En chimie, le catalyseur est souvent un élément capital de la réussite d’une réaction. Sans être nécessairement l’élément déclencheur de cette réaction chimique, le catalyseur rend celle-ci plus efficace, plus rapide et parfois dans des proportions impressionnantes.
Même si le concile Vatican II ne se résume à cette image d’un catalyseur d’une « réaction » – car il est plus que cela – il est cependant possible de comprendre, sous ce regard, son rôle dans la décomposition et l’auto-démolition de l’Église catholique.
En effet, ce que nous constatons de nos jours dans l’Église est dramatique : c’est une situation doctrinalement proche de l’hérésie, moralement proche de la décomposition d’un corps devenu malade. C’est situation n’a pas été inauguré au concile Vatican II. En effet, avant même sa convocation par le pape Jean XXIII en 1962, des esprits, qui n’étaient déjà plus catholiques que de nom, avides de nouveautés, rêvaient de transformer l’Église de l’intérieur et pouvaient compter sur des appuis haut placés. Par eux, le ver était déjà dans le fruit. Le concile Vatican II a été le catalyseur qui a amplifié, « légalisé » et donné une vigueur sans précédent à ce mal qui commençait à se répandre.
Or quelle était cette combinaison « chimique » déjà inaugurée au sein de l’Église catholique, avant même le concile ? C’était l’association de deux éléments pourtant incompatibles : l’esprit catholique et l’esprit de la révolution française.
C’était la volonté d’associer les deux amours dont parlait saint Augustin :
« Deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu a fait la cité terrestre ; l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité céleste. L’une se glorifie en elle-même, l’autre dans le Seigneur. » La preuve de cette volonté est évidente quand on lit le discours de clôture de ce concile donné le 7 décembre 1965, par celui qui en a été le moteur, le pape Paul VI lui-même : « La religion de Dieu qui s’est fait homme s’est rencontrée avec la religion (car c’en est une) de l’homme qui se fait dieu. Qu’est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver ; mais cela n’a pas eu lieu. La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes pour les hommes l’a envahi tout entier. […] Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l’homme. »
Le R.P. Congar O.P., condamné au silence sous Pie XII en raison de ses théories s’éloignant de la doctrine de l’Église, réhabilité sous Jean XXIII, jubilera en écoutant ce discours de Paul VI. Il écrira :
« A voir les choses objectivement, j’ai beaucoup fait pour préparer le concile, élaborer, rayonner les idées que le concile a consacrées ».
Cela a le mérite d’être clair.
Dans un ouvrage admirable qu’il a écrit en 1945, « de Lamennais à Maritain », l’abbé Jules Meinvielle nous donne, preuves à l’appui, le lent processus de l’infiltration dans l’Église catholique, des principes inconciliables avec la doctrine de Notre-Seigneur, processus qui a préparé le concile et auquel ce dernier a donné une impulsion digne d’un catalyseur de réaction chimique.
Et nous en arrivons à la situation catastrophique de l’Église catholique aujourd’hui. Face à cette situation, quelle doit-être notre attitude ?
Certes, en tant que vrai fils de l’Église, nous devons être dans une réelle et sincère affliction de voir l’état de notre Mère, la sainte Église.
Cependant, cette profonde tristesse ne doit pas nous faire réagir à l’instar des apôtres au jardin de Gethsémani : leur âme était si remplie de troubles et de peines à voir Notre-Seigneur en agonie, qu’ils ne purent prier et qu’ils s’endormirent de chagrin au lieu de « veiller et prier ». Nous ne sommes pas plus forts que les apôtres, le danger nous guette nous aussi de douter de la toute puissance de Notre-Seigneur ou de la sainteté de l’Église, qui sont pourtant des vérités de foi. C’est assurément Notre-Dame qui fortifiera nos pauvres forces, car c’est elle déjà qui par sa présence et ses prières, veilla sur l’Église naissante au soir du Jeudi-Saint.
Un proverbe, semble-t-il d’origine chinoise, dit que le poisson pourrit par la tête. Ce dicton exprime de façon imagée, le rôle et l’importance du chef dans toute société, et l’influence délétère dont il peut être malheureusement la cause. Mais ce dicton implique comme conséquence une autre réalité : c’est par la tête qu’une société reprend vie et s’édifie à nouveau sur des bases solides.
Cela se confirmera assurément pour l’Église catholique : quand le vicaire du Christ reviendra à la Tradition et à la doctrine pérenne de l’Église, la situation s’éclaircira, même si « l’Église, agissant parmi les hommes, est obligée d’agir par les hommes, peut être douloureusement obscurcie par ce qu’il s’y mêle d’humain, de trop humain, et qui sans cesse et sans cesse renaissant, se développe comme l’ivraie au milieu du froment du royaume de Dieu. » (Pie XI, Mit Brennender Sorge)
En attendant, prions et veillons. Prions pour qu’un successeur de saint Pierre, « une fois revenu [à la Vérité catholique], une fois converti, confirme ses frères » (Luc 22, 32). Veillons afin de rester fidèles, par la grâce de Dieu, à la Vérité de toujours.
Abbé Thierry Legrand, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : Le Sainte Anne n° 306 d’octobre 2018