La plus grave des pénuries

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On parle beau­coup en ce moment de la pénu­rie d’eau en cer­taines régions fran­çaises. Toutes sont tou­chées par un manque encore plus grave : la dimi­nu­tion accé­lé­rée du nombre de prêtres.

A l’occasion de la fête de Saint Pierre et Saint Paul, le 29 juin, un jour où tra­di­tion­nel­le­ment l’on confère l’ordination sacer­do­tale, Le Figaro s’est pen­ché sur la démo­gra­phie du cler­gé français.

Quelques chiffres donc pour la France.

Chiffre annuel moyen des ordi­na­tions sacerdotales :

  • de 1999 à 2009 : 110.
  • Depuis 2010 : 89

A titre d’exemple, 3 prêtres ont été ordon­nés à Paris pour un dio­cèse de 2,2 mil­lions d’habitants (avec beau­coup d’étudiants) et 481 prêtres en acti­vi­té dans le dio­cèse selon le Guide 2018 de l’Eglise de France.

Prêtres âgés de moins de 75 ans (qui est l’âge de la retraite pour le clergé) :

  • 7000 aujourd’hui
  • Dont 2000 d’origine étran­gère, essen­tiel­le­ment afri­cains ou asiatiques.
  • Projection pour 2024 : 4300 prêtres.

Deux phé­no­mènes sont soulignés :

  • Le dyna­misme des com­mu­nau­tés traditionnelles ;
  • « Le départ de jeunes prêtres de moins de cinq ans d’ordination, qui n’est plus d’ordre excep­tion­nel comme il y a une ving­taine d’années », selon un connais­seur du dos­sier cité par Le Figaro.

Interrogé par le jour­nal, le Père Jean-​Luc Garin, secré­taire du Conseil natio­nal pour les grands sémi­naires, donne l’une des causes de la fer­me­ture d’un sémi­naire autre­fois impor­tant comme celui de Lille : la perte par l’Eglise des milieux popu­laires. « Le sémi­naire [de Lille] cou­vrait en effet tout le nord de la France, mais aus­si la Champagne-​Ardenne. A ce titre, nous rece­vions des voca­tions de milieux urbains, mais aus­si de milieux popu­laires ou de milieux agri­coles. Ces milieux les plus simples, nous les avons perdus ».

La carte des ordi­na­tions don­née par Le Figaro montre d’ailleurs que le dio­cèse qui doit ordon­ner le plus de prêtres en 2019 est celui de Versailles (9 ordi­na­tions) : même si ce dio­cèse recouvre des zones popu­laires, c’est tout de même un signe de cette perte de contact avec les milieux les plus simples que l’Eglise rêvait de tou­cher avec les réformes issues de Vatican II.

Mais comme l’a mon­tré l’universitaire Guillaume Cuchet (Comment notre monde a ces­sé d’être chré­tien), ces réformes furent un désastre, non pas seule­ment au niveau théo­lo­gique qu’il n’aborde pas (recon­nais­sons que c’est pour­tant le plus grave), mais encore (et cela compte aus­si) au niveau psy­cho­lo­gique et social, en détrui­sant dans les esprits l’obligation de la messe domi­ni­cale et de la confes­sion, en pri­vant les fidèles de rites aux­quels ils étaient atta­chés et qui les rac­cor­daient tant bien que mal à la pra­tique reli­gieuse (les com­mu­nions solen­nelles par exemple), en aban­don­nant la pré­di­ca­tion des « véri­tés ter­ribles » de notre reli­gion (les fins der­nières), pour­tant sus­cep­tibles d’éclairer les âmes moins bien disposées.

Comme le dit une vieille bre­tonne citée par Guillaume Cuchet, avec ces réformes, « ils ont gou­dron­né le che­min du ciel », et ceci pour atti­rer les masses. Hélas, loin de suivre, elles ont fui. L’enfer est pavé de bonnes intentions !

Sources : Le Figaro du same­di 29 – dimanche 30 juin 2019 /​La Porte Latine du 25 juillet 2019