Dans l’avion qui le ramenait du Portugal au Vatican, le 13 mai 2017, le pape François a répondu à une question de Nicolas Senèze, correspondant de La Croix à Rome.
Question : La Fraternité Saint-Pie X a une grande dévotion pour Fatima. Un accord est-il pour bientôt ? Ce serait le retour triomphal de fidèles qui montrent ce que signifie être vraiment catholiques ?
Réponse : J’écarterais toute forme de triomphalisme. Complètement. Il y a quelques jours, la feria quarta de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi – on l’appelle la feria quarta, car elle se réunit le mercredi – a étudié un document. Et le document ne m’est pas encore parvenu. Je l’étudierai.
Deuxièmement, les rapports actuels sont fraternels. L’année dernière, je leur ai donné à tous la permission pour la confession, et aussi une forme de juridiction pour les mariages. Mais déjà avant, les problèmes qui devaient être résolus par la doctrine de la foi, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi les traitait. Par exemple les abus : les abus [sur des mineurs, ndlr] chez eux, ils nous en référaient. Ainsi pour la Pénitencerie. Ainsi pour la réduction à l’état laïc d’un prêtre. Il y a donc des rapports fraternels. Avec Mgr Fellay, j’ai de bons rapports. Nous avons parlé quelques fois. Je ne veux pas brusquer les choses. Cheminer, cheminer, cheminer, et après on verra. Pour moi, ce n’est pas un problème de gagnants ou de perdants, mais de frères, qui doivent cheminer ensemble en cherchant la formule pour faire des pas en avant.
Commentaire : La réponse du pape est brève et quelque peu elliptique. On peut toutefois noter que François récuse le mot « retour triomphal » employé par Nicolas Senèze, auteur en 2008 de La crise intégriste (Bayard). « J’écarterais toute forme de triomphalisme », dit-il avant de conclure : « Pour moi, ce n’est pas un problème de gagnants ou de perdants ».
S’agissant du « document » étudié par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et que le pape dit n’avoir pas encore lu, on est réduit à de simples hypothèses puisqu’il n’indique pas la nature de ce document. Certains conjectureront que ce doit être un projet de statut canonique pour la Fraternité, mais comme il s’agit d’un document examiné par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi on peut plus vraisemblablement penser à un texte doctrinal et non pas canonique. Ce pourrait être la déclaration doctrinale, condition préalable à toute reconnaissance canonique. A ce propos, Mgr Bernard Fellay écrivait à tous les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X, le 1er mars 2017, que l’établissement d’un tel texte doctrinal n’était pas aussi avancé que certaines rumeurs voudraient le faire croire. Et d’ajouter qu’il n’y avait « pas d’accord imminent ».
C’est ce que François fait savoir dans la deuxième partie de sa réponse : « Je ne veux pas brusquer les choses ». Ce qui est conforme aux propos qu’il avait tenus lors de la rencontre accordée à Mgr Fellay, le 1er avril 2016, et que ce dernier avait rapportés au cours du pèlerinage du Puy, le 10 avril suivant : « Si j’ai des problèmes », avait affirmé le pape, « vous aussi vous avez des problèmes, donc il ne faut pas pousser, il ne faut pas créer davantage de divisions, donc on prend son temps ».
Au sujet des rapports avec la Fraternité que le pape juge « fraternels », il en fait savoir la teneur précise : « Je leur ai donné à tous la permission pour la confession, et aussi une forme de juridiction pour les mariages. Mais déjà avant, les problèmes qui devaient être résolus par la Doctrine de la Foi, la Congrégation les traitait. Par exemple les abus : les abus [sur des mineurs, ndlr] chez eux, ils nous en référaient. Ainsi pour la Pénitencerie. Ainsi pour la réduction à l’état laïc d’un prêtre. Il y a donc des rapports fraternels. »
Ces paroles de François ne sont pas sans rappeler les réponses déjà données à Nicolas Senèze par la Commission Ecclesia Dei, le 7 mai précédent : « ‘Mgr Fellay n’a jamais pris aucune décision concernant les délits graves sans en référer à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF) ou à celle pour le clergé pour les renvois de l’état clérical’. ‘Mgr Fellay n’a jamais voulu créer une Eglise parallèle’, explique-t-on, confirmant que la CDF a déjà confié à Mgr Fellay la possibilité de juger en première instance des auteurs d’abus sexuels. » (Voir La Croix, 07/05/17).
Jusqu’à plus ample informé, ce sont là les seuls éléments dont on dispose sur l’état des relations entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X : pas de reconnaissance canonique imminente, et – si elle a lieu – elle nécessite une déclaration doctrinale préalable qui n’est pas encore formulée avec la rigueur requise. Tout le reste relève de la rumeur qui est une source d’information incontrôlable, donc peu fiable.
Sources : KTO/DICI/La Croix – – 26/05/17 /La Porte Latine du 27 mai 2017