Seul ce titre et les quelques lignes qui suivent sont de votre prieur M. l’abbé Xavier Beauvais. Le reste a été fait par un certain Germain [1] et apporte une contribution intéressante à un débat qui demande beaucoup de réflexion.
De plus, la prudence comptant parmi ses parties intégrantes la mémoire, il était utile de scruter ce passé si riche que nous avons et si grave en conséquences. Cette mémoire du passé travaille pour l’avenir.
Considérations préalables
Ce qui suit concerne essentiellement les personnes se reconnaissant dans le combat de la FSSPX et qui l’ont jusqu’à présent soutenue dans les choix qu’ils ont été amenés à faire. D’autres liront probablement ce texte : il est bien évident que dès lors qu’ils considèrent que la position actuelle de la FSSPX est illégitime (schismatique, non en communion avec Rome…) la question des accords ne peut se poser de la même façon et toutes sortes d’objections sont possibles. Mais le débat, aussi intéressant soit il, n’est pas le même, puisque l’accord canonique devient une nécessité en soi. Je n’entends pas répondre ici à des objections tirées de l’illégitimité de l’actuelle position de la FSSPX. Personne ne peut nier qu’une paix pratique avec Rome aurait des conséquences majeures, d’où un devoir approfondi de réflexion préalable. Certains espèrent beaucoup de cette paix canonique. En ce qui me concerne, je tente d’expliquer ici pourquoi je la redoute beaucoup plus que je ne l’espère au point que je la vois comme un désastre prévisible. La question n’est ici abordée que sous l’angle prudentiel : autrement dit, si la fin à atteindre est le retour de l’Eglise à toute la Tradition, qu’attendre de ce moyen que seraient des accords avec Rome ? Un tel jugement ne saurait être complet ; je me contenterai ici du point de vue historique. Un mot à propos de quelques termes employés ici. Ils risqueront sans doute d’en heurter quelques uns, qui parleront de raccourci ou simplification ; je les emploie néanmoins pour faciliter certains développements. J’entends par ralliée toute personne, qui historiquement a eu l’occasion d’initier ou de suivre un accord ou une paix avec la révolution, pratique ou doctrinale. J’entends par révolution, le mouvement défendant les idées révolutionnaires que ce soit sur le plan politique ou religieux (Mgr Suenens n’a-t-il pas parlé du concile comme 89 dans l’Eglise ?), mouvement contre lequel nous luttons depuis plus de deux cents ans. Enfin, j’entends par paix les arrangements politiques, canoniques ou doctrinaux qu’ils soient négociés ou unilatéraux (comprenant donc dedans une éventuelle reconnaissance canonique unilatérale, en débat actuellement).
Objections historiques
Trois exemples de « paix » historiques me paraissent à bien des égards montrer des similitudes avec la situation actuelle. Le concordat de 1801, le ralliement à la république en 1892 et le ralliement de certaines communautés traditionnelles en 1988 ou après, présentent autant de situations très différentes. Cependant elles ont pour point commun la réalisation d’une paix, qui se veut « stratégique » ou « pratique » avec la révolution. A partir de là, les points de comparaison sont tels que la prudence oblige à les analyser pour apprécier le bien fondé d’une telle stratégie dans le contexte actuel. Ils dépassent d’ailleurs le simple point de vue historique, il est possible d’en tirer une véritable « psychologie » du ralliement.
Tout un chacun, qui a caressé ou caresse l’illusion d’une paix pratique pourra se demander s’il s’y reconnait. Je ne ferai ici qu’ébaucher certains traits, il y aurait un livre à écrire. Il faut bien sûr se garder d’être trop schématique. Il est difficile de savoir précisément ce qui se serait passé si dans chaque cas l’Eglise avait refusé la paix proposée. Il est impossible de refaire l’histoire au conditionnel. Il faut, notamment, mettre à part le cas du concordat ; valait-il mieux une époque de persécution pour l’Église de France ou la paix napoléonienne ? Que serait-t-il advenu si le pape avait refusé le concordat ? Il faut reconnaître qu’à vue humaine dans ce cas précis il est impossible de répondre. Il est difficile de porter un jugement définitif sur ce qui a constitué, de fait, la première paix pratique avec la révolution. En revanche, inévitables ou pas, que ce soit en 1801, en 1892, ou en 1988 il y a le bilan bien réel des conséquences de ces paix. De ce point de vue aussi tout n’est pas si simple ; dans les exemples cités, il y a aussi eu des conséquences positives, quoique partielles, toujours temporaires et au final mineures par rapport à des effets globalement négatifs. Certes, le concordat a permis une certaine renaissance de l’Eglise en France (bien plus relative qu’on ne le présente souvent, il n’est qu’à citer les chiffres des ordinations : 6 000 estimées annuellement avant la révolution, 2 350 au plus haut au XIXème siècle (1830), pour une population nettement plus nombreuse).
Le ralliement de 1892 a eu de manière marginale à son commencement et avant l’arrivée des gouvernements radicaux, quelques (très modestes) effets bénéfiques sous le gouvernement Méline en 1895.
Les communautés ralliées, après 1988 ont permis à certains fidèles de connaître la messe saint Pie V, les plus cohérents d’entre eux arrivant ensuite jusqu’à la FSSPX. C’est vrai, il faut le reconnaître et le prendre en compte, par souci d’exactitude et pour ne pas tomber dans la caricature. Mais c’est avec le même souci d’exactitude qu’on doit reconnaître que ces quelques effets positifs sont bien peu de chose par rapport à un bilan fondamentalement négatif. Pourtant chaque fois nombreux sont ceux qui ont milité pour ces paix et qui de ce fait, en se séparant des « intransigeants » en ont rendu possible l’application. Plutôt que de refaire l’histoire de ces accords, ce qui a déjà été fait et ne pourrait tenir en quelques lignes, il est intéressant d’essayer de décrypter les motivations profondes, puis l’évolution de ceux qui ont été les défenseurs puis, souvent, les victimes (consentantes). On note ainsi qu’à chaque fois, cette paix semble agir comme une tentation sous apparence de bien.
Une tentation…
La tentation est le ressort le plus difficile à cerner car c’est aussi le moins avouable, mais également, à y regarder de plus près, le plus profond et le plus puissant. La plupart du temps, elle ne s’avoue pas à l’intéressé lui même, qui a besoin d’un retour sur soi pour la reconnaître honnêtement. Dans tous les cas elle n’est, bien entendu, jamais publiquement avouée par ceux qui y cèdent, que ce soit consciemment ou inconsciemment.
Cette tentation peut avoir des ressorts et formes différents selon les contextes et les époques, avec cependant comme point commun le plus fondamental à chaque fois, la lassitude du combat. Ce peut être tout simplement le confort d’une vie paisible enfin retrouvée pour le chouan ou le paysan vendéen (1801).
Ce peut être une carrière politique plus brillante pour des députés monarchistes tenants d’une cause qui apparaît presque perdue à la fin du XIXème siècle, ou plus largement la perspective de la fin d’une marginalisation au sein de la société pour les électeurs catholiques et monarchistes (1892).
Ce peut être encore les honneurs retrouvés ou recherchés, les amitiés reconstituées, la peur de la marginalisation (mai 1988). Ce peut être enfin, aujourd’hui, la fin des persécutions verbales, la pression sociale et mondaine, des modes de vie et d’être plus relâchés au jour le jour, à moins qu’il ne s’agisse de tout cela à la fois …
…sous apparence de bien.
Il est d’autant plus difficile de démasquer ces tentations que parallèlement elles se cachent derrière une illusion ou une apparence de bien : penser que la paix retrouvée rendra à l’Église son rayonnement d’antan (1801), penser que les français vont majoritairement élire un gouvernement catholique (1892) (alors même qu’il avaient depuis déjà deux décennies la possibilité de le faire en élisant des députés monarchistes…), penser qu’ayant respecté la nécessité d’éviter un schisme on réussira à ramener l’Église conciliaire de l’intérieur vers la Tradition (alors même qu’on sera condamné au silence, voire à la compromission active) (1988).
L’apparence de bien est bâtie, consciemment ou inconsciemment avec une argumentation factice. Le raisonnement spécieux qui en est issu laisse penser que la victoire sera facilitée par une paix pratique avec la révolution. On y croit d’autant plus volontiers qu’en son for interne on est disposé à céder à la tentation. Elle permet de se justifier, tant vis-à-vis de soi-même que vis-à-vis des autres, à tel point qu’on finit par s’en convaincre. C’est d’ailleurs une nécessité morale de croire à cette illusion pour éviter de ressentir la partie la moins avouable de ses motivations. Il n’est bien entendu pas question de juger les partisans d’une paix avec Rome ou même toute personne éprouvant quelque hésitation. Cependant, tout un chacun qui réfléchit honnêtement sur le sujet pourra se poser la question.
Conséquences
L’accord passé, un seul souci va guider l’action des ralliés : celui de maintenir coûte que coûte l’accord, la paix avec les révolutionnaires. Si l’accord échoue c’est la preuve de l’erreur qui a été commise, c’est le retour forcé vers ceux qui ont refusé de marcher, qui sont devenus le repoussoir dont on ne cesse de vouloir se démarquer (les schismatiques de la FSSPX, mais aussi les monarchistes intransigeants, ou encore les chouans irréductibles qui continuent de s’opposer à Napoléon). Les évêques concordataires, choisis par Napoléon, sont pieds et poings liés. Le député rallié ne peut plus défendre les intérêts de l’Eglise et combattre certaines lois, sous peine de casser l’alliance avec les républicains. Le prêtre Ecclesia Dei vit dans la peur des conséquences d’une prédication contre le concile. L’efficacité de toute action est comme paralysée par ce souci de sauvegarder la paix. Là où l’ex-combattant devenu rallié, avait toute liberté pour agir autrefois, le rallié d’aujourd’hui doit toujours calculer, soupeser, composer et s’effrayer de toute initiative trop clairement hostile à la révolution. Comme gage de bonne volonté, et pour donner davantage de solidité à l’accord, les ralliés se trouvent forcés d’encenser les autorités révolutionnaires. Ce sont les louanges sans cesse répétées des évêques concordataires à Napoléon « restaurateur de l’Eglise en France » forcément ils lui doivent tous leur place : c’est la défense acharnée de la démocratie désormais vue comme seul régime légitime possible. Sangnier, Piou : c’est la papolâtrie des communautés ralliées à l’égard d’un Jean-Paul Il ou d’un Benoît XVI. En retour les ralliés ne gagnent pas pour autant la confiance des autorités révolutionnaires qui, méfiantes, demandent de nouveaux gages. La réalisation de l’illusion qui avait justifié l’accord est comme paralysée, repoussée à plus tard, une fois la confiance des révolutionnaires gagnée et l’accord définitivement solidifié. Cette illusion qui était le motif officiel de l’accord, devient une stratégie de plus en plus floue dont la réalisation concrète est sans cesse repoussée ou réduite à presque rien, au nom de la prudence travestie par des raisons purement humaines.
A la place du combat contre la révolution et les autorités révolutionnaires, fait place un silence assourdissant, ponctué tout au plus de quelques demandes ou textes timides et édulcorés. L’évêque concordataire qui doit tout à Napoléon, se trouve bien embarrassé pour critiquer les articles organiques qui constituent dès 1802 un empiétement considérable sur les garanties apportées par le concordat. Le député rallié est tétanisé pour critiquer la politique anticléricale du gouvernement ; toute opposition le ferait suspecter de crypto-monarchisme. Le père Louis-Marie de Blignières presse, ‑avec succès – dom Gérard de ne pas remettre le petit mémorandum de l’abbé Schaeffer sur « Dignitatis Humanae » au cardinal Ratzinger ; « Vous allez tout mettre par terre en remettant ce texte ! ». Et dom Gérard cède ! (résultat, dix ans plus tard, le Barroux par l’intermédiaire du père Basile [2] défendra désormais la continuité de « Dignitatis Humanae » et du magistère traditionnel).
En revanche, chacun peut désormais pleinement céder à la motivation obscure du ralliement, c’est-à-dire la tentation elle-même, pour ainsi dire en toute impunité, d’autant plus qu’elle n’apparaît pas directement peccamineuse, et que les barrières qui empêchaient d’y succombe sont levées. Le fait d’y céder sera le premier pas qui amènera plus ou moins rapidement à épouser les idées de la révolution. Exemple, 1802 : le paysan vendéen est réinstallé dans sa ferme et peut enfin savourer une tranquillité retrouvée, qui plus est avec la bénédiction de son curé, fût-il un ancien réfractaire. Il « subit » les exhortations de son évêque prêchant le respect des autorités temporelles constituées sous le régime du concordat. La fin du combat au sens physique, entraîne petit à petit, parallèlement, l’affaiblissement du combat au niveau spirituel et moral, puis enfin au niveau doctrinal ou idéologique. Progressivement l’ancien soldat, et surtout les générations qui le suivent, deviennent plus perméables aux discours qui leur sont dispensés. Cela, d’autant plus facilement que les gouvernements révolutionnaires, malgré des tensions de plus en plus vives au fur et à mesure que le siècle avance, bénéficient toujours de la reconnaissance officielle de l’Eglise.
Vers la fin du XIXème siècle, une politique clairement anticléricale fait son retour. Mais les descendants des paysans vendéens, en 1882 ou en 1905 n’ont plus la force de s’y opposer moralement et physiquement comme leurs ancêtres, alors que leur religion se trouve à nouveau persécutée. Les meilleurs se contenteront de manifester de façon plus ou moins musclée au moment des inventaires, tandis qu’une proportion non négligeable de ces mêmes paysans, descendants des chouans, aura élu ces gouvernements ouvertement anticléricaux. Sans même s’en rendre compte, ils seront passés dans le camp de la révolution. 1892 : à la fin du XIXème, les ex-députés monarchistes travaillent maintenant main dans la main avec leurs adversaires d’hier ; ils peuvent désormais penser à leur carrière au sein de l’action libérale populaire ou des chrétiens démocrates. Certains poussent la « bonne volonté » jusqu’à voter les lois anticléricales de séparation de l’Eglise et de l’Etat, ou des inventaires, poussant à son paroxysme la logique du ralliement. Quant aux électeurs catholiques, les voilà pleinement intégrés dans cette société de la fin du XIXème siècle. Désormais, ils voient la république comme un régime acceptable, bientôt respectable, sinon le seul légitime, rassurés en cela par le pape, l’évêque, le curé et le virage de bon nombre de leurs chefs politiques d’hier.
Certes, ce n’est pas ce que veut ni dit Léon XIII, ni certaines élites catholiques qui, au départ, jouent la carte du ralliement comme pure stratégie politique. Beaucoup de fidèles doivent se sentir mal à l’aise en défendant des idées et un régime dont ils étaient les adversaires hier. Mais personne n’est là pour les mettre en garde et les inviter à redoubler de prudence envers la nature révolutionnaire des institutions républicaines : forcément, comme leurs prédécesseurs un siècle avant, comme leurs successeurs un siècle après, les clercs partisans du ralliement sont bâillonnés sous peine de voir la stratégie du ralliement condamnée.
1995 : des communautés Ecclesia Dei défendent désormais avec acharnement les textes du concile (Le Barroux, avec dom Basile défend « Dignitatis Humanae »). Suffisamment de clercs ou de revues ont décrit cette trajectoire, pour qu’il soit besoin d’y revenir ici. Une grande partie des « ralliés », notamment les masses, adoptent très vite les moeurs puis les idées révolutionnaires ; ce sont souvent ceux dont les modes de vie s’en rapprochaient le plus avant, et à qui ne seront plus rappelés les principes de doctrine et de prudence. En effet, qui était là en 1802 pour rappeler que la signature du concordat n’empêchait pas Napoléon d’être attaché aux principes de la révolution et d’en continuer l’œuvre insidieusement ? Certainement pas l’épiscopat concordataire qui lui était tout acquis. Qui en 1892, dans les milieux ralliés, était là pour expliquer aux électeurs que le ralliement prêché par Léon XIII n’était qu’une tactique temporaire pour christianiser le régime républicain « de l’intérieur » ? Qui en 1988, dans les milieux Ecclesia Dei avait encore suffisamment de liberté de parole pour expliquer que le refus des sacres ne signifiait pas l’acceptation de la nouvelle messe et des textes du concile ? Rappels pénibles auparavant mais qui aidaient à se maintenir dans la voie droite, devenus impossibles, au-moins publiquement, au nom de la sauvegarde de l’accord.
Bon nombre passent très vite du ralliement pratique au ralliement idéologique c’est à dire doctrinal. Ce reniement est souvent précédé ou accompagné d’un relâchement moral, dû aux contacts permanents avec les modes de vie des révolutionnaires, ce qui est une autre conséquence du ralliement. Ce relâchement moral facilite le changement doctrinal car, « A force de ne pas vivre comme on pense on finit par penser comme on vit ».
Cependant, une minorité de ralliés, sans passer aussi vite dans le camp révolutionnaire, se tait. Les meilleurs ne rappellent leurs idées que si faiblement et si subtilement qu’ils deviennent inaudibles. Ces derniers ne représentent après quelques années qu’un pourcentage très minoritaire des ralliés qui avaient accepté l’accord à ses débuts, les autres sont devenus révolutionnaires. A ce stade une toute petite partie fait peut-être demi-tour, quand les événements les éclairent (1999 : crise de la fraternité saint Pierre. 1905 : séparation de l’Eglise et de l’Etat) ; malheureusement, il ne s’agira que de cas isolés, trop tard pour faire réfléchir efficacement les plus faibles, qui depuis longtemps sont des révolutionnaires (au sens idéologique du terme qui peut prendre selon les époques les dénominations de « bonapartistes » (1802), « républicains » (1892) ou « conciliaires » (ces dernières décennies). Les derniers ralliés, trop orgueilleux pour reconnaître l’impasse dans laquelle ils sont, continueront à se taire et verront la génération qui suit épouser pleinement les idées révolutionnaires, faute d’avoir pu leur rappeler efficacement les principes, pour les avoir fait grandir en contact permanent avec de fausses doctrines et pour les avoir fait vivre en contact permanent avec des modes de vie et des façons d’être plus relâchés.
Application à la situation actuelle
Comparaison n’est pas raison ai-je marqué plus haut et on trouvera certainement beaucoup de différences entre aujourd’hui et les situations passées. Cependant, pour passer outre les leçons de l’histoire et s’engager sans crainte dans la voie d’une paix pratique, la Prudence exigerait qu’on prouve une différence fondamentale entre la situation actuelle et les trois situations antérieures. Or les similitudes avec les situations antérieures l’emportent bien au contraire et de très loin. Quel partisan actif d’un « accord » peut dire, au fond de lui-même qu’il est totalement indemne du genre de tentations décrites plus haut (fin des persécutions verbales pour certains, pression sociale et mondaine pour d’autres, ou encore relâchement dans les modes de vie et d’être plus faciles à embrasser au jour le jour, levée d’un scrupule, ou tout cela à la fois…) ? A côté de la tentation, il y a aussi l’illusion, aussi puissante qu’en 1988, « transformer l’Eglise de l’intérieur », qui ne sonne pas très différemment de « christianiser la république » ou de « L’Eglise libre dans un état libre » ou encore de « l’Eglise restaurée par l’empereur ». A chaque fois, de jure ou de facto, même lien de subordination avec les révolutionnaires, même complexe de devoir continuer à s’opposer à ceux qui nous ont tendu la main et nous ont fait si magnanimement cadeau de l’accord. Qui peut nier que tout cela, on ne le retrouve pas cette fois ?
La FSSPX n’échappant pas à cette évolution, les fidèles y échapperont encore moins. Il est déjà bien difficile de transmettre le flambeau à l’heure actuelle, alors que, malgré les rappels insistants et les barrières mises en place, tant de fidèles se compromettent avec les modes de vie et les pratiques contemporains. Dans le contexte d’un accord, beaucoup de digues seront rompues et les contacts avec le monde conciliaire rendront la pression intenable notamment sur la génération d’après. Cédant sur le plan comportemental, ils céderont ensuite sur le plan doctrinal et liturgique. Le courant, qui emporte facilement 80 % de la première génération « signataire », emportera à terme inéluctablement la totalité de la génération suivante, sauf Grâce particulière.
De tels accords sont d’autant plus frustrants qu’ils se produisent souvent à un moment où certaines victoires sont à portée de main, où encore un peu de fermeté pourrait enfin payer. Par exemple, Napoléon avoua que trois ans ne se seraient pas passés après 1802 et l’éventuel échec de ses pourparlers avec Pie VII, qu’il lui aurait tout « cédé », tant il avait besoin de l’Eglise pour stabiliser la société au lendemain de la révolution. Plus récemment, il est certain que le message de la FSSPX, s’il n’était pas brouillé comme il l’est aujourd’hui, aurait certainement beaucoup plus de portée auprès des milieux ralliés ou conservateurs, à l’heure du pape François I et des troubles qu’il sème dans leurs milieux. L’histoire n’est pas le seul élément d’un jugement prudentiel.
Pourtant, force est de reconnaître que dans la situation actuelle elle plaide de toute évidence contre une paix canonique avec Rome.
Sources : Germain-Forum Catholique /Acampado n° 116 de juin 2016
- Germain a produit ce texte sur le Forum catholique de Xavier Arnaud en date du 8 mai 2016 sous le titre « Objections à une paix canonique avec Rome »[↩]
- Lire à ce sujet : Liberté religieuse – Réponse de l’abbé J‑M Gleize au Pére Basile du Barroux : une impossible continuité – 14 novembre 2014.[↩]