Les précieux Exercices de saint Ignace, que notre Fondateur recommandait vivement, ont pour objet de « se vaincre soi-même et régler sa vie », ainsi que le proclame leur titre.
Leur cour se situe ainsi à la fin de la deuxième Semaine, là où saint Ignace parle de « l’élection », c’est-à-dire, dans son vocabulaire, d’un choix à opérer. On peut faire élection sur de très nombreux sujets. Comme le dit Ignace, on peut faire élection à propos de « choses variables, comme sont les biens temporels ». Il est donc tout à fait licite, parfaitement raisonnable, et ordinairement utile, de faire élection sur un logement, un emploi, une formation, etc.
Mais évidemment, bien plus décisive sera l’élection sur ce que l’auteur des Exercices appelle les « choses invariables, comme sont le sacerdoce, le mariage, etc. ». Car il s’agit alors d’un engagement durable, soit absolument définitif (le sacerdoce), soit au moins jusqu’à la mort du conjoint (le mariage). Ces « choses invariables » dont parle saint Ignace, c’est ce que l’on nomme les divers « états de vie ».
Entrer dans un certain état de vie, c’est choisir le milieu, les modes, les moyens, les possibilités, les charges, les dangers, qui vont constituer désormais la trame de mon existence et déterminer la façon concrète dont je vais pouvoir opérer mon salut éternel et, autant que possible, atteindre la mesure de bonheur terrestre que le bon Dieu m’a préparée pour ce monde. On peut dire en résumé, et globalement, que les états de vie sont au nombre de quatre : le célibat, le mariage, la vocation sacerdotale, la vocation religieuse.
Le célibat est un état que les hommes connaissent forcément au cours de leur vie, au minimum jusqu’à un éventuel mariage. Il regroupe en permanence de très nombreuses personnes : les jeunes avant l’âge du mariage, les personnes en âge de se marier ne l’ayant pas fait. Ce célibat non consacré est en soi un état tout à fait honnête et digne. Les historiens et sociologues nous signalent d’ailleurs que, dans la société chrétienne, un tiers des personnes « mariables » restaient célibataires.
Le mariage est appelé la « voie commune », non qu’il soit obligatoire, mais parce que, sous l’impulsion de la nature, c’est l’état que beaucoup, voire la majorité, choisiront. Il s’agit d’un état institué par Dieu lui-même au commencement du monde, restauré par Notre Seigneur Jésus-Christ et surélevé par un sacrement. De plus, cet état remplit une fonction très noble, celle de préparer des élus pour le Ciel par la procréation.
Quant à la vocation sacerdotale ou religieuse, il s’agit d’un appel divin spécifique, hors de la « voie commune », pour un service de Dieu plus élevé. Mais s’il existe une « vocation » en ce sens bien précis que nous venons de dire, il convient de rappeler que chaque homme est l’objet, de la part de la Providence, d’une vocation au sens large, c’est-à-dire d’une voie où le Seigneur lui a préparé des grâces et des secours spécifiques. C’est d’abord sur cette vocation au sens large que nous devons demander à Dieu ses lumières, afin de faire sagement le choix fondamental qui convient, et ainsi atteindre le degré de sainteté que Dieu veut pour nous.
Et là, il nous faut reprendre le début des Exercices : car s’il s’agit, aux yeux de leur auteur, de « régler sa vie » (donc, principalement, de choisir un état de vie), il convient de le faire « sans aucune affection désordonnée » ou, comme il le dit, « de chercher et de trouver la volonté de Dieu dans le règlement de sa vie, en vue de son salut ».
Tout chrétien, au moment où se pose la question d’un état de vie (principalement à la fin de l’adolescence, mais aussi à d’autres moments, comme pour le veuf qui envisage de se remarier), doit donc examiner les choses sous le regard de Dieu, en recourant à la prière, à la méditation, aux sages conseils, de façon à « se sauver et trouver Dieu » dans l’état de vie qu’il aura choisi.
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France
Source : Fideliter n° 181