Brèves considérations sur le chapitre 8 de l’Exhortation pontificale Amoris Laetitia

1. L’Exhortation apos­to­lique frappe par son ampli­tude et son arti­cu­la­tion. Elle est divi­sée en neuf cha­pitres et compte plus de 300 para­graphes. Les ques­tions les plus sen­sibles sont trai­tées au cha­pitre 8 (n° 291–312), à par­tir du n° 293. Après avoir par­lé du mariage et de la famille catho­liques, le docu­ment traite des « situa­tions fra­giles ». Nous nous en tien­drons ici à ce pas­sage si atten­du. Nous n’ignorons pas, bien sûr, d’autres points qui méri­te­raient réflexion et ana­lyse, comme par exemple le n° 250 sur les homo­sexuels, la par­tie sur la dimen­sion éro­tique de l’amour, « mani­fes­ta­tion spé­ci­fi­que­ment humaine de la sexua­li­té » (n°150–152), ain­si que les aspects posi­tifs et plus nor­maux, où le docu­ment rap­pelle la doc­trine du mariage, sa gran­deur, son indis­so­lu­bi­li­té. Tout cela vien­dra en son temps, car, ne pou­vant tout dire en une seule fois, nous dis­tin­guons et … dis­tin­guer n’est pas nier ni oublier !

2. L’Exhortation évoque tout d’abord, les unions pure­ment civiles et le concu­bi­nage, aux n° 293–294 :

« Le choix du mariage civil ou, dans dif­fé­rents cas, de la simple vie en com­mun, n’est dans la plu­part des cas pas moti­vé par des pré­ju­gés ou des résis­tances à l’égard de l’union sacra­men­telle, mais par des rai­sons cultu­relles ou contin­gentes. Dans ces situa­tions il sera pos­sible de mettre en valeur ces signes d’amour qui, d’une manière et d’une autre, reflètent l’amour de Dieu » […] « Toutes ces situa­tions doivent être affron­tées d’une manière construc­tive, en cher­chant à les trans­for­mer en occa­sions de che­mi­ne­ment vers la plé­ni­tude du mariage et de la famille à la lumière de l’Évangile. Il s’agit de les accueillir et de les accom­pa­gner avec patience et déli­ca­tesse. C’est ce qu’a fait Jésus avec la sama­ri­taine (cf. Jn 4, 1–26) : il a adres­sé une parole à son désir d’un amour vrai, pour la libé­rer de tout ce qui obs­cur­cis­sait sa vie et la conduire à la joie pleine de l’Évangile ».

3. Le Pape affirme ici que les unions répu­tées jusqu’ici illé­gi­times sont des « signes d’amour qui, d’une manière et d’une autre, reflètent l’amour de Dieu » et qu’elles peuvent être uti­li­sées comme des « occa­sions de che­mi­ne­ment vers la plé­ni­tude du mariage et de la famille ». L’occasion de péché n’en serait donc plus une, mais devien­drait occa­sion de mariage ? Curieuse théo­lo­gie ! D’où vient-​elle et sur quelles jus­ti­fi­ca­tions doc­tri­nales François pourrait-​il l’appuyer ? Le docu­ment intro­duit ici ce qu’il appelle le prin­cipe de gra­dua­li­té dans la pas­to­rale, et que Jean-​Paul II (dans l’Exhortation Familiaris consor­tio de 1981, au n° 34) avait dési­gné comme une « loi de gradualité » :

« Ce n’est pas une ‘‘gra­dua­li­té de la loi’’, mais une gra­dua­li­té dans l’accomplissement pru­dent des actes libres de la part de sujets qui ne sont dans des condi­tions ni de com­prendre, ni de valo­ri­ser ni d’observer plei­ne­ment les exi­gences objec­tives de la loi ».

4. On joue sur les mots : il est vrai que la pru­dence des pas­teurs doit tenir compte de l’état des âmes ; cette pru­dence peut s’abstenir momen­ta­né­ment de dire aux gens qu’ils vivent mal, mais elle ne doit jamais leur dire pour autant qu’ils vivent bien. C’est une chose de ne pas dénon­cer tout de suite comme tel un état de péché, mais c’en est une autre de dire que ce qui est déjà le mal est un che­mi­ne­ment vers le bien ou que ce qui est contraire à la cha­ri­té est un signe d’amour. Qu’on le veuille ou non, la « loi de gra­dua­li­té » entraîne ici la gra­dua­li­té de la loi et le rela­ti­visme moral.

5. Ensuite, le docu­ment s’attache à ce qu’il désigne comme des « situa­tions irré­gu­lières », c’est à dire la situa­tion des pécheurs publics en géné­ral, spé­cia­le­ment les divor­cés rema­riés, adul­tères publics. Le prin­cipe reste tou­jours le même :

« Il faut évi­ter des juge­ments qui ne tien­draient pas compte de la com­plexi­té des diverses situa­tions » (n° 296) ; « le dis­cer­ne­ment des Pasteurs doit tou­jours se faire en dis­tin­guant atten­ti­ve­ment les situa­tions, d’un regard dif­fé­ren­cié. Nous savons qu’il n’existe pas de recettes simples » (n° 298) ; « Si l’on tient compte de l’innombrable diver­si­té des situa­tions concrètes, comme celles men­tion­nées aupa­ra­vant, on peut com­prendre qu’on ne devait pas attendre du Synode ou de cette Exhortation une nou­velle légis­la­tion géné­rale du genre cano­nique, appli­cable à tous les cas. Il faut seule­ment un nou­vel encou­ra­ge­ment au dis­cer­ne­ment res­pon­sable per­son­nel et pas­to­ral des cas par­ti­cu­liers, qui devrait recon­naître que, étant don­né que le degré de res­pon­sa­bi­li­té n’est pas le même dans tous les cas, les consé­quences ou les effets d’une norme ne doivent pas néces­sai­re­ment être tou­jours les mêmes » (n° 300).

6. S’il est vrai que la pru­dence peut don­ner des solu­tions diverses en fonc­tion des cir­cons­tances, ces solu­tions découlent toutes d’un même prin­cipe. En ce sens, les consé­quences de la norme sont tou­jours les mêmes, pré­ci­sé­ment au sens où elles découlent toutes de la même norme. Si par exemple nous devons sanc­ti­fier le jour du Seigneur (c’est le 3e com­man­de­ment du Décalogue), l’application de cette norme aura pour effet de le sanc­ti­fier, d’une manière ou d’une autre. Ce qui peut varier, éven­tuel­le­ment, c’est la manière dont on va accom­plir en ce jour les actes requis de la ver­tu de reli­gion : en règle géné­rale, ce sera l’acte de l’assistance à la sainte messe ; en cas d’exception où cette assis­tance s’avère impos­sible ou très dif­fi­cile, ce seront des prières pro­lon­gées. Mais dans tous les cas, l’exercice de la ver­tu de reli­gion s’impose néces­sai­re­ment. L’accomplissement du 3e com­man­de­ment res­te­ra à cet égard tou­jours le même. Pareillement, la situa­tion objec­tive des divor­cés est celle d’un péché public d’adultère. Cette situa­tion appelle de la part de tout chré­tien une répro­ba­tion publique, d’une manière ou d’une autre. Quelle que soit la manière publique de réprou­ver, la répro­ba­tion publique s’impose.

7. Tel n’est mani­fes­te­ment pas le point de vue adop­té par le Pape. Il suf­fit, pour s’en rendre compte, de lire ce qui suit :

« Il est mes­quin de se limi­ter seule­ment à consi­dé­rer si l’agir d’une per­sonne répond ou non à une loi ou à une norme géné­rale, car cela ne suf­fit pas pour dis­cer­ner et assu­rer une pleine fidé­li­té à Dieu dans l’existence concrète d’un être humain » (n° 304).

8. Alors, tout prêtre qui exerce le minis­tère de la confes­sion, et qui juge pour cela de la confor­mi­té des actes de ses péni­tents vis-​à-​vis de la loi de Dieu, tom­be­rait dans la mes­qui­ne­rie ? Alors, qui­conque accom­pli­rait son exa­men de conscience en vue de faire une bonne confes­sion devrait encou­rir la répro­ba­tion du pape François ? Si cela peut ne pas suf­fire, cela reste tou­jours néces­saire. Et sou­vent même, cela suf­fit. La sainte Ecriture ne nous enseigne-​t-​elle pas que cette Loi de Dieu est « sainte et imma­cu­lée », qu’elle « conver­tit les âmes » et qu’elle « donne la sagesse aux petits » (Psaume 18, ver­set 8) ?

9. Mais la suite de ce même numé­ro 304 met en évi­dence le sophisme qui est la base de toute cette pas­to­rale renouvelée :

« Certes, les normes géné­rales pré­sentent un bien qu’on ne doit jamais igno­rer ni négli­ger, mais dans leur for­mu­la­tion, elles ne peuvent pas embras­ser dans l’absolu toutes les situa­tions par­ti­cu­lières. En même temps, il faut dire que, pré­ci­sé­ment pour cette rai­son, ce qui fait par­tie d’un dis­cer­ne­ment pra­tique face à une situa­tion par­ti­cu­lière ne peut être éle­vé à la caté­go­rie d’une norme. Cela, non seule­ment don­ne­rait lieu à une casuis­tique insup­por­table, mais met­trait en dan­ger les valeurs qui doivent être soi­gneu­se­ment pré­ser­vées » (n° 304).

10. Comme tou­jours, le sophisme repose sur une confu­sion. Et pour le dis­si­per, il suf­fit de rap­pe­ler une dis­tinc­tion capi­tale. Il est vrai que la loi humaine (civile ou ecclé­sias­tique) ne peut pas tout pré­voir, qu’elle ne peut pas « embras­ser dans l’absolu toutes les situa­tions par­ti­cu­lières » et qu’il y a des cas où l’on est obli­gé de remon­ter au prin­cipe pre­mier de cette loi humaine (qui est la loi divine) pour en déduire la conclu­sion pra­tique non-​prévue par la loi humaine, dans un cas d’exception. C’est l’exemple bien connu de la sanc­ti­fi­ca­tion du dimanche : Dieu dit qu’il faut sanc­ti­fier ce jour et l’Eglise dit qu’il faut le sanc­ti­fier en assis­tant à la messe. En cas d’impossibilité d’assister à la messe, on sanc­ti­fie le jour du Seigneur d’une manière équi­va­lente, par exemple en réci­tant son rosaire ou en lisant et médi­tant les textes de la messe du jour dans son mis­sel. En revanche, dès que l’on est au niveau de la loi divine, on se trouve face à l’œuvre d’un légis­la­teur sou­ve­rai­ne­ment sage et infaillible, tout-​puissant et tout pré­voyant. L’œuvre du légis­la­teur divin a tout pré­vu, abso­lu­ment tout, et la pré­voyance infaillible de Dieu embrasse dans l’absolu toutes les situa­tions par­ti­cu­lières. C’est donc dire que la loi natu­relle et la loi révé­lée de l’Evangile, dans les prin­cipes qu’elles énoncent, ne sau­raient admettre de dis­pense ou de recours. Or, la néces­si­té et l’indissolubilité du mariage font l’une et l’autre l’objet de cette loi divine. Ici, avec la morale du mariage, nous sommes sur le plan d’une loi divine (natu­relle ou révé­lée). Cette loi porte sur des prin­cipes abso­lus qui ne peuvent souf­frir aucune excep­tion : le légis­la­teur qui est Dieu a tout pré­vu, et aucune situa­tion concrète n’a pu échap­per à sa pré­voyance. Comme l’enseigne le concile de Trente, Dieu donne tou­jours à l’homme les moyens d’accomplir ses com­man­de­ments. « Car Dieu ne com­mande pas de choses impos­sibles, mais en com­man­dant il t’in­vite à faire ce que tu peux et à deman­der ce que tu ne peux pas, et il t’aide pour que tu le puisses ». Face à une situa­tion par­ti­cu­lière, le dis­cer­ne­ment pra­tique du pas­teur se doit de confor­mer, tôt ou tard, les actes de ses ouailles à la norme de ce droit divin, natu­rel ou révé­lé. Et il le peut, parce que, jus­te­ment, la grâce de Dieu est suf­fi­sante et effi­cace. C’est ce que l’Eglise a tou­jours dit et fait. Et c’est ce que l’Exhortation de François – pré­ci­sé­ment ici, dans ce pas­sage – esca­mote et nie impli­ci­te­ment, en jouant sur les mots et en intro­dui­sant la confu­sion. L’expression magique d’une « casuis­tique insup­por­table » est à cet égard d’une rhé­to­rique, qui s’exerce au pré­ju­dice du salut des âmes.

11. Le dis­cours du Pape est ici d’une gra­vi­té sans pareille, car dans la pra­tique qu’il auto­rise, au nom d’un « regard dif­fé­ren­cié », il porte un coup mor­tel à la loi divine même. Mise à exé­cu­tion sur tous les points signa­lés plus haut, cette Exhortation pas­to­rale ne sera ni plus ni moins dans les faits qu’une exhor­ta­tion au péché, c’est à dire un scan­dale, et après avoir rap­pe­lé en théo­rie dans les pre­miers cha­pitres (aux n° 52, 62, 83, 123) l’enseignement constant de l’Eglise sur l’indissolubilité du mariage et sur l’efficacité de la grâce sur­na­tu­relle, elle va en favo­ri­ser la néga­tion en pra­tique. Et qu’on n’aille pas nous dire que le Pape affirme ici (au n° 299) qu’il faut « évi­ter le scan­dale », car il reste indé­niable qu’en auto­ri­sant de telles confu­sions, ses pro­pos ne l’éviteront guère.

12. La suite coule de source, mal­heu­reu­se­ment. Après avoir ain­si ren­du pos­sible la rela­ti­vi­sa­tion pra­tique des prin­cipes de la morale catho­lique, il ne reste plus qu’à en tirer pro­fit au béné­fice des pécheurs publics. La solu­tion est d’avance toute trou­vée pour don­ner libre cours aux reven­di­ca­tions libertaires.

13. La norme ultime n’est plus la loi :

« Par consé­quent, un Pasteur ne peut se sen­tir satis­fait en appli­quant seule­ment les lois morales à ceux qui vivent des situa­tions ‘‘irré­gu­lières’’, comme si elles étaient des pierres qui sont lan­cées à la vie des per­sonnes » (n° 305).

14. On appré­cie­ra l’allusion : faire appli­quer la loi, ce serait lapi­der la femme adul­tère, et contre­dire la misé­ri­corde du Bon pas­teur. Pourtant, Celui-​ci lance à l’adresse de la mal­heu­reuse : « Va et ne pèche plus ». Et qu’est-ce que pré­ci­sé­ment le péché, sinon tout ce que l’on peut dire ou faire à l’encontre de la loi de Dieu ? La rhé­to­rique du Pape devrait trou­ver ici ses limites. Mais la suite est plus grave, car elle intro­duit dans un docu­ment pon­ti­fi­cal le prin­cipe pro­tes­tant du libre examen :

« Dans cette même ligne, s’est expri­mée la Commission Théologique Internationale : La loi natu­relle ne sau­rait donc être pré­sen­tée comme un ensemble déjà consti­tué de règles qui s’imposent a prio­ri au sujet moral, mais elle est une source d’inspiration objec­tive pour sa démarche, émi­nem­ment per­son­nelle, de prise de déci­sion » (n° 305).

15. La loi natu­relle n’est donc plus une loi, énon­çant un com­man­de­ment obli­ga­toire. Elle se trouve rava­lée au rang d’un simple conseil, d’un sti­mu­lant ou d’une recom­man­da­tion. Une source d’inspiration. Nous retrou­vons ici la pro­po­si­tion condam­née par le Pape saint Pie X, dans le décret Lamentabili : « La véri­té n’est pas plus immuable que l’homme lui-​même, puis­qu’elle se déve­loppe avec lui, en lui et par lui » (DS 3458).

16. S’il n’y a plus de loi, il n’y a plus de péché, ou plu­tôt, le péché devient indis­cer­nable, au for externe, et nulle auto­ri­té dans l’Eglise ni même per­sonne dans la socié­té ne peut en juger. Dieu seul juge. Qui sommes-​nous pour juger ?… C’est bien là l’expression emblé­ma­tique de François :

« Par consé­quent, il n’est plus pos­sible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une cer­taine situa­tion dite ‘‘irré­gu­lière’’ vivent dans une situa­tion de péché mor­tel, pri­vés de la grâce sanc­ti­fiante » (n° 301).

17. A la rigueur, on pour­rait admettre qu’il « n’est pas pos­sible de nier que quelques-​uns, par­mi tous ceux qui se trouvent dans une cer­taine situa­tion dite ‘‘irré­gu­lière’’, ne vivent pas dans une situa­tion de péché mor­tel, et ne sont pas pri­vés de la grâce sanc­ti­fiante ». Mais on ne sau­rait rete­nir le pro­pos du Pape. Il signi­fie qu’il est impos­sible de consi­dé­rer les unions illé­gi­times comme péché ou occa­sion de péché. Les divor­cés rema­riés et les concu­bins ne doivent donc plus être pré­su­més comme des pécheurs publics. C’est bien cela : qui sommes-​nous pour juger ?… C’est la confu­sion morale la plus com­plète : confu­sion entre le bien et le mal, au niveau des agis­se­ments publics.

18. Si la norme ultime n’est plus la loi de Dieu, c’est la conscience de l’homme qui la remplace :

« La conscience des per­sonnes doit être mieux prise en compte par la praxis de l’Église dans cer­taines situa­tions qui ne réa­lisent pas objec­ti­ve­ment notre concep­tion du mariage. […] Cette conscience peut recon­naître sin­cè­re­ment et hon­nê­te­ment la réponse géné­reuse qu’on peut don­ner à Dieu, et décou­vrir avec une cer­taine assu­rance morale que cette réponse est le don de soi que Dieu lui-​même demande au milieu de la com­plexi­té concrète des limi­ta­tions, même si elle n’atteint pas encore plei­ne­ment l’idéal objec­tif. De toute manière, souvenons-​nous que ce dis­cer­ne­ment est dyna­mique et doit demeu­rer tou­jours ouvert à de nou­velles étapes de crois­sance et à de nou­velles déci­sions qui per­met­tront de réa­li­ser l’idéal plus plei­ne­ment » (n° 303).

19. Le mariage chré­tien reste peut-​être un idéal, aux yeux de l’Eglise ; mais ce qui compte c’est l’idée que la conscience de cha­cun se fait de l’idéal. Ce qui est bon n’est pas ce qui est objec­ti­ve­ment bon, c’est ce que la conscience consi­dère comme bon. Même si l’on sup­pose que la conscience des gens mariés est plus éclai­rée que celle des autres, et se donne un meilleur idéal, c’est la conscience qui fait l’idéal. La dif­fé­rence entre l’idéal des gens mariés et l’idéal des autres est une dif­fé­rence de degré, une dif­fé­rence de plus ou moins grande plé­ni­tude. Nous sommes en plein sub­jec­ti­visme et donc aus­si en plein rela­ti­visme. Le rela­ti­visme découle du sub­jec­ti­visme : la morale de situa­tion, qui est une morale rela­ti­viste, découle d’une morale de la conscience. Et c’est la nou­velle morale de François.

20. L’une de ses consé­quences pos­sibles était fort atten­due. La voi­ci enfin :

« J’accueille les consi­dé­ra­tions de beau­coup de Pères syno­daux, qui sont vou­lu signa­ler que « les bap­ti­sés divor­cés et rema­riés civi­le­ment doivent être davan­tage inté­grés dans les com­mu­nau­tés chré­tiennes selon les diverses façons pos­sibles, en évi­tant toute occa­sion de scan­dale » (n° 299).

21. « Selon les diverses façons pos­sibles » : pour­quoi pas, donc, en les admet­tant à la com­mu­nion eucha­ris­tique ? S’il n’est plus pos­sible de dire que les divor­cés rema­riés vivent dans une situa­tion de péché mor­tel (n° 301), en quoi le fait de leur don­ner la com­mu­nion représenterait-​il une occa­sion de scan­dale ? Et dès ce moment, pour­quoi leur refu­ser la sainte com­mu­nion ? L’Exhortation Amoris lae­ti­tia va net­te­ment dans ce sens. Ce fai­sant, elle repré­sente en tant que telle une occa­sion de ruine spi­ri­tuelle pour toute l’Eglise, c’est à dire ce que les théo­lo­giens dési­gnent au sens propre comme un « scan­dale ». Et ce scan­dale découle lui-​même d’une rela­ti­vi­sa­tion pra­tique de la véri­té de foi catho­lique, concer­nant la néces­si­té et l’indissolubilité de l’union matri­mo­niale sacramentelle.

Abbé Jean-​Michel Gleize, 16 avril 2016

FSSPX

M. l’ab­bé Jean-​Michel Gleize est pro­fes­seur d’a­po­lo­gé­tique, d’ec­clé­sio­lo­gie et de dogme au Séminaire Saint-​Pie X d’Écône. Il est le prin­ci­pal contri­bu­teur du Courrier de Rome. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions doc­tri­nales entre Rome et la FSSPX entre 2009 et 2011.