chez les anciens, les meilleurs chro­no­graphes s’y perdent. Retenons du moins les faits incontestables.

Nous avons vu saint Marc faire l’apprentissage de l’apostolat à Chypre avec saint Paul et saint Barnabé dans une pre­mière mis­sion, et avec saint Barnabé seule­ment dans une seconde. Ceci se pas­sait vers l’an 52. Dix ans plus tard Marc tra­vaille avec saint Paul à Rome, nous le savons par saint Paul lui-​même qui en parle dans son épître aux Colossiens. C’était peut-​être pen­dant quelque absence momen­tanée de saint Pierre. Les apôtres, à cette époque, étaient peu séden­taires, et jamais la recom­man­da­tion du divin Maître : Allez, ensei­gnez, ne fut pra­ti­quée comme alors. Il fal­lait, en effet, créer de nou­velles Eglises, conso­li­der les anciennes en les visi­tant, de là les fré­quents voyages. Marc fai­sait comme les autres, dans une posi­tion d’abord subor­don­née, puis de sa propre ini­tia­tive. C’est ain­si que l’épître adres­sée aux Colossiens leur parle d’une future visite de saint Marc, soit que ce voyage eût été déci­dé par saint Pierre ou par saint Paul, soit que saint Marc dût l’entreprendre de son propre mou­ve­ment. C’est ain­si encore que la pre­mière épître à Timothée, alors à Ephèse, sup­pose saint Marc dans cette ville, puisque saint Paul dit à Timothée de lui rame­ner Marc à Rome.

Plus tard nous voyons saint Marc voler davan­tage de ses propres ailes. Saint Pierre l’envoya évan­gé­li­ser la ville d’Aquilée et, mis en confiance, sans doute, par le suc­cès de son évan­gé­liste sur ce théâtre res­treint, il lui don­na ensuite l’Egypte tout entière comme champ d’apostolat. Alexandrie devint comme le centre d’où Marc rayon­na, et ce siège, créé ain­si média­te­ment par Pierre, fut, après Rome et Antioche, le troi­sième grand patriar­cat de la chrétienté.

Saint Marc en Egypte.

D’après d’anciens hagio­graphes, saint Marc débar­qua à Cyrène, dans la Pentapole, par­cou­rut ensuite la Lybie et la Thébaïde où se mul­ti­plièrent les conver­sions, se fixa enfin à Alexandrie, cette ville fameuse, rendez-​vous de toutes les sectes philosophiques.

La tra­di­tion rap­porte qu’à l’entrée de Marc dans Alexandrie, sa chaus­sure se rom­pit. Il s’adressa à un modeste save­tier du nom d’Anianos ou Anien, lequel se bles­sa à la main en fai­sant la répara­tion, mais aus­si­tôt saint Marc le gué­rit. Anianos, plein d’admiration pour la puis­sance mira­cu­leuse de ce méde­cin, le pria d’être son hôte. Il se conver­tit au vrai Dieu, lui et toute sa famille. C’est ce même Anianos qui, après la mort de saint Marc, sera son pre­mier succes­seur et dont le corps sera aus­si trans­por­té à Venise avec le sien.

Saint Marc caté­chise le save­tier Anianos

Alexandrie.

La ville à qui Alexandre le Grand avait don­né nais­sance, deve­nue romaine un siècle plus tard, était alors le centre des pen­seurs, des poètes, des artistes, des mathé­ma­ti­ciens, des savants du monde entier. Là aus­si se cou­doyaient toutes les reli­gions, mais toutes sem­blaient asser­vies par la divi­ni­té égyp­tienne de Sérapis, dont l’immense temple trô­nait sur la légère hau­teur qui domine la ville. Une très riche biblio­thèque de 200 000 volumes était le rendez-​vous de l’hel­lénisme et de la culture juive. Dans cette capi­tale de plus d’un mil­lion d’habitants les Juifs étaient très nom­breux, au moins 300 000. C’est là que la Bible avait été tra­duite en grec par les Septante, c’est là qu’avait été com­po­sé le livre cano­nique de la Sagesse. Aussi il n’y a pas lieu de s’étonner que la doc­trine des Livres saints, connue dans ce milieu, ait fini par impré­gner les con­ceptions de la phi­lo­so­phie grecque, si bien que le Juif Philon, au pre­mier siècle de notre ère, appli­quant à l’interprétation de la Bible l’idéalisme de Platon, crée­ra le néo-​platonisme, d’où sor­ti­ront plus tard les phan­tas­ma­go­ries des sectes gnostiques.

C’est dans ce milieu intel­lec­tuel, dans ce grand centre des études humaines que saint Marc vint appor­ter le flam­beau de l’Evangile où s’allumeront les lumières de la savante école chré­tienne qu’on y ver­ra briller au IIe siècle, la Didascalé qu’illustreront les Panthène, les Clément, les Origène.

Progrès et persécution.

Le chris­tia­nisme se pro­pa­gea rapi­de­ment à la parole de saint Marc, et la fer­veur des nou­veaux chré­tiens sem­blait croître avec leur nombre. Non contents d’observer les pré­ceptes, ils pra­ti­quaient les conseils évan­gé­liques. Beaucoup ven­daient leurs biens pour en dis­tribuer le prix aux pauvres et se reti­raient au désert. Tous vivaient sain­te­ment au milieu de grandes aus­té­ri­tés. Ces fer­vents chré­tiens furent nom­més thé­ra­peutes ou « ser­vi­teurs de Dieu », ils seront comme la semence de ce nombre pro­di­gieux de saints ana­cho­rètes qui peu­ple­ront les soli­tudes de Nitrie, de Scèté, de la Thébaïde.

Mais cette expan­sion de fer­veur chré­tienne sus­ci­ta à Alexandrie ce qu’elle sus­cite par­tout : la rage de Satan et la per­sé­cu­tion. Les païens et les Juifs s’attaquèrent sur­tout à l’auteur de ce mou­ve­ment, mais saint Marc, pour mettre en pra­tique le conseil du divin Maître, se déro­ba à leur fureur. Toutefois, il eut soin de pour­voir au gou­vernement de son trou­peau en sacrant évêque Anianos vers 63 et en ordon­nant plu­sieurs prêtres et diacres. Puis il retour­na évan­gé­li­ser la Pentapole pen­dant deux ans.

Après quoi il revint à Alexandrie et eut la conso­la­tion de consta­ter que la foi avait élar­gi ses conquêtes.

Le martyre.

Le retour de saint Marc à Alexandrie ne pas­sa pas inaper­çu, d’autant plus qu’à sa parole les miracles se mul­ti­pliaient, exci­tant l’admiration de la foule. Aussi les païens cher­chaient une occa­sion de se débar­ras­ser défi­ni­ti­ve­ment de lui.

Elle se pré­sen­ta le 14 avril de l’an 68, d’après une chro­no­lo­gie géné­ra­le­ment reçue. Cette année-​là, le jour de Pâques coïn­ci­dait avec la fête du dieu Sérapis. Saint Marc fut sur­pris pen­dant qu’il célé­brait les saints mys­tères. Arrêté aus­si­tôt et gar­rot­té, il est traî­né par la ville, au cri de : « Menons le bœuf au Boucoleon (quar­tier du bou­vier). » C’était un lieu héris­sé de rochers, dans le voi­si­nage de la mer. Tout en le frap­pant, on le traî­na bru­ta­le­ment par­mi ces aspé­ri­tés rocailleuses qui se tei­gnaient de son sang. Puis on le jeta en prison.

Pendant la nuit, un trem­ble­ment de terre secoua le cachot et un ange appa­rut pour récon­for­ter l’athlète du Christ. Diverses visions le conso­lèrent et il connut que le ciel allait pro­chai­ne­ment s’ou­vrir pour lui. C’est ain­si qu’il vit venir à lui le Seigneur Jésus sous les mêmes traits et avec les mêmes vête­ments qu’il por­tait pen­dant sa vie mor­telle, et il l’entendit lui dire :

Pax tibi, Marce, evan­ge­lis­ta mi : paix à toi, Marc, mon évangéliste !

A quoi le dis­ciple répon­dit par cette simple excla­ma­tion : « Sei­gneur ! » seul mot qui jaillit de ses lèvres dans le ravis­se­ment de son amour. Ainsi Madeleine, au matin de Pâques, recon­nais­sant Jésus, ne put pro­fé­rer que ce cri du cœur : « Rabboni, ô Maître ! »

Le len­de­main, le sup­plice recom­men­ça. Traîné par­mi les rochers du Boucoleon, saint Marc eut bien­tôt le corps en lam­beaux, et il expi­ra. Le ciel s’ouvrit au lion qui allait occu­per au pied du trône de l’Ancien des jours la place d’honneur où le contem­pla le pro­phète de Pathmos en son Apocalypse.

L’Eglise célèbre sa fête le 25 avril.

Les reliques de saint Marc.

Après le sup­plice, on essaya de brû­ler le corps de saint Marc dans le lieu même où on l’avait mis à mort. Un immense bûcher fut dres­sé et on y mit le feu ; mais une vio­lente tem­pête s’éleva tout à coup, avec une pluie tor­ren­tielle, qui dis­per­sa tout le monde, étei­gnit le bra­sier et cau­sa d’énormes dégâts. Les fidèles recueillirent les restes du mar­tyr et les ense­ve­lirent pieu­se­ment dans un caveau creu­sé dans le roc.

Quelques siècles plus tard, l’Occident s’enrichit de ces pré­cieuses dépouilles. Elles furent trans­por­tées à Venise le 31 jan­vier 829, et devinrent comme le pal­la­dium de la cité des lagunes. « Sous les aus­pices du lion évan­gé­lique, dit Dom Guéranger, com­men­cèrent pour Venise les glo­rieuses des­ti­nées qui ont duré mille ans. » Le sym­bole du lion de saint Marc fut l’emblème de la République véni­tienne et l’effigie de ses mon­naies ; la parole de Jésus à son évan­géliste : Pax tibi, Marce, evan­ge­lis­ta mi, devinrent sa devise. L’art byzan­tin construi­sit l’imposante et somp­tueuse basi­lique, orgueil de la cité, qui abrite les reliques du Saint. Venise fut la reine de la mer, et on vit pen­dant de longs siècles la puis­sante et fière République pro­me­ner triom­pha­le­ment sa ban­nière ornée du lion de saint Marc, dans toutes les Echelles du Levant et faire briller la croix de Jésus là où le crois­sant de Mahomet s’efforçait d’étendre son empire.

E. Lacoste.

Sources consul­tées. — 2e Evangile. — Actes des Apôtres. — Mgr Paul Guérin, Les Petits Bollandistes, t. V (Paris, 1897). — Dom Guéranger, Année litur­gique. — P. Lagrange, L’Evangile selon saint Marc. — Fillion, Commentaires sur saint Marc. — (V. S. B. P., n° 112.)

Source de l’ar­ticle : Un saint pour chaque jour du mois (Avril), La Bonne Presse