Lettre n° 47 de Mgr Bernard Fellay aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX d’octobre 1994

Chers Amis et Bienfaiteurs,

aint Pie X au début du XX” siècle, ouvrant son glo­rieux pon­ti­fi­cat, a ce ter­rible constat :

« Nous éprou­vons une sorte de ter­reur à consi­dé­rer les condi­tions funestes de l’hu­ma­ni­té à l’heure pré­sente. Peut-​on igno­rer la mala­die si pro­fonde et si grave qui tra­vaille en ce moment bien plus que par le pas­sé, la socié­té humaine, et qui s’ag­gra­vant de jour en jour et la ron­geant jus­qu’aux moelles, l’en­traîne à sa ruine ? Cette mala­die, véné­rables frères, vous la connais­sez, c’est à l’é­gard de Dieu, l’a­ban­don et l’a­po­sta­sie. Qui pèse ces choses a droit de craindre qu’une telle per­ver­sion des esprits ne soit le com­men­ce­ment des maux annon­cés pour la fin des temps, comme leur prise de contact avec la terre, et que véri­ta­ble­ment le fils de per­di­tion dont parle l’Apôtre n’ait déjà fait son avè­ne­ment par­mi nous » (E Supremi apos­to­la­tus, 4 oct. 1903).

Cet ath­lète de la foi jetait ces aver­tis­se­ments si graves en contem­plant une situa­tion de l’hu­ma­ni­té qu’il nous fau­drait qua­li­fier de bénigne lors­qu’on la com­pare à la situa­tion pré­sente. Les maux dénon­cés et com­bat­tus ont depuis pro­gres­sé effroya­ble­ment. Les châ­ti­ments et les aver­tis­se­ments du ciel qui entre-​temps ont reten­ti et se sont exé­cu­tés n’ont comme ser­vi à rien pour un monde en folie, obs­ti­né à vou­loir rebâ­tir la tour de Babel : un monde où l’on pose pour prin­cipe l’ab­sence de Dieu.

Déjà en 1904, saint Pie X le disait : « … grande est l’au­dace, grande est la rage avec les­quelles on se rue par­tout à l’at­taque de la reli­gion, on bat en brèche les dogmes de la foi, on tend d’un effort obs­ti­né à anéan­tir tout rap­port de l’homme avec la Divinité ».
Comment ne pas voir dans cette atti­tude, pré­lude d’ef­froyables châ­ti­ments, la cause des maux qui se sont abat­tus sur le monde contem­po­rain et qu’on s’obs­tine sui­ci­dai­re­ment à voi­ler et à ne pas voir, enivré par les noms ron­flants de paix, jus­tice, sécu­ri­té que l’on fait reten­tir d’au­tant plus fort que leur absence se fait davan­tage res­sen­tir. Voici quelques-​unes de ces fla­grantes contra­dic­tions où conduisent le natu­ra­lisme, le libé­ra­lisme tyran­nique : on pré­tend com­battre la drogue en la dis­tri­buant ; pré­tex­tant du com­bat d’une mala­die dans laquelle il ne faut pas hési­ter à voir la main de Dieu, une puni­tion pour les péchés, on pro­page le péché dans les masses sous le prude nom de pré­ser­va­tif, on cor­rompt en grand toute la socié­té en pro­pa­geant des péchés dont il vaut mieux taire les noms. On émet des lois dan­ge­reu­se­ment tyran­ni­santes pour com­battre la « dis­cri­mi­na­tion » qui pro­vient d’un déchaî­ne­ment des pas­sions alors qu’on refuse par prin­cipe, au nom de la liber­té, d’é­du­quer les pas­sions de l’homme et que l’on a en hor­reur le nom même de ver­tu ; les moyens d’in­for­ma­tion sur­dé­ve­lop­pés aujourd’­hui, mer­veilles de la tech­nique, servent de redou­tables ins­tru­ments de défor­ma­tion ; par de grands efforts média­tiques et poli­tiques, les mêmes per­sonnes qui se pro­posent d’é­ta­blir une paix mon­diale et orga­nisent des confé­rences sur la sécu­ri­té approuvent et décrètent le plus grand des géno­cides jamais vus dans l’his­toire : chaque année, 50 à 60 mil­lions (selon les chiffres offi­ciels) d’in­no­cents sont pri­vés du droit même de vivre dans le sein de leur mère par ceux-​mêmes qui font pro­fes­sion de sau­ver les vies (mul­ti­plions le chiffre par 10 ou par 20 pour tota­li­ser les der­nières années..) ; au vu de ces faits dont la liste pour­rait être indé­fi­ni­ment allon­gée, nous adhé­rons plei­ne­ment à ce juge­ment du car­di­nal Pie : « le natu­ra­lisme est pour les par­ti­cu­liers la route cer­taine vers l’en­fer » (IIIe ins­truc­tion synodale).

A la vue de cette tra­gé­die du monde contem­po­rain, que fait l’Église ? Elle pousse un timide cri d’a­larme en même temps qu’elle se lance dans la plus incom­pré­hen­sible com­pro­mis­sion : faire siens les prin­cipes (du libé­ra­lisme) qui sont la cause des mal­heurs du monde actuel… Ainsi se désa­grègent des pans entiers de l’Eglise au rythme même de la des­truc­tion de la société…

*
* *

Au milieu de tous ces mal­heurs, jetons un regard sur une œuvre dont la jeune his­toire fait dire déjà : « il y a là le doigt de Dieu ».

Comment expli­quer autre­ment la nais­sance et la crois­sance admi­rable de la Fraternité Saint-​Pie X ? Au moment où les sémi­naires se vident, les nôtres se rem­plissent, où les prêtres défroquent, ou au moins perdent leur habit, la sou­tane réap­pa­raît ; au moment où l’i­dée et l’i­den­ti­té du sacer­doce s’es­tompent tra­gi­que­ment, une nou­velle géné­ra­tion de prêtres se lève et se répand sur « toute la terre ». Les chiffres, bien que ceux-​ci ne soient que d’une impor­tance toute rela­tive, sont élo­quents : fon­dée de rien par Mgr Lefebvre en 1970, elle compte en 1982 100 prêtres, 21 frères, 21 sœurs oblates, 180 sémi­na­ristes répar­tis dans 4 sémi­naires ; les prêtres exercent leur minis­tère dans 12 pays : 25 prieu­rés, 5 écoles, 2 mai­sons de retraite ; en 1994, douze ans plus tard : 310 prêtres, 48 frères, 50 oblates, 215 sémi­na­ristes répar­tis dans 6 sémi­naires. L’apostolat s’est éten­du à 24 pays (sans comp­ter les pays visi­tés régu­liè­re­ment) : 83 prieu­rés dont 44 avec une école, 8 mai­sons de retraite, 15 écoles secondaires.
Si l’on consi­dère tous les genres d’op­po­si­tions qui se sont levés contre cette œuvre, en par­ti­cu­lier un zèle tout à fait éton­nant de la part d’une hié­rar­chie qui hélas n’en montre en géné­ral que bien peu lors­qu’il s’a­git du salut de ses ouailles, cette œuvre relève du prodige.

Mais notre conso­la­tion et notre action de grâce, nous les trou­vons dans un autre miracle, miracle de la grâce qui coule abon­dam­ment du Saint Sacrifice de la Messe, cœur de l’Eglise et cœur de notre œuvre, miracle dont nous sommes les témoins tous les jours.

Ce n’est pas seule­ment une œuvre sacer­do­tale qui se déve­loppe en des cir­cons­tances dif­fi­ciles, c’est toute une petite chré­tien­té qui prend forme, nour­rie, sou­te­nue à la source de grâces qu’est le saint Sacrifice de la Messe. Ce que Mgr Lefebvre décri­vait dans son ser­mon de jubi­lé sacer­do­tal se réa­lise sous nos yeux : « là où la sainte Messe est célé­brée se bâtissent les églises, appa­raissent les familles chré­tiennes, bien­tôt l’é­cole régie par les prin­cipes catho­liques » ; déjà ici et là des œuvres cari­ta­tives pour le sou­la­ge­ment de la souf­france, pour le sou­tien des per­sonnes âgées sur­gissent et se déve­loppent : voi­là la meilleure preuve que l’Eglise pos­sède les réponses tout à fait adap­tées aux pro­blèmes de notre époque : elle n’est pas du tout dépas­sée, ni en ce qui concerne la famille, la jeu­nesse, ni en ce qui concerne la société.

Sa foi, sa cha­ri­té, sa morale exi­geante sont des prin­cipes immuables qui trans­cendent le temps et les cir­cons­tances dans les­quels se déroule la vie humaine.

Toujours valables, ils res­tent les seuls garants du vrai bon­heur que l’on ne peut trou­ver qu’en trou­vant Dieu, pos­sé­der qu’en pos­sé­dant Dieu dans le Christ Jésus.

*
* *

Cependant chers amis, le mer­veilleux épa­nouis­se­ment de cette œuvre de la tra­di­tion catho­lique qui dans les faits et dans ses fruits montre bien qu’elle est une œuvre de l’Eglise catho­lique romaine, ne doit pas nous faire oublier la situa­tion de plus en plus dra­ma­tique dans laquelle nous vivons.

Dormir, c’est mourir !

Les aver­tis­se­ments de Notre-​Dame à Fatima sont tou­jours actuels :

« Priez, priez beau­coup et faites des sacri­fices pour les pécheurs, parce que beau­coup d’âmes vont en enfer, parce qu’il n’y a per­sonne qui prie et se sacri­fie pour eux » (15 août 1917).

Ne nous lais­sons pas abattre par la situa­tion très pré­oc­cu­pante du monde et de l’Eglise. Certes, si les agis­se­ments des hommes au début du siècle ont valu les châ­ti­ments de deux guerres mon­diales, nous ne pou­vons dou­ter que nous nous trou­vons en face d’é­vé­ne­ments encore plus ter­ribles, à pro­por­tion des offenses faites contre Dieu, contre Notre-​Seigneur Jésus-​Christ. Mais qui sait si le Cœur misé­ri­cor­dieux de Jésus, si le Cœur dou­lou­reux et imma­cu­lé de Marie ne se lais­se­ront tou­cher par une véri­table croi­sade de Messes, de rosaires, de péni­tences, comme à d’autres heures par­mi les plus sombres de l’his­toire de l’Eglise (l) ?
Il nous faut avec beau­coup de géné­ro­si­té vivre d’une manière conforme à notre foi, à tout prix : dans la prière et la péni­tence, avant tout dans un grand esprit de foi et dans l’ac­com­plis­se­ment fidèle du devoir d’é­tat (2). Allons à l’es­sen­tiel, à Jésus par Marie, au Cœur sacré de notre Roi et Seigneur Jésus-Christ
par la dévo­tion au Cœur Immaculé de Marie. La vic­toire est ici assu­rée pour qui aura été trou­vé fidèle, fidèle en tout, fidèle jus­qu’au bout.

Voici la vic­toire qui vainc le monde, notre foi. (Jn 5, 4)
A la fin mon Cœur Immaculé triomphera.

Menzingen, le 13 octobre 1994
Jour anni­ver­saire de la der­nière appa­ri­tion à Fatima

+ Bernard Fellay
Supérieur général

Page pré­cé­dente Page sui­vante

FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.