La Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X et Rome – Conférence de Mgr Lefebvre de janvier 1987

Les étapes d’un combat

La Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X a été offi­ciel­le­ment fon­dée en 1970.

Pour ceux qui ne connaissent pas bien son his­toire, sans doute est-​il bon d’en rap­pe­ler les prin­ci­pales étapes, au moment, où dans les cir­cons­tances que nous connais­sons, nous nous effor­çons de conti­nuer et de déve­lop­per ce que la Providence nous a don­né de faire.

Si les évé­ne­ments appor­taient un chan­ge­ment en faveur d’un retour à la Tradition à l’intérieur de l’Église, évi­dem­ment la situa­tion se trou­ve­rait sim­pli­fiée pour nous. Nous serions cer­tai­ne­ment agréés par la hié­rar­chie, comme nous l’avons été dans les débuts et tous ces pro­blèmes de rela­tions avec les évêques, avec Rome, ne se pose­raient plus.

Pour l’heure, nous devons gar­der l’authenticité de la Fraternité qui a été fon­dée, sans doute dans des cir­cons­tances bien par­ti­cu­lières, mais cela aurait très bien pu se faire dans des temps nor­maux. Elle a été sus­ci­tée, c’est vrai, par la dégra­da­tion des sémi­naires. Mais, il y a eu des Sociétés comme celles de Saint-​Vincent-​de-​Paul ou de Saint-​Jean-​Eudes, qui ont été fon­dées avec un objec­tif iden­tique, qui est et demeure celui de don­ner une bonne for­ma­tion sacer­do­tale aux futurs prêtres et de leur per­mettre ain­si d’exercer un minis­tère qui soit l’occasion d’un renou­veau dans l’Église.

Raison d’être de la Fraternité : former des prêtres selon l’esprit de l’Église

La Fraternité a donc été fon­dée avant tout pour faire des prêtres et par consé­quent pour ouvrir des sémi­naires. C’est tout à fait conforme à la Tradition de l’Église : conti­nuer tout sim­ple­ment la for­ma­tion sacer­do­tale tra­di­tion­nelle pour l’Église.

Nous ne cher­chons rien d’autre et nous n’avons jamais vou­lu inno­ver, sinon dans le sens de la Tradition et en retrou­vant cer­tains élé­ments qui man­quaient peut-​être un peu à la for­ma­tion des sémi­na­ristes par­ti­cu­liè­re­ment au plan spi­ri­tuel. C’est pour­quoi nous avons ajou­té aux études phi­lo­so­phiques et théo­lo­giques une année de spi­ri­tua­li­té. Celle-​ci com­plète bien la pré­pa­ra­tion des sémi­na­ristes au Sacerdoce en les pla­çant dans une atmo­sphère vrai­ment spi­ri­tuelle. Ce n’est certes pas une inno­va­tion qui va dans le sens des moder­nistes, mais bien au contraire dans celui de la Tradition de l’Église.

Notre fon­da­tion a donc eu soin d’ajouter aux études une for­ma­tion spi­ri­tuelle sérieuse par une année sup­plé­men­taire qui consti­tue une espèce de novi­ciat et qui conduit à la grande connais­sance de ce qu’est la spi­ri­tua­li­té et à la pra­tique de la vie inté­rieure, de la vie pur­ga­tive et illu­mi­na­tive, mys­tique qui demande une réforme de soi.

La Fraternité n’a pas été fon­dée sur le modèle d’une congré­ga­tion reli­gieuse. Pourquoi ? Parce que dans la pra­tique il est trop fré­quent de consta­ter les dif­fi­cul­tés éprou­vées par les reli­gieux qui exercent un apos­to­lat dans le monde, de res­pec­ter vrai­ment la stricte pau­vre­té telle qu’elle est deman­dée dans les Congrégations reli­gieuses où l’on ne peut rien avoir, rien uti­li­ser, rien employer, sans deman­der l’autorisation au Supérieur. Tout dépend du Supérieur. Il était donc pré­fé­rable de ne pas être lié par un vœu qui ris­quait d’être contre­dit conti­nuel­le­ment. Il valait mieux fon­der une socié­té de vie com­mune sans vœu, mais avec des promesses.

La Providence a donc déci­dé que notre Société était faite sur le modèle des socié­tés à vie com­mune sans vœu et elle a déjà don­né ses preuves. Il n’y a donc pas de rai­son de ne pas continuer.

La Fraternité officiellement approuvée par Rome

C’est sous cette forme que la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X a été approu­vée et éri­gée dans son dio­cèse par Mgr Charrière, évêque de Fribourg, le 1er novembre 1970. C’est sous cette forme qu’elle a aus­si été approu­vée par Rome.

Cela est très impor­tant et même fon­da­men­tal et il ne faut pas hési­ter à le rap­pe­ler à ceux qui ne connaissent pas bien l’histoire de la Fraternité.

Le docu­ment romain est en effet capi­tal, car il est tout à fait offi­ciel. Il porte la date du 18 février 1971 et le timbre de la Sacré Congrégation pour les reli­gieux. Il est signé par son pré­fet le car­di­nal Wright et sous­si­gné par Mgr Palazzini, qui était son secré­taire à l’époque et qui est aujourd’hui car­di­nal. Ce docu­ment offi­ciel, éma­nant d’une Congrégation romaine approu­vant et louant « la sagesse des normes » des sta­tuts de la Fraternité ne peut être regar­dé autre­ment que comme un décret de louange qui, par consé­quent, auto­rise notre Société à être consi­dé­rée comme de Droit pon­ti­fi­cal pou­vant par le fait même incardiner.

Des actes offi­ciels, accom­plis par la Congrégation des reli­gieux ayant pour pré­fet le car­di­nal Antoniutti sont venus com­plé­ter et confir­mer cette recon­nais­sance offi­cielle, puisqu’ils ont per­mis au Père Snyder et à un autre reli­gieux amé­ri­cain d’être direc­te­ment incar­di­nés dans la Fraternité. Il s’agissait donc bien d’actes offi­ciels de Rome.

Force est donc de consta­ter par ces docu­ments offi­ciels que la Congrégation pour le cler­gé esti­mait de fac­to que notre Société pou­vait régu­liè­re­ment et vali­de­ment incardiner.

Cependant, per­son­nel­le­ment, je n’ai pas cru devoir user de cette pos­si­bi­li­té jusqu’au moment où nous avons été offi­ciel­le­ment, mais illé­ga­le­ment, sup­pri­més. Jusque là je m’étais tou­jours effor­cé d’avoir des évêques qui don­naient les incar­di­na­tions. J’ai eu recours à Mgr de Castro Mayer au Brésil, à Mgr Castan Lacoma en Espagne et à Mgr Guibert à La Réunion. Ces trois évêques accep­taient de déli­vrer des lettres dimis­so­riales aux prêtres de notre Société qui se trou­vaient ain­si incar­di­nés dans leurs dio­cèses. M. l’abbé Aulagnier, lui, a été incar­di­né dans son dio­cèse de Clermont-​Ferrand, par Mgr de la Chanonie. A ce moment-​là, nous étions dou­ble­ment en règle. Mgr Adam me l’a dit expli­ci­te­ment : « Pourquoi n’incardinez-vous pas dans votre Société ? » J’ai répon­du : « Il me semble qu’elle n’est que dio­cé­saine. J’étais donc en deçà des règles cano­niques plu­tôt qu’au delà ».

En effet, ces docu­ments de la Congrégation pour le cler­gé concer­nant l’incardination de ces deux reli­gieux amé­ri­cains dans notre Société, sont encore plus impor­tants que la lettre signée par le car­di­nal Wright. C’est d’ailleurs ce que j’ai répon­du à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi lorsque j’ai été inter­ro­gé sur les incar­di­na­tions. On m’a dit : « Vous n’avez pas le droit d’incardiner dans votre Société. » – « Je n’ai pas le droit ? Alors il faut dire à la Congrégation pour le cler­gé qu’elle s’est trom­pée en incar­di­nant dans notre Société ! ».

Cet acte du car­di­nal Wright, si on l’étudie de près, n’est pas seule­ment une lettre mais un « décret de louange », puisque effec­ti­ve­ment il loue les sta­tuts de la Fraternité. C’est un acte tout à fait offi­ciel. Il ne s’agit nul­le­ment d’une lettre pri­vée. Ainsi, pen­dant cinq ans, nous avons eu l’approbation totale de l’Église dio­cé­saine et de Rome. Nous étions donc entés sur l’Église. Ceci est fon­da­men­tal pour l’action pro­vi­den­tielle accom­plie par la Fraternité, et nous ren­force dans notre exis­tence et notre action en géné­ral. Étant vrai­ment d’Église, recon­nus offi­ciel­le­ment par l’Église, nous avons été persécutés.

Pourquoi sommes-​nous persécutés ?

Nous sommes per­sé­cu­tés uni­que­ment parce que nous gar­dons la Tradition et en par­ti­cu­lier la Tradition liturgique.

Toujours en repla­çant les faits dans l’ordre de leur inter­ven­tion his­to­rique, il est aus­si du plus grand inté­rêt de relire la lettre que Mgr Mamie m’a adres­sée le 6 mai 1975, pour bien nous péné­trer des véri­tables rai­sons qui ont pous­sé l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg à nous reti­rer ILLÉGALEMENT les actes effec­tués par son pré­dé­ces­seur et par­ti­cu­liè­re­ment le décret d’érection de la Fraternité du 1er novembre 1970. C’est un témoi­gnage. Mgr Mamie recon­naît, puisqu’il l’écrit, que la Fraternité a fait l’objet d’un décret d’érection signé par son pré­dé­ces­seur au titre de Pia Unio avec siège à Fribourg « approu­vant et confir­mant les sta­tuts de ladite Fraternité. »

Il n’avait pas le droit d’agir ain­si et de reti­rer de son propre chef cette recon­nais­sance cano­nique. C’est expli­ci­te­ment contraire au Droit Canon. (Can. 493).

Or, par deux fois dans sa lettre Mgr Mamie parle de la litur­gie. « … Je vous rap­pe­lais votre refus en ce qui concerne la célé­bra­tion de la Sainte Messe selon le rite éta­bli par S.S. Paul VI… » et « Quant à nous, nous conti­nuons de deman­der aux fidèles comme aux prêtres catho­liques d’accepter et d’appliquer toutes les orien­ta­tions ou déci­sions du Concile Vatican II, tous les ensei­gne­ments de Jean XXIIIet de Paul VI, toutes les direc­tives des secré­ta­riats ins­ti­tués par le Concile y com­pris dans la litur­gie nou­velle. Cela nous l’avons fait, nous le ferons encore même aux jours les plus dif­fi­ciles, avec la grâce de Dieu, parce que c’est le seul che­min pour édi­fier l’Église. »

Voilà ce qu’écrivait Mgr Mamie à cette époque.

Par deux fois dans cette lettre il rap­pelle la litur­gie. « Parce que vous vous oppo­sez à la litur­gie. » C’est donc bien le motif prin­ci­pal, essen­tiel qui nous a valu ces mesures inqua­li­fiables et illé­gales. Il faut bien que l’on se rap­pelle cela. La ques­tion de l’ordination des prêtres est venue pos­té­rieu­re­ment. En réa­li­té, le véri­table motif pour lequel nous avons été et sommes per­sé­cu­tés – illé­ga­le­ment encore une fois – par Mgr Mamie, par les car­di­naux de Rome et les évêques de France, c’est en rai­son de notre atta­che­ment à la Sainte Messe de tou­jours. « Puisque vous conti­nuez cette litur­gie, vous êtes contre le Concile du Vatican. Puisque vous êtes contre le Concile, vous êtes contre le Pape. C’est inad­mis­sible. Donc nous vous sup­pri­mons. » Le rai­son­ne­ment était simple.

Alors ils ont exhi­bé l’Ordo de Mgr Bugnini et inven­té ce qui n’existait pas : l’obligation de la nou­velle messe, qui a été impo­sée par les ser­vices du Vatican et par les évêques en France. C’est ain­si que, mal­heu­reu­se­ment, la Messe ancienne a été aban­don­née par des com­mu­nau­tés comme celle de l’Abbaye de Fontgombault, sous pré­texte qu’il fal­lait obéir aux évêques. Tout cela a été impo­sé par la force, par la contrainte. On vou­lait abso­lu­ment aus­si nous contraindre à aban­don­ner cette litur­gie et par le fait même à fer­mer notre séminaire.

Devant cette impos­ture et l’illégalité dans laquelle tout cela a été fait et sur­tout devant l’esprit dans lequel cette per­sé­cu­tion a été orches­trée, un esprit moder­niste, pro­gres­siste et maçon­nique, nous avons cru devoir conti­nuer. On ne peut pas admettre quelque chose qui a été fait illé­ga­le­ment, dans un esprit mau­vais, contre la Tradition et contre l’Église, pour la détruire.

Nous avons toujours refusé de collaborer à la destruction de l’Église

Cela, nous l’avons tou­jours refu­sé. Du jour où nous refu­sions, il est évident que nous nous pla­cions contre ceux qui appa­raissent comme étant l’Église légale : nous étions hors la loi de l’Église et eux la res­pec­taient. Nous croyons cette appré­cia­tion inexacte, car ce sont eux qui en fait s’éloignent de la léga­li­té de l’Église et que nous, au contraire, nous demeu­rons dans la léga­li­té et la vali­di­té. Considérant objec­ti­ve­ment qu’ils accom­plissent des actes dans un esprit qui détruit l’Église, dans la pra­tique nous nous sommes trou­vés dans l’obligation d’agir d’une façon qui paraît contraire à la léga­li­té de l’Église. C’est vrai. Et c’est une situa­tion bien étrange que celle d’apparaître dans l’arbitraire en conti­nuant sim­ple­ment à célé­brer la Messe de tou­jours et à ordon­ner des prêtres selon ce qui était la léga­li­té jusqu’au Concile. C’est cepen­dant cela qui m’a valu d’être frap­pé de sus­pense et aux prêtres qui ont accep­té d’être ordon­nés d’être interdits.

Mais, nous n’avons pas arrê­té là notre exer­cice de l’illégalité dans les détails de la loi, tant au sujet des confes­sions, que des mariages et de notre ins­tal­la­tion dans les dio­cèses. Bien des choses que nous avons accom­plies sont en elles-​mêmes et au sens strict hors la loi, mais pour­quoi les avons-​nous faites ? Tout sim­ple­ment parce que nous pen­sions que ce qui a été entre­pris vis-​à-​vis de nous était illé­gal et que l’on n’avait pas le droit de nous supprimer.

La loi fondamentale de l’Église, c’est le salut des âmes

Dès lors, nous avons agi selon les lois fon­da­men­tales de l’Église pour sau­ver les âmes, sau­ver le Sacerdoce, conti­nuer l’Église.Ce sont effec­ti­ve­ment bien celles-​là qui sont en cause. Nous nous oppo­sons à cer­taines lois par­ti­cu­lières de l’Église pour gar­der les lois fon­da­men­tales. En fai­sant jouer les lois par­ti­cu­lières contre nous, ce sont les lois fon­da­men­tales qui sont détruites : c’est aller contre le bien des âmes, contre les fins de l’Église.

Le nou­veau Droit Canon com­porte des articles qui sont contre les fins de l’Église. Quand on per­met que la com­mu­nion soit don­née à un pro­tes­tant, on ne peut pas dire que cela ne va pas contre les fins de l’Église. Quand on affirme : il y a deux pou­voirs suprêmes dans l’Église, on ne peut pas dire que cela ne va pas contre les fins de l’Église. Elle est contraire au dogme cette défi­ni­tion de l’Église Peuple de Dieu dans lequel se trouvent fon­da­men­ta­le­ment tous les minis­tères, on ne fait plus de dis­tinc­tion entre le cler­gé et les laïcs. Tout cela va contre les fins de l’Église. On détruit les prin­cipes fon­da­men­taux du Droit et l’on vou­drait que nous nous soumettions.

Pour sau­ver les lois fon­da­men­tales de l’Église, nous sommes obli­gés d’aller contre les lois par­ti­cu­lières. Dans tout cela qui a tort, qui a rai­son ? Evidemment ont rai­son ceux qui sauvent les fins de l’Église. Les lois par­ti­cu­lières sont faites pour les lois fon­da­men­tales, c’est-à-dire pour le salut des âmes, pour la gloire de Dieu, pour la conti­nua­tion de l’Église. C’est par­fai­te­ment clair.

Et on rap­pelle à toute occa­sion : Mgr Lefebvre est sus­pens et ses prêtres sont sus­pens, ilsn’ont pas le droit d’accomplir leur minis­tère. Ils rap­pellent là des lois par­ti­cu­lières. Mais ils feraient aus­si bien de rap­pe­ler qu’eux, ils sont en train de détruire l’Église, non pas les lois par­ti­cu­lières, mais les lois fon­da­men­tales par ce nou­veau Droit Canon qui est tota­le­ment ins­pi­ré par ce mau­vais esprit moder­niste qui s’est expri­mé dans le Concile et après le Concile.

Ce que nous sou­hai­tons bien sûr, c’est que tout soit nor­mal, que nous ne nous trou­vions plus dans cette situa­tion appa­rem­ment illé­gale. Mais on ne peut pas nous faire reproche d’avoir vou­lu chan­ger quoi que ce soit dans l’Église. Il nous faut tou­jours réflé­chir et nous situer dans cet esprit que nous sommes d’Église et que nous conti­nuons l’Église. Et pour­quoi continuons-​nous ? Parce que nous pour­sui­vons les fins de l’Église. Si l’on peut nous faire grief de man­quer à cer­taines lois pra­tiques ; per­sonne ne peut dire que la Fraternité n’agit pas selon les fins de l’Église. Nul ne peut affir­mer le contraire !

Or, même dans les lois par­ti­cu­lières, l’Église a eu la sagesse de tou­jours lais­ser une porte ouverte pour le salut des âmes. Elle a pré­vu des cas qui pou­vaient être extra­or­di­naires. C’en est ain­si pour la juri­dic­tion pour les confes­sions. Pratiquement, ce sont les per­sonnes qui viennent trou­ver le prêtre pour rece­voir le sacre­ment de Pénitence qui lui donnent la juri­dic­tion par l’intermédiaire du Droit Canon. Même si une per­sonne va trou­ver un prêtre excom­mu­nié pour lui deman­der, à être enten­due en confes­sion, celui-​ci reçoit la juri­dic­tion. (2)

Pour le mariage : ceux­qui ne par­viennent pas à trou­ver un prêtre qui les marie selon l’esprit de l’Église, comme leurs parents ont été mariés (c’est tout de même élé­men­taire que des jeunes gens dési­rent se marier selon le rite dans lequel leurs propres parents l’ont été et non dans un rite qui n’est pas seule­ment sou­vent ridi­cule, mais par­fois odieux, dans une ambiance qui est loin d’être pieuse et favo­rable à cet acte impor­tant et sacré qu’est le sacre­ment de mariage), le Droit Canon a pré­vu une excep­tion. Si les fian­cés ne trouvent pas de prêtre dans un délai d’un mois, ils peuvent se marier. Ce sont eux en fait qui se donnent le sacre­ment. Ils en sont les ministres et dans ce cas ils sont exempts de la forme cano­nique (2). Donc ils peuvent se marier devant témoin. S’il y a un prêtre, il doit être pré­sent. Le prêtre ne sera pas délé­gué, mais il sera pré­sent à leur mariage, comme le demande le Droit Canon et il leur don­ne­ra la béné­dic­tion nuptiale.

Pour la Confirmation, il y aaus­si une excep­tion. Le prêtre a le droit de don­ner la Confirmation dans cer­tains cas. C’est aus­si dans le Droit Canon. Le prêtre doit don­ner ce sacre­ment à quelqu’un qui se trouve en dan­ger de mort s’il ne l’a pas déjà reçu.

Un prêtre peut don­ner la Confirmation dans d’autres cas excep­tion­nels. Dans les Missions, cette pos­si­bi­li­té a été éten­due aux mariages. Les prêtres avaient le droit de don­ner la Confirmation avant le mariage, si les fian­cés ne l’avaient pas reçue.

Je n’ai jamais dit que toutes les confir­ma­tions étaient inva­lides, mais on peut s’interroger quant à la for­mule qui est employée et cer­tai­ne­ment pour l’huile qui est uti­li­sée. C’est quand même impor­tant. J’ai reçu bien des témoi­gnages de per­sonnes qui, for­mel­le­ment, m’ont don­né l’expression employée par l’évêque… ce sont des expres­sions inva­lides. « Reçois le Saint-​Esprit » tout sim­ple­ment. « Je t’envoie en mis­sion ». Ce n’est peut être pas fré­quent, mais cela s’est ren­con­tré et c’est inva­lide. En tout cas ; nom­breux sont les évêques qui estiment que la Confirmation est un Sacrement inutile, que le Saint-​Esprit a déjà été don­né au Baptême, que c’est une céré­mo­nie sup­plé­men­taire pour rap­pe­ler ce qui a été fait au bap­tême. C’est. ce qu’écrivait expli­ci­te­ment l’ancien arche­vêque de Chambéry dans sa revue dio­cé­saine : « La Confirmation ne donne pas le Saint-​Esprit que l’on a reçu au bap­tême. » J’ai mon­tré cette revue au car­di­nal Ratzinger en lui disant : « Vous me repro­chez de don­ner les confir­ma­tions, regar­dez ce que pensent les évêques de la Confirmation. » Un arche­vêque, qui est main­te­nant reti­ré, mais qui avait à ce moment 72–73 ans et qui, avait donc été for­mé à la méthode ancienne. Il avait connu le Sacrement de Confirmation comme il a été ensei­gné autre­fois. Sans doute la foi de l’évêque n’a‑t-elle pas d’influence sur la Confirmation, mais peut-​on trai­ter ain­si ce Sacrement ? C’est ain­si que rai­sonnent les pro­tes­tants et on peutse deman­der si l’intention de ces évêques est de faire ce que l’Église veut faire. Si nous vou­lons sur­vivre et que les béné­dic­tions du Bon Dieu conti­nuent de des­cendre sur la Fraternité, il nous faut demeu­rer fidèles à ces lois fon­da­men­tales de l’Église.

Sans la Messe tout s’écroule

Si nos prêtres venaient à aban­don­ner la véri­table litur­gie, le vrai Saint Sacrifice de la Messe, les vrais sacre­ments, alors ce ne serait plus la peine de conti­nuer. Nous nous suiciderions !

Quand Rome demande : « Mais enfin vous pou­vez bien adop­ter la nou­velle litur­gie et conti­nuer vos sémi­naires, ce n’est pas cela qui les fera dis­pa­raître », j’ai répon­du : « Si, cela fera dis­pa­raître nos sémi­naires. Ils ne pour­ront pas accep­ter la nou­velle litur­gie, ce serait intro­duire le poi­son de l’esprit conci­liaire dans la com­mu­nau­té. Si les autres n’ont pas tenu, c’est parce qu’ils ont adop­té cette nou­velle litur­gie, toutes ces réformes et cet esprit nou­veau. Si nous, nous accep­tons aus­si les mêmes choses, nous aurons les mêmes résultats. »

C’est pour­quoi nous devons main­te­nir abso­lu­ment notre ligne tra­di­tion­nelle, mal­gré l’apparence d’une déso­béis­sance et les per­sé­cu­tions de la part de ceux qui usent de leur auto­ri­té de manière injuste et sou­vent illégale.

Nous sommes de plus en plus contraints par les cir­cons­tances qui sans cesse s’aggravent. Si seule­ment les choses parais­saient devoir s’arranger, si l’on aper­ce­vait des signes tan­gibles d’un retour à la Tradition, tout serait alors dif­fé­rent. Mais, mal­heu­reu­se­ment, c’est tou­jours pire. Les évêques qui rem­placent ceux qui partent ou qui meurent, ont reçu moins de for­ma­tion théo­lo­gique. Ils sont imbus de cet esprit du Concile, de cet esprit pro­tes­tant, moder­niste et c’est tou­jours de plus en plus grave. Devant cette dégra­da­tion conti­nuelle, est-​ce que nous ne sommes pas obli­gé de prendre des mesures qui évi­dem­ment sont extra­or­di­naires. Tout ce qui se passe jus­ti­fie notre atti­tude. Car enfin, les prêtres pro­gres­sistes nous jettent à la figure quand ils le peuvent : vous n’avez pas de juri­dic­tion, vous n’avez pas le droit d’entendre les confes­sions. Bientôt tout ce que nous fai­sons sera inva­lide. C’est tout juste si notre Messe ne serait pas inva­lide. C’est tout au moins l’état d’esprit qui règne par­mi les pro­gres­sistes achar­nés qui s’opposent à nous et nous insultent. Il ne faut pas hési­ter à répondre qu’il faut pro­fi­ter des lois de l’Église, c’est-à-dire de ce qu’elle per­met dans des cir­cons­tances excep­tion­nelles et d’une extrême gravité.

Dieu sait si nous y sommes !

Les erreurs fondamentales

Douloureusement affec­té par la pers­pec­tive de la réunion des repré­sen­tants de toutes les reli­gions invi­tés par le Pape à se réunir à Assise, le 27 octobre, j’avais adres­sé une lettre à plu­sieurs car­di­naux leur deman­dant de sup­plier le Souverain Pontife de renon­cer à cette véri­table imposture.

On ne pour­ra pas dire que nous n’avons pas tout fait pour essayer de faire prendre conscience de la gra­vi­té de la situa­tion dans laquelle nous nous trouvons.

Dans une pré­di­ca­tion que j’avais faite en Suisse, j’avais évo­qué les points prin­ci­paux sur les­quels la Foi se trouve en dan­ger et contre­dite par le Pape, les car­di­naux et par les évêques d’une manière générale.

Il y a désor­mais trois erreurs fon­da­men­tales, qui, d’origine maçon­nique, sont pro­fes­sées publi­que­ment par les moder­nistes qui occupent l’Église.

– Le rem­pla­ce­ment du Décalogue par les Droits de l’Homme. C’est désor­mais le leit­mo­tiv pour rap­pe­ler la morale : ce sont les Droits de l’Homme qui se sont pra­ti­que­ment sub­sti­tués au Décalogue. Car l’article prin­ci­pal des Droits de l’Homme, c’est sur­tout la liber­té reli­gieuse, qui a été vou­lue d’une manière par­ti­cu­lière par les francs-​maçons. Jusque là c’était la reli­gion catho­lique qui était LA reli­gion, les autres reli­gions étant fausses. Les francs-​maçons ne vou­laient plus de cette exclu­sive. Il fal­lait la sup­pri­mer. Alors on a décré­té la liber­té religieuse.

- Ce faux œcu­mé­nisme qui éta­blit en fait l’égalité des reli­gions. C’est ce que mani­feste le Pape d’une manière concrète en toutes occa­sions. Il a dit lui-​même que l’œcuménisme était l’un des objec­tifs prin­ci­paux de son pon­ti­fi­cat. Il a agi là contre le pre­mier article du Credo et contre le pre­mier com­man­de­ment de l’Église.C’est d’une gra­vi­té exceptionnelle.

- Enfin, le troi­sième acte qui est main­te­nant cou­rant, c’est la néga­tion du règne social de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ par la laï­ci­sa­tion des États. Le Pape a vou­lu et est arri­vé pra­ti­que­ment à laï­ci­ser les Sociétés, donc à sup­pri­mer le règne de Notre-​Seigneur sur les Nations.

Si l’on réunit ces trois chan­ge­ments fon­da­men­taux et qui en véri­té n’en font qu’un, c’est vrai­ment la néga­tion de l’unicité de la reli­gion de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ et par consé­quent de son règne. Et pour­quoi cela. En faveur de quoi. Probablement d’un sen­ti­ment reli­gieux uni­ver­sel, d’une sorte de syn­cré­tisme qui vise à réunir toutes les religions.

La situa­tion est donc extrê­me­ment grave, car il semble bien que la réa­li­sa­tion de l’idéal maçon­nique soit accom­plie par Rome même, par le Pape et les car­di­naux. Les francs-​maçons ont tou­jours dési­ré cela et ils y par­viennent non plus par eux mais par les hommes d’Église eux-mêmes.

Il suf­fit de lire les articles écrits par cer­tains d’entre eux, ou qui leur sont proches, pour voir avec quelle satis­fac­tion ils saluent toute cette trans­for­ma­tion de l’Église, ce chan­ge­ment radi­cal qu’a opé­ré l’Église depuis le Concile et qui, pour eux-​mêmes, était dif­fi­ci­le­ment concevable.

La vérité évoluerait avec le temps !

Ce n’est pas seule­ment le Pape qui est en cause. Le car­di­nal Ratzinger, qui passe dans la presse pour être plus ou moins tra­di­tion­nel, est en fait un moder­niste. Il suf­fit pour s’en convaincre de lire son livre « Les prin­cipes de la théo­lo­gie catho­lique » pour connaître sa pen­sée, alors qu’il éprouve une cer­taine estime pour la théo­rie de Hegel quand il écrit : « A par­tir de lui, être et temps se com­pé­nètrent de plus en plus dans la pen­sée phi­lo­so­phique. L’être même répond désor­mais à la notion de temps… la véri­té devient fonc­tion du temps ; le vrai n’est pas pure­ment et sim­ple­ment et c’est vrai pour un temps parce qu’il appar­tient au deve­nir de la véri­té, laquelle est en tant qu’elle devient. »

Que voulez-​vous que nous fas­sions ? Comment dis­cu­ter avec qui tient sem­blable raisonnement ?

Aussi sa réac­tion n’est-elle pas sur­pre­nante quand je lui ai deman­dé : « Mais enfin, Éminence, il y a quand même contra­dic­tion entre la liber­té reli­gieuse et ce que dit le Syllabus. » « Mais, Monseigneur, m’a‑t-il répon­du, nous ne sommes plus au temps du Syllabus ! » Toute dis­cus­sion devient impossible.

Voilà ce que le car­di­nal Ratzinger écrit dans son livre à pro­pos du texte de l’Église dans le monde (Gaudium et spes) sous le titre : « L’Église et le monde à pro­pos de la ques­tion de la récep­tion du deuxième Concile du Vatican. » Il déve­loppe ses argu­ments sur plu­sieurs pages et pré­cise : « Si l’on cherche un diag­nos­tic glo­bal du texte, on pour­rait dire qu’il est (en liai­son avec les textes sur la liber­té reli­gieuse et sur les reli­gions dans le monde) une révi­sion du Syllabus de Pie IX, une sorte de contre-​Syllabus (Dignitatis Humanae) ».

Donc, il recon­naît que le texte de l’Église dans le monde, celui de la liber­té reli­gieuse et celui sur les non-​chrétiens (Nostra AÉtate) consti­tuent une espèce de « contre-​Syllabus ». C’est ce que nous lui avons dit, mais main­te­nant, sans que cela paraisse le gêner, il l’écrit explicitement.

Et le car­di­nal pour­suit : « Harnack, on le sait, a inter­pré­té le Syllabus comme un défi à son siècle ; ce qu’il y a de vrai, c’est qu’il a tra­cé une ligne de sépa­ra­tion devant les forces déter­mi­nantes du XIXème siècle. »

Quelles sont « les forces déter­mi­nantes du XIXème siècle » ? C’est la révo­lu­tion fran­çaise bien sûr avec toute son entre­prise de des­truc­tion. Ces « forces déter­mi­nantes », le car­di­nal les défi­nit lui-​même comme étant « les concep­tions scien­ti­fiques et poli­tiques du libé­ra­lisme ». Et il pour­suit « Dans la contro­verse moder­niste, cette double fron­tière a été encore une fois ren­for­cée et for­ti­fiée ».

« Depuis lors, sans doute, bien des choses s’étaient modi­fiées. La nou­velle poli­tique ecclé­sias­tique de Pie XI avait ins­tau­ré une cer­taine ouver­ture à l’égard de la concep­tion libé­rale de l’État. L’exégèse et l’histoire de l’Église, dans un com­bat silen­cieux et per­sé­vé­rant, avaient adop­té de plus en plus les pos­tu­lats de la science libé­rale, et d’un autre côté le libé­ra­lisme s’était vu dans la néces­si­té, au cours des grands retour­ne­ments poli­tiques du XXe siècle, d’accepter des cor­rec­tions notables ».

« C’est pour­quoi, d’abord en Europe cen­trale, l’attachement uni­la­té­ral, condi­tion­né par la situa­tion, aux posi­tions prises par l’Église à l’initiative de Pie IX et de Pie X contre la nou­velle période de l’histoire ouverte par la révo­lu­tion fran­çaise, avait été dans une large mesure cor­ri­gé via fac­ti, mais une déter­mi­na­tion fon­da­men­tale nou­velle des rap­ports avec le monde tel qu’il se pré­sen­tait depuis 1789 man­quait encore ».

Cette déter­mi­na­tion fon­da­men­tale va être celle du Concile.

« En réa­li­té, conti­nue le car­di­nal, dans les pays à forte majo­ri­té catho­lique, régnait encore lar­ge­ment l’optique d’avant la révo­lu­tion : presque per­sonne ne conteste plus aujourd’hui que les concor­dats espa­gnol et ita­lien cher­chaient à conser­ver beau­coup trop de choses d’une concep­tion du monde qui depuis long­temps ne cor­res­pon­dait plus aux don­nées réelles. De même presque plus per­sonne ne peut contes­ter qu’à cet atta­che­ment à une concep­tion péri­mée des rap­ports entre l’Église et l’État cor­res­pon­daient des ana­chro­nismes sem­blables dans le domaine de l’éducation, et de l’attitude à prendre à l’égard de la méthode his­to­rique cri­tique moderne. »

Ainsi se pré­cise le véri­table esprit du car­di­nal Ratzinger qui ajoute : « Seule une recherche minu­tieuse des manières diverses dont les dif­fé­rentes par­ties de l’Église ont accom­pli leur accueil du monde moderne pou­vait débrouiller le réseau com­pli­qué de causes qui ont contri­bué à don­ner sa forme à la consti­tu­tion pas­to­rale, et ce n’est que de cette manière que pour­rait s’éclairer le drame de l’histoire de son influence ».

« Contentons-​nous ici de consta­ter que le texte joue le rôle d’un contre-​Syllabus dans la mesure où il repré­sente une ten­ta­tive pour la récon­ci­lia­tion offi­cielle de l’Église avec le monde tel qu’il était deve­nu depuis 1789 ».

Tout cela est clair et cor­res­pond à tout ce que nous n’avons ces­sé d’affirmer. Nous refu­sons, nous ne vou­lons pas être les héri­tiers de 1789 !

« D’un côté, cette vue seule, éclaire le com­plexe de ghet­to dont nous avons par­lé au début ; (l’Église un ghet­to !) et d’un autre côté, elle seule per­met de com­prendre le sens de cet étrange vis-​à-​vis de l’Église et du monde : par « monde » on entend, au fond, l’esprit des temps modernes, en face duquel la conscience de groupe dans l’Église se res­sen­tait comme un sujet sépa­ré qui, après une guerre tan­tôt chaude et tan­tôt froide, recher­chait le dia­logue et la coopé­ra­tion. »

Force est bien de consta­ter que le car­di­nal a per­du tota­le­ment de vue l’idée de l’Apocalypse de la lutte entre le vrai et l’erreur, entre le bien et le mal. Désormais, on recherche le dia­logue entre le vrai et l’erreur. On ne peut pas com­prendre l’étrangeté de ce vis-​à-​vis entre l’Église et le monde.

Plus loin, le car­di­nal défi­nit ain­si sa pen­sée : « L’Église et le monde, c’est comme le corps et l’âme. » – « Bien enten­du, il faut ajou­ter que le cli­mat de tout le pro­ces­sus était mar­qué de façon déci­sive par « Gaudium et spes ». Le sen­ti­ment qu’il ne devait vrai­ment plus y avoir de mur entre l’Église et le monde, que tout « dua­lisme » : corps-​âme, Église-​monde, grâce-​nature et même, en fin de compte, Dieu-​monde était nui­sible : ce sen­ti­ment devint de plus en plus une force des­truc­trice pour l’ensemble ».

Le car­di­nal Ratzinger est à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, l’ex-Saint Office. Avec une sem­blable expres­sion de pen­sée que peut-​on espé­rer pour l’Église de celui qui a cepen­dant en charge la défense de la Foi ?

Quant au Pape, d’une autre façon, il a le même esprit. Sans doute est-​il polo­nais, mais le fon­de­ment des idées est le même. Ce sont les mêmes prin­cipes, la même for­ma­tion qui l’animent. C’est la rai­son pour laquelle ils n’éprouvent ni honte, ni hor­reur en fai­sant ce qu’ils font alors que nous, nous en sommes épou­van­tés. La reli­gion, comme nous l’avons vu dans le libé­ra­lisme, dans le moder­nisme, c’est un sen­ti­ment interne.

Ainsi dès le jour où, au mépris du droit, nous avons été frap­pé par Mgr Mamie, sou­te­nu par Rome, nous n’en avons pas tenu compte et appa­rem­ment nous avons déso­béi. Mais, c’était notre devoir de déso­béir, parce que l’on vou­lait nous pla­cer dans l’esprit de 1789, l’esprit du libé­ra­lisme, l’esprit du contre-​Syllabus. Nous avons refu­sé et nous conti­nuons de refu­ser. Ce sont des hommes, comme le car­di­nal Villot, imbus de ce libé­ra­lisme, c’est cette Rome libé­rale qui nous ont condam­né. Mais en agis­sant de la sorte ils ont condam­né la Tradition, la Vérité.

Nous avons refu­sé cette condam­na­tion car nous la consi­dé­rions comme nulle et ins­pi­rée de l’esprit moder­niste. Ce que nous fai­sions et que nous conti­nuons de faire n’est autre que d’œuvrer au main­tien de la Tradition. Nous nous sommes donc trou­vé être dans une situa­tion appa­rente de déso­béis­sance légale, mais nous avons conti­nué à ordon­ner des prêtres, à don­ner des prêtres aux fidèles pour le salut de leurs âmes. Ceux-​ci ont exer­cé et exercent leur minis­tère tou­jours sous une appa­rence de déso­béis­sance à la lettre de la loi. Et nous conti­nue­rons tant que le Bon Dieu le juge­ra bon.

Ce n’est pas nous qui créons la situa­tion de l’Église et celle-​ci s’aggrave tou­jours davan­tage dans des condi­tions stu­pé­fiantes. Personne n’aurait pu ima­gi­ner il y a dix ans, avant l’avènement du pape Jean-​Paul II, qu’un Souverain Pontife aurait un jour fait cette céré­mo­nie à Assise. L’idée même n’en serait jamais venue. Nul n’aurait pen­sé qu’il aurait été à la Synagogue et qu’il y aurait fait ce dis­cours abo­mi­nable. Personne ne l’aurait ima­gi­né. De même n’aurait-on jamais pu conce­voir ce qu’il a fait en Inde. Tout cela aurait paru inconcevable.

Nous voulons continuer l’Église

Alors, nous qui sommes entés sur l’Église, nous qui avons reçu les appro­ba­tions offi­cielles de l’Église, nous vou­lons conti­nuer l’Église, conti­nuer le Sacerdoce, sau­ver les âmes.

Que l’on me com­prenne bien, je ne dis pas que la Fraternité c’est l’Église, mais nous sommes d’Église, comme l’ont été les Sulpiciens, les Lazaristes, les Missions étran­gères et tant d’autres. Nous avons été recon­nus comme tels et nous le demeu­rons. Nous ne vou­lons pas changer.

Il n’y a qu’une Église, dont nous sommes un rameau puis­sant, plein de sève, approu­vé par l’Église abso­lu­ment comme les autres Sociétés l’ont été autre­fois et qui sont main­te­nant – hélas – en grande majo­ri­té en train de mou­rir de leur belle mort.

La Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X a été sus­ci­tée, pensons-​nous, pro­vi­den­tiel­le­ment par le Bon Dieu pour être un phare, une lumière dans le monde entier afin de sau­ver le vrai Sacerdoce, le vrai Sacrifice de la Messe, la Doctrine et la Tradition de l’Église et la Vérité pour appor­ter le salut aux âmes. Nous vivons dans un temps vrai­ment excep­tion­nel et croyons-​nous apo­ca­lyp­tique, nous devons sup­plier le Bon Dieu, prier saint Pie X notre patron, afin de rece­voir les grâces qui nous fortifient.

Le Bon Dieu m’a presque contraint à fon­der la Fraternité, à réa­li­ser cette œuvre, qui dans son déve­lop­pe­ment semble bien avoir reçu Sa bénédiction.Nier cela, serait nier l’évidence. Tout le monde peut le constater.

Beaucoup d’entre nos prêtres ont main­te­nant plus de huit ans, plus de dix ans de Sacerdoce et le nombre des catho­liques qui gra­vitent autour d’eux et qui sont heu­reux de les avoir est consi­dé­rable. Combien de fois je reçois des lettres ou des com­pli­ments quand je passe dans les prieu­rés : « Ah, Monseigneur, vos prêtres ! Heureusement que nous avons vos prêtres ! Quel bien ils nous font. Ils nous aident, ain­si que nos familles, à demeu­rer catho­liques. Combien nous vous remer­cions ! ».

Comment ne pas consta­ter l’action de la Providence quand on voit ces voca­tions qui viennent de par­tout, et ce mal­gré toutes les attaques et les entre­prises sub­ver­sives pour essayer de nous démo­lir. Il n’y a pas de doute, le diable fait tout ce qui est en son pou­voir pour nous divi­ser, pour nous désa­gré­ger, c’est clair. Malheureusement, dans une cer­taine mesure, il y est par­ve­nu : trop nom­breux sont ceux qui nous ont aban­don­né. J’ai ordon­né trois cent six prêtres depuis quinze ans, dont cinquante-​six d’entre eux pour les com­mu­nau­tés ou monas­tères amis. Naturellement les pre­mières années, il n’y a pas eu beau­coup d’ordinations. Les pre­mières ordi­na­tions impor­tantes ont com­men­cé en 1975. En onze ans, cela fait tout de même un chiffre assez consi­dé­rable et cela mal­gré toutes les oppo­si­tions, les per­sé­cu­tions contre nos sémi­naires, mal­gré aus­si le décou­ra­ge­ment que l’on pro­voque chez les sémi­na­ristes et que cer­tains sont par­ve­nus à détour­ner de leur vocation.

Soyons unis, cou­ra­geux, soyons fermes, conti­nuons. Le Bon Dieu nous béni­ra cer­tai­ne­ment. Nous ne devons pas craindre et trem­bler, mais demeu­rer réso­lus à défendre et à trans­mettre notre Foi.

Louis Veuillot disait : « Deux puis­sances vivent et sont en lutte dans le monde : la Révélation et la Révolution ».

Nous avons choi­si de gar­der la Révélation, tan­dis que la nou­velle Église conci­liaire a choi­si la Révolution.

La rai­son de nos vingt années de com­bat est dans ce choix.

Prions, deman­dons à la Très Sainte Vierge, à notre Reine à laquelle la Fraternité est consa­crée de nous aider.

Mgr Marcel LEFEBVRE

Extrait de Fideliter n°55 de janvier-​février 1987

Notes

1 – Lettres de Mgr Charrière du 6 juin 1969 auto­ri­sant la fon­da­tion d’un sémi­naire et du 1er novembre 1970 éri­geant la Fraternité dans le dio­cèse de Fribourg au titre de Pia Unio.
2 – Canon du Droit pénal, n° 2261.
3 – Canon 1098 et 209.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.