Extrait tiré d’une instruction de retraite, prêchée le 18 septembre 1989 au couvent de la Haye aux Bonshommes à Avrillé dans le Sel de la terre, N° 42, p. 244. (Note de l’éditeur : Nous avons conservé le style oral, pour ne modifier en rien la pensée de Mgr Lefebvre, nous contentant d’ajouter quelques mots entre crochet pour compléter les phrases.]
« Nous nous trouvons dans des circonstances extraordinaires.
Autant les autorités de l’Église voudraient nous faire nous soumettre à la vérité qu’ils proclament, autant ils méprisent eux-mêmes leur propre infaillibilité, [celle] du pape et de l’Église.
Car, je peux me tromper, mais autant qu’on a pu suivre le développement de l’Église conciliaire depuis le Concile jusqu’à maintenant, il semble bien que ces papes, comme le pape Paul VI et le pape Jean-Paul II, n’aient pas voulu employer leur infaillibilité, ni dans le Concile, ni dans les actes qui ont suivi le Concile.
Et je dirai que, d’une certaine manière, ils ont une appréhension de penser à l’infaillibilité parce qu’ils n’y croient pas : ils ne croient pas à leur infaillibilité.
Et c’est très simple comme raisonnement, il n’y a pas besoin de réfléchir beaucoup, surtout [pour] Jean-Paul II : Jean-Paul II a été formé à une vérité évolutive ; pour lui, il n’y a pas de vérité fixe, la vérité change avec le temps, avec la science, avec le développement des sciences humaines, etc. ; la vérité est toujours vivante, c’est ce qu’on nous dit, Ils nous condamnent parce que nous ne sommes pas pour la tradition vivante ; la tradition vivante, c’est une tradition qui évolue.
Alors, imaginez, c’est impossible, inconcevable pour son esprit, de fixer une vérité ; impossible, il ne peut pas le concevoir : pour lui, la vérité, il ne la conçoit que comme une vie, une vie qui croît, qui évolue, qui se développe, qui se perfectionne, etc.
Tandis que le dogme, c’est [la vérité] exactement fixe, la vérité pour toujours ; c’est fini ; le Credo est terminé – terminé dans les termes dans lesquels il se trouve, on ne peut pas changer les termes, c’est comme ça, c’est fini. Et tous les dogmes qui ont été faits avec le sceau de l’infaillibilité des papes et des conciles, ont été faits dans ce sens-là. C’est définitif, on ne peut plus y toucher.
Cela est contraire à leur conception même de la vérité. Ils ne peuvent pas le concevoir. Si bien que, me semble-t-il, le pape, cela lui répugnerait si on lui disait : Mais alors, cette vérité-là, [ce que] vous avez fait aujourd’hui… vous avez canonisé tel saint ou telle sainte : la canonisation, en principe, c’est infaillible, c’est défini.
Non ! mais non. Canoniser, oh!… Si jamais, dans l’histoire future, on s’aperçoit que cette personne n’a pas toutes les qualités, les papes pourront, éventuellement, dire que c’était un brevet de perfection, pas de sainteté définitive, etc…
Ils ne peuvent pas concevoir [une vérité définitive] !
C’est pour cela qu’on le voit faire des canonisations : il va dans un pays ; on cherche une soeur qui a quelque perfection, on la met sur les autels et puis, ça y est, voilà ! Ça fait plaisir à la présidence de la République, à tous les chrétiens du pays ; ça fait plaisir, c’est une occasion…
Cela, on ne peut pas [l’accepter] ; ce n’est pas sérieux, pas sérieux ! Je suis persuadé que, pour lui, tout ça n’est pas [irréformable]… L’infaillibilité est inconcevable pour des hommes qui ont cet esprit-là, qui ont été formés à ces fausses théories de la vérité vivante, de l’évolution de la vérité.
Il vaut mieux [qu’il en soit ainsi]. Parce qu’au moins, on peut mettre un point d’interrogation à tout ce qui est affirmé malheureusement par le pape, eh oui, malheureusement… »
Mgr Marcel Lefebvre
Source : Le Bélvédère n° 36 de mars 2014