La Porte latine : Monsieur l’abbé de Cacqueray, vous voilà Supérieur du District de France depuis maintenant bientôt deux ans, pouvez-vous d’abord nous retracer votre itinéraire personnel, préalable à vos responsabilités actuelles ?
Abbé Régis de Cacqueray : Ordonné en 1992, j’ai tout de suite été nommé à l’école Saint-Joseph des Carmes dans l’Aude, d’abord comme collaborateur de Monsieur l’abbé Vannier pendant deux ans, puis comme directeur à partir du 15 août 1994. Mon apostolat s’est ensuite étendu sur la région Sud lorsque m’a été confiée la responsabilité du doyenné de Toulouse en 1997. Cette période de mes dix premières années sacerdotales m’a permis à la fois de goûter les bienfaits de la stabilité, dans l’exercice du ministère sacerdotal, et de m’occuper de fonctions variées aussi bien dans le cadre d’une école secondaire (Saint-Joseph des Carmes), d’une école primaire (Saint-Jean Bosco à Toulouse) que dans l’apostolat du prieuré. J’ai été cependant particulièrement marqué par le rôle essentiel que doivent remplir nos écoles pour une transmission profonde de la Foi et de nos convictions aux nouvelles générations.
La Porte latine : Votre champ d’apostolat se trouve aujourd’hui considérablement élargi ; pouvez-vous nous dire où en est la Tradition en France ?
Abbé Régis de Cacqueray : Sous la houlette de Monsieur l’abbé Laurençon, le District de France de la Fraternité s’est fortement consolidé. Mon prédécesseur a veillé à renforcer les communautés existantes pour que les prieurés deviennent de véritables maisons religieuses, tels que les souhaitait Monseigneur Lefebvre. Peu à peu, cette fortification de nos bastions procure les avantages souhaités. La présence de frères ou de sœurs communique à nos maisons une atmosphère religieuse, contre-poison nécessaire pour résister à l’esprit du monde dans lequel nous nous trouvons. Je suis heureux de saluer ici l’apostolat des de notre Fraternité. Des maisons aussi importantes que celle de Suresnes (Maison du Supérieur de District) ou celle du Pointet (maison qui accueille près d’un millier de retraitants chaque année) sont entièrement tenues par les sœurs de la Fraternité.
Je me réjouis de voir par ailleurs un nombre croissant de postulants frères au noviciat de Flavigny. C’est sans doute là le signe d’une meilleure compréhension de la grandeur de cette vie religieuse chez les jeunes gens qui jusqu’alors avaient tendance à considérer qu’on pouvait devenir « frère » quand on n’avait pas les capacités ou les dispositions pour devenir prêtre.
La Porte latine : Vous n’avez donc pas l’intention de fonder de nouvelles maisons dans les années à venir ?
Abbé Régis de Cacqueray : Certains projets sont déjà lancés et je les reprends volontiers, certain que la Providence nous faisait signe de nous y engager. En particulier, nous avons entièrement repris en septembre 2003 dans l’Ain, ce qui représente tout de suite un fort investissement. Deux prêtres s’y trouvent déjà et il faut pouvoir en placer un troisième aussi rapidement que possible. Par ailleurs, ne peut plus faire face au nombre croissant de demandes qu’elle reçoit et nous sommes donc en train d’aménager une grande propriété en Anjou destinée à devenir prieuré et maison de retraites. Nous espérons qu’elle sera opérationnelle dès septembre 2005. Comme vous le constatez, si l’accent est mis sur la consolidation, le développement se poursuit quand même ! Rien que sur la dernière année, cinq nouvelles chapelles ont été bénies au Havre, à Alençon, à , à Nancy et à Pontchardon (près de Blois) et il y aura encore très prochainement (mais cela, je ne l’apprends pas à La Porte Latine)
La Porte latine : Effectivement, la volonté de consolider n’exclut pas une expansion rapide…
Abbé Régis de Cacqueray : Oui – Et je n’ai pas parlé du gros chantier de Toulon où nous sommes en train de restaurer une grande et belle église dédiée à sainte Philomène ou encore du nouveau prieuré acheté à Brest sans compter plusieurs autres projets qui devraient aboutir dans les années à venir.
La Porte latine : Au total, combien avez-vous de prêtres et de maisons dans le District ?
Abbé Régis de Cacqueray : Il y a environ 140 prêtres qui sont répartis sur 35 prieurés et une vingtaine d’écoles. Depuis ces prieurés, chaque prêtre est amené à desservir une ou plusieurs chapelles. La plupart des départements français bénéficient ainsi de l’implantation d’un ou plusieurs centre(s) de messes. Malheureusement, il existe aussi plusieurs départements où des communautés existent bien mais sont vraiment dépourvues de tout secours spirituel. C’est par exemple le cas de l’Aveyron où je vais me rendre cet été pour encourager les fidèles à tenir bon sans pour autant pouvoir leur promettre la venue prochaine de prêtres. Autre exemple, nos prêtres se rendent trois fois par an sur l’île de La Réunion où résiste une communauté bien vaillante mais dépourvue de sacrements presque toute l’année.
La Porte latine : Nous ne nous rendons sans doute pas compte de la chance que nous avons, pour la plupart d’entre nous au moins, en France métropolitaine.
Abbé Régis de Cacqueray : Pour la génération qui suit celle de la prise de Saint-Nicolas, il est vrai qu’il existe une difficulté à lui faire prendre conscience de ce combat incroyable qui a été mené. Les enfants sont aujourd’hui nombreux à entrer tout naturellement en maternelle dans une école de la Tradition et à en sortir en terminale. L’assistance à la messe traditionnelle est naturelle pour eux et les distances à parcourir pour trouver une chapelle ne sont pas toujours bien significatives de l’âpreté du combat qu’il a fallu pour les ouvrir. Familles et écoles ont donc un rôle d’autant plus important pour leur transmettre l’argumentation de fond qui leur montre vraiment la crise que nous traversons. Sans cette formation, il existe un véritable danger d’assoupissement contre lequel nous devons lutter en permanence.
La Porte latine : Comment envisager cette lutte ?
Abbé Régis de Cacqueray : « Prière, Formation, Action », ce n’est pas nouveau. Je me réjouis particulièrement de voir de nombreux laïcs s’agréger à des tiers-ordres ou à des confréries. Leurs engagements sont en effet l’aboutissement d’une réflexion profonde : ils comprennent l’importance, en raison de la crise et pour soutenir la Fraternité et toute la Tradition, d’accepter une vie spirituelle plus intense. Leur générosité comprend qu’elle pourra davantage se mettre au service de ce combat en faisant partie d’une milice sainte et en recevant tous les trésors surnaturels d’une famille spirituelle dans laquelle ils ont décidé d’entrer. Je citerai le , dont les statuts et les règles ont été rédigés par Monseigneur Lefebvre, comme un modèle d’exigences surnaturelles bien adaptées à la vie des laïcs dans le monde contemporain. Elles sont certes réalistes, parce qu’elles tiennent compte du temps réduit dont disposent nos fidèles, mais suffisantes pour faire face aux ravages causés par la modernité décadente.
Les bons ne manquent pas non plus. Rien ne peut remplacer cette assimilation personnelle que chacun doit faire des ouvrages de base pour comprendre la crise de l’Église. Si la réaction traditionnelle fut provoquée au début chez beaucoup par l’écœurement contre les abus multiples qui se produisaient, l’argumentation qui a été développée depuis des années sur ces sujets permet désormais de justifier magistralement ce rejet initial des nouveautés théologiques ou liturgiques. A la réfutation des erreurs modernes, il faut joindre une réflexion, appuyée sur l’enseignement des papes, pour mener notre œuvre de restauration et de reconquête.
Car nous nous devons tous de participer également à une action apostolique pour soutenir les œuvres de la Tradition et développer un zèle missionnaire. Il importe également à la Fraternité de rappeler à ses fidèles leur devoir de s’engager dans un combat politique vraiment catholique. Elle ne peut qu’encourager à ce sujet les initiatives courageuses de .
La Porte latine : Et les relations avec Rome ?
Abbé Régis de Cacqueray : C’est un domaine qui est évidemment réservé à notre Supérieur Général. Le District, de son côté, par la succession de symposiums successifs sur Vatican II (le troisième aura lieu en octobre 2004), cherche à fournir une somme de travaux théologiques conséquents susceptibles d’alimenter l’inévitable débat qui doit avoir lieu avec les autorités romaines et que la Fraternité est disposée à engager lorsqu’elles le voudront bien. Mais pour le moment, rien de bien nouveau. Nous attendons par exemple toujours une réponse à la plaquette « De l’œcuménisme à l’apostasie silencieuse » envoyée à tous les cardinaux à la fin du mois de janvier…
La Porte latine : Un dernier mot sur le pèlerinage 2004 ?
Abbé Régis de Cacqueray : Volontiers ! Nous attendons la venue de tous nos fidèles pour ce qui est le plus grand rendez-vous de la Tradition. Nous vous attendons spécialement nombreux cette année tant pour la célébration du cent-cinquantième anniversaire de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception que pour manifester notre réprobation contre la suppression d’un lundi de Pentecôte toujours bien menacé. Enfin, les volontaires sont également attendus à notre grande marche catholique de cet été qui nous amènera à le dimanche 8 août prochain.
Abbé Régis de Cacqueray †