Sermon prononcé par M. l’abbé Benoît de Jorna, Supérieur du District de France, le 13 mars 2021 lors de la messe célébrée en la basilique de Pontmain à l’occasion des 150 ans de l’apparition de Notre-Dame.
Au nom du Père et du Fils du Saint-Esprit ainsi soit-il.
Nous sommes dans la nuit du 17 au 18 janvier 1871 et un changement tactique injustifié se produit chez les prussiens. Le 18 janvier, à 2 km de Laval, les derniers combats se terminent à l’avantage de l’armée française pourtant mal en point. Le 20 janvier, les troupes allemandes évacuent la Mayenne et le 28 l’armistice est signé. Qui a stoppé les armées prussiennes en marche vers la victoire ? Qui ? En venant à Pontmain le soir du 17 janvier, la Sainte Vierge Marie a fait essentiellement une action politique de grande envergure, accompagnée en plus d’une action militaire.
Il est vrai l’adage, ce qu’on dit de la Sainte Vierge : « Vous êtes belle et gracieuse, fille de Jérusalem, vous êtes terrible comme une armée rangée en bataille. » La bienheureuse Marie fait face en cette nuit mémorable non seulement à une armée mais au monde, et en ce moment au monde d’aujourd’hui. Il est vraiment bon et salutaire d’honorer la Vierge à Pontmain pour rester fermes dans la foi face à l’utopie actuelle prônée malheureusement par les chefs d’État, et pire encore, par les princes de l’Eglise. La Sainte Vierge Marie est gracieuse comme l’est l’Immaculée Conception. La Sainte Vierge Marie est aussi terriblement guerrière. La Sainte Vierge Marie, est toujours la reine victorieuse.
Pas de paix sans la Vierge Marie
À l’heure où le chef de l’État est parti en guerre contre un virus microscopique et impose des mesures drastiques au culte, dont nous sommes victimes, il est bon de rappeler que sans la Mère de Dieu, il n’y a pas de véritable paix. Surtout à l’heure où le Prince de l’Eglise, malheureusement, prône l’abolition de toute guerre, il est bon de rappeler que Marie à Pontmain ne parle pas de suppression des conflits mais parle de victoire, ce qui est un autre programme ! Méfions-nous des sirènes actuelles, l’irénisme effrayant des princes de l’Eglise, le dialogue ruineux de ceux qui devraient défendre le Christ-Roi. L’utopie invraisemblable des chefs civils et ecclésiastiques actuels malmène la cité politique et la société visible qu’est l’Eglise catholique. Saint Augustin était plus réaliste qui défendait dans son chef‑d’œuvre La Cité de Dieu, l’origine et le destin final de notre humanité pécheresse. Pécheresse dans laquelle, disait-il, deux amours ont bâti deux cités : celle de la terre par l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, celle de l’amour du Ciel par l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi.
Il n’y a et il n’y aura jamais qu’un seul motif de guerre, c’est la triple concupiscence décrite très simplement par le disciple que Jésus aimait plus que les autres, saint Jean, qui dit : « Tout ce qui est dans le monde est ou concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie ». Saint Augustin le savait, saint Augustin le vivait, saint Augustin l’éprouvait et saint Augustin le combattait, car sa terre à lui, cette Afrique d’autrefois, était à son époque agitée par les donatistes schismatiques, par des rebellions militaires, par des expéditions politiques, par des soulèvements barbares. Loin de lui ce cri grotesque « plus jamais la guerre ». Saint Augustin sait très bien que toute l’humanité blessée, corrompue par le péché originel, est trop fréquemment blessée aussi par le refus de l’ordre surnaturel dans lequel malheureusement nous vivons. Prenant alors le contre-pied d’un optimisme béat, ce Docteur montre que l’ivraie est mêlée au bon grain dans la société comme dans le cœur de chacun.
Terriblement victorieuse
À Pontmain, la Mère de Dieu doucement victorieuse a comme une armure, cette armure c’est son vêtement bleu parsemé d’étoiles. Le ciel de nuit parsemé d’étoiles signifie la foi, la foi qui permet d’atteindre, de découvrir, le ciel des étoiles mais seulement lorsqu’il fait nuit car la foi, saint Paul le dit, c’est « la vision de Dieu dans l’énigme », dans la nuit, et les étoiles ne se voient qu’en cette nuit dans laquelle nous sommes. Nous savons pertinemment que ceux qui sont victorieux, victorieux du monde, ce sont ceux qui ont la foi parce que dit encore l’apôtre bien-aimé de Jésus, saint Jean, « ceux qui sont nés de Dieu sont les victorieux du monde et cette victoire par laquelle le monde est vaincu, dit encore saint Jean, c’est l’effet de notre foi et la foi se résume – c’est important aujourd’hui -, à croire au seul vrai Dieu qui est Trinité et en Celui qui est envoyé : Jésus-Christ. »
Marie, non seulement est parée de ce beau vêtement bleu-ciel étoilé mais est aussi magnifiquement décorée de cette belle couronne. Sa belle armure, sa robe sans couture, cette douce armure de tissu, armure légère sur laquelle pourtant viennent toujours buter tous les traits du démon et des méchants, Marie a non seulement cette armure si délicate, si légère, si fragile – et pourtant si forte -, mais Marie a aussi une couronne d’or, une couronne d’or énorme – 20 cm de haut – sur la tête car la victoire lui est assurée. Jamais un motif quelconque de défaite n’a pu atteindre la Mère de Dieu, elle a vaincu le démon et tous ses suppôts, elle a dit quelques années avant à Lourdes : « Je suis l’Immaculée Conception ». Cette couronne d’or c’est sa victoire permanente et définitive, elle montre bien que la Sainte Vierge est victorieuse et non pas abolissant la guerre.
La douce Marie, guerrière pourtant et victorieuse, est notre refuge. En nos temps troublés par des guerres sourdes ou manifestes et surtout par cette guerre officielle de la laïcité contre l’Eglise, recourons avec confiance à Notre-Dame de Pontmain terriblement victorieuse et magnifiquement parée de cette armure douce et délicate, bleue comme le ciel, et de cette couronne d’or de victoire.
Gracieuse
Non seulement Marie est terriblement victorieuse, mais elle est aussi gracieuse comme l’est l’Immaculée Conception. À la première étape de l’apparition la Dame, ont dit les enfants, avait les bras croisés, les mains ouvertes, et ils ont ajouté « son visage étaient d’une beauté incomparable et elle souriait », elle souriait et elle regardait les enfants avec un sourire disaient-ils « d’une douceur infinie. » Voilà la grande victorieuse, voilà la belle et gracieuse.
« Voilà qu’elle rit » rapportent les enfants, on sait l’histoire. Les enfants, les fidèles, vont et viennent pour ce que seuls des enfants ont pu constater. Tous ils auraient pu alors entonner à Marie ce fameux psaume, ce psaume 67 que les hébreux chantaient pour célébrer la victoire de Dieu. Voilà ce que disaient ces hébreux, qu’on peut attribuer à la Sainte Vierge : « Que Dieu se lève, que nos ennemis soient dissipés, que ceux qui le haïssent fuient devant sa face comme la fumée disparaît, qu’ils disparaissent comme la cire fond devant le feu, qu’ainsi périssent dans la géhenne les ennemis, les pêcheurs de devant la face de Dieu. Que les justes, dit le psalmiste, soient comme dans un festin, qu’ils tressaillent en présence de Dieu, qu’ils soient dans le transport de joie. »
Nous pouvons dire la même chose, nous approchons ici de Notre-Dame de Pontmain. Nous sommes effectivement, quoique dans le péril, dans les transports de joie parce que nous sommes en présence de la Sainte Vierge Marie par la foi.
Le Ciel et la Croix
Le bon peuple de Pontmain, au moment de la guerre, était dans la crainte. Le bon peuple était dans l’effroi. La guerre était aux portes, ses enfants étaient au front : allaient-ils revenir vivants, blessés, morts ? Mais la belle Marie apparaît, la gracieuse Mère de Dieu arrive et tout rentre dans l’ordre, dans la tranquillité de l’ordre, c’est-à-dire dans la paix… l’inquiétude fait place au calme. L’angoisse humaine fait place à la sécurité, à la sérénité surnaturelle.
La douce Marie envoie alors ce message, il est écrit pour être certain : « mais priez mes enfants. » Le « mais » est initial et solennel, il transforme les pleurs d’inquiétude en joie, comme l’avait dit Jésus, ce sont les pleurs qui sont transformés en joie et la Sainte Vierge insiste : « mais… ». Et ce « mais » qui enjoint les enfants de prier, ce « mais » écrit, ce « mais » manifeste l’attendrissement d’une mère auprès des enfants qu’elle pousse à agir : « mais priez donc » ! C’est une toute petite prière de tout petits enfants qui bouscule en quelque sorte la puissance de Dieu Créateur et Maître de toutes choses.
Dieu, comme l’a dit la Mère de Dieu, qui est Jésus-Christ – il n’y en a pas d’autres -, Dieu qui est Jésus-Christ « se laisse toucher », sa Mère est intervenue comme à Cana. L’heure est venue et cette heure c’est toujours la même, c’est l’heure de la Croix. La Vierge bien parée, la Vierge couronnée, la Mère de Dieu, la Mère au Ciel, « s’assombrit » diront les enfants. S’assombrit pourtant sans pleurer, mais elle revient au pied de la Croix. Apparaît le Sacrifice de Notre-Seigneur dans cette petite croix rouge que la Sainte Vierge va porter. La Sainte Vierge porte cette croix sur ce fond bleu étoilé comme pour montrer le contraste : et le Ciel et la Croix. On ne peut diviser ni l’un ni l’autre : le Ciel est avec la Croix, la Croix est avec le Ciel.
Voilà ce qui montre l’amour de Marie pour ses enfants que nous sommes, mais aussi la raison de cet amour pour nous : l’amour de Dieu pour son Fils. Comme elle tient dans ses mains cet instrument de salut, alors disent les enfants, « ses lèvres ont tremblé un peu », oui ont tremblé. Par cette Croix, par cet instrument, l’ordre est revenu et la paix est désormais acquise, l’armistice sera signé, la paix est établie, la grâce triomphe, le visage de Marie à nouveau s’éclaire, la victoire est obtenue. Victoire militaire, mais aussi victoire sur les âmes.
Nous pouvons tout par Marie
Voilà pourquoi il est bon de prier la Vierge de Pontmain aujourd’hui. Pourquoi ? Parce qu’elle l’a dit, son Fils se laisse toucher. Le 18 janvier, à 2 km de Laval, les derniers combat cessent, les enfants ont prié, la cause est entendue, la victoire est octroyée. Venir à Pontmain est certainement la belle occasion – malheureusement nous ne sommes pas nombreux -, de constater la puissance de la prière, la nôtre, celle de Marie, sur le Cœur de Jésus et cette puissance c’est Marie qui la confère. A nous de nous adresser à elle comme ses enfants, dociles, confiants.
Les vrais combattants, les victorieux assurés, ce sont ceux qui forts de l’espérance s’appuient complètement, totalement, sur la puissance divine, sur le sacrifice de la Croix réactualisé à la Messe. Tout ceci repose sur cette vertu d’espérance qui manque tant aujourd’hui, son ingénuité qui devrait briller fait souvent défaut. Sa sincérité innocente qui devrait rendre nos âmes, nos visages, heureux manque peut-être de véracité. La simplicité de notre espérance manque peut-être encore un peu confusément d’éclat. En ce monde dans lequel nous sommes, en ce monde de guerre, quasiment sous la terreur d’ailleurs, en même temps qu’en ce monde aphrodisiaque, il est urgent de prier Notre-Dame de Pontmain, Notre-Dame de l’Espérance. On se bat pour le royaume des cieux, non pas pour la terre, on se bat pour le triomphe du Christ même sur la cité politique, on se bat pour l’honneur de l’Eglise bafouée par la laïcité, on se bat pour la gloire de Marie Mère de Dieu, seul Sauveur.
Mais il nous faut alors, outre la foi, cette vertu d’espérance qui faisait dire à saint Paul « Je peux tout en celui qui me fortifie ». Avec lui nous pouvons dire : « Nous pouvons tout en Marie, nous pouvons tout par Marie ». Qu’elle nous accorde la victoire sur le péché et sur les ennemis.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.