Il y a Rome… et puis il y a le Vatican et ses fonctionnaires, les gardiens de la loi et du Temple ! Ce n’est pas toujours la même chose, hélas ! Le Vatican d’aujourd’hui manifeste bien souvent un esprit qui n’est pas celui de Rome, cette Rome chantée par Dante, Dom Guéranger, Louis Veuillot, l’abbé Berto, Mgr Lefebvre… et bien avant eux par les Pères de l’Eglise : St Clément de Rome, St Ignace d’Antioche, St Irénée de Lyon, Tertullien, Origène, St Cyprien de Carthage…
Le bon vieux Corneille proclamait déjà que « Rome n’est plus dans Rome, elle est toute où je suis.» (Sertorius. III, 1), et il nous faut, hélas, distinguer entre Rome et le Vatican, entre ce qui vient de Rome et ce qui vient du Vatican ! Et c’est à Rome que nos sœurs ont conduit leurs écoles, en action de grâces et par fidélité à Rome, sous le regard étonné des fonctionnaires du Vatican.
Curieusement, un petit groupe bruyant a critiqué ce pèlerinage : les enfants auraient été forcées, contraintes malgré elles, traînées de force aux pieds du pape… les parents auraient été « rançonnés » pour payer des frais exorbitants… bref, la bêtise rivalise avec la méchanceté, et ceux qui parlent ainsi devraient regarder, lire et méditer les témoignages rapportés par et sur les participantes ! Leur lancer de bérets sur la place St Pierre m’a semblé spontané et plutôt joyeux !
Et il y a encore ceux qui considèrent que les autorités romaines ont agi conformément au droit.
Mais il y a aussi ceux qui s’extasient sur la bienveillance romaine à leur égard.
Il peut donc être utile de rappeler simplement les faits.
Ce pèlerinage était en préparation dans les maisons depuis plus de deux années, et pendant tout ce temps les maisons ont multiplié les préparatifs et tenté de récolter les fonds nécessaires (concerts, représentations, ventes diverses…)
1° phase – C’est le 28 août 2014 que la demande est faite aux quatre cardinaux archiprêtres des basiliques papales, par une lettre sollicitant la possibilité de grandes processions avec prédication et chant du Credo, et de la célébration de la messe, précisant clairement que les aumôniers appartenaient à la Fraternité St Pie X.
Le même jour une lettre d’information est adressée à Mgr Pozzo, secrétaire de la commission pontificale Ecclesia Dei. Celui-ci n’accuse pas réception de ce courrier.
Le 16 septembre le Cardinal Comastri, Vicaire Général de Sa Sainteté pour la Cité du Vatican, et donc archiprêtre de la basilique St Pierre, donne une réponse affirmative, pour tout et surtout pour « la célébration de l’Eucharistie à l’autel de la Chaire » ! Inattendu mais généreux ! Deo Gratias !
Le 1° octobre, le Cardinal Vallini, archiprêtre de St Jean du Latran et Vicaire du diocèse de Rome, répond que « la Fraternité Saint Pie X n’a pas une situation canonique dans l’Eglise », et qu’il « est désolé de ne pouvoir accorder ni la basilique de St Jean du Latran ni aucune autre église du diocèse de Rome pour la célébration de la Sainte Eucharistie ».
2° phase – Les sœurs font parvenir un dossier au pape lui-même, le 1° novembre, pour solliciter son aide dans la situation délicate et difficile où elles se trouvaient. « Comment dire à nos élèves que les églises de Rome leur sont fermées et que nous ne savons pas où elles auront la messe ? Comment leur expliquer que les aumôniers qui leur enseignent le catéchisme, qui leur célèbrent la messe, qui les préparent à leur première communion et les entendent en confession ne pourront pas chanter la messe dans les basiliques romaines ? Cette messe qu’elles préparent aussi avec ferveur depuis tant de semaines et de mois ? Personne, ni elles ni leurs familles ne comprendra. Vous êtes le seul, Très Saint Père, à pouvoir résoudre cette difficulté de la célébration des messes et à permettre ainsi à nos élèves et aux membres de notre Congrégation le bon déroulement de ce pèlerinage. Pour tous il sera alors une occasion providentielle de grandir dans l’amour de l’Eglise et le désir de la servir. Sûres de votre compréhension, Très Saint Père, nous vous demandons humblement votre bénédiction.»
Le pape, qui semble ne s’intéresser qu’à la « périphérie », ne donne ni réponse, ni compréhension, ni bénédiction !
Le 10 novembre, c’est le religieux responsable de la sacristie de Ste Marie Majeure, qui répond par un message électronique, au nom du Cardinal Santos Abril, et accorde trente minutes de présence pour prier et chanter, mais sans célébration de la Sainte Messe : le temps est trop court, et la basilique trop petite pour tant de monde !
Quant au Cardinal Harvey, archiprêtre de St Paul hors les murs, il ne répond pas.
3° phase – le 27 novembre, le secrétaire de la commission pontificale Ecclesia Dei adresse un courrier en réponse à la demande adressée au Pape, transmise à la Secrétairerie d’Etat, puis à la Commission pontificale : aucune difficulté pour accomplir dans les basiliques les « actes pieux du pèlerinage », mais « les permissions données dans des cas déterminés bien particuliers, comme, par exemple, les sanctuaires de Lourdes, sont exceptionnelles, et ne peuvent donc s’appliquer au cas des basiliques papales.», et donc il n’est pas question de messe célébrée par les prêtres de la Fraternité. Il serait possible, toutefois, que la messe soit célébrée par un prêtre en pleine communion, etc…etc… refrain connu !
Et le 28 novembre, le Cardinal Comastri écrit à nouveau pour se dédire et préciser que « le célébrant doit être en pleine communion avec l’Eglise catholique et non membre de la Fraternité ».
Le 13 décembre, les mères se rendent à Rome, se disant disponibles pour une rencontre. Le susdit secrétaire était trop occupé pour recevoir Mère générale ! Il est vrai que la Mère Générale n’avait pas adressé une demande d’audience en trois exemplaires sur papier timbré au susdit secrétaire de la susdite commission ! Elles sont donc reçues le 15 décembre par un sous-secrétaire, official de la même commission. Entretien très cordial, au cours duquel le susdit official propose de fournir des prêtres « idoines », et accorde que les prêtres de la Fraternité puissent être présents dans le chœur en surplis.
Point final…? Non, pas final !
Car le même 15 décembre le susdit secrétaire, trop occupé pour recevoir les mères, a le temps d’imaginer et envoyer un fax à Mgr Fellay, au sujet de ce pèlerinage.
Quelques simples remarques au sujet de ces étranges fonctionnaires du Vatican :
- Je note la puissance et l’empressement du susdit secrétaire à faire obstacle à la bienveillance du Vicaire Général de Sa Sainteté pour la Cité du Vatican, et archiprêtre de la basilique St Pierre, et empêcher la célébration de la Messe à St Pierre !
- Je me demande aussi pourquoi le susdit secrétaire a envoyé un fax à Mgr Fellay, qui n’avait rien à voir dans l’organisation de ce pèlerinage ? Qu’espérait-il ? Une intervention de Mgr auprès des mères ? Une concession de Mgr ? Provoquer un désaccord entre la Fraternité et les sœurs (lui qui ne rêve que d’accord !) ? Eh bien ! c’est loupé !
- Quand le même secrétaire évoque des cas exceptionnels, comme cela est arrivé à Lourdes, qu’entend-il par exceptionnel ? Ce pèlerinage n’avait donc rien d’exceptionnel ? Il est sans doute fréquent de voir de tels pèlerinages à Rome : 200 religieuses et prés de 1000 enfants, parents et amis, en bon ordre, propres et courtoises, venant proclamer leur fidélité à Rome, leur amour de l’Eglise et leur reconnaissance ! Une fois tous les 40 ans… rien d’exceptionnel ?
- A défaut d’une basilique « papale », ne pouvait-on accorder une église de Rome pour la messe ?
- D’après ce que je sais de la vie de l’Eglise actuelle, il me semble que bien des choses sont permises un peu à tout le monde… mais qu’il est un seul péché impardonnable, péché que seules commettent la FSSPX et les sociétés amies : n’avoir pas de reconnaissance canonique !
La politique a donc remplacé la charité, et la rigueur la plus stricte de la lettre du droit canon fait battre le cœur des prélats et fonctionnaires romains, de haut rang ou de bas niveau. Le respect et l’application de la loi – dont tout le monde se contrefiche, y compris le pape – tiennent lieu de vertu suprême. La lettre du droit canon est devenue la norme et la règle de la bonté !
Et certains osent vanter la bienveillance des autorités vaticanes ! Oui, nous avons bien lu : Sous le pontificat du pape François, les communautés liées à la Fraternité Saint-Pie X ont donc le droit de pérégriner en paix à Rome. Je ne sais pas si celui qui a écrit cela croit encore à la valeur irremplaçable de la Sainte Messe, comme si elle était une cérémonie accessoire, et non le cœur d’un pèlerinage ! Pérégrinez mais ne célébrez pas… et il trouve cela admirable !
Le pèlerinage s’est donc déroulé avec ferveur du 9 au 14 février. A défaut d’église, même non papale, la sainte Messe a été chantée chaque jour dans une salle louée pour l’occasion, suffisamment vaste et superbement ornée par les religieuses d’Albano.
Les sœurs ont adressé des remerciements aux cardinaux archiprêtres le 28 février 2015.
Quant au susdit secrétaire de la susdite commission, je ne sais qu’en dire, ou plutôt j’en aurais trop à dire ! Le plus triste est qu’il est prêtre, et même évêque… et qu’il oublie que son sacerdoce lui a été conféré pour ouvrir aux âmes les portes de la grâce, et non pour les fermer, surtout quand il s’agit d’âmes d’enfants !
Et il ose encore faire le généreux ! Il ose parler de bienveillance et vanter ses bonnes dispositions, alors que son action n’a eu d’autre effet que d’empêcher le bien ! Il ose encore prétendre que c’est à la Fraternité de régler ses « problèmes internes », pour que l’accord qu’il désire puisse se faire ! Il feint d’ignorer que le fond de la querelle réside dans des divergences doctrinales, et il feint de nous tendre une onctueuse main dans l’espoir que nous allons croire que tout va bien au Vatican, et que tout le monde nous y attend le cœur grand ouvert et sans arrière-pensée ! Je suis navré mais, outre le fait que le dialogue a été interrompu il y a deux années et que le désaccord est de plus en plus évident, je ne vois pas comment les agissements du susdit secrétaire pourraient inspirer la moindre confiance, quand ses discours les plus doux sont contredits par tous ses actes !« Les paroles lénifiantes sont volatiles, les faits concrets sont bien plus éloquents. »
Alors nous attendrons encore, et lorsque les fonctionnaires du Vatican auront retrouvé le chemin de la Rome éternelle, la Rome qui aime les enfants, lorsque nous pourrons goûter à nouveau « la tendresse romaine pour les petits » (abbé Berto), nous pourrons peut-être nous y retrouver.
Abbé Michel Simoulin, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Source : Le Seignadou de mai 2015