Notre-Dame du Bon Succès à Quito, qui fait mention de la crise de la foi au 20e siècle
A l’occasion de son passage en France, monsieur l’abbé Gomis nous a donné un aperçu de son apostolat outre Atlantique.
La Porte Latine : Cher confrère, vous avez été ordonné en 2004. Quel a été votre parcours depuis lors ?
Le jour de mon ordination (quelques instants avant, pour être exact !) j’ai appris ma nomination dans le District d’Amérique du Sud de la Fraternité, au prieuré de Córdoba, situé au cœur de l’Argentine. Ne connaissant pas un mot d’espagnol et n’ayant jamais mis les pieds en Amérique du Sud, la découverte a donc été complète ! J’avoue avoir eu un peu d’appréhension dans les débuts, mais l’accueil chaleureux des confrères et des fidèles argentins m’a beaucoup aidé à prendre mes marques.
Après avoir exercé 4 ans d’apostolat à Córdoba comme vicaire et directeur d’une petite école, j’ai passé un an dans notre prieuré de Mendoza, au pied des Andes, avant de rejoindre le Siège du District situé à Martinez, dans la banlieue nord de Buenos Aires. J’y suis désormais depuis plus de 10 ans, exerçant, entre autres, les fonctions de secrétaire.
Européen en Argentine, faut-il vous considérer comme un « missionnaire » ?
L’Amérique du sud reste, dans son ensemble, imprégnée de catholicisme. Le terme de « missionnaire », dans le sens d’évangélisation de terres païennes, ne s’y applique que relativement. En Argentine, la foi catholique est encore prédominante, même s’il faut déplorer le développement de fausses religions comme les églises évangéliques, les mormons, les Témoins de Jéhovah ou de certaines superstitions païennes comme la dévotion au « gauchito gil » ou à la « difunta correa ». Les conditions de l’apostolat dans nos prieurés se rapprochent en général de ce que nous connaissons en Europe, avec cependant quelques apostolats plus proches de « l’ambiance mission » : bidonvilles, végétation luxuriante, paganisme ambiant… Certaines zones rurales rappellent sans difficulté la jungle gabonaise et ses villages !
Peut-on qualifier votre apostolat de « paroissial » ? quelle est la journée type d’un prêtre de la Fraternité en Amérique du Sud ? quels souvenirs vous ont marqué ?
Dans l’ensemble notre apostolat est plutôt paroissial, même si l’enseignement scolaire fait également le quotidien de certains prieurés, comme c’est le cas à La Reja, à Córdoba ou à Mendoza. L’emploi du temps de nos prêtres suit, à peu de chose près, les horaires habituels de la Fraternité dans le monde avec un lever à 6h00, quatre temps de prières en commun (6h30, 12h15, 19h30 et 21h00), et les repas de communauté (8h, 12h30 et 20h). Le reste du temps est consacré à l’apostolat.
Une des choses qui m’a le plus frappé en arrivant en Amérique du Sud, ce sont les distances. Arrivé à Buenos Aires le 21 septembre 2004, je partais en bus le lendemain soir pour Córdoba :12 heures de route pour faire 700 km… Car, à l’époque, il n’y avait pas d’autoroute. Nommé à Mendoza, il me fallait parfois faire de 15 à 17 heures de bus pour rejoindre Buenos Aires à l’occasion des réunions sacerdotales… Ça change de la France ! Dans notre district les distances entre les prieurés ou pour rejoindre les centres de messe peuvent être très importantes. Par exemple, nous desservons actuellement le Pérou depuis Buenos Aires et il faut plus de 4 heures d’avion pour couvrir les 3000 km séparant les deux villes… J’ai personnellement dû prêcher une retraite en Équateur il y a quelques mois et il m’a fallu plus de 10 heures d’avion, avec deux escales, pour rejoindre Quito…
Un autre aspect m’a beaucoup marqué dans les débuts : la bienveillance générale envers le prêtre. Habitué à l’indifférence vis-à-vis de la soutane en France, j’ai été surpris en arrivant en Argentine de me faire régulièrement aborder dans la rue par des personnes souhaitant une bénédiction, une prière pour un proche, voire même une confession ! Il m’est arrivé d’administrer le sacrement de pénitence en plein centre-ville, au milieu d’une foule grouillante, assis sur un banc public… De même, il est très encourageant de voir le crucifix trôner encore dans les tribunaux, même si cela tend à se raréfier. J’ai pu moi-même bénir une statue de la Sainte-Vierge qui devait être introniser dans un tribunal public. Certains de nos fidèles ont même obtenu qu’une prison de l´état soit solennellement consacrée au Cœur Immaculé de Marie par le Directeur, devant tous les gardiens rassemblés au garde-à-vous ! Choses impensables dans notre France laïque…
Enfin, parmi les souvenirs d’apostolat les plus marquants, il faut également compter les interventions fréquentes et parfois extraordinaires de la Sainte-Vierge, spécialement dans certains cas difficiles. Par exemple cette dame de 97 ans qui, ayant vécu presque toute sa vie dans une situation matrimoniale irrégulière, refusait la confession depuis des années. Ayant reçu le scapulaire vert, elle accepte finalement de se confesser et meurt une heure après la réception des sacrements… ou encore cette personne dans le coma, vivant depuis longtemps dans le péché, qui se réveille et accepte de se confesser après que l’on ait dit à son chevet dix Ave Maria… ou bien ce Monsieur, récalcitrant à la confession, qui change brusquement d’avis après avoir reçu la médaille miraculeuse… Le pouvoir de Marie sur les âmes est très grand et c’est une des plus grandes joies du prêtre de pouvoir en être l’instrument et le témoin.
Quelle est la situation de l’Église et du clergé en Argentine ? en Amérique du Sud ?
La situation de l’Église en Amérique du Sud n’est pas très fleurissante. Bien que des paroisses jouissent encore d’une certaine jeunesse et vitalité, d’un point de vue doctrinal la tendance est à la « théologie du peuple », soutenue par le Pape François. Les vocations sont peu nombreuses et, selon les pays, l’état du clergé peut vraiment être catastrophique, tant du point de vue doctrinal que moral.
Devant la tombe de Garcia Moreno, un exemple de chef d’Etat catholique
Et la Tradition dans tout cela ? est-elle audible ? avez-vous des contacts avec le clergé ?
En Amérique du Sud, l’importance de la Tradition est minime. Sur l’ensemble de cet immense continent, nous comptons environ 4000 fidèles répartis sur 8 pays. Les contacts avec les évêques locaux sont plus ou moins amicaux selon le cas, mais il est vrai que nous jouissons d’un certain « état de grâce » auprès des évêques argentins, en raison des mesures bienveillantes du Pape envers la Fraternité au cours de ces dernières années.
Quelles sont les perspectives du district (fidèles, vocations, écoles) ?
Il est consolant de voir que notre district est en pleine croissance ! Ce développement est dû aux nombreuses naissances dans les foyers traditionnels ainsi qu’au rapprochement de fidèles venant des paroisses voisines. Beaucoup de catholiques conservateurs se tournent vers nous, lassés par le libéralisme doctrinal et moral de leur paroisse. Il est fréquent de voir de nouvelles têtes dans nos églises le dimanche. Nos écoles grandissent également, soutenues par la générosité de nos bienfaiteurs de France et d’ailleurs, que je me permets de remercier ici chaleureusement. La présence des Mères Dominicaines de Brignoles à Córdoba et à La Reja est une aide extraordinaire à la formation des foyers et des vocations de demain.
L’Amérique du Sud est une terre généralement bien disposée à la réception de la Tradition, mais il nous faudrait davantage d’ouvriers pour y répandre l’Évangile ! Grâce à Dieu nous avons des vocations, puisque cette année verra l’ordination de 4 prêtres argentins. Mais nous sommes loin d’arriver à combler tous les besoins de l’apostolat.
Un confrère ayant passé quelques temps là-bas me disait qu’en communauté, ils ne mangeaient pas de la viande tous les jours : quelles sont les conditions matérielles de votre apostolat ?
A ce propos, je me souviens d’un épisode en 2004, au tout début de mon apostolat à Córdoba. Deux ans plus tôt, l’Argentine avait été secouée par une forte crise économique et lors de mon arrivée les conséquences en étaient encore largement perceptibles, particulièrement sur le montant des quêtes dominicales… J’arrivais d’Écône, où j’avais, pendant quelques temps, rempli l’office de sacristain. Lorsqu’il fallait renouveler la réserve de cierges pour l’autel, nous faisions généralement des provisions pour six mois ou plus, ce qui représentait nécessairement un budget conséquent. Arrivé à Córdoba, mon prieur me charge de m’occuper de la réserve des bougies… pour la semaine ! Car la quête du dimanche ne permettait pas plus… à moins de se serrer la ceinture. Heureusement, ces temps difficiles se sont atténués, mais il est vrai que certains prieurés vivent dans des conditions assez spartiates. C’est par exemple le cas du prieuré de Córdoba qui n’a pas les moyens de se payer le chauffage pendant l’hiver, malgré une température extérieure pouvant descendre en dessous de zéro…
D’une manière générale, nos moyens sont inférieurs à ceux que nous avons en Europe, et cela se fait sentir tout particulièrement dans les écoles, qui ne survivent que grâce à l’aide de nos bienfaiteurs d’outre-Atlantique.
Jusqu’au séminaire, vous avez reçu votre formation catholique dans le Nord, au prieuré de Croix et à l’école de Camblain‑L’Abbé : quels souvenirs vous ont marqué ? Quelles bonnes leçons, utiles aujourd’hui, en avez-vous tiré ?
J’ai effectivement eu la grâce d’être baptisé par un prêtre de la Fraternité, de grandir à l’ombre de notre prieuré de Croix, de recevoir la confirmation des mains de Monseigneur Lefebvre et d’intégrer notre école de Camblain‑l’Abbé dès la classe de sixième. Je remercie le Ciel pour les grâces sans nombre qui m’ont été données par l’intermédiaire de notre Congrégation et des prêtres qui s’y dévouent. Je pense que l’on ne se rend vraiment compte du trésor reçu qu’après coup, lorsque l’on se retrouve au milieu de ce monde qui nous entoure, déboussolé, matérialiste, triste et désespéré. Avoir reçu une éducation profondément catholique, dans une école catholique n’a pas de prix.
S’il me fallait résumer en peu de mot les bienfaits reçus à l’école, je pourrais les regrouper sous trois aspects principaux :
- Une tête bien faite, avec une culture littéraire fondée sur les grands classiques français, éclairée par une histoire de France et du monde non falsifiée, et enracinée dans la philosophie de Saint Thomas d’Aquin.
- La fréquentation habituelle des sacrements de confession et de l’Eucharistie, nourriture indispensable de l’âme chrétienne, et tout spécialement de l’adolescent, dans son ascension vers la sainteté.
- Le sens de l’éternité, c’est-à-dire la conscience profonde que le but essentiel de notre vie est la vision de la Sainte Trinité et, qu’en nous, tout doit tendre vers ce but ultime. Ce sens de l’éternité communique à l’âme sa maturité et le sens des responsabilités, si nécessaire à notre jeunesse d’aujourd’hui.
Chez les Sœurs franciscaines Conceptionnistes, où a eu lieu l’apparition de Notre-Dame du Bon Succès
Comment faire pour aider le district d’Amérique du Sud de la FSSPX ?
Vous pouvez faire parvenir vos DONS de plusieurs manières :
- PAR PAYPAL : En vous rendant sur la page principale du site
www.fsspx-sudamerica.org, vous pourrez réaliser votre don en ligne.
- PAR CHÈQUE (FRANCE) : par chèque bancaire ou postal libellé à l’ordre de
« FSPX – Amérique du Sud », envoyé à l’adresse suivante (reçu fiscal sur demande) : Association FSPX-Amérique du Sud, 36 rue Mirabeau, 59370 Mons-en-Baroeul.
- PAR VIREMENT BANCAIRE : vous pouvez réaliser un virement bancaire international vers notre compte, en utilisant les informations suivantes :
FSPX AMERIQUE DU SUD
IBAN : FR92 3000 2083 2800 0046 6257 D23
BIC : CRLYFRPP
Vous pouvez également nous faire parvenir des MESSES de la même manière. Pour la France, les chèques sont à libeller à l’ordre de « FSPX – Messe – Amérique du Sud ».
Source : La Porte Latine du 14 août 2019