A l’issue de la messe : les abbés Patrick de La Rocque (Prieur de Toulouse), Patrick Troadec
(Directeur du séminaire de Flavigny) et Régis de Cacqueray-Valménier (Supérieur du district de France).
La Porte Latine : Monsieur l’abbé, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de LPL ?
Abbé Le Noac’h : Ordonné prêtre en 1993, à l’âge de 32 ans, j’étais entré au séminaire en 1987, l’année « chaude » des sacres, après des études un peu sinueuses : après avoir commencé médecine, je m’étais ensuite orienté vers le formation d’expertise comptable.
C’est alors que, sur les chemins de Paris à Chartres, le Bon Dieu m’a très soudainement ouvert les yeux sur la voie du sacerdoce que je n’avais jamais envisagé jusqu’alors.
Dès mon ordination, j’ai eu la chance d’être nommé dans une école, ce qui était mon souhait le plus cher. La Providence m’a amené dans ce beau pays dominicain ! Après plusieurs postes différents dans l’école, j’ai pris en 2002 la succession de Monsieur l’abbé de Caqueray à la tête de l’établissement.
Comment- avez-vous réagi à l’annonce de votre nomination ?
J’avoue avoir longuement hésité à l’époque avant de donner ma réponse (Mes Supérieurs avaient eu la délicatesse de me demander si j’étais prêt à prendre la direction de l’école); car il est vrai que lorsque l’on se retrouve directeur, on ne peut bien évidemment plus remplir son rôle d’éducateur de la même façon, d’une part parce que les obligations administratives nous en détourne, d’autre part parce que le directeur se doit de prendre un certain recul. Je ne vous cache pas que j’aurais de loin préféré rester dans ce rôle, mais la volonté du Bon Dieu était autre.
N’est-ce pas difficile de succéder à l’abbé de Cacqueray après 10 ans de forte présence de sa part ?
Tout à la fois oui et non. Oui parce qu’on a forcement dans une telle situation des craintes légitimes de ne pas être à la hauteur, d’être continuellement comparé à son prédécesseur. Non, parce que d’un autre coté, on se trouve à prendre en main une ouvre qui est « sur des rails », pour laquelle il n’y a plus qu’à entretenir le flambeau. D’autre part, je savais pouvoir continuer à compter sur l’appui de celui qui est resté à l’époque mon supérieur direct, M. l’abbé de Cacqueray !
Cette école St-Joseph, quelle est son histoire ?
On peut vraiment dire que c’est Saint Dominique qui a présidé à la naissance de l’école Saint-Joseph. Ce sont en effet les Sœurs Dominicaines du Saint Nom de Jésus (« Dominicaines de Fanjeaux ») qui ont, à la demande de parents désireux de trouver un enseignement catholique pour leurs garçons, commencé voici trente ans une petite école, un an après avoir débuté l’école pour les filles. Lorsque ces garçons ont commencé à grandir, les Sœurs ont demandé à S.E. Mgr Lefebvre de reprendre l’école. La Fraternité Saint Pie X a alors acquis un ancien domaine viticole, le domaine des Carmes, pour s’y installer. L’école Saint-Joseph des Carmes était née.
L’équipe qui vous entoure se compose comment ?
J’ai pour m’assister dans ma tâche quatre collaborateurs prêtres, messieurs les abbé Chrissement, Marcille, de Lacoste et Frament, ainsi que deux frères, le Frère Jean-Baptiste et le Frère Jean-François qui nous sont d’une aide fort précieuse. A coté de cela, nous sommes aidés par une dizaine de salariés et de nombreux bénévoles qui assurent une partie importante de l’enseignement ainsi que le bon fonctionnement de l’école.
Nous avons vu que la promotion 2006 des vocations comptait un nombre important d’élèves issus des écoles de la FSSPX : qu’en est-il pour St-Joseph-des-Carmes ?
Le 2 février dernier, ce sont cinq anciens élèves et un ancien surveillant de l’école qui ont pris la soutane. Si dans la passé nous sommes passés par ce qu’il faut appeler des années de « vaches maigres », je pense que nous recueillons maintenant le fruit d’un long travail de patience. Mais n’est-ce pas la principale vertu qu’un éducateur doit avoir ?
Outre les vocations religieuses et sacerdotales, la formation de familles chrétiennes est vraiment très importante. Quel est le bilan après 25 années d’existence ?
Je dirais qu’il est mitigé. D’un coté, il est très réconfortant, car on a la joie de voir des familles profondément chrétiennes, qui sont le fruit de l’éducation reçue dans nos écoles, dont plusieurs ont d’ailleurs tenu à montré leur attachement à l’école qui a été la leur en venant nous entourer aujourd’hui. Mais à coté de cela, on a aussi assisté à des chutes retentissantes, qui nous montre à quel point le monde est capable en peu de temps de mener à la ruine le travail de quinze ou vingt ans d’éducation chrétienne.
Dans son sermon, l’abbé de Cacqueray a déclaré que votre région comptait une densité de fidèles de la Tradition très importante, sinon la plus importante en France : quelle est votre explication ?
La proximité des deux écoles, Saint-Joseph-des-Carmes et Saint-Dominique-du-Camazou, ont naturellement conduit de nombreuses familles à s’en rapprocher, d’une part pour des raisons financières (nos écoles hors-contrat, bien qu’étant les moins chères du « marché », sont une charge énorme pour les familles nombreuses), d’autre part, pour chercher à favoriser la vie familiale. Pour un certain nombre, sans doute y a‑t-il aussi le désir de retrouver une qualité de vie plus saine en quittant les zones urbaines.
Quelles sont vos relations avec les autorités civiles et religieuses ?
Elles sont courtoises. Les années ont fini par venir à bout de pas mal d’hostilité. Comme dans plusieurs autres endroits en France, on se rend compte que les autorités religieuses nous considèrent maintenant autrement, dans le diocèse de Carcassonne. Depuis deux ans, S.E. Monseigneur Planet nous autorise à célébrer la messe de notre pèlerinage annuel dans la basilique Notre Dame de Marceille à coté de Limoux.
Nous avons déjà fait mention des résultats exceptionnels obtenus par votre école : avez-vous une recette ?
Il n’y a d’autre recette que celle-là : donner à nos chère « têtes blondes » une éducation vraiment chrétienne. Après, tout le reste suit. Mais encore faut-il bien sur pour cela ne pas se contenter de donner à nos enfants seulement une instruction, mais une véritable éducation, ce que ne fait plus l’enseignement « officiel ». A ce titre, le ministère de « l’Education Nationale me semblait bien plus justement nommé lorsqu’il s’appelait « ministère de l’Instruction Publique ».
Votre appel à l’aide pour réparer des toitures « passoires » a‑t-il été entendu ?
Des toitures qui, si vous me le permettez, sont plus que de simples passoires : je demeure persuadé que nous ne sommes pas passés loin d’un drame qui a été évité de justesse grâce aux Saints Anges Gardiens. L’idée m’a pris en effet d’aller les vérifier quelques heures seulement avant qu’elles ne soient recouvertes par 20 cm de neige. Si les toitures n’avaient pas été étayées entre temps, elles seraient probablement tombées sur la tête de nos garçons ! Les fidèles ont comme toujours été bien généreux, mais la charge est très lourde (au moins 160 000 euros), puisqu’il faut refaire intégralement deux toitures (soit 500 m² !) et consolider une troisième (260 m²). Inutile de dire que toutes les générosités sont encore les bienvenues.
Avez-vous un message particulier à faire passer à nos lecteurs ?
Ce message sera surtout à l’intention des pères et mères de famille ou futurs pères ou mères de famille pour les engager à vraiment prendre à cour l’éducation de leurs enfants. Qu’ils ne démissionnent pas de leur tâche, car nul ne peut les remplacer. Trop nombreux sont ceux qui s’imaginent avoir tout fait en confiant leurs enfants à une bonne école. Ceux-là oublient trop vite qu’ils ont un rôle essentiel et premier. Même si les enfants sont plus longtemps à l’école qu’à la maison, nous ne sommes que des collaborateurs dans l’éducation de leurs enfants. Ce qu’ils n’ont pas fait dès les premières années ou ce qu’ils ne font pas lorsque les enfants rentrent à la maison, nous ne pourrons jamais le rattraper complètement. Qu’ils méditent la parabole des talents. Leurs enfants sont un trésor que le Bon Dieu a mis entre leurs mains.
Abbé Jérôme LE NOAC’H