L’Eglise est-​elle compétente pour légiférer sur le mariage ?

Cet article fait suite à celui publié ici : Quel est le but du mariage ?

Suite à la faute ori­gi­nelle, notre nature est bles­sée : l’intelligence est affec­tée d’ignorance, la volon­té de malice, la sen­si­bi­li­té de fai­blesse et de concu­pis­cence (6). La loi natu­relle et divine demeure connais­sable mais dif­fi­ci­le­ment, par peu d’hommes, après un long temps et mêlée de nom­breuses erreurs (7).

Pour remé­dier à ce défaut, Dieu rap­pel­le­ra les dix com­man­de­ments dans l’Ancien Testament (Ex 20, 1–17), le Christ conti­nue­ra à nous éclai­rer sur le bien à faire et le mal à évi­ter (Mt 5, 27–32 ; 19, 3–9 par exemple). Enfin, Le Seigneur Jésus ins­ti­tue­ra l’Église fon­dée sur Pierre et ses suc­ces­seurs pour rap­pe­ler, pour expli­ci­ter, pour pré­ci­ser aux hommes de tous les siècles les exi­gences de la loi divine.

Admettre que le Souverain Pontife, vicaire de Jésus-​Christ, puisse se trom­per en ces matières de foi (véri­té à croire) et de morale (véri­té à faire), même de morale natu­relle (8), ce serait admettre que les forces de l’Enfer auraient pré­va­lu contre la pro­messe divine (Mt 16, 18), ce serait dou­ter de l’ordre divin : « Qui vous écoute, m’écoute ; qui vous méprise, me méprise » (Lc 10, 16). En 1870, le concile Vatican I se fai­sait l’écho de cet ordre divin (9).

Or, le cas du mariage et de ses lois entre dans ces limites, comme le sug­gère Pie XI dans l’encyclique Casti Connubii du 31 décembre 1931 : « C’est, en effet, Notre Seigneur lui-​même qui a éta­bli l’Église maî­tresse de véri­té, même en ce qui regarde la conduite et l’ordre des mœurs, bien qu’en cette matière beau­coup de choses ne soient pas par elles-​mêmes, inac­ces­sibles à la rai­son humaine. Car si, pour les véri­tés natu­relles de la reli­gion et des mœurs, Dieu a joint la révé­la­tion à la lumière de la rai­son, afin que même dans la condi­tion pré­sente du genre humain tous puissent connaître aisé­ment, avec une cer­ti­tude ferme et sans mélange d’erreur ce qui est juste et vrai, il a pareille­ment éta­bli, dans le même but, l’Église comme gar­dienne et maî­tresse de toute véri­té, tant de la reli­gion que des mœurs. Que les fidèles lui obéissent donc, pour pré­mu­nir leur intel­li­gence contre l’erreur et les mœurs contre la cor­rup­tion, et qu’ils lui sou­mettent leur esprit et leur âme. »

Objections

« Je me suis marié à l’Église. Que le pape me laisse faire main­te­nant ce que je veux. » – L’erreur est aisée à décou­vrir : on peut acqué­rir hon­nê­te­ment un droit et mal en user. On peut, par exemple, gagner hon­nê­te­ment sa vie et mal uti­li­ser l’argent gagné en se livrant à la débauche, à l’ivresse, à la pas­sion du jeu, etc…. Au mariage conclu devant Dieu devra suc­cé­der le mariage vécu devant Dieu.

« L’Église ne peut pas dire autre chose qu’elle ne dit, mais quant à moi je n’en tiens aucun compte. Qu’on me laisse en paix. » – Que l’Église fasse son devoir en rap­pe­lant la loi divine c’est sa mis­sion, mais elle le fait pour illu­mi­ner les intel­li­gences obs­cur­cies et encou­ra­ger les volon­tés affai­blies. Celui qui rai­sonne ain­si aggrave son péché : il connaît le bien, mais il per­siste à faire le mal, comme si l’Église ne s’adressait pas aus­si à lui.

Source : Abbé François Knittel, Cahiers Saint Raphaël n°86 (ACIM)

Notes

(6). « La loi ancienne a été don­née pour 4 motifs cor­res­pon­dants aux 4 consé­quences du péché énu­mé­rées par Bède le Vénérable, savoir, à cause de la malice, de la fai­blesse, de la concu­pis­cence et de l’ignorance. » (Ad Gal., c.3, lect.7) « Toutes les facul­tés de l’âme demeurent en quelque manière des­ti­tuées de leur ordre res­pec­tif qui les porte natu­rel­le­ment à la ver­tu. Et on peut consi­dé­rer cette des­ti­tu­tion même comme une bles­sure infli­gée à la nature. Mais il y a dans l’âme quatre puis­sances qui peuvent être le siège des ver­tus, savoir : la rai­son où réside la pru­dence, la volon­té où réside la jus­tice, l’irascible où se loge la force, le concu­pis­cible où est la tem­pé­rance. Par consé­quent, en tant que la rai­son est frus­trée de son adap­ta­tion au vrai, il y a bles­sure d’ignorance ; en tant que la volon­té est frus­trée de son adap­ta­tion au bien, il y a bles­sure de malice ; en tant qu’on a l’irascible frus­tré de son adap­ta­tion à ce qui est ardu, on a une bles­sure de fai­blesse ; en tant qu’on a le concu­pis­cible frus­tré de son adap­ta­tion à des plai­sirs modé­rés par la rai­son, on a une bles­sure de concu­pis­cence. » (I‑II, 85, 3c)

(7). « C’est bien grâce à cette révé­la­tion divine que tous les hommes doivent de pou­voir, dans la condi­tion pré­sente du genre humain, connaître faci­le­ment, avec une ferme cer­ti­tude et sans aucun mélange d’erreur, ce qui dans les choses divines n’est pas de soi inac­ces­sible à la rai­son. » (Vatican I, Constitution Dei Filius, chap. 2 ; D.S. 3005) « La véri­té sur Dieu acces­sible à la rai­son par­vient à peu d’hommes, après un long temps et mêlée de nom­breuses erreurs. » (I, I, 1 c)

(8). « Contre les erreurs de ce genre, il faut tenir ouver­te­ment et fer­me­ment que la puis­sance de l’Église n’est pas limi­tée ‘aux choses stric­te­ment reli­gieuses’ comme on dit, mais que toute la matière de la loi natu­relle, ses prin­cipes, son inter­pré­ta­tion, pour autant qu’il s’agit de son aspect moral, relèvent de son pou­voir. Suivant l’ordonnance divine, il y a en effet une rela­tion entre l’observation de la loi natu­relle et le che­min que l’homme doit suivre pour atteindre sa fin sur­na­tu­relle. Or, sur la route qui mène à la fin sur­na­tu­relle, l’Église est guide et gar­dienne des hommes. » (Pie XII, Allocution aux car­di­naux et évêques, 2 novembre 1954) « On doit rece­voir aus­si dans une humble sou­mis­sion d’esprit les ensei­gne­ments ayant trait aux ques­tions de l’ordre natu­rel et humain ; car il y a là aus­si, pour ceux qui font pro­fes­sion de foi catho­lique et – c’est évident – sur­tout les théo­lo­giens et les phi­lo­sophes, des véri­tés qu’ils doivent esti­mer gran­de­ment, lorsque, du moins, ces élé­ments d’un ordre infé­rieur sont pro­po­sés comme connexes et unis aux véri­tés de la foi chré­tienne et à la fin sur­na­tu­relle de l’homme. » (Pie XII, Allocution aux pro­fes­seurs et élèves de l’Angelicum, 14 jan­vier 1958)

(9). « Le Pontife romain, lorsqu’il parle ex cathe­dra, c’est-à-dire lorsque, rem­plis­sant sa charge de pas­teur et de doc­teur de tous les chré­tiens, il défi­nit, en ver­tu de sa suprême auto­ri­té apos­to­lique, qu’une doc­trine sur la foi et les mœurs doit être tenue par toute l’Église, jouit, par l’assistance à lui pro­mise en la per­sonne de saint Pierre, de cette infailli­bi­li­té dont le divin Rédempteur a vou­lu que fût pour­vue son Église, lorsqu’elle défi­nit la doc­trine sur la foi et les mœurs. » (Vatican I, Constitution Pastor Ǽternus, chap. 4 ; D.S. 3074)