Homme et femme Il les créa

Le Synode sur la famille devrait être le rap­pel clair et net de la doc­trine de l’Eglise sur le mariage catho­lique, mal­heu­reu­se­ment il est l’oc­ca­sion pour des évêques pro­gres­sistes de pré­sen­ter une doc­trine hété­ro­doxe, en phase avec les idées du monde post-​moderne indi­vi­dua­liste et hédo­niste. Ce ser­mon de l’ab­bé Xavier Beauvais, en l’é­glise Saint-​Nicolas-​du-​Chardonnet (Paris), le 18 jan­vier 2009 pour le IIe dimanche après l’Epiphanie, a été publié dans (p. 13–16). Il expose ce que l’on aime­rait entendre de la bouche de cer­tains pères syno­daux sur le rôle propre de l’homme et de la femme dans un foyer chrétien.

L’évangile des noces de Cana est l’évangile du mariage, qui est la base de la famille comme la famille est la base de la socié­té. Comme nous le savons, nos âmes ont été créées par Dieu pour atteindre la fin ultime qui est Dieu lui-​même. Et si Dieu a créé des hommes et des femmes, c’est parce qu’Il a don­né aux hommes une mis­sion propre et aux femmes une mis­sion propre. La femme a été créée et unie par Dieu, au moyen du sacre­ment de mariage, à un homme pour qu’il s’attache à elle, qu’ils soient deux en une seule chair, et qu’elle soit sa com­pagne dans la pro­créa­tion et l’éducation des enfants, comme aus­si dans la vie domes­tique pour tenir sa mai­son et régner comme reine sur son foyer. Telle est la mis­sion propre de l’épouse auprès de l’époux. La psy­cho­lo­gie propre de l’un et de l’autre ne sera donc pas la même.

La psy­cho­lo­gie de l’homme le pré­dis­pose à être l’autorité, à être chef de famille : époux et père. La psy­cho­lo­gie de la femme l’induit immé­dia­te­ment à être la reine de la famille : épouse et mère. Ce n’est pas une inven­tion humaine, car le rap­port fon­da­men­tal entre ces deux psy­cho­lo­gies se trouve dans la Genèse. La femme est tirée de l’homme, et non pas de n’importe quelle par­tie de l’homme, elle est tirée du cœur de l’homme. Eve vient d’Adam comme son prin­cipe, de même l’Eglise vient du Christ. Et quel est le point pré­cis d’où jaillit la source ? Du côté entrou­vert, du cœur lui-même.

L’égalitarisme à la mode

Ainsi la femme n’est pas tirée de la tête de l’homme, et c’est pour­quoi elle ne domine pas, comme la tête domine le corps. La femme n’est pas non plus tirée des pieds de l’homme, elle n’est donc pas son esclave. La femme est tirée du cœur de l’homme, elle est donc son amour. Le mari est la tête, la femme est le cœur. L’homme est donc la tête de la femme. Il est prince de la famille, et elle est tirée de lui comme de son prin­cipe. Mais elle est tirée de son cœur. Elle est donc par rap­port à lui comme le cœur par rap­port à la tête.

Quand on com­prend cela, on sort de cette atmo­sphère d’égalitarisme tant à la mode aujourd’hui. La femme n’est pas l’égale de l’homme, pas plus d’ailleurs qu’elle n’est inégale à l’homme. Dites-​moi, les pou­mons sont-​ils égaux aux mains ? Les yeux sont-​ils égaux aux oreilles ou inégaux ? A la véri­té, ces ques­tions n’ont pas de sens. La femme est à l’homme ce que le cœur est à la tête. Le cœur et la tête doivent donc vivre dans l’unité. C’est le pape Pie XI qui l’écrivait dans son ency­clique sur le mariage, Casti Connubii(31 décembre 1930) : « Si, en effet, le mari est la tête, la femme est le cœur, et, comme le pre­mier pos­sède la pri­mau­té du gou­ver­ne­ment, celle-​ci peut et doit reven­di­quer comme sienne cette pri­mau­té de l’amour ». Ainsi dans le mariage, il est essen­tiel que cha­cun des époux s’applique de son mieux à tenir la place qui lui est assi­gnée dans le plan de la création.

Il importe donc que le mari obtienne – Dieu aidant – d’être la tête atten­tive et dévouée au bien com­mun, car l’autorité est tou­jours en vue du bien com­mun de tout le corps. Il convient aus­si que la femme obtienne – Dieu aidant – d’être en toute véri­té le cœur, source d’amour pour tout le corps, mais tout asso­ciée à la volon­té de la tête, toute sou­mise par affec­tion au chef de famille. Tout désordre risque fort d’ébranler de fond en comble l’organisme fami­lial, car il est aus­si mau­vais de « n’avoir pas de tête » que « de man­quer de cœur ».

Ainsi, il doit y avoir une com­plé­men­ta­ri­té dans le mariage. En pre­mier lieu, l’homme se défie de ses propres impres­sions, mais il se défie beau­coup moins des impres­sions de son épouse. L’époux sait qu’il a des moyens de juger plus pré­cis et plus sûrs que son épouse. Mais ces moyens sont moins rapides. La lit­té­ra­ture, l’histoire, l’Histoire Sainte sont jalon­nées des songes, des pres­sen­ti­ments ou des impres­sions des femmes. Parfois elles se trompent, par­fois aus­si elles sentent juste. Voyez com­ment saint Matthieu rap­porte l’avertissement que Pilate reçoit de son épouse : « Pendant qu’il sié­geait au tri­bu­nal, sa femme lui envoya dire : ‘N’aie pas d’histoire avec ce juste, car j’ai beau­coup souf­fert en songe aujourd’hui à son sujet’ » (Mt 27, 19). Si l’intuition fémi­nine n’est pas néces­sai­re­ment juste, il n’est pas non plus fon­dé d’affirmer que tous ceux qui ont une rai­son, ont par là même un juge­ment sûr. Ce qu’on veut dire ici c’est que le mode de connais­sance de la femme n’est pas le mode de connais­sance de l’homme. Il y a entre eux une dif­fé­rence fon­da­men­tale qui les consti­tue cha­cun ce qu’ils sont. Si l’homme est rai­son­nable et la femme intui­tive, il convient à la tête d’être rai­son­nable et au cœur d’être intuitif.

La femme est donc géné­ra­le­ment moins rai­son­nable que l’homme, et l’homme est géné­ra­le­ment moins intui­tif que la femme. Mais l’homme peut se ser­vir mal de sa rai­son : son inté­rêt, son orgueil, sa pas­sion peuvent com­pro­mettre son juge­ment et par­fois même obs­cur­cir son intel­li­gence. La femme, elle, peut être vic­time de son intui­tion par une ima­gi­na­tion débri­dée, par trop de com­plai­sance pour sa sen­si­bi­li­té, par coquet­te­rie ou vani­té. Tout cela peut com­pro­mettre en effet la sta­bi­li­té de ses sen­ti­ments et par­fois même la rendre écer­ve­lée. L’homme ne se fie pas à ses impres­sions, il étu­die, exa­mine, cherche vrai­ment à ne pas se lais­ser domi­ner par une idée pré­con­çue ou un sen­ti­ment affec­tif. La femme, elle, est assaillie en per­ma­nence par ses impres­sions. Elle est l’écho mer­veilleu­se­ment fidèle de tout ce qui se passe à côté d’elle, autour d’elle. Elle remar­que­ra des mil­liers de choses sans impor­tance. Elle n’est indif­fé­rente à rien, ce qui la rend alors moins ration­nelle que l’homme dans ses jugements.

Enrichissement mutuel

A pro­pos de la cha­ri­té entre époux, tout est agen­cé pour que le mari et la femme s’enrichissent mutuel­le­ment ou pour qu’ils se dis­putent sans arrêt… Oui, car si le mari se met à regret­ter que sa femme juge trop vite et sans véri­table motif, il n’est pas au bout de ses peines. Et si l’épouse se met à pen­ser que son mari est lent d’esprit, défiant de carac­tère, elle va pro­ba­ble­ment souf­frir. Au contraire, si l’époux accepte les impres­sions de sa femme comme les aver­tis­se­ments de son cœur qui par­fois se serre sans rai­son – et par­fois avec tant de rai­sons ! –, et si l’épouse sait faire confiance au juge­ment que porte son mari en der­nier res­sort, s’y sou­met en cher­chant à com­prendre les motifs qui le fondent, en res­pec­tant en lui la tête ; alors, d’un côté comme de l’autre, la cha­ri­té sera de beau­coup faci­li­tée entre époux. Lui va s’enrichir du cœur de sa femme, et elle va s’enrichir de la rai­son de son mari, et, avec l’âge, s’imprègnera de plus en plus de son juge­ment. Et ils fini­ront par ne plus avoir qu’un seul cœur et qu’une seule âme.

Ainsi, il y aura deux formes de fécon­di­té qui dérivent du fait que la femme connaît de façon intui­tive et l’homme de façon ration­nelle. Il ne faut donc pas s’étonner si la créa­tion des grandes œuvres de l’esprit appa­raît à tra­vers toute l’histoire comme le fait de l’homme. Car, à la femme, Dieu a réser­vé d’être féconde non pas en vue des pater­ni­tés de l’intelligence, mais en vue des mater­ni­tés du cœur, de l’âme et de la vie. Ce rôle, elle ne peut le rem­plir qu’en l’acceptant en plé­ni­tude et en res­tant hum­ble­ment à la place – une place immense – qu’Il lui assigne. Car seule l’humilité nous attache aux grandes œuvres.

Le rôle de la femme

Dans une revue de l’Université d’Ottawa, Marie-​Paule Vinay écri­vait en 1949 un article inti­tu­lé Le rôle de la femme. Dans cet article un pas­sage m’a frappé :

« Ce rôle est par excel­lence un rôle caché dont l’enfouissement marque en quelque sorte l’efficacité. En effet, plus le renon­ce­ment fémi­nin est pur, silen­cieux, plus l’homme peut avan­cer loin, dans les conquêtes de l’esprit et du cœur sans aucun dan­ger pour l’équilibre du corps social tout entier. L ’épouse, dans la famille, est d’autant plus utile qu’elle est effa­cée. Cette loi semble iné­luc­table. La femme qui ne s’efface pas, en efface d’autres. Une femme qui n’est pas toile de fond devient écran. Ceci se véri­fie par­tout. Suivant l’importance per­son­nelle qu’elle reprend, dif­fé­rents sec­teurs de la vie fami­liale sont per­tur­bés. La femme incon­nue, âme des silences de sa mai­son, donne au monde une leçon d’ordre.

« Comme une pierre ano­nyme dans un édi­fice, elle sou­tient ce qui est en haut en s’appuyant sur ce qui est en bas. Elle légi­time et unit l’un et l’autre de tout son être. Elle est pour l’édifice totale béné­dic­tion. L ’incon­nue par excel­lence, n’est-elle pas cette femme qui se cache au sein de la Lumière, la bien­heu­reuse Immaculée dont une seule carac­té­ris­tique intime nous fut livrée : Elle gar­dait toutes ces choses en son cœur. »

Voilà le plan de Dieu. Oh, il n’interdit pas, c’est évident, toutes les acti­vi­tés extra­fa­mi­liales de l’épouse, acti­vi­tés pri­vées ou même publiques, où sa voca­tion de mater­ni­té peut s’épanouir de façon spi­ri­tuelle, mais non moins réelle. Cependant par sa nature, et au sein de la famille, l’épouse est appe­lée à vivre non pas pour elle, pas même par rap­port à elle. Elle est appe­lée à vivre non seule­ment pour ceux qu’elle aime, – l’homme y est aus­si appe­lé -, mais à vivre par rap­port à ceux qu’elle aime. Voyez, j’ai dit tout cela pour bien mon­trer tout sim­ple­ment que dans un mariage chré­tien l’époux et l’épouse sont appe­lés à se com­plé­ter. Il y a un ordre à suivre dans l’amour, comme d’ailleurs en toute chose. Or, que voit-​on aujourd’hui ? Certains époux qui se font auto­ri­taires, d’autres qui se croient bons parce qu’ils cèdent tou­jours et sur tout…, des épouses qui mènent leur mari par le bout du nez, d’autres qui affirment leur indé­pen­dance. Il y a même des époux et des épouses qui croient s’aimer mieux parce qu’ils ont déci­dé d’avoir cha­cun ses goûts, si ce n’est cha­cun ses amis, cha­cun ses sor­ties, et qui s’étonnent un jour d’une rup­ture. Un jour vient où tous les désordres se paient.

Autorité et sacrifice de soi

On ne s’est pas ren­du compte à temps que pen­dant des années on a mépri­sé l’ordre natu­rel, celui qui contient le véri­table sens de l’autorité et de la sou­mis­sion. Il y a des mots qui ont per­du leur sens véri­table. Il y a des idées qui ne peuvent plus cir­cu­ler parce que les mots à tra­vers les­quels ces idées devraient cir­cu­ler ont per­du leur sens. C’est le cas du mot ‘auto­ri­té’, du mot ‘sou­mis­sion’. On ne sait plus ce qu’ils veulent dire. Pour beau­coup, aujourd’hui, auto­ri­té signi­fie­ra ‘des­po­tisme’, ‘tyran­nie’, ‘fas­cisme’. Pour beau­coup aujourd’hui l’idée d’obéissance est désa­gréable, sur­an­née, elle sus­cite une véri­table répul­sion, on la rem­pla­ce­ra par la spon­ta­néi­té, l’autodétermination. Tout cela fait qu’on ne trouve presque plus de chefs. Il y a bien des gens qui pré­tendent com­man­der, mais pour la plu­part ce ne sont pas des chefs, mais des hommes qui ont dési­ré le pou­voir pour assou­vir leur propre orgueil, leur soif de gloire per­son­nelle, capables alors de n’importe quelle lâche­té ou aban­don plu­tôt que de renon­cer à la déma­go­gie et au désir de plaire. « Celui qui n’est pas capable de coif­fer la cou­ronne d’épines pour res­ter fidèle à son auto­ri­té n’est pas un chef, mais un démagogue ».

Quel bon­heur que celui d’un jeune homme et d’une jeune fille qui viennent échan­ger le plus doux des consen­te­ments devant l’autel de Dieu avec ces convic­tions dont nous venons de par­ler. Lui, le jeune homme, réso­lu de ne jamais rien déci­der pour lui seul par égoïsme, par inté­rêt, sen­sua­li­té ou orgueil. Résolu de tou­jours déci­der par amour pour son épouse, pour le bien des enfants qu’elle lui don­ne­ra, pour l’Eglise. Résolu à ce sacri­fice de soi, à cette vie de véri­table amour, parce qu’il sait qu’il a reçu son épouse de Dieu, pour la conduire à Dieu, elle et ses enfants. Résolu de ne jamais abdi­quer son rôle de chef à tra­vers n’importe quelle dif­fi­cul­té ou séduc­tion étran­gère, réso­lu de tou­jours vivre pour le trou­peau qui lui est confié, quelque renon­ce­ment que cela exige de lui.

Et elle, l’épouse qui a la cer­ti­tude qu’elle peut s’appuyer sur son mari, s’en remettre à lui, se confier à lui pour qu’il la conduise à Jésus-​Christ. Elle qui sait que Dieu lui a don­né un époux qui sau­ra écou­ter les conseils, s’enrichir des ins­pi­ra­tions de sa femme, prendre en consi­dé­ra­tion toutes ses remarques, si pers­pi­caces qu’il en sera bien sou­vent éton­né. Elle qui sait exac­te­ment ce que Notre Seigneur lui demande lorsqu’il lui fait dire par saint Paul d’être sou­mise à son mari. Cela ne signi­fie pas qu’elle doit être sou­mise à ses caprices, à un égoïsme qui com­pro­met­trait la vie du foyer, à une atti­tude mani­fes­te­ment mau­vaise ou dérai­son­nable. Non, il est clair que cet ordre qui sou­met l’homme à Dieu et l’épouse au mari, ne peut briller dans sa per­fec­tion que si l’époux reste chré­tien et digne du nom d’homme. S’il est vrai­ment cet homme et ce chré­tien, recons­ti­tué déjà par la grâce, alors, avec quel bon­heur sa femme se repo­se­ra sur lui. Elle veille­ra à le bien conseiller. Il l’unira à ses réflexions, à ses déli­bé­ra­tions. Elle fera valoir ce que seule une femme sait voir. Il en use­ra rai­son­na­ble­ment pour enri­chir les motifs qui incli­ne­ront la déci­sion. Mais elle sau­ra que dans la vie conju­gale nor­male, c’est à lui de poser l’acte capi­tal du juge­ment, la déci­sion. De son côté, il sau­ra que même s’il a sui­vi un avis, un conseil, une idée de sa femme et que l’expérience vienne démen­tir son espoir, jamais il n’aura le droit de se retour­ner contre elle, de le lui repro­cher. C’est lui qui en porte la responsabilité.

Toutes ces choses sont telles et elles méri­taient, je crois, d’être dites.

Ainsi soit-​il.

Abbé Xavier Beauvais, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Bibliographie : Marcel Clément, La joie d’aimer, Nouvelles Editions Latines

Source : DICI du 16 octobre 2015