Le fête du Christ-​Roi – Laïcité et laïcisme

Voici une lettre de l’abbé V. – A. Berto écri­vait en octobre 1961, aux Anciens de Notre-​Dame de Joie. Ces lignes très simples donnent un aper­çu éclai­rant sur la doc­trine catho­lique de la royau­té sociale de Notre-​Seigneur Jésus-Christ.

Mes chers grands,

L’approche de la fête du Christ-​Roi me four­ni­ra la matière de mon mes­sage d’aujourd’hui.

J’étais à Rome, encore sémi­na­riste, quand à Noël 1925, le Souverain Pontife alors régnant, Pie XI, publia la mémo­rable Encyclique où il expo­sait la belle doc­trine de la royau­té de Notre-​Seigneur, et annon­çait l’institution d’une fête spé­ciale pour recon­naître et hono­rer cette Royauté : la fête du Christ-​Roi, fixée au der­nier dimanche d’octobre.

Je ne peux pas vous trans­crire toute l’Encyclique, et c’est grand dom­mage : c’est une mer­veille. J’insisterai donc sur un point.

Pie XI déclare expres­sé­ment qu’il éta­blit la fête du Christ-​Roi afin de com­battre le laï­cisme. Le laï­cisme, qu’est-ce que c’est ?

Ce n’est pas n’importe quelle forme d’hostilité à l’Église. C’est cette forme d’hostilité à l’Église qui consiste à sou­te­nir que l’État, les ins­ti­tu­tions civiles, les lois, enfin toutes les affaires tem­po­relles, doivent être conçus, construits, conduits en dehors de tout sou­ci chré­tien, de toute influence de l’Église, abso­lu­ment comme si Jésus n’était pas le Seigneur de toutes choses, même des choses de ce monde, comme si l’Église n’existait pas, ou comme si elle n’était qu’une asso­cia­tion pri­vée, dépour­vue de toute auto­ri­té publique.

L’Église, au contraire, enseigne (et c’est le résu­mé de toute l’Encyclique), que l’ordre tem­po­rel lui-​même, la socié­té civile, les ins­ti­tu­tions, les lois, doivent être péné­trés d’esprit chré­tien, et recon­naître ain­si à leur manière la digni­té royale et l’autorité royale de Notre-​Seigneur. Elle déclare qu’il doit y avoir un règne social du Christ, elle veut que les chré­tiens y tra­vaillent, et elle dit qu’autrement il n’y aura jamais de paix dans le monde. Vous voyez assez, mes chers grands, que les évè­ne­ments lui donnent rai­son. Parce que Notre-​Seigneur ne règne pas sur les socié­tés tem­po­relles, c’est la guerre partout.

Certainement, l’État est laïc ! Il l’est comme un car­ré est un car­ré et pas un cercle. Il l’est même quand il est gou­ver­né par un prêtre, par un évêque, par un car­di­nal. Il l’est tout sim­ple­ment parce que sa nature est de s’occuper des choses tem­po­relles et non des choses spi­ri­tuelles. Mais il peut s’occuper chré­tien­ne­ment des choses tem­po­relles, s’en occu­per en bon chré­tien, et c’est ce que l’Eglise lui demande, rien de plus.

Vous-​mêmes, vous êtes des laïques. Pourquoi des laïques ? Parce que, par vos métiers, vous vous occu­pez de choses tem­po­relles, de méca­nique, de menui­se­rie, de bou­lan­ge­rie etc. Est-​ce que cela vous empêche d’être de bons chré­tiens ? Est-​ce que cela vous dis­pense de l’être ? Vous exer­cez chré­tien­ne­ment votre métier, vous ven­dez votre mou­tarde ou vous répa­rez les voi­tures avec hon­nê­te­té, avec conscience, avec la sanc­ti­fi­ca­tion du dimanche ; vous res­pec­tez l’autorité de Dieu et de l’Église, dans vos foyers, dans l’éducation de vos enfants ; vous êtes des laïques et vous êtes des chré­tiens, deux choses qui ne se détruisent pas, qui vont par­fai­te­ment ensemble.

C’est tout pareil pour l’État. On ne lui demande pas de ces­ser d’être laïque, il l’est par nature, on lui demande d’être chré­tien dans sa nature laïque, dans sa laïcité.

Un État qui ne veut pas être chré­tien dans ce qu’il a à faire n’est pas dans la laï­ci­té, il est dans le laï­cisme. S’il pré­tend que parce qu’il est laïque, il n’a pas à être chré­tien, il dit une énorme sot­tise. Vous trou­vez bien le moyen, vous, d’être laïques et d’être chré­tiens ! Pourquoi pas l’État ? C’est un parti-​pris sec­taire et pas autre chose.

De tous les pays du « monde libre », la France est pro­ba­ble­ment le plus infec­té de laï­cisme. Vous vous plai­gnez de beau­coup de choses qui ne vont pas. Dites-​vous bien que les choses ne vont pas, et vont de mal en pis, pour une seule rai­son pro­fonde, pas trois, ni deux, mais une seule, qui est qu’en France l’État n’est pas chré­tien et refuse de l’être. Alors Dieu punit ce refus cri­mi­nel de la royau­té de son Fils Notre-​Seigneur… Nous avons tout mérité !

Et si nous avons quelque espé­rance, mes chers grands, d’être épar­gnés, ce ne peut être qu’à la condi­tion abso­lue de nous puri­fier de tout laï­cisme et de tra­vailler là où nous sommes, selon les occa­sions et selon nos moyens, au règne social de Notre-​Seigneur. Que vos portes soient teintes du sang de l’Agneau, comme celles des Hébreux, quand pas­sa l’Ange exter­mi­na­teur. Pour le salut tem­po­rel et éter­nel de vos enfants et de vos cadets, chan­tez dimanche pro­chain avec l’Église l’hymne du Christ-Roi :

Que les chefs des nations
Vous rendent publi­que­ment hon­neur,
Que les maîtres et les juges vous révèrent,
Que les lois et les arts se res­sentent de vous. 

Abbé Victor-​Alain Berto (Notre-​Dame de Joie)