Depuis le 15 août, notre prieuré a un nouveau prieur en la personne de M. l’abbé Alain Marc Nély. Faisons un peu connaissance avec lui.
Le fidèle : Monsieur l’abbé, vous voilà de retour au Valais ?
M. l’abbé Nély : Effectivement, je suis de retour puisque c’est au séminaire d’Ecône, où je suis entré en 1979, que j’ai été formé – avec deux années à Albano – et c’est sur la prairie d’Ecône que j’ai reçu l’ordination sacerdotale le 29 juin 1985 des mains de Mgr Marcel Lefebvre, notre vénéré fondateur.
Quel a été votre premier ministère ?
En raison d’une urgence pastorale, j’ai été nommé en novembre 1984, encore séminariste, à l’école Saint-Joseph des Carmes, à Montréal de l’Aude, près de Carcassonne (France), pour y seconder le nouveau directeur et y enseigner la philosophie. Ordonné prêtre en juin suivant, je suis revenu à cette école où je suis resté en tout dix ans.
Après ce ministère, vous avez également été prieur ?
En août 1994, j’ai été nommé prieur du prieuré Saint-Férréol à Marseille et doyen de la région Provence-Alpes-Côte‑d’Azur. A cette occasion, j’ai eu la joie de pouvoir travailler dans une maison qui desservait plusieurs centres de messes et à laquelle était attachée une petite école. Il m’a été donné aussi de veiller sur les prêtres du doyenné et de répondre au désir de notre fondateur d’accueillir dans nos maisons des prêtres fidèles âgés ou infirmes.
Avez-vous un souvenir particulier ?
Le souvenir de Mgr Paul Grasselli (1899–2000), ancien curé de Sainte Agnès à Berkane (Maroc Oriental), prélat du diocèse de Fort-de-France, chapelain de Sa Sainteté depuis 1988, poète à ses heures et qui portait fièrement ses décorations, fut un moment fabuleux dans ma vie sacerdotale. Le contact avec les prêtres qui ont connu la vie de l’Eglise avant les réformes concilaires est très enrichissant.
N’avez-vous pas encore été également supérieur de district ?
Après dix nouvelles années, j’ai été nommé à Albano, près de Rome, à la tête du district d’Italie. Comme le disent nos statuts : « C’est tout un pays qui est confié à l’apostolat d’un supérieur de district. » Telle est la différence essentielle avec la mission d’un prieur, comme je l’ai été à Marseille, et, plus encore, avec celle d’un collaborateur, comme je le fus à Saint-Joseph des Carmes. Etre responsable d’un pays entier, c’est se consacrer moins à l’apostolat direct qu’à tout ce qui rend possible et fructueux l’apostolat, c’est-à-dire les hommes, les lieux et les instruments matériels.
Vous n’avez pu y travailler que deux années, il me semble ?
Effectivement, je n’ai assumé la charge de supérieur de district que deux ans, de 2004 à 2006, puisque le 3ème Chapitre général de la Fraternité Saint-Pie X me choisit comme deuxième Assistant du Supérieur Général, Mgr Bernard Fellay qui fut pour sa part élu pour un second mandat. Il me fallut alors déménager à Menzingen et me consacrer encore moins à l’apostolat direct pour m’occuper des prêtres, des religieux et religieuses, dans le monde entier.
En quoi consistait votre fonction d’assistant du Supérieur général ?
Nos statuts le disent clairement et, de tout mon cœur, j’ai cherché à y être fidèle :
« Le Supérieur Général et ses deux Assistants feront tout ce qu’ils jugeront utile pour préserver entretenir et augmenter dans les cœurs de tous ceux qui ont des fonctions et de tous les membres de la Fraternité une grande générosité, un profond esprit de foi, un zèle ardent au service de l’Eglise et des âmes. A cet effet, ils organiseront et dirigeront des exercices spirituels, des réunions qui aideront la Fraternité à ne pas tomber dans la tiédeur, dans les compromissions avec l’esprit du monde. Ils manifesteront dans leur attitude et leur vie quotidienne l’exemple des vertus sacerdotales. »
La fonction d’assistant vous a donc amené à beaucoup voyager ?
Oui, justement pour manifester à tous les membres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X – présente dans 37 pays et desservant 35 autres pays, soit un nombre de 72 contrées (avril 2018) – cette sollicitude voulue par notre fondateur. Avec le Supérieur général et le 1er Assistant, nous avons prêché de nombreuses retraites, non seulement pour nos membres mais encore pour les communautés amies, donné des conférences aux prêtres, aux fidèles, et cela dans de nombreuses langues. Il m’a fallu pour cela, en plus de l’anglais et de l’italien, apprendre l’espagnol.
Pouvez-vous nous raconter des rencontres originales faites au cours de vos déplacements ?
Il y a, certes, des rencontres étonnantes dans les avions ou les aéroports. Le costume ecclésiastique que je porte permet à ceux que je croise de savoir à qui ils s’adressent. Il m’est arrivé quelquefois – je me souviens précisément de l’aéroport de Tokyo ou de celui de Zurich – de rencontrer des évêques, qui réagissent plus ou moins bien, ou des prêtres qui viennent me voir, ont envie de discuter, veulent connaître la Fraternité. Mais nous passons de l’aéroport au prieuré et du prieuré à l’aéroport dans des délais courts, qui ne laissent pas beaucoup de place aux entrevues inopinées. Une rencontre faite au cours d’un voyage au Vanuatu, au mois de février 2017, me revient à l’esprit.
Nous venions d’ouvrir là-bas une mission dans un village et je voulais rencontrer l’évêque du lieu pour faire sa connaissance. J’arrive donc dans la cour de l’évêché avec l’abbé Louis Bochkoltz, qui s’occupait du Vanuatu, de la Nouvelle-Calédonie et de la Nouvelle Zélande. J’aperçois un monsieur corpulent en maillot bleu, pieds nus dans des sandalettes. Je lui dis que je suis de la Fraternité Saint-Pie X et que j’aimerais rencontrer l’évêque. « Ah non ! Il n’a rien à faire avec vous, me répond-il, vous êtes hors de l’Eglise… » « Mais qui êtes-vous ? » lui dis-je alors. « Je suis l’évêque… » « Monseigneur, je suis désolé, je suis l’abbé Nély, deuxième Assistant, etc. » « Mais vous venez dans mon diocèse mettre la pagaille », me répond-il. « J’ai rencontré le Saint-Père il y a quelques jours, il a été beaucoup plus agréable que vous ! » lui ai-je rétorqué. Je lui montre une photo sur laquelle je suis avec le pape François. Changeant alors complètement d’attitude, il m’a dit à ce moment-là qu’il nous tolérait, et nous nous sommes quittés là-dessus. Je lui ai alors promis de lui envoyer un petit mot de Rome lors de mon prochain séjour…
La fonction d’assistant vous a donc aussi amené à avoir des contacts avec les autorités romaines ?
Nous avons été associés aux contacts que le Supérieur Général avait avec Rome. Il y a eu des moments très difficiles, comme ceux qu’a connus notre fondateur en 1987–1988, juste avant les sacres épiscopaux. Mais ce qui avait changé, c’est le rôle néfaste d’internet : les propos du moindre prédicateur étaient connus du monde entier en quelques minutes…
A propos de ces contacts avez-vous senti, après les avancées du pape François (à propos des confessions, des mariages…), un changement d’attitude des évêques ?
Plusieurs évêques en France ont transmis tout pouvoir pour les mariages à la Fraternité : Mgr Alain Planet, évêque de Carcassonne et Narbonne, Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon et Mgr Luc Ravel, archevêque de Strasbourg (et co-consécrateur de Mgr Jean-Marie Lovey). Un évêque en Nouvelle Zélande l’a fait également, et le nonce en Argentine a écrit à tous les évêques pour leur demander de laisser à la Fraternité les coudées franches. Et bien d’autres…
L’évêque de Sion, Mgr Jean-Marie Lovey, n’a‑t-il pas agit de même ?
Dans un premier temps oui, il déclara à M. l’abbé Pascal Schreiber qu’il donnerait sans difficulté la délégation à tous les prêtres de la Fraternité mais qu’il souhaitait que les mariages aient lieu dans nos églises ou chapelles (juin 2017). Puis il promulga un décret rendant « obligatoire l’utilisation des documents officiels de l’Eglise diocésaine » (17 août 2017). Comme les formulaires diocésains divergent sur quelques points des nôtres (qui reprennent en général les formulaires diocésains d’avant le Concile Vatican II), en ce qui regarde notamment l’ordre des finalités du mariage, nous souhaitions pouvoir conserver les nôtres. De plus, il nous était demandé d’inscrire nos mariages dans les registres paroissiaux (décembre 2017). Par ce procédé, Mgr Jean-Marie Lovey veut faire des mariages célébrés par les prêtres de la Fraternité des mariages diocésains. Cela nous semble contraire à ce qu’a voulu nous accorder le pape.
Une dernière question pour terminer : connaissez-vous déjà vos collaborateurs ?
J’ai connu l’abbé Pierre-Marie Maret au séminaire puisqu’il a été ordonné deux ans après moi. De plus, séminariste, je donnais des cours de catéchisme à Martigny et l’actuel abbé Claude Pellouchoud a été mon élève. Je ne connais pas encore beaucoup le frère Michel, mais je suis soulagé de constater qu’il parle un peu le français. L’allemand est une langue que je n’ai malheureusement pas eu le temps d’apprendre…
Nous vous souhaitons la bienvenue et espérons que les fidèles sauront profiter de toute votre expérience pour « ne pas tomber dans la tiédeur, dans les compromissions avec l’esprit du monde ».
Vous pouvez compter sur moi pour faire tout mon possible, avec la grâce de Dieu et l’aide de mes précieux collaborateurs, « pour préserver entretenir et augmenter dans les cœurs de tous une grande générosité, un profond esprit de foi, un zèle ardent au service de l’Eglise et des âmes. » Avec mes collaborateurs, nous nous recommandons par contre à vos ferventes prières. Avec ma bénédiction sacerdotale.
Sources : Mitis et Humilis (1) n° 74 /La Porte Latine du 30 octobre 2018
(1) Bulletin des chapelles de Sion et Sierre – Prieuré du Sacré-Cœur – Route des Lacs 25 – 3960 Sierre (VS) – tél. 027 455 53 22)